Histoire des fantômes et des démons/Le don de ressusciter les Morts

LE DON DE RESSUSCITER LES MORTS.

On racontait l’anecdote suivante, dans le dernier siècle, pour prouver que les plus grandes absurdités trouvent des partisans, et que l’on peut tout hasarder auprès des esprits faibles.

Deux charlatans débutaient dans une petite ville de province. Mais comme Cagliostro, Mesmer et d’autres, personnages importans venaient de se présenter à Paris, à titre de docteurs, qui, par le geste et le tact, guérissaient toutes les maladies, ils pensèrent qu’il fallait encore quelque chose de plus extraordinaire, pour accréditer leur savoir-faire ; qu’il fallait enfin un tour de force.

Ils s’annoncent donc comme ayant le pouvoir de ressusciter les morts à volonté ; et, pour qu’on n’en puisse douter, ils déclarent qu’au bout de trois semaines, jour pour jour, ils rappelleront à la vie, dans le cimetière qu’on voudra leur indiquer, le mort dont on leur montrera la sépulture, fût-il enterré depuis dix ans.

Ils demandent, en attendant, au juge du lieu, qu’on les garde à vue pour s’assurer qu’ils ne s’échapperont pas ; mais qu’on leur permette, en attendant, de vendre des drogues et d’exercer leurs talens. La proposition paraît si belle, qu’on n’hésite pas à les consulter. Tout le monde assiège leur maison ; tout le monde trouve de l’argent pour payer des médecins d’un genre si nouveau.

Le fameux jour approchait. Le plus jeune des deux charlatans, qui avait moins d’audace, témoigna ses craintes à l’autre, et lui dit : « Malgré toute votre habileté, je crois que vous nous exposez à être lapidés ; car, enfin, vous n’avez point le talent de ressusciter les morts, et vous prétendez faire plus que le Messie même, qui ressuscita Lazare au bout de quatre jours seulement. — Vous ne connaissez pas les hommes, lui répliqua le docteur : et je suis plus tranquille que vous ne croyez… » L’événement justifia sa présomption ; car, à peine avait-il parlé, qu’il reçut une lettre d’un gentilhomme du lieu ; elle était conçue en ces termes :

« Monsieur, j’ai appris que vous deviez faire une grande opération, qui me fait trembler. J’avais une méchante femme ; Dieu vient de m’en délivrer ; et je serais le plus malheureux des hommes, si vous la ressuscitiez. Je vous conjure donc de ne point faire usage de votre secret dans nôtre ville, et d’accepter un petit dédommagement de cinquante louis, que je vous envoie, etc. »

Une heure après, les charlatans virent arriver chez eux deux jeunes gens éplorés, qui leur présentèrent soixante louis, sous la condition de ne point employer leur sublime talent, parce qu’ils craignaient la résurrection d’un vieux parent, dont ils venaient d’hériter. Ceux-ci furent suivis par d’autres, qui apportèrent aussi leur argent, pour de pareilles craintes, en faisant la même supplication.

Enfin, le juge du lieu vint lui-même dire aux deux charlatans, qu’il ne doutait nullement de leur pouvoir miraculeux, qu’ils en avaient donné des preuves par une foule de guérisons tout-à-fait extraordinaires ; mais que la belle expérience qu’ils devaient faire le lendemain, dans le cimetière, avait mis d’avance toute la ville en combustion ; que l’on craignait avec raison de voir ressusciter un mort, dont le retour pourrait causer de grandes révolutions dans les fortunes ; qu’il les priait de partir ; et qu’il allait leur donner une attestation en bonne forme, comme quoi ils ressuscitaient réellement les morts.

Le certificat fut signé, paraphé, légalisé ; et les deux compagnons, chargés d’or, parcoururent les provinces, montrant partout la preuve légale de leur talent surnaturel.