Histoire des doctrines économiques/1-5-4

IV

VAUBAN ET BOISGUILBERT

En France, des calamités de tout genre marquaient la fin du règne de Louis XIV, où la détresse des campagnes, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, avait surtout sa cause dans un déplorable système de fiscalité. Cette situation dirigea du côté des questions économiques l’attention de deux hommes, Vauban et Boisguilbert[1], en qui l’on se plaît souvent à voir les prédécesseurs immédiats des physiocrates. C’est faux, à coup sûr, de Vauban ; c’est même fort exagéré en ce qui concerne Boisguilbert.

Vauban[2] sortait d’une famille très pauvre de la petite noblesse de province. Il fait ses premières armes dans les troupes de Condé guerroyant contre le gouvernement du roi : puis il prend part à toutes les guerres du règne, parcourt la France en tout sens, et construit ou transforme cent cinquante places fortes. Promu maréchal en 1703, il se retire en 1706 et ne tarde pas à mourir, dans le chagrin que lui cause la disgrâce qu’il s’est attirée par sa Dîme royale[3].

C’est surtout ce petit volume qui a fait une place à Vauban parmi les auteurs économiques[4]. Au milieu de ses courses continuelles à travers la France, Vauban avait été frappé de la misère générale du royaume. Il voudrait que le roi y remédiât par une meilleure répartition des impôts. L’impôt, selon lui, devrait être proportionnel aux revenus, sans privilège ni exemption ; il devrait être perçu en nature, afin que la charge que les contribuables en supportent, variât en exacte relation avec les quantités et les prix des récoltes ; enfin, pour que la perception en fût plus simplifiée il devrait être unique, autant que possible.

Vauban, passant à l’application de la théorie, n’en conclut pas moins à quatre « fonds » ou branches d’impôts. Le premier, qui est le principal, consiste en une dîme en nature sur le produit, brut des biens-fonds ; cette dîme ne prendrait ordinairement que le quinzième de ce produit, sauf nécessité absolue, et elle ne pourrait jamais dépasser le dixième. Sa proportionnalité, comparée à l’arbitraire de la taille, aurait l’avantage de ne pas décourager le cultivateur des améliorations à effectuer dans son domaine[5]. Le second fonds comprendrait une dîme sur le revenu des maisons, des moulins, des rentes, gages et pensions, et des bénéfices industriels évalués par des sortes de Chambres de commerce. Le troisième fonds se composerait de là gabelle ou taxe sur le sel, mais sensiblement réduite de son taux d’alors. Enfin le quatrième fonds, dit « revenus fixes », renfermerait les domaines, parties casuelles, francs-fiefs, amendes, douanes aux frontières et impôts volontaires (ces derniers seraient des taxes de consommation sur les objets d’usage facultatif ou objets de luxe, tels que tabac, thé, café, etc.).

La Dîme royale fut composée en 1698-1699 et probablement communiquée au roi en manuscrit. Elle ne fut imprimée qu’à la fin de 1706, quelques semaines avant la mort du maréchal, et la condamnation que le Conseil du roi porta contre le livre, hâta sans doute la fin du maréchal.

Vauban se recommande par son talent d’observation et par sa touchante sollicitude pour les pauvres. L’histoire nous l’a dépeint comme extrêmement ménager de la vie de ses hommes ; et l’écrivain, chez lui, ne le cède en rien au capitaine.

Mais Vauban ne s’élève pas encore au dessus des conceptions économiques de ses contemporains : il regarde le pays « comme une forteresse dont le roi doit assurer la subsistance » ; persuadé, comme tous ses contemporains, que la France récoltait normalement du blé pour deux ans au moins, il recommande les greniers d’abondance qui doivent parer aux disettes ; et si ami qu’il soit de la liberté du commerce à l’intérieur, il est purement mercantiliste pour le commerce extérieur. « Le commerce, dit-il, qui nous peut apporter du nouvel argent, ne saurait être recherché avec trop de soin. Le commerce étranger ne peut être permis que pour les marchandises nécessaires à la vie, à l’habit, à de certaines médecines, et à de certaines fabriques, dont les matériaux ne se trouvent pas chez nous. Il doit être défendu, quand, pour des marchandises qui ne regardent que le luxe et les modes, il sort plus d’argent du royaume qu’il y en apporte ; mais celui qui nous peut apporter du nouvel argent ne saurait être recherché avec trop de soin[6]. »

Comment se fait-il donc que Vauban ait été pris pour un initiateur de l’économie politique libérale et pour le précurseur des physiocrates[7] ?

Faut-il expliquer ce jugement par la sollicitude aussi vive que sincère que Vauban témoignait pour les classes inférieures et surtout pour les paysans[8] ?

Mais là n’est point le critérium : et maint passage de la correspondance de Colbert, si dur cependant pour la mendicité fainéante comme aussi pour toute contravention à son système, atteste un égal intérêt pour la cause des travailleurs honnêtes et dociles.

Faut-il davantage expliquer l’erreur traditionnelle sur Vauban par une méprise sur une définition mal lue de la richesse, définition où Vauban faisait consister celle-ci dans « l’abondance des denrées dont l’usage est si nécessaire au soutien de la vie des hommes, qui ne sauraient s’en passer[9] » ? Mais l’erreur, ici, ne serait pas moins grande : non seulement, en effet, Vauban, dans la ligne suivante, nous montrera les étrangers « obligés de venir chercher leurs besoins vers la France, en échange de leur or et de leur argent » ; mais encore le sens général du morceau nous contraint de rattacher tout entière cette théorie de la richesse agricole à la théorie de la population et à la certitude où est Vauban que « la grandeur des rois se mesure par le nombre de leurs sujets[10] ».

Bref, soit que l’on juge isolément la Dîme royale dans sa partie économique, soit qu’on la rapproche des nombreuses Oisivetés entre lesquelles elle se place dans l’ordre des temps[11], le mercantilisme de Vauban n’en éclate pas avec moins d’évidence. Vauban qui veut protéger les manufactures capables d’étouffer pacifiquement la concurrence des Hollandais sur le marché international ; Vauban qui veut faire anoblir les négociants enrichis à 200.000 écus et les inventeurs d’une mine d’or ou d’argent ; Vauban qui blâme la révocation de l’édit de Nantes, parce qu’elle a fait porter à l’étranger « 30 millions de l’argent le plus comptant » et fait perdre « nos arts et nos manufactures particuliers, la plupart inconnus aux étrangers, qui attiraient en France un argent très considérable de toutes les contrées de l’Europe » ; Vauban qui recommande l’essai du caféier dans le Midi et l’élevage des abeilles, mais qui blâme l’achat des épices et le commerce avec les Indes orientales, parce qu’il s’agit d’empêcher l’argent de sortir ; Vauban enfin, qui explique la puissance des Anglais par ce fait qu’ils « se sont rendus les maîtres et dispensateurs de l’argent le plus comptant de l’Europe, dont la meilleure partie demeure bien sûrement entre leurs mains» : certes, voilà un Vauban que Colbert n’aurait en rien contredit. Et pour Vauban, comme pour Colbert, le but de cette politique, purement nationale, c’est l’émancipation même de la France, pour que la France n’ait plus besoin de personne au monde.

Ceux qui prétendent que l’idée d’une patrie et d’une nation françaises est née à la chute seulement de l’ancien régime, n’ont jamais lu une ligne de tous ces écrivains, en qui le culte de la France prenait une forme si crûment exclusive et si éloignée de notre humanitarisme contemporain. Le colbertisme, à coup sûr, avait le culte de la patrie : ce serait à l’économie politique libérale de maintenant que l’on pourrait bien davantage reprocher de ne l’avoir ni entretenu, ni conservé, avec ses théories, parfois exagérées, sur les insignifiances ou les impossibilités des émigrations de populations et de capitaux.

Ainsi s’explique d’autre part que Vauban — comme aussi Colbert — demande la liberté du commerce intérieur et la construction des voies de communication. S’il veut l’unification des poids et mesures et la suppression des frontières provinciales, c’est parce que « la vraie politique conspire toujours à conserver une certaine uniformité entre les sujets, qui les attache plus fortement au prince ». Mais il n’a pas un mot contre les douanes extérieures, car il ne rêve pas d’un monde qui aurait des royaumes pour provinces[12]. Il veut le canal du Languedoc : mais il « ne tient pas que l’usage doive en être permis aux étrangers, pour quelque cause et occasion que ce soit ». Faut-il enfin mentionner son projet de réduire l’Angleterre à merci par la guerre de course, comme Napoléon plus tard par le blocus continental[13] ?

Boisguilbert, lieutenant général civil au bailliage de Rouen[14], se rencontre avec Vauban quand il s’agit de dépeindre les souffrances du peuple : mais il s’en écarte dans les remèdes à appliquer ; il voit déjà l’heureuse influence de la liberté ; il a surtout une idée toute différente de la richesse.

Outre les lettres et les conseils plus ou moins importuns qu’il prodigua à Pontchartrain, à Chamillard et à Desmarets, Boisguilbert donnait en 1697 le Détail de la France, la cause de la diminution de ses biens et la facilité du remède, en fournissant tout l’argent dont le roi a besoin et enrichissant tout le monde[15] puis, en 1707, il donnait son Factum de la France, vrai pamphlet économique qui ne pouvait que lui faire des ennemis.

Boisguilbert, après avoir décrit la misère du royaume, préconise deux remèdes, dont l’action, selon lui, doit être immédiate. Il faut : 1° des impôts, non pas diminués en sommes, mais mieux répartis, en ce sens particulièrement que la taille doit être générale et proportionnelle ; 2° la liberté du commerce. Alors chacun pourra semer, planter, produire et négocier, et le revenu du roi augmentera avec les revenus de chacun des sujets. En un mot, il faut « permettre au peuple d’être riche, de labourer et de commercer[16] ». Par là, Boisguilbert est l’avant-garde qui engage la lutte pour la suppression des entraves apportées au commerce et à la circulation des céréales.

C’est surtout le Détail de la France et le Factum qui ont fait la renommée de Boisguilbert. Cependant le Traité de la nature, culture, commerce et intérêt des grains et surtout la Dissertation sur la nature des richesses, de l’argent et des tributs n’ont pas une moindre portée, tout au contraire.

Ce dernier ouvrage, en ajoutant au titre ces mots : « Où l’on découvre la fausse idée qui règne dans le monde à l’égard de ces trois articles (richesses, argent et tributs) », paraît annoncer bruyamment la nécessité d’une révolution dans les doctrines. C’est ici qu’il n’est pas exagéré de dire que Boisguilbert est le prédécesseur direct de Quesnay et qu’il mérite de prendre rang parmi les fondateurs de l’économie politique libérale. Comme Quesnay, il proteste contre l’équation de la richesse et de la monnaie. Il accuse cette formule d’avoir « fait plus de destructions que les plus grands ennemis étrangers pourraient jamais causer par leurs ravages[17] » : et il ne regarde l’argent que comme un moyen d’échanger les denrées entre elles, tandis que la véritable richesse, selon lui, consiste « en une jouissance entière, non seulement des besoins de la vie, mais même de tout le superflu[18] ». Comme Quesnay, il prend nettement parti pour les cultivateurs, et il croit à la nécessité de chercher dans l’exportation des blés l’unique soulagement aux souffrances des classes rurales. Comme Quesnay enfin, il a des vues plus individualistes sur la richesse, et il regarde le désir du profit comme le stimulant le plus efficace de la prospérité, en vertu de lois naturelles dont le libre jeu ne doit pas être combattu par l’action de l’État. Bien plus encore, au nom de ces mêmes lois, il croit à la justice et à la nécessité de l’échange, entre les nations, comme, il a cru à une solidarité économique des diverses branches de travail et d’industrie[19].

À ses yeux, « la terre que l’on compte pour le dernier des biens, donne le principe à tous les autres, et ce sont principalement les blés qui mettent toutes les professions sur pied ». À cet égard le Traité des grains est une œuvre de combat ; il exprime les plaintes des propriétaires contre la philanthropie mal entendue de ceux qui, pour servir l’intérêt des consommateurs pauvres, veulent que le blé soit à bas prix et que pour l’y mettre l’État en régularise les cours. Dans la première partie du Traité, Boisguilbert conclut que le prix assez élevé et peu variable de toutes choses sert à la longue les intérêts du consommateur aussi bien que ceux du producteur[20] ; dans la seconde, il répond qu’un prix convenable, au lieu de pouvoir être obtenu par une réglementation de l’État, doit résulter de la suppression des droits de douane et de la pleine liberté de l’exportation. Voilà pourquoi il condamne les greniers d’abondance, que Vauban réclamait ; voilà pourquoi, se regardant comme « l’organe des laboureurs et des gens des champs », il consacre toute cette seconde partie du Traité des grains à démontrer que « plus on enlèvera de blés en France, moins on aura à craindre la cherté[21] ». L’avilissement du prix des grains n’est-il donc pas, même pour les pauvres familles du royaume, plus désastreux encore que la famine ?

Cependant, si Boisguilbert, comme écrivain, est un critique d’une force et d’une âpreté merveilleuses, s’il excelle à démolir le système administratif et financier du grand règne, s’il propose même ordinairement, pour le remplacer, les plus sages mesures qui pussent être adoptées, il faut bien aussi reconnaître qu’il n’est pas encore un constructeur de systèmes.

Les physiocrates ont fait grand cas de lui. Dupont de Nemours, après avoir rendu hommage à la « sagacité avec laquelle il avait reconnu ce que tout le monde ignorait de son temps : la nécessité de respecter les avances des travaux utiles et les avantages de la liberté du commerce », ajoutait que « s’il eût vu que la terre et les eaux étaient les seules sources d’où le travail de l’homme peut retirer des richesses… ; s’il eût su connaître l’existence du produit net et le distinguer d’avec les frais de reproduction, et s’il eût combiné ces vérités avec les autres qu’il avait senties, on lui devrait l’honneur de l’invention des principes de la science économique[22] ».

  1. Faut-il écrire Boisguilbert ou Boisguillebert ? La Collection des Économistes de Guillaumin, en publiant les œuvres de cet auteur, a écrit Boisguillebert ; de même Horn, l’Économie politique avant les physiocrates, en 1867 ; l’orthographe Boisguilbert tend à prévaloir maintenant (Dictionnaire de l’Economie politique ; Espinas ; Gossa ; Michel et Liesse, dans Vauban économiste ; Dubois, etc. — Contra cependant Schatz). — Dupont de Nemours écrivait déjà Boisguilbert dans la Notice abrégée, où il faisait l’histoire des écrivains de l’économie politique (Ephémérides du citoyen, n° de septembre 1769). — La Biographie générale de Didot et le Dictionnaire de Larousse donnent simultanément Boisguillebert et Boisguilbert.
  2. Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707), né à Saint-Léger du Fougeret, dans l’arrondissement actuel d’Avallon.
  3. Voyez : Georges Michel et André Liesse, Vauban économiste, 1891 ; — Lœhmann, Vauban : seine Stellung in der Geschichte der National-Œkonomie und sein Reformplan, Leipsick, 1895. — Le Vauban de Lœhmann a des jugements plus entiers que celui de MM. Michel et Liesse. Il est écrit pour démontrer le mercantilisme de Vauban, soit par la Dîme royale, soit par les Oisivetés, tandis que MM. Michel et Liesse, liés peut-être par les opinions préconçues de l’Académie mettant au concours le sujet de « Vauban économiste », devaient être gênés pour relever toutes les opinions mercantilistes de leur auteur.
  4. Vauban avait laissé aussi, en manuscrit, de très nombreux essais et mémoires recueillis par lui-même dans ses Oisivetés, qui avaient douze volumes in-folio, au dire de Fontenelle. Une partie de ces Oisivetés ont été perdues (Daire, Notice sur Vauban, 1851, dans la collection des Économistes de Guillaumin, p. 31).
  5. Boisguilbert confirme que la crainte d’une augmentation de la taille dissuadait les paysans d’avoir plus de bétail et d’améliorer leurs fonds (Détail de la France, IIe partie, ch. VII).
  6. Mémoire sur le commerce du Languedoc, Oisivetés, t. I, p. 82.
  7. Blanqui (Histoire de l’économie politique, t. II, p. 12) le présente comme donnant « les principales bases de la science économique ». Daire, en s’appropriant le mot de Blanqui (Collection des principaux économistes, t. I, Notice sur Vauban, p. 26), félicite Vauban d’avoir « jeté les premières bases d’une science qui devait apprendre au monde que l’industrie est le seul fondement durable de la puissance des États et que les peuples, au lieu de gagner quelque chose à un système de massacres et de pillages perpétuels, ont au contraire le plus grand intérêt à leur prospérité respective » (Ibid, p. 11 ; item, note sur la Dîme royale, p. 50). — Espinas et Ingram, disciples fidèles de la légende, mettent simplement Vauban et Boisguilbert sur la même ligne l’un que l’autre, sans se douter de l’abîme qui sépare le continuateur de Colbert de l’ancêtre de Quesnay. Seul peut-être M. Fournier de Flaix tient Vauban pour fort différent de Boisguilbert, au moins en matière fiscale (Fournier de Flaix, Réforme de l’impôt en France, t. I, Théories fiscales et impôts en France et en Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles, pp. 118 et 125).
  8. Dîme royale, édition Daire, pp. 36, 45, 47, etc., etc. — C’est le rapporteur du concours ouvert à l’Académie, M.. Léon Say, qui, péniblement surpris de voir sortir un Vauban sensiblement autre que celui que présentait la légende et qu’attendait l’Académie, a cherché à faire de cette sympathie pour le peuple un motif de regarder Vauban comme le « précurseur des économistes financiers du XVIIIe siècle » (voyez dans Michel et Liesse, Vauban économiste, pp. 3, 8, 9 et 10).
  9. Dîme royale, édition Daire, p. 50.
  10. Dîme royale, éd. Daire, p. 47.
  11. Voyez Lœhmann, op. cit., p. 15.
  12. « Je serais d’avis de n’imposer que très peu le commerce et seulement pour favoriser celui qui nous est utile et exclure l’inutile qui ne cause que de la perte. Le premier est désirable en tout et partout, dedans et dehors le royaume, et l’autre est ruineux et dommageable partout où il s’exerce. Il faut donc exciter l’un par la protection qu’on lui donnera, l’accroître et l’augmenter, et interdire l’autre autant que la bonne correspondance avec les voisins le pourra permettre » (Dîme royale, IIe fonds, éd. Daire, p. 81).
  13. Mémoire concernant caprerie, la course et les privilèges dont elle a besoin pour se pouvoir établir, les moyens de la faire avec succès sans hasarder d’affaires générales et sans qu’il en puisse coûter que très peu de chose à Sa Majesté (30 novembre 1695).
  14. Pierre Le Pesant, sieur de Boisguilbert ou Boisguillebert (1646-1714 [?]). — Boisguilbert remplit à peu près seul l’ouvrage de Horn, l’Économie politique avant les physiocrates, 1867, ce qui montre ou la place exagérée qu’on lui donnait autrefois ou l’ignorance que l’on avait encore de tout le reste.
  15. Après avoir été en relations avec Vauban et s’être brouillé avec lui, Boisguilbert publia plus tard le Détail de la France sous le nom de Testament politique du maréchal de Vauban. Voltaire s’y laissa prendre. Voltaire, esprit singulièrement superficiel, n’eut que des injures pour Boisguilbert, dont les vérités lui gênaient son Siècle de Louis XIV. Il le connaissait au reste assez peu, plaçant en 1672, au lieu de 1697, le Détail de la France et le confondant avec le Factum, qui est de 1707 (voir la notice de M. Daire, dans les Économistes financiers du XVIIIe siècle, p. 151).
  16. Voyez Détail de la France, IIe partie, ch. XVII, etc., et surtout le Traité de la nature, culture, commerce et intérêt des grains.
  17. Dissertation sur les richesses, ch. II, p. 374 de l’édition Daire.
  18. Ibid., ch. v, p. 285. — « Dans la richesse, qui n’est autre chose que le pouvoir de se procurer l’entretien commode de la vie, tant pour le nécessaire que pour le superflu (étant indifférent au bout de l’année, à celui qui l’a passée dans l’abondance, de songer s’il s’est procuré ses commodités avec peu ou beaucoup d’argent), l’argent n’est que le moyen et l’acheminement, au lieu que les denrées utiles à la vie sont la fin et le but. Ainsi un pays peut être riche sans beaucoup d’argent, et celui qui n’a que de l’argent, très misérable, s’il ne le peut échanger que difficilement avec ces mêmes denrées » (Détail de la France, IIe partie, ch. XVIII) ; — « L’argent n’est donc rien moins qu’un principe de richesse dans les contrées où il n’est point, le fruit du pays : il n’est que le lien du commerce et le gage de la tradition future des échanges » (ibid., IIIe partie, ch. IV). — Voyez aussi Nature des richesses, ch. II.
  19. « La nature ne connaît, dit-il, ni différents États, ni divers souverains, ne s’embarrassant pas non plus s’ils sont amis ou ennemis, ni s’ils se font la guerre, pourvu qu’ils ne la lui déclarent pas ; ce qui arrivant, quoique par une pure ignorance, elle ne tarde guère à punir la rébellion que l’on fait à ces lois, comme on n’en a que trop fait l’expérience » (Nature des richesses, ch. V, éd. Daire, p. 391).
  20. Op. cit., Ire partie, ch. IV, V et VI. — On pourrait encore recommander la lecture de ces chapitres de Boisguilbert à ceux des libre-échangistes contemporains qui combattent par esprit de système les droits actuels sur les blés et qui se soucient peu de la ruine de l’agriculture, qui serait la conséquence de la suppression de ces droits.
  21. Sous-titre de la seconde partie du Traité des grains.
  22. Notice abrégée des différents écrits modernes qui ont concouru, en France à former la science de l’économie politique, dans le numéro de septembre 1769 des Éphémérides du citoyen.