[manuscrit de paris. — publié sous la direction de la société littéraire et historique de québec.]

HISTOIRE DU MONTRÉAL.[1]

1640-1672.



à messieurs les infirmes du séminaire de st. sulpice.[2]


Je vous envoie, messieurs, cette relation afin qu’elle vous serve d’un vaisseau fort commode pour venir au Montréal sans que vous ayez besoin pour cela de remèdes pour disposer vos corps aux rigueurs du voyage. Si vous êtes incommodés d’un mal de mer importun, ne craignez pas les soulliers en ce trajet car le branlement de ce navire n’augmentera aucunement vos douleurs : si vous avez l’estomac faible et que vous appréhendiez par trop les maux de cœur que cause ordinairement une mer agitée, fiez-vous sur ma parole, tournez hardiment ce feuillet et vous embarquez sans crainte ; car je vous promets que cette traversée vous sera si douce qu’à peine vous vous en apercevrez. Si vous avez peur de ces mouches que nous appelons maringouins qui donnent tant d’exercice aux habitants de ce pays, assurez-vous que je les banirai si bien de ce livre que vous n’y en trouverez pas un ; si la faiblesse de vos yeux vous fait craindre nos neiges, je m’offre pour garant de vos vues, pourvu que vous ne vous serviez pas d’autre navire afin d’y venir. Si vous appréhendez la dépense que pourrait causer cette entreprise, afin de la modérer et d’épargner votre bourse, je vous offre le passage gratis, pourvu que vous vouliez m’accorder quelques heures de ce temps que messieurs vos médecins ou apothicaires ne vous permettent pas de donner à des emplois plus utiles ; que si vous me dites ? tout cela est bon, mais nous voudrions approcher autrement de notre beau fleuve pour admirer plus agréablement la beauté de son cours, je vous répondrais que si quelques-uns d’entre vous sont dans ces sentiments, j’en ai trop de joie pour m’y opposer, qu’ils viennent à la bonne heure comme il leur plaira goûter la belle eau de nos rapides et apprendre par leur propre expérience que la Seine lui doit céder son nom puisque celle-ci est mille fois plus avantageuse pour la santé du corps.

  1. Manuscrit de Paris sans nom d’auteur, dont copie apportée à Montréal en novembre 1845, par l’hon. L. Jos. Papineau et faite aux frais et pour la province du Canada. Ouvrage attribué à M. François Dollier de Casson, prêtre de St. Sulpice de Paris, et troisième supérieur de Montréal.
  2. Ce mémoire est assurément de M. Dollier, quoiqu’il n’en porte pas le nom, la note sur le voyage de 1669 justifie ce fait. Je n’ai pas revu ce mémoire tout de mes propres yeux, mais il m’a été relu par le copiste, pendant que je tenais l’original en mains. Comme cela s’est fait la nuit, quelques erreurs seront peut-être restées, toutefois je puis dire que la copie sera plus lisible quoiqu’il y ait, plus claire, mieux orthographiée que l’œuvre de M. Dollier, souvent indéchiffrable. — août 20, 4h du matin.