Histoire des fantômes et des démons/Pacte avec le Diable

PACTE AVEC LE DIABLE.

Un gentilhomme allemand, nommé Michel de Boubenhor, ayant été envoyé assez jeune par ses parens à la cour du duc de Lorraine, perdit aux cartes tout ce qu’il possédait.

Réduit au désespoir, il résolut de se livrer au Démon, s’il pouvait en obtenir de l’argent de bon aloi. Comme il était occupé de cette pensée, il vit tout à coup paraître devant luai un jeune homme de son âge, bien fait et d’une mise recherchée, qui, lui ayant demandé le sujet de son inquiétude, lui présenta ensuite une bourse pleine d’argent, en lui disant d’éprouver s’il était bon ; puis il disparut en annonçant au jeune homme qu’il reviendrait le lendemain.

Michel retourna au jeu, regagna tout l’argent qu’il avait perdu, et emporta de plus celui de ses compagnons. Le Diable revint le trouver sous une autre forme, lui demanda s’il était satisfait, et exigea pour récompense trois gouttes de son sang, qu’il reçut dans une coquille de gland ; puis lui offrant une plume, il lui dit d’écrire sous sa dictée quelques termes inconnus, sur deux billets différens, dont l’un demeura au pouvoir du Démon, et l’autre fut mis dans le bras de Michel, au même endroit d’où le sang était sorti. Le Diable s’engagea ensuite à le servir pendant sept ans, au bout desquels le jeune homme devait lui appartenir sans réserve.

Michel y consentit, quoique avec horreur ; et dès-lors le Démon ne manqua pas de lui apparaître jour et nuit, et de lui inspirer diverses choses toutes tendantes au mal.

Au bout de quelques années, Michel revint chez ses parens ; le Démon lui suggéra l’idée d’empoisonner son père et sa mère, de mettre le feu à leur château et de se tuer lui-même. Il essaya de commettre tous ces crimes, mais il n’y put réussir.

Le terme fatal approchait et lui causait de grandes inquiétudes ; il découvrit à quelques domestiques de son père son malheureux état, et les pria de lui procurer quelques secours ; mais au moment qu’il révélait son pacte, le Démon le saisit et lui tourna tout le corps en arrière. Sa mère, effrayée, le mit entre les mains des religieux pour le guérir. Ce fut alors que le Démon fit de plus violens efforts contre lui. Un jour, il apparut sous la forme d’un homme sauvage et tout velu, jeta à terre un pacte différent de celui qu’il avait extorqué du jeune homme, pour tâcher par ce moyen de le tirer des mains de ceux qui le gardaient ; mais sa fourberie ne réussit point.

D’habiles exorcistes prirent jour, pour forcer le Diable à comparaître dans la chapelle de Saint-Ignace, et à rapporter le véritable pacte. Après que Michel eut fait sa profession de foi, il vit deux boucs d’une grandeur démesurée, qui tenaient, entre leurs ongles, le contrat passé entre lui et le Diable. Mais dès qu’on eût commencé les exorcismes, les deux boucs s’enfuirent ; et le pacte sortit du bras gauche du jeune homme, sans lui causer de douleur et sans laisser de cicatrice.

Il ne manquait plus que le second pacte, qui était resté au pouvoir du Démon. On redoubla les exorcismes ; et on vit enfin paraître une grande cicogne difforme et hideuse, qui laissa tomber sur l’autel l’acte infernal. Depuis ce temps, le jeune homme de fut plus tourmenté.

On voit à Molsheim, dans l’église des jésuites, une inscription célèbre, qui contient toute cette histoire. (Massé)