Histoire du Canada (Garneau)/Tome II/Livre VI/Chapitre I

Imprimerie N. Aubin (IIp. 161-188).

LIVRE VI.


CHAPITRE I.




ÉTABLISSEMENT DE LA LOUISIANE.



1683–1712.

De la Louisiane. — Louis XIV met plusieurs vaisseaux à la disposition de la Salle pour aller y fonder un établissement. — Départ de ce voyageur ; ses difficultés avec le commandant de la flotille, M. de Beaujeu. — L’on passe devant les bouches du Mississipi sans les apercevoir et l’on parvient jusqu’à la baie de Matagorda (ou St.-Bernard) dans le pays que l’on nomme aujourd’hui le Texas. — La Salle y débarque sa colonie et y bâtit le fort St.-Louis. — Conséquences désastreuses de ses divisions avec M. de Beaujeu, qui s’en retourne en Europe. — La Salle entreprend plusieurs expéditions inutiles pour trouver le Mississipi. — Grand nombre de ses compagnons y périssent. — Il part avec une partie, de ceux qui lui restent pour les Illinois, afin de faire demander des secours en France. — Il est assassiné. — Sanglans démêlés entre ses meurtriers ; horreur profonde que ces scènes causent aux Sauvages. — Joutel et six de ses compagnons parviennent aux Illinois. — Les colons laissés au Texas sont surpris par les Indigènes, et tués ou emmenés en captivité. — Guerre de 1689 et paix de Riswick. — D’Iberville reprend l’entreprise de la Salle en 1698, et porte une première colonie canadienne à la Louisiane l’année suivante ; établissement de Biloxi (1698). — Apparition des Anglais dans le Mississipi. — Les Huguenots demandent à s’y établir et sont refusés. — Services rendus par eux à l’Union américaine. — M. de Sauvole lieutenant gouverneur. — Sages recommandations du fondateur de la Louisiane touchant le commerce de cette contrée. — Mines d’or et d’argent, illusions dont on se berce à ce sujet. — Transplantation des colons de Biloxi dans la baie de la Mobile (1701). M. de Bienville remplace M. de Sauvole. — La Mobile fait des progrès. — Mort de d’Iberville ; caractère et exploits de ce guerrier. — M. Diron d’Artaguette commissaire-ordonnateur (1708). — La colonie languit. — La Louisiane est cédée à M. Crozat en 1712, pour 16 ans.


L’on donnait autrefois le nom de Louisiane à tout le pays du golfe du Mexique, qui s’étend depuis la baie de la Mobile, à l’est, jusqu’aux sources des rivières qui tombent dans le Mississipi, à l’ouest, c’est-à-dire jusqu’au Nouveau-Mexique et à l’ancien royaume de Léon. Aujourd’hui ce vaste territoire est divisé en plusieurs États : le Texas à l’occident depuis le Rio Del Norte jusqu’à la Sabine ; la Louisiane proprement dite, au centre, depuis cette dernière rivière jusqu’à la rivière aux Perles ; et le Mississipi, à l’est, depuis la rivière aux Perles jusqu’à quelque distance à l’ouest de la baie de la Mobile, l’intervalle qui reste jusqu’à cette baie formant partie de l’Alabama. Au nord de ces États, il y a encore ceux de l’Arkansas, du Missouri, de l’Illinois, etc. À l’époque où nous sommes arrivés ces pays étaient inconnus. Ferdinand de Soto, Espagnol, ancien compagnon de Pizarre, n’avait fait que les traverser à l’intérieur en 1539-40 en courant après un nouveau Pérou. Parti de la baie du St.-Esprit dans la Floride avec plus de 1000 hommes de troupes, il s’éleva au nord jusqu’aux Appalaches ; de là se tournant vers le couchant, il suivit quelque temps le pied de ces montagnes pour se rabattre vers le sud, où il vint traverser la rivière Tombeckbé près de son confluent avec celle d’Alabama ; il se dirigea ensuite vers le nord-ouest, et alla passer le Mississipi au-dessus de la rivière des Arkansas, se tourna encore au sud et franchit la rivière Rouge qui fut le terme de sa course, et sur les bords de laquelle il mourut en 1542, sans avoir trouvé l’objet de son ambition. Moscosa, son lieutenant, le remplaça et marcha vers l’occident dans l’intention d’atteindre le Mexique ; mais arrêté par les montagnes, il revint sur ses pas, et descendit vers la mer pour se rembarquer, n’ayant plus que 350 hommes avec lui[1]. De cette expédition il n’était resté que de vagues souvenirs, de même que des rares voyages entrepris par les Espagnols sur les côtes septentrionales du golfe.

Nous avons vu l’accueil gracieux que la Salle avait reçu de Louis XIV, lors de son retour de (1683) la découverte de l’embouchure du Mississipi. Il proposa à ce monarque d’unir au Canada la vallée qu’arrose ce grand fleuve, et d’assurer ainsi à la France la souveraineté des pays intérieurs situés entre la mer du Nord et le golfe du Mexique. Ce projet vaste et superbe fut bien accueilli du monarque, qui aimait tout ce qui porte un caractère de noblesse ou de grandeur, et il fut chargé de l’exécuter en colonisant la Louisiane.

Quatre vaisseaux furent mis à sa disposition : le Joly de 36 canons, la Belle de 6 canons, l’Aimable, flute de 300 tonneaux et une caïche. Il s’y embarqua 280 personnes y compris les équipages, savoir, une centaine de soldats, des artisans, des volontaires, parmi lesquels on comptait plusieurs Canadiens et gentilshommes, et huit missionnaires. Cette petite escadre, commandée par M. de Beaujeu, homme vaniteux et jaloux, mit à la voile de la Rochelle le 24 juillet 1684. À peine fut-elle en mer que la mésintelligence se mit entre les deux chefs, et dégénéra en une haine invétérée qui eut les conséquences les plus désastreuses. Le premier effet en fut la perte de la caïche enlevée par les Espagnols sous l’île de St.-Domingue. Trompé ensuite par la direction des courans du golfe du Mexique, et par des observations faites avec des instrumens astronomiques inexacts, l’on se crut à l’est tandis que l’on était déjà à l’ouest de la principale branche du Mississipi (Sparks). Les terres, dépourvues d’arbres et plus basses même que ce fleuve, qui n’est retenu dans son lit que par des attérissemens ou digues naturelles insuffisantes pour empêcher encore aujourd’hui d’immenses débordemens d’avoir lieu dans les grandes eaux, ne présentaient au bord de la mer aucune marque distinctive aux Français pour les guider. Ils passèrent devant les bouches du fleuve sans les reconnaître. Quelques jours après cependant, la Salle, sur les indices des Sauvages de la côte, soupçonnant quelqu’erreur, voulut retourner sur ses pas ; mais M. de Beaujeu s’y refusa obstinément, ne pouvant se faire à l’idée d’être commandé par un homme qui n’était pas militaire, et que la cour avait mis au dessus de lui malgré ses représentations[2].

L’on continua donc à marcher vers l’ouest, et l’on parvint ainsi le 14 février (1685), sans savoir où l’on était, dans la baie de St.-Bernard, aujourd’hui de Matagorda, dans le Texas, à environ 120 lieues à l’ouest du fleuve que l’on cherchait. La Salle n’en découvrant aucune trace, prit la résolution désespérée de débarquer son monde dans cet endroit, et il donna en conséquence l’ordre au commandant de l’Aimable d’entrer dans la baie ; celui-ci, feignant d’obéir, se jeta exprès sur les rescifs[3], de manière que le navire et une partie de la cargaison furent perdus. Ce malheur était d’autant plus grand que le vaisseau portait les munitions de guerre et presque tous les outils et autres objets nécessaires pour commencer un établissement dans un pays inculte et sauvage. M. de Beaujeu, loin de punir le coupable, le reçut sur son bord pour le soustraire à la vengeance de la Salle. Cette entreprise, dans laquelle ce dernier avait éprouvé toutes sortes d’obstacles depuis l’opposition commencée par M. de la Barre, fut poursuivie jusqu’à la fin par une espèce de fatalité. M. de Beaujeu, trahissant son devoir et les intérêts de son pays pour de misérables motifs, refusa sous des prétextes frivoles à la Salle diverses choses pour remplacer celles qui avaient été perdues dans le naufrage ; et il abandonna à son sort, le 14 mars, la jeune colonie, composée d’environ 180 personnes, sur la plage inconnue où le hasard l’avait conduite.

Elle commença aussitôt à travailler à la culture et à se faire un fort pour se mettre à l’abri des attaques des Indiens. Lorsqu’il fut assez avancé, la Salle remonta la rivière aux Vaches sur laquelle il en fit commencer un second dans un endroit plus avantageux à deux lieues seulement de la baie, et lui donna le nom de St.-Louis, ayant toujours présent à la pensée celui du grand roi qui le protégeait. Placé sur une éminence, il commandait une vue superbe du côté de la campagne et du côté de la mer. Cependant à mesure que le temps avançait l’on s’y trouvait moins bien ; les grains semés périrent par la sécheresse, ou par les dégâts des bêtes sauvages, et la plupart des artisans qu’on avait emmenés ne sachant pas leurs métiers, les constructions marchaient fort lentement. Les nombreux contretemps qu’on avait déjà éprouvés avaient mécontenté ou découragé plusieurs colons ; des mutineries, suscitées par le turbulent Duhaut l’un d’eux, auraient déjà éclaté sans la prudence de Joutel, l’auteur de la meilleure relation de cette expédition malheureuse, que nous ayons. La maladie enleva encore les hommes les plus utiles. En peu de temps la situation de St.-Louis devint très critique ; les Indigènes prirent une attitude menaçante, et l’on n’apercevait aucun indice du fleuve sur lequel on était venu pour s’établir et que l’on aurait dû dès lors oublier. La Salle dissimulait ses chagrins et ses inquiétudes avec cette fermeté inébranlable que nous lui connaissons déjà, et le premier à l’œuvre, il donnait l’exemple du travail avec un visage calme et serein. Les ressources de son génie semblaient augmenter avec les obstacles ; malheureusement son naturel sévère devenait plus inflexible sous cette apparence de sérénité ; et dans le moment où ses gens s’épuisaient de fatigues, il punissait les moindres fautes avec une extrême rigueur. Il sortait rarement de sa bouche une parole de douceur et de consolation pour ceux qui souffraient avec le plus de patience. Une tristesse mortelle s’empara graduellement des colons. Devenus indifférens à tout, la maladie sembla avoir plus de prise sur eux, et une trentaine succombèrent à ce dégoût fatal de la vie. Le caractère de la Salle n’a que trop contribué à son infortune. Sa fierté dédaignait les moyens de persuasion. Un autre moins capable, moins juste même que lui, mais plus insinuant, eût réussi là où il échouait.

Le pays dans lequel il se trouva ainsi forcément jeté, partout plat et uni, possède un climat sain, mais chaud, un air pur, un ciel serein et il y pleut rarement. On n’y voit que des plaines à perte de vue, entrecoupées de rivières, de lacs et de bocages rians et champêtres. Le palmier y croît dans les forêts qu’habitent des espèces de léopards et de tigres. Les rivières étaient alors remplies de caïmans, sorte de crocodiles féroces qui avaient jusqu’à 20 pieds de long et qui en chassaient le poisson. Le serpent à sonnette était aussi à craindre sous l’herbe dans ces belles prairies émaillées de fleurs qui charmaient les regards des Français. Une multitude de peuplades indiennes erraient dans les forêts. Charlevoix appelle Clamcoëts les Sauvages qui occupaient le littoral de la mer. Les Cénis étaient plus reculés dans l’intérieur et allaient tous à cheval, se servant du mors et de l’étrier comme les Espagnols, auxquels ils avaient sans doute emprunté cette coutume.

La Salle songea à se mettre à la recherche du Mississipi. Il fit à cet effet une première excursion de quelques mois du côté du Colorado, dans laquelle il perdit plusieurs de ses gens, qui furent massacrés par les Sauvages, ou qui périrent dans le naufrage de la Belle, le seul bâtiment qui lui restât après le départ de M. de Beaujeu. Une seconde excursion qu’il poussa jusque chez le Cénis ne fut pas plus heureuse ; et sur 20 hommes qui l’avaient suivi, il n’en ramena que 8. Les maladies, les chagrins, les accidens faisaient en même temps d’affreux ravages parmi ses autres compagnons. La Salle se proposait d’envoyer chercher des secours dans les Îles, et de ranger ensuite le golfe du Mexique jusqu’à ce qu’il eût trouvé le Mississipi ; mais la perte de la Belle avait rompu tous ses plans : ses ressources s’épuisant de jour en jour, et étant éloigné de plus de 2000 milles de tout homme civilisé, il ne lui resta plus d’autre moyen que de faire demander des secours en France par la voie du Canada.

Il se décida à aller lui-même aux Illinois, ce qui aurait été une faute si sa présence n’eût pas été nécessaire en Canada pour faire taire ses opposans toujours prêts à déprécier ce qu’il faisait. Il partit le 12 janvier 1787 avec 17 hommes, laissant 20 personnes à St.-Louis, tant hommes que femmes et enfans ; de sorte qu’à cette époque le nombre des colons était donc déjà réduit de 180 à 37. Un Canadien, M. le Barbier, y fut laissé pour commandant, « Nous nous séparâmes les uns des autres, dit Joutel, d’une manière si tendre et si triste, qu’il semblait que nous avions tous le secret pressentiment que nous ne nous verrions jamais ».

La marche fut lente et pénible. Le 16 mars, on était encore sur l’un des affluens de la rivière de la Trinité, lorsqu’une sanglante tragédie vint mettre le comble aux malheurs qui avaient déjà frappé cette entreprise. Quelques hommes de l’expédition, à la tête desquels était Duhaut, s’étant isolés du reste, eurent un démêlé avec un neveu de la Salle nommé Moragnet ; aigris par leurs pertes, par leurs privations et par la hauteur de cet homme, ils résolurent de le tuer, et de faire la même chose à ses deux compagnons pour cacher leur forfait. Mais ils n’eurent pas plus tôt commis ce triple assassinat que, craignant la justice de la Salle, et entraînés d’ailleurs par la pente du crime, ils pensèrent que leur vengeance ne serait pas satisfaite tant que ce chef respirerait : sa mort fut donc aussi résolue. La Salle cependant ne voyant pas revenir son neveu, un soupçon de ce qui était arrivé traversa son esprit, et il demanda s’il n’avait pas eu quelque difficulté avec Duhaut. Il partit à l’instant pour aller à sa rencontre. Les conspirateurs l’ayant vu venir de loin, chargèrent leurs armes, traversèrent la rivière et se cachèrent dans les hautes herbes pour l’attendre. Ce dernier en approchant du lieu où ils étaient, aperçut deux aigles qui planaient dans l’air au-dessus de sa tête comme s’ils eussent vu quelque proie aux environs ; il tira un coup de fusil. Un des conjurés se montra aussitôt et la Salle marchant vers lui, lui demanda où était son neveu ; tandis que ce malheureux lui faisait une réponse vague, une balle frappa la Salle à la tête et l’étendit par terre mortellement blessé et sans parole. Le P. Anastase qui se trouvait à côté de lui, crut qu’on allait lui faire subir le même sort. La Salle vécut encore une heure après avoir été frappé, indiquant en serrant la main au P. Anastase agenouillé près de lui, qu’il comprenait les paroles que lui adressait le pieux missionnaire. Il fut enterré dans une fosse creusée sur la place où il avait été tué, au milieu du désert, par le bon père qui y planta une humble croix de bois. Ainsi finit celui que l’on peut appeler, peut-être, le premier fondateur du Texas. M. Sparks place le théâtre de ce drame sanglant sur les bords de l’un des tributaires de la rivière Brasos, d’autres le mettent dans le voisinage de la rivière de la Trinité.

Les meurtriers se saisirent de l’autorité, de l’argent et de tout ce qu’il y avait, et la caravane se remit en marche, les uns le cœur ulcéré de douleur, les autres de remords et d’inquiétude. La désunion ne tarda pas à se mettre parmi les assassins. Dans une querelle qu’ils eurent au sujet du partage des dépouilles, Duhaut et le chirurgien Liotot, les deux chefs de la conspiration, furent tués par leurs complices à coups de pistolet. Ces scènes épouvantables commises au milieu des vastes solitudes qui les entouraient, remplirent les Sauvages eux-mêmes de frayeur et d’étonnement. Après ce dernier crime, l’on se sépara : tous ceux qui s’étaient compromis restèrent parmi les Indiens, et le reste, au nombre de sept, savoir : Joutel, le P. Anastase, les Cavalier, oncle et neveu, et trois autres, continua sa route vers les Illinois où il arriva au fort St.-Louis le 14 septembre.

Cependant la petite colonie qui avait été laissée dans la baie St.-Bernard, eut une fin encore plus funeste. Peu de temps après le départ de la Salle, les Sauvages tombèrent sur le fort à l’improviste et en massacrèrent tous les habitans à l’exception de cinq. Ces cinq personnes avec quelques autres compagnons de la Salle, qui avaient déserté avant son départ, tombèrent entre les mains des Espagnols, jaloux de l’entreprise des Français, et résolus de la faire échouer s’il était possible. Les rapports de ces prisonniers les tranquillisèrent ; mais ceux qui pouvaient fournir des renseignemens utiles sur le pays, furent enfouis dans les mines du Nouveau-Mexique. Les autres, fils d’un Canadien nommé Talon, étaient d’un âge encore trop tendre pour avoir pu faire des observations de ce genre, et leur sort ayant touché la générosité du vice-roi du Mexique, il les prit sous sa protection et les éleva à sa cour. Lorsqu’ils furent plus vieux, il les fit entrer dans la marine espagnole ; et après diverses aventures plus ou moins romanesques, l’un d’eux revit la France.

Telle fut la malheureuse issue d’une expédition qui avait inspiré les plus grandes espérances, et qui aurait probablement réussi, si l’on se fût borné à former un établissement là où l’on était, sans porter pour le moment son attention ailleurs. En effet, le Texas est l’un des plus beaux et des plus fertiles pays du monde, mais la Salle fit encore ici la faute qu’il avait déjà commise au Canada, de se faire suivre par trop de monde dans ses expéditions. Les désastres dont elles furent accompagnées, amenèrent la ruine de St.-Louis. Pour réussir, il n’avait qu’à rester au milieu de son établissement et encourager les défrichemens et l’agriculture. Quelques auteurs lui reprochent d’avoir perdu de vue son premier dessein pour prendre connaissance des fabuleuses mines de Sainte Barbe ; mais rien dans Joutel ni dans le P. Zénobe[4] ne justifie cette assertion[5]. Au reste, il paraît que le génie de ce voyageur célèbre était plus propre à imaginer et à établir un vaste système commercial dans ces contrées lointaines qu’à fonder un empire agricole. Ses idées avaient alors quelque chose de grand ; et les plans qu’il soumit à Louis XIV sont basés sur des calculs exacts et profonds : il fut le précurseur de Dupleix.

Nous nous sommes étendu sur cette expédition infortunée parcequ’elle servit de prélude à celle de notre compatriote dans la Louisiane proprement dite ; d’ailleurs l’histoire du Canada français devait cette marque de reconnaissance à l’homme qui a sacrifié sa fortune et sa vie pour la cause de la colonisation française en Amérique ; car s’il n’a pas fondé, il a du moins accéléré beaucoup l’établissement de la Louisiane aujourd’hui si florissante. Chaque jour ajoute aussi à l’intérêt de l’histoire de ces pères du Nouveau-Monde. À mesure que ce continent se peuple, que les anciennes colonies si pauvres, si humbles à leur origine, se changent en états, en empires indépendant, le nom de leurs fondateurs grandit ; les ombres de ces nouveaux Romulus s’élèvent sur l’Amérique, où elles forment pour ainsi dire comme les bornes du passé.

La fondation de la Louisiane comme celle du Canada devait être accompagnée de beaucoup de vicissitudes et de malheurs. L’expérience d’un siècle n’avait point fait changer la politique du gouvernement ; les principes larges et progressifs de Colbert étaient mis en oubli dans le temps même, où cet établissement commençait à naître ; et la pénurie du trésor le livra à un monopole encore plus dur que celui qui pesait sur le Canada. On ne saurait trop redire à la France, qui cherche aujourd’hui à répandre sa race, sa langue et ses institutions en Afrique, ce qui a ruiné son système colonial dans le Nouveau-Monde, où elle aurait dû prédominer. Le défaut d’association dans la mère-patrie pour encourager une émigration agricole par tous les moyens légitimés, l’absence de liberté, et la passion des armes répandue parmi les colons, telles sont les principales causes qui ont fait languir le Canada. Ce qui retarda tant la Louisiane, c’est le caractère plus commercial qu’agricole qui lui fut donné. On choisit pendant longtemps les postes qui paraissaient plus favorables au négoce qu’à l’agriculture. On n’abandonna ce système qu’après avoir éprouvé des désastres irréparables. Il est digne de remarque que le gouvernement britannique avait suivi la même maxime de ne pas souffrir que ses nationaux formassent des établissemens dans l’intérieur du pays et loin de la mer. Les motifs de cette politique sont exprimés, dit M. Barbé-Marbois, dans un rapport qui ne vit le jour que fort tard. « Les contrées de l’ouest sont fertiles, y remarquait-on, le climat en est tempéré, les planteurs s’y établissent sans obstacles ; avec peu de travail ils pourraient satisfaire à leurs besoins ; ils n’auraient rien à demander à l’Angleterre, et point de retour à lui offrir ». Mais leurs libertés et leurs institutions politiques neutralisaient les effets de cette conduite intéressée.

La guerre terminée par la paix de Riswick, avait fait oublier le Texas et la Louisiane, où la beauté du pays avait attiré cependant plusieurs Canadiens, qui en sont à ce titre les premiers fondateurs. Ils s’étaient établis vers les bouches du Mississipi et à la Mobile, afin d’être plus près des Îles françaises pour leur commerce (Le Page Dupratz). Mais aussitôt que la tranquillité fut rétablie dans les deux mondes, la cour y reporta son attention. Les Espagnols qui regardèrent en tout temps l’Amérique comme leur patrimoine exclusif, avaient vu l’entreprise de la Salle d’un œil d’envie ; ils apprirent donc sa mort et la dispersion des planteurs qui l’avaient suivi, avec une joie qu’ils ne dissimulèrent guère, et ils se hâtèrent de prendre possession du pays dans l’espérance d’en éloigner les Français pour toujours. Après avoir visité différentes parties de la côte, ils choisirent la baie de Pensacola, au levant du Mississipi, à l’extrémité occidentale de la Floride, pour y former leur établissement. Ils y étaient depuis peu de temps lorsque d’Iberville parut.

À son retour de la baie d’Hudson en 1697, ce célèbre navigateur avait proposé au ministère de reprendre les projets formés quelques années auparavant sur la Louisiane. M. de Pontchartrain s’était empressé d’agréer ses offres et de lui donner deux vaisseaux avec lesquels il partit de Rochefort dans le mois d’octobre de l’année suivante, et plus heureux que la Salle, il trouva l’embouchure du fleuve dont la recherche avait occupé une partie de la vie de celui-ci. Ayant été à son retour nommé gouverneur général de cette vaste contrée, il y porta en 1699 une première colonie composée presque entièrement de Canadiens. Il se présenta devant le fort de Pensacola dont les Espagnols lui refusèrent l’entrée. Il continua sa route vers l’ouest et entra, en mars 1699, dans l’embouchure du Mississipi qu’il remonta jusque chez les Outmas, tribu établie au-dessus de Donaldsonville, laquelle lui remit une lettre du chevalier de Tonti adressée à la. Salle, qu’il était descendu pour rencontrer au bord de la mer en 1685. Il revint sur ses pas et débarqua sa colonie dans la baie de Biloxi située entre le fleuve et Pensacola. Ce pays, avec un climat brûlant et un sol sablonneux et aride, présente une côte de quarante lieues d’étendue où aucun bâtiment ne peut aborder ; l’on ne songeait sans doute qu’aux avantages que le commerce pourrait retirer de cette situation en la choisissant, et l’on crut que les inconvéniens en seraient compensés par la facilité des communications avec les Sauvages voisins, avec les Espagnols, avec les Îles françaises et enfin avec l’Europe.

De retour de France en 1700, d’Iberville apprit que des Anglais, venant de la mer, avaient paru sur le Mississipi, tandis que d’autres, venus par terre de la Caroline, s’étaient avancés jusque chez les Chicachas sur la rivière des Yasous. L’attention de cette nation avait été appelée sur la Louisiane par une espèce de trahison du P. Hennepin[6] qui, en dédiant au roi Guillaume III une nouvelle édition de son voyage en Amérique, dans laquelle il donnait les découvertes de la Salle pour les siennes propres, invita ce prince protestant à en prendre possession et à y faire prêcher l’Évangile aux infidèles. Guillaume envoya en conséquence trois bâtimens chargés de Huguenots pour commencer la colonisation du Mississipi ; mais d’Iberville les y avait devancés. Ils poussèrent alors jusqu’à la province de Panuca, pour concerter des mesures avec les Espagnols à l’effet de chasser les Français de Biloxi[7] ; cette démarche n’eut point de suite. Ceux-ci éprouvèrent à peine quelqu’opposition de la part des Espagnols ; et les rapports d’amitié et d’intérêt qui s’établirent entre les deux royaumes au commencement du siècle mirent fin aux réclamations de la cour de Madrid.

Un grand nombre de Huguenots s’étaient établis dans la Virginie et dans plusieurs autres provinces anglaises depuis la révocation de l’édit de Nantes. Ils furent une grande acquisition pour la Caroline. Le Massachusetts leur donna le droit de représentation dans la législature. Ils fondèrent plusieurs villes maintenant florissantes. Ces malheureux, qui n’avaient pu perdre le souvenir de leur ancienne patrie, firent prier Louis XIV de leur permettre de s’établir sous sa protection dans la Louisiane ; ils l’assuraient qu’il aurait toujours en eux des sujets soumis, ils ne lui demandaient que la liberté de conscience ; que si elle leur était accordée, ils viendraient bientôt en grand nombre et rendraient en peu d’années ce vaste pays florissant. Louis XIV, qui s’attachait d’autant plus à son sceptre qu’il approchait du tombeau, refusa leur demande. « Le roi, écrivit Pontchartrain, n’a pas expulsé les protestans de son royaume pour en faire une république en Amérique.» Ils la renouvelèrent encore sous le duc d’Orléans, régent ; ce prince libertin et dissolu fit la même réponse que son oncle le feu roi.

Donnons comme Canadiens français un souvenir à ces proscrits, à ces hommes qui furent peut-être les concitoyens, les frères, les parens, les amis de nos ancêtres, et qui vinrent comme eux chercher une nouvelle patrie dans ce continent encore sauvage. « Le souvenir, dit un américain, des services distingués que leurs descendans ont rendus à notre pays et à la cause de la liberté civile et religieuse, doit augmenter notre respect pour les émigrans français, et notre intérêt pour leur histoire. M. Gabriel Manigault, de la Caroline du sud, donna au pays qui avait offert un asile à ses ancêtres, $220,000 pour soutenir la guerre de l’indépendance. Il rendit ce service au commencement de la lutte, et lorsque personne ne pouvait encore dire si elle se terminerait par une révolution ou par une révolte. Des neuf présidens de l’ancien Congrès, qui ont dirigé les États-Unis à travers la guerre de la révolution, trois descendaient de réfugiés protestans français, savoir ; Henri Laurens, de la Caroline du sud, le célèbre Jean Jay, de la Nouvelle-York, et Elias Boudinot, du Nouveau-Jersey. »[8]Un autre de ces descendans, M. Légaré, est mort en 1843, procureur général des États-Unis et membre en conséquence de l’administration de Washington[9].

Cependant d’Iberville après avoir remonté le Mississipi jusque chez les Natchez, où il projeta de bâtir une ville, revint à Biloxi pour y établir son quartier général. Il y laissa M. de Sauvole pour commandant. Il écrivit en même temps au ministère que les hommes d’expérience dans les affaires de l’Amérique étaient d’opinion, que jamais on n’établirait la Louisiane sans rendre le commerce libre à tous les marchands du royaume. Le gouvernement pensait alors tirer de grands avantages de la pêche des perles et du poil de bison que l’on disait susceptible d’être filé comme la laine. Les rapports de découvertes de mines d’or, d’argent et de cuivre à l’ouest du Mississipi, ne cessaient point non plus de circuler, et entretenaient des espérances trop éblouissantes pour qu’on négligeât de faire au moins constater l’existence de quelques uns de ces trésors. D’Iberville envoya M. Lesueur, son parent, pour aller prendre possession d’une mine de cuivre dans la rivière Verte, au nord-ouest du Sault-St.-Antoine. Cette exploitation trop reculée dans l’intérieur fut bientôt abandonnée. Quant aux prétendues mines d’or et d’argent qui firent tant de bruit, mais beaucoup plus en Europe qu’en Amérique, elles se dissipèrent comme les illusions qu’elles avaient fait naître ; non qu’il n’existe pas de ces mines dans ces contrées, mais on ne les avait pas encore découvertes. Nous ne dirons donc rien de ces expéditions, qui, ayant été inspirées par un espoir qui était devenu une croyance, finissaient le plus souvent par la honte et la ruine. Tels furent surtout les divers essais tentés par un Portugais fugitif nommé Antoine, échappé des mines du Nouveau-Mexique, et que l’on employa quelque temps à fouiller inutilement le sol de la Louisiane. Ils n’eurent d’autre fruit que de conduire les Français de proche en proche jusqu’à la source des affluens du Mississipi dans le voisinage des Montagnes-Rocheuses. L’on remonta ainsi la rivière Rouge, l’Arkansas et le Missouri, à la poursuite de richesses qui fuyaient toujours comme les mirages du désert.

En 1701, M. d’Iberville commença un établissement sur la rivière de la Mobile, et M. de Bienville, son frère, devenu chef-résident de la colonie par la mort de M. de Sauvole, car il paraît que d’Iberville en resta toujours gouverneur général, retira les habitans des sables arides de Biloxi pour les y transporter. Cette rivière n’est navigable que pour des pirogues, et le sol qu’elle baigne n’est propice qu’à la culture du tabac ; mais « suivant le système d’alors, qui était de fixer la colonie hors du fleuve », on voulait se rapprocher de l’ile Dauphine ou du Massacre tout vis-à-vis, dans laquelle se trouvait le seul port de ces parages qui offrît les avantages de Biloxi quant à la proximité des Espagnols, des Îles et de l’Europe, quoiqu’elle fût d’ailleurs désolée et stérile ; la Mobile devint bientôt le chef-lieu des Français.

À son quatrième voyage à la Louisiane l’année suivante, d’Iberville y fit construire des magasins et des casernes ; petit à petit la colonie se peupla sous l’influence de ce premier fondateur, qui eut toujours sur elle une grande autorité jusqu’à sa mort arrivée en 1706. D’Iberville expira avec la réputation d’un des plus braves et des plus habiles officiers de la marine française. Né en Canada d’un ancien colon normand, M. Lemoine, il avait commencé à servir son pays dès son jeune âge. Il avait fait l’apprentissage des armes dans nos guerres contre les Sauvages et contre les Anglais, dure école où les deux premières qualités requises étaient une force de corps infatigable et une intrépidité à toute épreuve, l’officier comme le soldat devant être capable de faire des marches prodigieuses avec rapidité, par des pays incultes et dans toutes les saisons, de pourvoir à sa nourriture par la chasse, de manier le fusil comme la hache, l’aviron comme l’épée ; devant ne pas craindre une balle perfide au détour d’un bois, d’attaquer corps à corps son ennemi embusqué, ou d’enlever souvent un fort par une brusque escalade et sans artillerie. D’Iberville excellait dans cette guerre difficile et meurtrière. Il était non moins distingué comme marin, et s’il fût né en France, il serait sans doute parvenu aux premiers grades. Il livra une foule de combats sur mer, et quelquefois contre des forces bien supérieures, et il resta toujours victorieux. Il ravagea deux fois la partie anglaise de Terreneuve et prit sa capitale ; il enleva Pemaquid, conquit la baie d’Hudson, fonda la Louisiane, et termina à un âge peu avancé sa carrière devant la Havane en 1706, en servant glorieusement sa patrie comme chef d’escadre (Dupratz). Depuis 3 ou 4 ans qu’il avait eu la fièvre jaune sa santé avait toujours été chancelante. Les colonies, dit Bancroft, et la marine française perdirent en lui un héros digne de leurs regrets. C’était un fort bel homme que la nature avait doué des qualités nécessaires pour la guerre d’Amérique. Le marquis de Denonville qui avait su apprécier ses talens, l’avait recommandé à la cour. Louis XIV, qui aimait déjà sa noblesse naissante du Canada, le fit de capitaine de frégate capitaine de vaisseau en 1702[10]. « Sa mort fut une perte pour la Louisiane, car il est à présumer que s’il eût vécu plus longtemps, la colonie eût fait des progrès considérables ; mais cet illustre marin dont l’autorité était grande, étant mort, un longtemps s’écoula nécessairement avant qu’un nouveau gouverneur arrivât de France »

Deux ans après la mort de d’Iberville, M. Diron d’Artaguette vint à la Louisiane en qualité de commissaire-ordonnateur, charge qui correspondait dans les colonies naissantes à celle d’intendant dans les établissemens plus avancés, et qui tenait du civil et du militaire. Ce nouveau fonctionnaire travailla avec peu de succès à mettre les habitans en état de cultiver les terres, le sol et le climat y mettant obstacle. Cependant l’on avait en Europe la plus grande idée de la Louisiane, et comme on voyait que la France s’opiniâtrait à la soutenir au milieu d’une guerre désastreuse, l’on conjectura qu’elle en tirait des secours prodigieux, et l’île Dauphine attira, dès lors pour comble de malheurs, l’attention des corsaires qui la ravagèrent en 1711 ; ils causèrent des dommages au roi et aux particuliers pour 80,000 francs. Cependant ce commissaire ne vit point les défauts du système adopté par la cour, ou il ne jugea pas à propos de les signaler.

« Une colonie, dit Raynal, fondée sur de si mauvaises bases, ne pouvait prospérer. La mort de d’Iberville acheva d’éteindre le peu d’espoir qui restait aux plus crédules. On voyait la France trop occupée d’une guerre malheureuse pour en pouvoir attendre des secours. Les habitans se croyaient à la veille d’un abandon total ; et ceux qui se flattaient de pouvoir trouver ailleurs un asile, s’empressaient de l’aller chercher. Il ne restait que vingt-huit familles, plus misérables les unes que les autres, lorsqu’on vit avec surprise Crozat demander en 1712 et obtenir pour seize ans le commerce exclusif de la Louisiane. » Mais avant d’entrer dans une nouvelle phase de l’histoire de cette contrée, nous allons reprendre où nous l’avons laissée celle du Canada que la guerre de la succession d’Espagne vint troubler avant qu’il eût à peine goûté le repos dont il avait tant de besoin, après la lutte acharnée qu’il venait de soutenir contre les colonies anglaises et contre les cinq nations.

  1. Carte de la Louisiane, etc. 1782, par G. Delisle de l’Académie française ; elle se trouve dans l’Itinéraire de la Louisiane, petit vol. sans aucun mérite. Garcilasso de la Vega : Histoire de la conquête de la Floride par Ferdinand de Soto, traduction de P. Richelet.
  2. Lettre de M. de Beaujeu au ministre : Spark’s American Biography, vol. XI.
  3. Joutel : Journal historique.
  4. Le P. Chrétien Leclerc : Premier établissement de la Foi dans la Nouvelle-France.
  5. Au contraire, loin de se rapprocher des Espagnols il s’en éloigna. Voici ce qu’on lit dans le P. Zénobe : « ce fut ici que le sieur de la Salle changea sa route du nord-est à l’est par des raisons qu’il ne nous dit pas, et que nous n’avons jamais pu pénétrer ». Le Mississipi était à l’est de lui.
  6. Le roi de France donna ordre d’arrêter ce moine s’il se présentait en Canada : Documens de Paris.
  7. Univ. History XI 278.
  8. Memoir of the French Protestants who settled at Oxford, Massachusetts, A.D. 1686, with a sketch of the entire History of the protestants of France, by A. Holmes, D. D. Corresponding Secretary : Collection of the Massachusetts Historical Society, vol. II, of the 3rd series.
  9. Voici d’après le Dr. Ramsay les noms des principaux Huguenots qui vinrent s’établir dans la Caroline après la révocation de l’édit de Nantes, et qui ont formé les souches des familles aujourd’hui existantes les plus respectables de cet État.
    Bonneau Dutarque Gourdine Neufville
    Bounetheau De la Consilière Guérin Prioleau
    Bordeaux De Leiseline Herry Peronneau
    Benoist Douxsaint Huger Perdrian
    Boiseau Du Pont Jeannerette Porcher
    Bocquet Du Bourdieu Légaré Postelle
    Bacot D’Harriette Laurens Peyre
    Chevalier Faucherand La Hoche Poyas
    Cordes Foissin Lenud Ravenel
    Couterier Faysoux Lansac Royer
    Couterier Faysoux Lansac Royer
    Chastaignier Gaillard Marion St.-Julien
    Dupré Gendron Mazyck Simon
    Delysle Gignilliat Manigault Serre
    Dubose Guérard Mellechamp Sarazin
    Dubois Godin Mauzon Trezevaut
    Deveaux Girardeau Michau

    Beaucoup d’autres noms des plus respectables ont été omis ; et un plus grand nombre encore a été changé pour en adapter l’ortographe à la prononciation anglaise. Ainsi Beaudouin s’écrit aujourd’hui Bowdoin. Un membre de cette famille fut gouverneur du Massachusetts en 1785 et 6. Les noms des principaux émigrans français sont ceux de Beurnon dont parle LaHontan, Boudinot, Daillé, Faneuil, Huger, Manigault, Prioleau, Laurens, etc. Elias Boudinot fut président du Congrès en 1782, directeur de l’Hôtel des monnaies, premier président de la société biblique américaine dont il fut le créateur. Jay fut deux fois ambassadeur, à Paris en 1783, à Londres en 1795 ; il fut aussi gouverneur de la Nouvelle-York et Juge-en-chef des États-Unis. François Manigault s’est très distingué dans la guerre de la révolution. Prioleau était petit fils d’Antoine Prioli, élu doge de Venise en 1618.

  10. Gazette de France du 15 juillet 1702 : Notes historiques : manuscrits de M. A. Berthelot.