I. Lieux particuliers
Traduction par Antoine de La Salle.
Œuvres11 (p. 3_Ch1-24).

LIEUX PARTICULIERS,
Ou points à considérer et à éclaircir dans une recherche complète sur les vents.

NOMS DES VENTS.

1. Tracez, avec la plus grande précision, les caractères distinctifs des différentes espèces de vents, en profitant pour cela des observations multipliées des navigateurs, et distinguez-les par des noms, soit anciens, soit modernes, mais fixes et toujours les mêmes.

Les vents peuvent être divisés en quatre espèces ; savoir :

Les vents généraux et constans.

Les vents périodiques ou réglés.

Les vents propres ou familiers (à tels temps ou à tels lieux).

Enfin, les vents libres ou variables.

J’appelle vents généraux, ceux qui soufflent en tout temps ; vents périodiques ou réglés, ceux qui ne soufflent que dans certains temps, et qui reviennent après une certaine période révolue ; vents propres ou familiers, ceux qui soufflent plus fréquemment dans tels temps ou dans tels lieux, que dans tout autre temps, ou tout autre lieu ; enfin, vents libres ou variables, ceux qui soufflent dans tous les lieux indifféremment.

VENTS GÉNÉRAUX.

2. Y a-t-il en effet des vents généraux qui aient pour cause le mouvement général et propre de toute la masse de l’air atmosphérique : et s’il en est de tels, en quel sens (suivant quelle direction) et dans quelles régions soufflent-ils ?

VENTS PÉRIODIQUES.

3. Quels sont les vents anniversaires ou qui reviennent tous les ans, dans les mêmes saisons ou parties de saisons ? Dans quelles contrées se font-ils sentir ? Existe-t-il en effet quelques vents dont les retours soient précis, et qui soient réglés au point de revenir à tel jour et à telle heure, comme le flux et le reflux de l’océan ?

VENTS FAMILIERS.

4. Quels sont les vents propres, particuliers, et, en quelque manière, familiers à telles ou telles contrées ; et, dans les mêmes contrées, à tels ou tels temps ? Quels sont, par exemple, les vents qui soufflent au printemps, en été, en automne, ou en hiver ? dans le temps des équinoxes ou des solstices ? le matin, à midi, le soir ou la nuit, etc. ?

5. Quels sont les vents marins et les vents terrestres ? Observez et montrez ensuite, avec précision, les différences de ces deux espèces de vents, soit de ceux qui soufflent sur la mer ou sur la terre, soit de ceux qui viennent de l’une ou de l’autre.

VENTS LIBRES.

6. Les vents ne peuvent-ils pas souffler de tous les points imaginables de la sphère céleste ?

Les vents ne varient pas moins relativement à leurs qualités, que par rapport à leurs directions ; il en est de forts et de foibles, de constans et de variables, de chauds et de froids ; les uns humectent et relâchent (détendent) ; les autres dessèchent et constipent ; telles espèces de vents rassemblent les nuages et amènent la pluie ; quelquefois même des tempêtes, des orages, des grains, des ouragans, des tourbillons, etc. Tels autres vents dissipent les nuages et amènent le beau temps.

QUALITÉS DIVERSES DES VENTS.

7. Quels sont nommément les vents qui ont les différentes qualités dont nous venons de faire l’énumération ? Comment et jusqu’à quel point peuvent-ils varier, à ces différens égards, dans les différentes régions, ou parties de régions ?

Les vents, envisagés par rapport à leurs origines locales, sont de trois espèces ; les uns venant de la région supérieure, les autres de l’intérieur de la terre ; d’autres, enfin, se formant dans le corps même de l’atmosphère.

ORIGINES LOCALES DES VENTS.

8. Autre recherche sur les vents, envisagés par rapport à ces trois différentes origines. Quels sont les vents qui viennent de ce qu’on appelle la moyenne région de l’air, et ceux qui viennent des cavités ou des profondeurs de la terre, soit qu’ils aient d’abord, et au moment même de leur éruption, tout le volume et toute la force dont ils sont susceptibles, soit qu’étant le produit d’une sorte de transpiration graduelle et insensible, et étant d’abord dispersés, ils forment ensuite, en se réunissant, de grands courans d’air, à peu près comme ces ruisseaux qui se jettent dans les fleuves ? Enfin, quels sont ceux qui, se formant dans différentes parties de l’atmosphère indistinctement, ont pour cause la dilatation et l’expansion de l’air voisin du lieu où ils se font sentir ?

Outre ces vents originels (primitifs) et soufflant de différentes régions, il en est d’autres qui sont produits par différentes causes accidentelles, telles que les mouvemens progressifs ou rétrogrades de l’air comprimé, frappé ou répercuté.

GÉNÉRATIONS ACCIDENTELLES DES VENTS.

9. On fera donc aussi une recherche expresse sur ces générations accidentelles de vents : cependant, à proprement parler, ce ne sont pas de vraies générations de vents, mais des produits secondaires de causes, dont l’effet est plutôt d’augmenter et de renforcer des vents déjà produits, que d’en produire et d’en exciter de nouveaux.

Tels sont les points de considération relatifs aux vents les plus fréquens et les plus communs. Il est aussi des vents plus rares et plus extraordinaires, qui doivent faire partie de cette recherche, tels que les dragons, les tourbillons, les typhons, les grains, les ouragans, etc. Ceux-ci soufflent ordinairement près de la surface de la terre. Mais ils est de plus des vents souterrains, dont les uns, qui sont formés ou chargés de vapeurs mercurielles, se font sentir dans les mines ; et les autres, formés ou chargés de vapeurs sulfureuses, s’échappent dès qu’ils trouvent une issue, soit dans les tremblemens de terre, soit dans les éruptions de volcans, dont les feux, en dilatant l’air souterrain, forment ces vents.

VENTS EXTRAORDINAIRES ET SUBITS.

10. Ainsi, ces vents rares, extraordinaires, et dont quelques-uns ont des effets qui tiennent du prodige, seront encore l’objet d’une recherche particulière.

Après avoir dénombré et défini les différentes espèces de vents, on tournera son attention vers les causes et les circonstances concourantes à leur formation ou à leur destruction ; en un mot, vers celles qui, suivant l’opinion commune, contribuent à les exciter ou à les apaiser. Je crois devoir préférer cette dénomination de causes concourantes, à celle de causes efficientes, qui diroit trop, et à celle de phénomènes concomitans, qui ne diroit pas asssez.

CAUSES CONCOURANTES DES VENTS.
Causes qui peuvent les exciter ou les apaiser.

11. On ne donnera qu’un coup-d’ail aux observations des astrologues sur les vents, et sans s’embarrasser des différences précises et minutieuses dans la position des astres. Quant aux observations plus sensibles et mieux constatées, sur ces vents qui commencent à souffler vers le temps du lever de certains astres, ou des éclipses de lune, ou des conjonctions de planètes, on aura soin de les recueillir, ainsi que tous les faits concernant les vents qui peuvent avoir quelque relation avec le cours du soleil ou de la lune.

12. Comment et jusqu’à quel point les différens genres de méteores peuvent-ils influer sur les vents ? Quelle est aussi, à cet égard, l’influence des tremblemens de terre, des pluies, de la rencontre, de la lutte et du choc de plusieurs vents différens : toutes ces choses se tiennent ; elles ne sont que les différens anneaux d’une seule chaine ; et elles sont tellement dépendantes les unes des autres que l’une ayant lieu, l’autre s’ensuit nécessairement.

13. Comment et jusqu’à quel point les différentes espèces de vapeurs et d’exhalaisons peuvent-elles influer sur les vents ; et quelles sont, parmi ces émanations, celles qui en excitent le plus fréquemment ? Enfin, quelles sont les vraies relations entre la nature des vents et celle de ces vapeurs qui en sont la matière et l’aliment ?

14. Comment et jusqu’à quel point tout ce qui est, ou se fait, à la surface de la terre, peut-il influer sur les vents ? Par exemple, quelle est, à cet égard, l’influence des montagnes, celle de la fonte des neiges dont quelques-unes sont couvertes, et celle de ces masses énormes de glaces qui flottent sur l’océan ; glaces qui sont portées par les vents et les courans, dans certains parages, et qui s’y accumulent ? celle des variétés du sol et du terroir (nous ne parlons ici que des grands espaces) ; par exemple, celle des marécages, des sables, des forêts, des plaines, etc. ? Enfin, comment et jusqu’à quel point peuvent influer sur les vents, les actions et les opérations humaines, ou leurs effets : par exemple, quelle est, à cet égard, l’influence de ces grandes flammes excitées par les cultivateurs, lorsqu’ils mettent le feu aux bruyères ou aux chaumes ? celle des moissons ou des villages incendiés dans les temps de guerre ? celle des dessèchemens de marais ? celle de l’explosion d’un grand nombre de pièces d’artillerie, tirées continuellement pendant plusieurs heures ? celle du son des cloches, dans les grandes villes, et d’autres causes semblables ? Ces dernières causes ne sont que des atomes en comparaison des précédentes ; cependant elles ont toujours quelque influence dont il est bon de s’assurer par l’observation.

15. En un mot, faites une recherche complète sur toutes les causes qui peuvent exciter ou apaiser les vents, nais en écartant avec soin toutes les relations fabuleuses ou superstitieuses.

De cette considération des causes concourantes des différentes espèces de vents, vous passerez à celle de leurs limites, et vous tâcherez de déterminer la hauteur et l’étendue des régions où ils soufflent, ainsi que leurs directions : et, par des observations multipliées, vous vous mettrez en état de répondre aux questions suivantes.

LIMITES DES VENTS.

16. Quelle est la hauteur et l’élévation des régions où soufflent tels ou tels vents ? Y a-t-il, en effet, des sommets de montagnes assez élevés pour qu’aucun vent ne s’y fasse jamais sentir ? Est-il vrai qu’on voie quelquefois des nuages arrêtés et immobiles dans la région supérieure, tandis qu’un vent assez fort souffle à la surface de la terre ?

17. Quels sont les espaces que peuvent occuper des vents différens et soufflant dans le même temps, et quelles sont les vraies limites de ces vents simultanées ? Par exemple, tachez de savoir s’il est vrai que, dans le temps même où un vent de sud souffle dans tel lieu, un vent de nord se fasse sentir à dix milles de là : et au contraire s’il est vrai que certains vents soient réduits à un espace si étroit, qu’ils y coulent comme dans un canal ; phénomène qui paroît avoir lieu dans certains ouragans ou grains.

18. Multipliez les observations pour déterminer le maximum, le minimum et le medium de la durée des différentes espèces des vents, soit de leur durée totale, soit de leur accroissement ou de leur déclin. Faites d’autres observations pour savoir de quelle manière ces vents commencent et finissent : par exemple, s’ils s’élèvent et tombent tout à coup, ou s’ils le font graduellement ; ou enfin de toute autre manière.

Après avoir déterminé les limites des vents, on tâchera aussi de déterminer l’ordre de leur succession : je veux dire l’ordre selon lequel un vent succède à un autre vent, ou celui selon lequel le vent et la pluie se succèdent ; car cette succession alternative étant très réelle, il est nécessaire d’en connoître l’ordre et le comment.

SUCCESSION DES VENTS.

19. Y a-t-il, en effet, des observations bien constatées et des règles certaines qui fassent connoitre l’ordre suivant lequel les vents se succèdent les uns aux autres, soit que cet ordre de succession se rapporte au cours du soleil, ou à toute autre cause ; et si cet ordre existe, quel est-il ?

20. Tâchez aussi de déterminer l’ordre, le mode précis de la succession alternative des vents et des pluies ; rien n’étant plus ordinaire que de voir la pluie faire tomber le vent, et le vent, au contraire, dissiper la pluie.

21. Est-il vrai que les vents aient des retours périodiques ; et qu’après un certain nombre d’années, les mêmes vents soufflent de nouveau, dans la même saison ou partie de saison, et dans le même lieu ? Enfin, si ces retours sont réellement périodiques, quelle est cette période ?

De la considération de l’ordre de succession des vents, vous passerez à celle de leurs mouvemens[1] (des mouvemens de l’air qui les constituent). Or, ces mouvemens de l’air, d’où résultent les vents, sont de sept espèces ; les trois premières se trouvent comprises dans les articles précédens ; car nous y avons considéré les vents comme pouvant souffler des différens points de la sphère ; comme pouvant avoir trois directions différentes, et souffler soit de haut en bas, soit de bas en haut, soit horizontalement ; enfin, comme pouvant être l’effet de la compression, de la percussion, ou de la répercussion de l’air ; reste donc à dénombrer les quatre dernières espèces. Le sujet de la quatrième recherche sera le mouvement progressif de l’air ; celui de la cinquième sera son mouvement d’ondulation ; celui de la sixième, la lutte et le choc de plusieurs vents différens qui soufflent en même temps ; enfin, celui de la septième sera le vent, ou le souffle considéré dans les machines et les instrumens construits par la main de l’homme.

MOUVEMENS DIVERS DES VENTS.

22. Tout corps qui a un mouvement progressif, part nécessairement de quelque terme, de quelque point. Il faut recueillir avec soin toutes les observations et toutes les relations qui peuvent nous mettre en état de déterminer la région, le lieu d’où soufflent les différens vents, et qui est comme leur source ou leur foyer ; car les vents, semblables en cela à la renommée, quoique parcourant à grand bruit des espaces immenses, ne laissent pas de cacher leur tête dans les nuages.

23. Autre recherche à faire sur le progrès même de ces vents ; par exemple, tâchez de savoir s’il est vrai qu’un vent qui se fait sentir aujourd’hui à telle heure dans la ville d’York, se fera sentir à Londres, deux jours après.

24. Vous ferez d’autres recherches non moins exactes relativement au concours et au combat de plusieurs vents différens qui soufflent en même temps, afin de savoir, en premier lieu, s’il est vrai que plusieurs vents originels puissent souffler dans le même temps ; et de savoir, en second lieu, au cas que le fait soit réel, quels euripes (quels flux et reflux) peuvent résulter de ce concours et de ce combat ; 3°. enfin, quel genre de condensation, et, en général, d’altération ils peuvent occasionner dans le corps de l’atmosphère.

25. Autre question. Est-il vrai qu’en même temps que certains vents soufflent dans la région supérieure de l’atmosphère, un vent tout différent se fasse sentir à la surface de la terre ? Car on s’est assuré, par l’observation, que les nuages se meuvent quelquefois selon une direction toute opposée à celle qui est indiquée par les girouettes ; et qu’on voit aussi quelquefois des nuages qui ont un mouvement très rapide, tandis qu’il règne un calme parfait dans la région inférieure.

26. Autre recherche à faire sur la manière dont les vents donnent l’impulsion aux vaisseaux, par le moyen de leurs voiles.

27. Recherche du même genre sur la manière dont le vent donne l’impulsion aux ailes des moulins, par le moyen des toiles dont elles sont revêtues. On fera aussi quelques recherches sur le vol des éperviers, et, en général, des oiseaux, sans dédaigner les faits plus communs et plus connus, même ceux qu’on peut tirer de la considération de certains jeux ; par exemple, ceux que présentent le mouvement ondoyant des enseignes, des pavillons, ou des flammes déployées ; les dragons volans[2], les combats de cerfs-volans.

On passera ensuite à la recherche qui a pour objet les actions, les effets et l’influence des vents ; afin de savoir :

INFLUENCE ET EFFETS DES VENTS.

28. Quelle peut être et quelle est en effet l’influence des vents sur les courans et les marées ; comment et jusqu’à quel point ils peuvent arrêter, ralentir, ou précipiter le cours des fleuves, et quelquefois même occasionner des inondations ?

29. Quelle est leur influence sur les plantes et les insectes ; par exemple : en amenant des légions innombrables de sauterelles, en multipliant excessivement les chenilles, ou en occasionnant des rosées destructives ?

30. Comment ils peuvent purifier ou infecter l’air, être un principe de peste, occasionner des maladies ; enfin, affecter les animaux d’une infinité de manières ?

31. Comment ils influent sur la transmission des espèces que nous qualifions d’immatérielles, telles que les sons, les rayons lumineux, etc. ?

Une autre recherche non moins nécessaire, c’est celle qui a pour objet les pronostics qu’on peut faire relativement aux vents ; non-seulement à cause de l’utilité immédiate qu’on peut tirer de ces prédictions, mais aussi parce qu’elles conduisent ensuite à la découverte des causes. Car les indications d’où se tirent ces pronostics, montrent, avant que les choses mêmes se soient effectuées et réalisées, la manière dont elles se préparent ; et avant qu’elles soient devenues sensibles, leurs ébauches, leurs premiers degrés, leurs foibles commencemens.

PRONOSTIC SUR LES VENTS.

32. On recueillera donc avec soin des pronostics de toute espèce relativement aux vents (sans compter les observations des astrologues en ce genre, et dont nous parlions plus haut en avertissant de ne les accepter qu’après y avoir fait un choix), soit que ces pronostics se tirent de l’observation des météores, de l’inspection des eaux, de l’instinct des animaux et d’autres sources semblables.

Enfin, on terminera cette longue recherche par des observations précises et judicieuses sur les imitations de vents, soit naturelles, soit artificielles.

IMITATION DES VENTS.

33. D’abord sur les imitations naturelles de vents, telles que ces flatuosités, ces coliques ou tranchées, etc. produites par différentes causes dans le corps d’un animal ; ou ces vents qui se forment dans les vaisseaux qu’on emploie pour les distillations[3]

34. Puis sur les vents artificiels, tels que celui d’un soufflet, ou encore ce vent léger qu’on peut exciter dans une salle à manger, à l’aide d’un ventilateur, etc.

Tels sont les principaux points de considération relativement à cette recherche sur les vents. Parmi ces différentes questions que nous venons de nous proposer, il en est, je l’avoue, auxquelles il nous sera impossible de faire des réponses satisfaisantes, vu le petit nombre d’observations que nous avons sur ce sujet ; mais il en est de ces recherches comme de l’instruction d’un procès : un habile jurisconsulte, après avoir mûrement considéré la nature et les besoins de la cause, sait bien à peu près quel genre de question il doit faire aux témoins ; mais il ne peut savoir d’avance ce que ces témoins répondront. Nous sommes dans le même cas relativement à l’histoire naturelle, nous savons assez de quoi il faudroit être instruit ; mais ce qu’il faudroit savoir, pour l’être complètement, nous ne le savons pas. La postérité, sans doute plus instruite sur ce sujet, sera en état de répondre complètement à ces questions auxquelles nous ne pouvons encore satisfaire[4].

  1. Les mouvemens des vents : une telle expression est peu exacte : le vent, d’après la définition de l’auteur même, n’est autre chose que l’air en mouvement. Ainsi, au lieu de dire, les mouvemens des vents, il faut dire, ces mouvernens de l’air, d’où résultent les vents.
  2. Les Chinois, même dans l’âge viril, s’amusent, comme nos écoliers, à élever des cerfs-volans, dont la plupart ont la forme du dragon fabuleux ; il se peut que les Anglois en aient, ou en aient eu de même forme.
  3. Ce ne sont pas seulement des imitations de vents, mais même des vents proprement dits, de moindres vents ; et comme de grandes causes excitent de grands vents, de petites causes en excitent de petits. Sénèque a observé avec raison que les mêmes causes qui produisent, dans le corps humain, des coliques, des tranchées, etc. excitent des vents et des ouragans dans l’atmosphère, la différence n’étant que du plus au moins. Par exemple, l’eau très froide, très crue et bue en grande quantité, donne la colique à une personne qui a l’estomac foible ; et des pluies froides qui tombent pendant plusieurs jours, sont ordinairement suivies de grands vents.
  4. Il est un art supérieur à celui de résoudre des questions déjà proposées, et dont une infinité d’autres n’ont pu trouver la solution, c’est celui de s’aviser le premier de ces questions, et d’inventer ainsi des sujets d’invention : Newton, lorsqu’il demandoit à son propre génie pourquoi une pomme qu’il voyoit tomber d’un arbre, ne se portoit pas de bas en haut, fut peut-être plus grand, qu’au moment où, d’après un petit nombre de déterminations, il achevoit l’ellipse de la comète de 1631. Apercevoir d’un coup d’œil ce qui est nécessaire et échappe à tous, en les avertissant de ce qu’ils doivent chercher, et leur apprenant à sentir leurs vrais besoins, tel est l’art propre au vrai génie et créateur de tous les autres. Ce dernier art fut propre aussi au grand homme que nous interprétons ; c’est en quoi il n’a point eu d’égaux ; et cet ouvrage même en est une nouvelle preuve. Ses raisonnemens sont presque toujours extrêmement foibles ; mais il fait sans cesse des rapprochemens. Avant d’attaquer la place, il commence par la reconnoitre lui-même, en courrant tous les risques ; il fait le tour entier de son sujet ; il l’envisage par toutes ses faces, il en compare toutes les parties entre elles et à la destination du tout ; il en montre toutes les différences et toutes les analogies ; et ces rapports, s’il ne les saisit pas, du moins il les cherche ; en les cherchant, il nous avertit qu’il faut les chercher ; et c’est ainsi que, dans le cas même où la vérité lui échappe, il nous met sur la route qui y conduit ; enfin, lorsqu’il voit trop peu pour nous éclairer complètement, il voit toujours assez pour nous apprendre à voir plus que lui.