Histoire des fantômes et des démons/Le Chanoine normand

LE CHANOINE NORMAND.

Dom Calmet et quelques autres écrivains racontent, comme une chose merveilleuse, mais croyable, cette singulière façon de voyager :

Un chapitre de Normandie était depuis long-temps obligé, par une chartre, d’envoyer tous les ans ; le jour de Noël, un de ses membres à Rome, pour chanter l’épître de la grande messe, dans l’église de Saint-Pierre. Une certaine année, on chargea de cette commission un vieux chanoine, qui avait quelque pouvoir sur le Diable. Le chanoine se promit bien de ne pas faire deux fois le voyage de Rome et d’en exempter à l’avenir ses confrères.

Comme il avait des moyens tout prêts pour faire la route avec promptitude, il différa de partir jusqu’au matin du jour de Noël ; ce qui étonna grandement le chapitre. Mais alors, il évoqua un démon familier, qui le servait de temps en temps, et lui commanda de le porter à Rome, au plus vite. Le Démon, soumis à son maître, se mit aussitôt à quatre pattes, reçut le chanoine sur son dos, déploya ses ailes, fendit l’air avec rapidité, et arriva à Rome, au moment où l’on commençait la grande messe. Le vieux chanoine chanta l’épître, pendant que, par son ordre, le Diable s’introduisait dans la salle des archives, et enlevait la chartre qui obligeait les chanoines Normands au voyage en question. Après cela, le chanoine remonta à cheval sur son démon, rentra chez lui pour dîner, et fit grand plaisir au chapitre, en lui apprenant l’heureux tour de passe-passe qu’il venait de faire.

M. de Saint-Albin a placé cette anecdote dans ses Contes Noirs, sous le titre du Chanoine de Bayeux ; mais il l’a donnée telle que la racontent les bonnes femmes de Normandie.