Histoire des Canadiens-français, Tome VII/Chapitre 5

Wilson & Cie (VIIp. 51-74).

CHAPITRE V


1675-1760


Le clergé. — Mgr de Laval et Mgr de Saint-Vallier en antagonisme. — Les dîmes. — Mgr de Mornay réside en France. — Mgr Dosquet. — Mgr de l’Aube-Rivière. — Mgr de Pontbriand. — Les ordres eeligieux.

M
onseigneur de Laval et monseigneur de Saint-Vallier ont gouverné l’Église du Canada de 1659 à 1727, et, à travers les événements auxquels ils se sont vus mêlés, durant plus d’un demi siècle, on pourrait suivre difficilement leurs carrières, à moins que d’écrire une histoire de l’Église en Canada, ce qui n’a pas encore été fait. Pour nous, l’ensemble des questions qui concernent ces deux prélats se résume à l’affaire des dîmes et des curés fixes.

Dès l’origine de la colonie, les habitants avaient demandé des prêtres, ou résidants ou attitrés, dans chaque paroisse. Les jésuites y étaient opposés. Mgr de Laval, leur disciple, se montra toujours en faveur de l’emploi de « missionnaires, » au lieu de céder aux désirs des colons. Il déléguait, pour remplir les fonctions curiales, des prêtres qu’il changeait ou révoquait à son gré. Son but, en tenant ainsi le clergé sous sa dépendance était, dit Garneau, « d’en faire une milice parfaitement soumise, et de maintenir par son influence les particuliers dans la subordination. Ce projet ne put se réaliser, à cause même de sa trop grande étendue ; il excita les jalousies de l’autorité politique et des habitants, qui le regardèrent comme contraire au droit commun de la France. Les habitants et les curés avaient transporté au Canada les privilèges et les libertés dont ils jouissaient dans leur ancienne mère-patrie : et, d’après un principe reconnu chez toutes les nations, ils pouvaient exiger dans la colonie les avantages que leur qualité de Français leur aurait assurés dans le pays natal. À leur demande, Louis XIV rendit les cures fixes, en ordonnant de les conférer à des titulaires perpétuels… Il faut attribuer principalement à sa haute naissance, l’influence considérable que Mgr de Laval exerça dans les affaires du pays, faisant et défaisant les gouverneurs à son gré. Il avait de grands talents et une activité infatigable ; mais son esprit absolu et dominateur voulait tout faire plier sous sa volonté ; et ce penchant, confirmé chez lui par le zèle religieux, dégénéra, sur le petit théâtre où il était appelé à figurer, en querelles avec les hommes publics, les communautés religieuses, et même avec les particuliers. Il s’était persuadé qu’il ne pouvait errer dans ses jugements, s’il agissait pour le bien de l’Église, et il entreprit des choses qui auraient été exorbitantes en Europe. Il voulut faire de tout son clergé une milice passive, obéissant à un chef, comme les jésuites à leur général. Il chercha même à se faire un instrument du pouvoir civil, et il lui fit décréter l’amovibilité des curés et le paiement des dîmes à son séminaire. Mais ses projets, sans exemple en France depuis longtemps, n’eurent point de succès. Il trouva des adversaires déclarés dans les gouverneurs, tous plus ou moins jaloux de son influence et souvent soutenus par l’opinion publique qui oscillait entre les maîtres, pour diviser et affaiblir peut-être le poids du joug. »

Au mois de mai 1679, le roi rendit une ordonnance dont les dispositions se lisent comme suit : « Nous ayant été rapporté que divers seigneurs et habitants de notre pays de la Nouvelle-France désiraient avoir des curés fixes pour leur administrer les sacrements, au lieu de prêtres et curés amovibles qu’ils avaient eu auparavant, nous aurions donné nos ordres et expliqué nos intentions sur ce sujet les années dernières, et étant nécessaire à présent de pourvoir à leur subsistance et aux bâtiments des églises et paroisses, et se servir pour cet effet des mêmes moyens qui ont été pratiqués sous les premiers empereurs chrétiens, en excitant le zèle des fidèles par des marques d’honneurs, dont l’ancienne Église a bien voulu reconnaître la piété des fondateurs… i. Les dîmes, outre les oblations et les droits de l’Église, appartiendront entièrement à chacun des curés dans l’étendue de la paroisse où il est et où il sera établi perpétuel, au lieu du prêtre amovible qui la desservait auparavant. ii. Les dîmes seront levées suivant les règlements du quatrième septembre mil six cent soixante-sept. iii. Il sera au choix de chacun curé de les lever et exploiter par ses mains, ou d’en faire bail à quelques particuliers, habitants de la paroisse ; ne pourront les seigneurs de fief où est située l’église, les gentilshommes, officiers, ni les habitants en corps, en être les preneurs directement ou indirectement. iv. En cas que le prix du bail ne soit pas suffisant pour l’entretien du curé, le supplément nécessaire sera réglé par notre conseil de Québec, et sera fourni par le seigneur de fief et les habitants ; enjoignons à notre procureur général d’y tenir la main. v. Si, dans la suite du temps, il est besoin de multiplier les paroisses à cause du grand nombre des habitants, les dîmes, dans la portion qui sera distraite de l’ancien territoire qui ne compose à présent qu’une seule paroisse, appartiendront entièrement au curé de la nouvelle paroisse qui y sera fondée, avec les oblations et les droits de la dite nouvelle église ; et ne pourra le curé de l’ancienne prétendre aucune reconnaissance ni aucun dédommagement. vi. Celui qui aumônera le fonds sur lequel l’église paroissiale sera construite, et fera de plus tous les frais du bâtiment, sera patron fondateur de la dite église, présentera à la cure, vacation avenant, la première collation demeurant libre à l’ordinaire, et jouiront lui et ses héritiers en ligne directe et collatérale, en quelques degrés qu’ils soient, tant du droit de présenter que des autres droits honorifiques qui appartiennent aux patrons, encore qu’ils n’aient ni domiciles ni biens dans la paroisse, et sans qu’ils soient tenus de rien donner pour la dotation. vii. Le seigneur de fief dans lequel les habitants auront permission de faire bâtir une église paroissiale, sera préféré à tout autre pour le patronage, pourvu qu’il fasse la condition de l’église égale, en aumônant le fonds et faisant les frais du bâtiment, auquel cas le droit de patronage demeurera au principal manoir de son fief et suivra le possesseur, encore qu’il ne soit point de la famille du fondateur. viii. Seront la maison presbytérale du curé et le cimetière fournis et bâtis aux dépens du seigneur de fief et des habitants. Voulons que le contenu en ces présentes soit exécuté nonobstant toutes lettres patentes, édits, déclarations et autres actes contraires, mêmes à nos lettres patentes du mois d’avril mil six cent soixante et trois, par lesquelles nous avons confirmé le décret d’érection du séminaire de Québec, affecté à icelui toutes les dîmes qui sont levées dans les paroisses et lieux du dit pays, et accordé au sieur évêque de Québec et ses successeurs la faculté de révoquer et destituer les prêtres par eux délégués dans les paroisses pour y faire les fonctions curiales, auxquelles et aux dérogatoires des dérogatoires nous avons dérogé et dérogeons par ces présentes. »

« Les ordres de la cour, dit Garneau, étaient positifs, il fallut obéir. L’évêque parut consentir à tout. Le gouverneur, l’intendant et les habitants convinrent qu’il serait payé cinq cent soixante et quatorze livres par année à chaque curé. En 1680, le roi ordonna aux habitants de fournir cette somme, qui s’élevait à plus que la dîme. Une assemblée publique eut lieu en présence du gouverneur, de l’intendant et du conseil ; les seigneurs et les habitants y déclarèrent qu’ils ne pouvaient donner plus du vingt-sixième de leurs grains. Il fut résolu de prier le roi de suppléer ce qui manquerait. »

L’intendant Duchesneau écrivait au ministre en 1681 : « Vous verrez, monseigneur, par la lettre que j’ai écrite aux propriétaires des terres en justice et en fief, tant pour eux que pour leurs habitants, qu’après avoir conféré avec monsieur l’évêque, comme vous m’ordonnez de le faire pour tout ce qui regarde le spirituel de ce pays et pour suivre les intentions du roi et les vôtres, qu’on a réduit aux dîmes seules la subsistance d’un curé auquel on a donné l’étendue qu’on a cru nécessaire pour cela et même on a soumis cette étendue au jugement des propriétaires et habitants afin que s’ils croyaient qu’elle fût trop grande on la diminuât, et aussi que si elle ne l’était pas assez on l’augmentât. Cependant, les propriétaires des fiefs et des seigneuries et les habitants ont représenté que l’étendue étant augmentée les peuples se trouveraient plus abandonnés, parce que dans celle qu’on avait déjà marquée à chaque curé, les habitants qui la composaient n’auraient la messe, pour l’ordinaire, qu’un dimanche en un mois ou en six semaines ; que même les dîmes n’augmenteraient pas par une plus grande étendue, parce que les habitants étant assistés plus rarement, déclareraient ne devoir de dîme qu’à proportion de l’assistance qu’on leur donnerait, et qu’étant impossible de les affermer par la difficulté de les recueillir sans de grands frais, à cause de la situation des lieux, il faudrait s’en rapporter à leur bonne foi. Les curés, d’autre côté, ont remontré qu’ils sont déjà surchargés de travail, étant obligés de marcher incessamment, tantôt en raquettes sur la neige pendant l’hiver et tantôt en canot pendant l’été, où ils rament tout le jour, et que si on leur augmentait leur étendue, qui était déjà trop grande, ils ne seraient pas capables de fournir à une aussi grande fatigue. Cependant, monseigneur, toutes ces difficultés ne m’ont pas empêché de faire connaître les intentions de Sa Majesté et les vôtres, et monsieur l’évêque a renvoyé les prêtres dans les lieux qu’ils avaient accoutumé d’assister et leur a ordonné de se contenter des vivres les plus simples et du seul nécessaire pour leur entretien. Quelques-uns des propriétaires des fiefs et des seigneuries ont offert de les nourrir chez eux et ils doivent pourvoir à leur entretien, comme cela se fait volontairement et indépendamment des dîmes ; on ne peut assurer qu’ils continueront… Il n’y a dans tout le pays que le nombre de sept églises paroissiales, sans compter celle de Québec, dont les murailles sont de pierre, qui sont dans les seigneuries de monsieur l’évêque et des messieurs de Saint-Sulpice et dans deux seigneuries particulières, lesquelles ont été bâties en partie des fonds que Sa Majesté a appliqués pour ce sujet, de fortes contributions de ces messieurs et des charités des particuliers. Les autres sont de pièces de bois et de planches qui ont été construites aux dépends des propriétaire des fiefs et des habitants que monseigneur l’évêque refuse de consacrer parce qu’il dit qu’il est de son devoir et de son obligation de ne donner la consécration qu’à des bâtiments solides et de durée. »

Aux pages 53, 66, 91 du tome v du présent ouvrage, nous avons donné la liste du clergé du Canada en 1681. En 1684, Mgr  de Laval ne pouvant consentir à se laisser dominer par les habitants partit pour la France.[1] En 1685, sur soixante et quatre seigneuries, il y avait quarante paroisses ayant des curés résidents. Une lettre de La Hontan, écrite de Montréal le 15 mars 1684, dit : « Messieurs de Saint-Sulpice (de Paris) ont le soin d’envoyer ici des missionnaires[2] de temps en temps qui vivent sous la direction d’un supérieur fort honoré dans le pays. Ils sont logés dans une belle, grande et magnifique maison de pierre de taille. Leur église n’est pas moins superbe. Elle est bâtie sur le modèle de celle de Saint-Sulpice de Paris et l’autel est pareillement isolé. Leurs côtes ou seigneuries au sud de l’île, produisent un revenu considérable, car les habitations sont bonnes, et les habitants riches en blé, bétail, volailles et mille autres denrées qu’ils vendent ordinairement à la ville ; mais le nord de l’île n’est pas encore peuplé. Ces prêtres-seigneurs… ont toujours traversé l’établissement des jésuites et des récollets à Montréal… Le peuple a beaucoup de confiance aux gens d’église en ce pays-là, comme ailleurs. On y est dévot en apparence, car on n’oserait avoir manqué aux grandes messes, ni aux sermons, sans excuse légitime… On nomme les gens par leur nom à la prédication ; on défend sous peine d’excommunication la lecture des romans et des comédies, aussi bien que les masques, les jeux d’ombre et de lansquenet. Les jésuites et les récollets s’accordent aussi peu que les molinistes et les jansénistes. Les premiers prétendent que les derniers n’ont aucun droit de confesser… Les officiers (militaires) doivent aussi tâcher d’entretenir une bonne correspondance avec les ecclésiastiques, sans quoi il est impossible qu’ils puissent se soutenir. Il faut non-seulement que leur conduite soit régulière, mais encore celle de leurs soldats, en empêchant les désordres qu’ils pourraient faire dans leurs quartiers… Le gouverneur général ne peut se dispenser des jésuites pour faire des traités avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-York, non plus qu’avec les Iroquois — je ne sais si c’est par rapport aux conseils judicieux de ces bons pères, qui connaissent parfaitement le pays et les véritables intérêts du roi, ou si c’est à cause qu’ils parlent et entendent à merveille les langues de tant de peuples différents, dont les intérêts sont tout-à-fait opposés, ou si ce n’est point par la condescendance et la soumission qu’on est obligé d’avoir pour ces dignes compagnons du Sauveur… Plusieurs personnes m’ont assuré que les jésuites faisaient un grand commerce de marchandises d’Europe et des pelleteries du Canada ; mais j’ai de la peine à le croire, ou si cela est, il faut qu’ils aient des correspondants, des commis et des facteurs aussi secrets et aussi fins qu’eux-mêmes, ce qui ne saurait être. »[3]

Mgr  de Saint-Vallier, arrivé en 1685, a écrit une relation de sa première visite au Canada. En voici quelques passages. Parlant des environs de Québec, il dit : « Il n’y a qu’une seule cure au cap Tourmente qui est fort bien desservie. Il y en a trois à la côte de Beaupré, savoir : Sainte-Anne, Château-Richer et l’Ange-Gardien ; et cinq dans l’île d’Orléans, qui sont la Sainte-Famille, Saint-François, Saint-Jean, Saint-Paul et Saint-Pierre. Ces huit cures sont gouvernées par quatre prêtres dont l’un est attaché à Sainte-Anne, lieu de pèlerinage où l’on va toute l’année, l’autre dessert Château-Richer et l’Ange-Gardien ; le troisième partage ses soins entre la Sainte-Famille et Saint-François, et le dernier est chargé à lui seul de Saint-Jean, Saint-Paul et Saint-Pierre. Chaque paroisse aura dans la suite son curé, lorsqu’elle pourra lui fournir sa subsistance[4] et qu’il y aura plus de prêtres[5] dans le pays. Tous ces lieux m’ont paru pauvres, il n’y a que trois ou quatre églises qui aient été bâties de pierres par les soins et le secours de messieurs du séminaire de Québec ; les autres ne sont que de bois, et elles ont besoin d’être ou réparées ou achevées, ou ornées au-dedans… Quelque temps après, je passai à Montréal. Je visitai sur ma route toutes les églises que j’y trouvai, des deux côtés du fleuve ; celle d’une petite ville que l’on appelle les Trois-Rivières et qui est fermée de pieux, fut la seule qui me donna de la consolation ; toutes les autres étaient ou si prêtes à tomber en ruine, ou si dépourvues des choses les plus nécessaires, que la pauvreté où je les vis m’affligea sensiblement ; et je ne doute pas que si les personnes de piété qui sont en France avaient vu comme moi ces lieux saints couverts de paille, tous délabrés, sans vaisseaux sacrés et sans ornements, elles n’en fussent vivement touchées, et qu’elles n’étendissent leurs aumônes jusque-là, pour y faire célébrer les divins mystères avec décence. »

Vers ce temps, le père Le Clercq, récollet, écrivait : « La plus sûre fonction des missionnaires est d’administrer aux Français qui sont en traite, aussi est-il vrai de dire que, dès que les pelleteries ne sont pas abondantes dans les cantons et que les Français n’y vont plus en traite, les révérends pères (jésuites) ne s’y tiennent plus aussi, jugeant leur présence inutile auprès de ces barbares. Témoins la plupart des missions qu’ils avaient établies et cultivées depuis 1632, mais qu’ils ont été obligés de quitter à mesure que les Français n’y étaient plus attirés par l’intérêt temporel. De ce nombre sont les missions de la grande baie de Saint-Laurent, Ristigouche, Nipsiguit, Miscou, le cap Breton, Port-Royal, Rivière-du-Loup, cap de la Madeleine, les Trois-Rivières, Nipissiriniens, plusieurs missions chez les Hurons dans le haut du fleuve. On est contraint même de quitter Tadoussac pour s’établir à Chigoutimi[6] — sans parler de beaucoup d’autres qui ne subsistent plus aujourd’hui. »

Mgr de Saint-Vallier n’était que le vicaire-général de Mgr de Laval qui l’avait fait nommer. Il passa en France, l’automne de 1686, et fut sacré évêque de Québec en 1688 ; le 15 août de cette dernière année il débarquait de nouveau à Québec. Au lieu d’aller, comme son prédécesseur, loger au séminaire, il se retira dans son palais épiscopal. « Cela commença, dit Garneau, à éveiller les soupçons. Ensuite, il voulut séparer du séminaire la paroisse et le chapitre ; ce qui déplut encore davantage ; aux yeux de plusieurs le nouveau prélat passa pour avoir un esprit inquiet et emporté. La querelle s’anima. Il fallut en appeler à l’intervention de l’archevêque de Paris et du père de La Chaise, arbitres ordinaires des contestations ecclésiastiques du Canada. » Mgr de Laval, qui était revenu ici et qui demeurait au séminaire de Québec, tenait tête à son ancien protégé. Les animosités religieuses faisaient rage dans la colonie. Les deux évêques se tiraillaient publiquement comme avaient fait Mgr de Laval et les quatre ou cinq derniers gouverneurs du Canada. « En 1692, sur l’avis de l’archevêque de Paris et du père de La Chaise, le roi enjoignit enfin, ajoute Garneau, de se conformer à sa déclaration de 1686, donnée pour tout le royaume et qui défendait de nommer des curés amovibles sous quelque prétexte que ce fût. Quant à la réunion de la cure de Québec au séminaire, elle fut confirmée par Louis XIV en 1697. »

Parlant de ces malheureuses disputes, M. l’abbé Casgrain écrivait récemment, au sujet du jugement porté par Garneau sur Mgr de Laval : « Je me souviens encore des hauts cris que suscita ce jugement lorsque parut le premier volume de l’Histoire du Canada. » Mais quand on l’examine avec la froide raison, après avoir étudié les documents de l’époque, on ne peut s’empêcher d’en reconnaître la justesse. L’œuvre de Mgr de Laval est trop grande, ses intentions étaient trop droites, sa sainteté est trop éclatante, pour qu’il ne soit pas permis d’avouer des défauts de caractère qui étaient, pour ainsi dire, l’apanage des grands de son siècle. L’atmosphère, en France, était à l’absolutisme. Louis XIV, le monarque peut-être le plus absolu des temps modernes, était l’exemple sur lequel se modelaient tous ceux qui, de loin comme de près, partageaient son pouvoir. Les hommes d’église les plus saints subissaient, même à leur insu, cette influence, comme les hommes du monde. Mgr  de Laval n’en fut pas exempt, il ne faut pas craindre de le dire. On ne craint pas d’enlever la poussière sur un beau marbre antique. Si Mgr  de Laval n’avait eu maille à partir qu’avec l’État, si on n’avait à lui reprocher que de s’être querellé avec les gouverneurs, qu’il faisait et défaisait presqu’à son gré, on pourrait supposer qu’il agissait de la sorte parce que ceux-ci outrepassaient leurs pouvoirs et qu’ils empiétaient sur le domaine religieux ; mais il s’est fait des querelles dans l’Église même, et, en particulier, avec son propre successeur, Mgr  de Saint-Vallier. Après l’avoir choisi lui-même selon ses désirs, l’avoir désigné au roi, comme il avait fait auparavant pour le gouverneur Mésy, et lui avoir remis son siège, il voulut que le nouvel évêque lui obéit et qu’il dirigeât l’Église du Canada uniquement selon ses vues. Voyant qu’il ne pouvait le gouverner, il mit ensuite tout en œuvre auprès du roi pour le faire rappeler en France et lui faire enlever son siège. La lutte fut ce qu’on peut la supposer entre deux prélats relevant tous deux de la haute noblesse, également influents à la cour, doués chacun d’une volonté de fer et de cette âpre vertu dont l’abbé de Rancé fut alors le modèle extrême. Quand on examine le sujet de ce débat, on reste aussi attristé que le seront nos arrières-neveux, quand ils étudieront les luttes du même genre dont nous sommes aujourd’hui témoins. Mgr  de Laval avait fait de son clergé une espèce d’ordre régulier, fort édifiant, ne possédant pas de biens propres, ayant pour centre d’action le séminaire de Québec, où l’évêque fondateur était tout puissant. Dès son arrivée dans la colonie, Mgr  de Saint-Valier vit bien qu’il serait toujours à la merci de son prédécesseur, s’il ne brisait cette organisation. Aussi entreprit-il de constituer son clergé sur le pied des diocèses de France. Ce plan était le plus pratique, et il devait tôt ou tard être et mis à exécution. Mgr  de Laval en fut consterné ; il crut y voir la ruine de son église : c’était certainement celle de son influence. Il réagit contre ce nouvel ordre de choses avec autant d’impétuosité que Mgr  de Saint-Valier en mit à le réaliser. Ces deux hommes si saints, animés des meilleures intentions, croyant agir pour le plus grand bien, empoisonnèrent leur vie par ces dissensions, dont le diocèse eut à souffrir encore davantage. Mgr  de Saint-Valier ne fut plus, aux yeux de l’ancien évêque de Québec… « qu’un homme de cour qui, n’ayant pas la moindre espérance de grâce dans sa conduite, ne s’étudie jour et nuit qu’à trouver des moyens de ne donner aucun repos à tous ceux qui lui apportent la moindre résistance. » (Lettre à M. de Brisacier, en 1692). Et en 1699, dans une lettre à M. l’abbé Tremblay, alors à Paris : « Comme il n’y a aucun changement à espérer de sa conduite, l’on peut s’attendre qu’il ruinera cette pauvre église qu’il est plus incapable de gouverner, à cause spécialement de son éloignement de la France. » Enfin Mgr  de Laval écrivait à Mgr  de Saint-Vallier lui-même, en 1696 : « N’a-t-il pas paru… que votre principal dessein a été de détruire tout ce que vous avez trouvé si bien établi ? » Le secret de ce démêlé est tout entier dans ces derniers mots. Je me borne à ces courts passages qui pourraient être aggravés par des citations plus accentuées. Ne croirait-on pas assister aux disputes et aux excès de langage auxquels se livrèrent saint Jérôme et Ruffin, et, dans des temps plus rapprochés, saint Bernard et Pierre-le-Vénérable ? Les chrétiens éclairés ne s’étonnent pas de ces misères qui ont toujours existé plus ou moins dans l’Église. C’est la part de la nature humaine et l’épreuve de la foi. »

Parlant de Mgr  de Saint-Valier, le même auteur s’exprime ainsi : « Les vertus sacerdotales, l’esprit de mortification et d’humilité qu’il avait puisé à l’école des grands maîtres spirituels, n’avaient pas détruit en lui les préjugés de la noblesse, ni toutes les saillies d’un tempéramment impétueux. Devenu évêque de Québec, son administration se ressentit de ces qualités et de ces défauts. Le grand bien qu’il fit dans son diocèse, et qui ne peut être contesté sans injustice, fut mêlé de procédés arbitraires et d’actes bizarres, qui mirent souvent à de rudes épreuves ceux qui vivaient avec lui, et empêchèrent de l’apprécier alors à sa juste valeur. » Puis il énumère ses actes méritoires : « 1. Une fondation de quarante mille livres au séminaire de Québec pour l’entretien de six prêtres dans les missions sauvages les plus abandonnées. 2. La construction d’un palais épiscopal qu’il légua à ses successeurs, et qui lui coûta plus de quatre-vingts mille livres. 3. La fondation de l’Hôpital-Général, l’une des quatre grandes institutions de Québec qui, depuis deux siècles, ont répandu des bienfaits qui ne se comptent pas ; il y consacra soixante mille livres. 4. La fondation des ursulines des Trois-Rivières qui, depuis ce temps, ont été la providence de cette ville ; il les dota de trente mille livres. 5. Une donation de vingt mille livres aux prêtres du séminaire de Montréal. 6. Une autre donation de huit mille livres pour le soutien d’une école à Québec. 7. Un don de six mille livres aux sœurs de la congrégation de Notre-Dame de Montréal. Le total des sommes dépensées au Canada par Mgr  de Saint-Vallier s’élève à six cent mille livres, sur lesquelles deux cent mille provenaient de son patrimoine de famille. »

Revenant de France, en 1704, Mgr  de Saint-Vallier tomba aux mains des Anglais et fut retenu captif durant huit années. En son absence du pays, un événement, que Mgr  de Laval ou son parti avaient dû préparer, obligea le conseil supérieur de la colonie à rendre l’ordonnance suivante, sous la date du 18 novembre 1705 : « Sur ce qui a été remontré par le procureur-général du roi qu’il a eu avis, le jour d’hier, que le curé de la paroisse de l’Ange-Gardien[7] et celui de Notre-Dame de Beauport[8] ont, dans leurs prônes, dimanche dernier, et autres dimanches précédents, averti leurs paroissiens que, dorénavant, ils prétendaient qu’ils leur payassent la dîme, non seulement des grains, comme il a été pratiqué jusqu’à présent, mais encore de tout ce que la terre produit par la culture ou sans culture et des bestiaux, comme foin de bas pré, fruits, lin, chanvre, moutons et autres choses, tellement que ces propositions causèrent un grand murmure, à la sortie des dites messes, entre les habitants, à cause de cette nouveauté insupportable en ce pays qui est déjà si difficile par la rigueur de son climat qu’à peine les habitants peuvent-ils payer exactement la dîme de leurs grains et subvenir à leurs pressants besoins,[9] ce à quoi ils ne pourront parvenir dorénavant, comme ils en sont pleinement convaincus, qu’en s’appliquant à élever des moutons et à la culture des lins et chanvre, ce qui a fait que, depuis deux ans, tous les habitants s’y sont employés fortement, dont ils commencent à ressentir l’avantage, ces prétentions et demandes des dits curés étant capables de les décourager et même rebuter ; —

« Il est nécessaire de savoir que, lorsque messieurs de Tracy, Courcelles et Talon, furent envoyés en ce pays par Sa Majesté en l’année mil six cent soixante et cinq en qualité de gouverneurs et lieutenants-généraux et intendants, ils firent un règlement avec monsieur de Laval, pour lors nommé par Sa Majesté premier évêque de ce pays, le quatrième jour de septembre mil six cent soixante et sept, après avoir entendu les plus notables du pays, par lequel il fut arrêté que les dîmes ne s’y payeraient à l’avenir que des grains seulement, à raison du vingt-sixième minot,[10] en considération de ce que les habitants seraient tenus de l’engranger, battre, vanner et porter au presbytère. Ce règlement resta au secrétariat de mon dit sieur Talon, intendant, et, quoiqu’il ne paraisse pas, parce que la plus grande partie de ce secrétariat a été dissipé, comme la plupart de ceux de messieurs ses successeurs, il a été exécuté de bonne foi, de part et d’autre, et il ne peut être nié, parce qu’il y a encore des personnes vivantes qui en ont parfaite connaissance pour y avoir été appelées.

« L’édit de Sa Majesté donné à Saint-Germain-en-Laye, au mois de mai mil six cent soixante et dix-neuf,[11] registré le vingt-troisième octobre suivant, fait mention de ce règlement et le date du quatre septembre mil six cent soixante et sept, et, comme Sa Majesté a donné cet édit pour servir au règlement des dîmes et cures fixes, Elle a dérogé par icelui spécialement aux lettres-patentes du mois d’avril mil six cent soixante et trois,[12] par lesquelles Sa Majesté avait confirmé ce décret d’érection du séminaire de cette ville auquel Elle avait affecté toutes les dîmes de quelque nature qu’elles pussent être, dérogeant pareillement à toutes lettres-patentes, édits et déclarations et autres actes contraires.

« Lorsque Sa Majesté fit connaître ses intentions par ses lettres à feu M. le comte de Frontenac, et à feu M. Duchesneau, au sujet de l’établissement des cures fixes en ce pays et qu’elles furent réitérées et renouvelées par les lettres de feu M. Colbert, ils eurent ordre de régler dans une assemblée à quelle somme seraient fixée la portion congrue de chaque curé, elle le fut à cinq cents livres, outre les menus profits du dedans de l’église, et on estime qu’avec cette somme, outre leur subsistance et entretien, ils pouvaient avoir un domestique pour les servir.

« Quoique ce règlement soit suffisant et qu’il soit assuré que le moyen d’établir le pays ce serait de rendre toutes les cures fixes, cependant il n’y en a quasi pas, et encore on n’en a pourvu que ceux qu’on est assuré qui rendront leurs provisions toutes fois et quantes qu’on leur demandera, et c’est pour cela que, jusqu’à présent, ils n’ont pas fait enregistrer leurs dites provisions et qu’ils les tiennent secrètes, et aussi qu’ils ne s’attachent pas à l’augmentation du temporel des dites cures.

« Il est incontestable que, pour le partage qui a été fait pour l’étendue de chaque cure ou mission, il y en a peu qui n’aient plus que la portion réglée congrue par les dîmes des grains seulement comme elles se sont perçues jusqu’à présent, et que, quelque changement qu’on voulût y faire, ce ne serait que pour donner du superflu aux curés, à la charge des peuples ; — et comme ces publications des dits curés sont une entreprise contre l’autorité séculière, il est d’importance d’en empêcher la continuation et les inconvénients qui en pourraient résulter.

« C’est pourquoi, le dit procureur-général du roi requiert qu’après s’être fait représenter l’édit de Sa Majesté du mois de mai mil six cent soixante et dix-neuf et les lettres patentes du mois d’avril mil six cent soixante et trois, il soit ordonné que les dits sieurs curés de l’Ange-Gardien et de Beauport viendront en personne rendre compte au Conseil de quelle autorité ils ont fait la dite publication, pour, sur leurs réponses, être par lui pris telles conclusions qu’il appartiendra, et que, cependant, il soit fait défense aux dits curés de l’Ange-Gardien et de Beauport, et à tous autres, de faire aucune publication pour innover dans la conduite qu’on a tenue jusqu’à présent dans le payement des dîmes, et à tous les habitants de ce pays de payer d’autres dîmes que celles des blés et de toutes sortes de grains, comme il s’est pratiqué depuis ce temps-là jusqu’à présent, sous telle peine qu’il appartiendra. »

Un édit du roi, daté de Marly, le 12 juillet 1707, se lit comme suit : « Vu au conseil d’état du roi la requête présentée en icelui par les curés et missionnaires de Canada, contenant que persuadés de la protection de Sa Majesté pour l’église de cette Nouvelle-France, et de son attention pour le soutien de ses privilèges, qu’elle a toujours maintenus toutes les fois qu’on y a voulu donner atteinte, ils viennent avec confiance implorer l’autorité de Sa Majesté dans une affaire qui intéresse toute l’église de ce pays, puisqu’il s’agit de la perception des dîmes, sans lesquelles elle ne peut subsister, et dont néanmoins le conseil de Québec leur interdit la jouissance, jusqu’à ce que Sa Majesté ait déclaré de rechef ses intentions, quoiqu’elle les ait formellement expliquées par son édit du mois d’avril 1663, lors de l’établissement des cures de Canada en ces termes : — que toutes les dîmes, de quelques natures qu’elles puissent être, tant de ce qui naît en Canada par le travail des hommes, que de ce que la terre produit d’elle-même, se payeront de treize portions une,[13] et que le clergé de Canada jouira de la totalité des dîmes, grosses et menues, anciennes et nouvelles, de tous les fruits généralement quelconque et sans aucune distinction, qui proviendront de toutes les terres dans le pays de la Nouvelle-France, ce que les sieurs de Tracy, de Courcelle et Talon, lieutenants-généraux et intendant pour Sa Majesté, en ce pays, trouvèrent si nécessaire pour la subsistance des curés, qui d’ailleurs n’avaient aucun autre moyen pour vivre, firent un règlement en 1667, pour l’exécution de cet édit, par lequel considérant l’état du pays, pour lors encore très peu défriché et habité, le climat fâcheux, les saisons inconstantes, et les chemins tout-à-fait impraticables, ordonnèrent que les dîmes se payeraient de tout ce qui naît par le travail des hommes, et de tout ce que la terre rapporte d’elle-même par les habitants, pures et nettes, et seulement de la vingt-sixième portion une, au lieu de treize, suivant qu’il est porté par l’édit de 1663,[14] et cela pendant l’espace de vingt années et jusqu’à ce que le pays fut en état de souffrir une plus forte imposition ; lequel règlement Sa Majesté confirma par son édit du mois de mai 1679, dans toute son étendue, dans cet état il ne peut rester aucun doute que les curés de Canada ne soient en droit de lever la dîme conformément aux dits édits et règlements ci-dessus, et avec d’autant plus de fondement que Sa Majesté n’a rien ordonné par ses édits que de conforme à plusieurs autres qu’elle a rendus pour tout le royaume, en conséquence desquels les curés ont droit de percevoir les dîmes de toutes choses, et particulièrement de tout ce qui provient d’une terre qui a une fois rapporté une chose qui doit dîme, sur ce fondement universellement reçu, que tant que la nature du fonds subsiste l’obligation qu’il a de payer subsiste pareillement, quoique la superficie soit changée suivant qu’il a été décidé par plusieurs arrêts du parlement de Paris et par plusieurs autres cours souveraines. Or il ne se trouvera dans le Canada qu’il y ait aucune terre qui n’ait été labourée et ensemencée de grains payant la dîme, et par conséquent de l’obligation des habitants de payer la dîme de tout ce qu’elle rapporte, et avec d’autant plus de justice, que si Sa Majesté permettait à ces habitants de ne payer la dîme que des grains seulement, ils seraient réduits à la mendicité et se trouveraient hors d’état de desservir leurs cures, et même contraints de les abandonner, attendu que le peu de débit de ces grains fait que ces habitants ensemencent la plus grande partie de leurs terres de différentes denrées et particulièrement de celles qu’ils auront remarqué, qui se sera la mieux vendue, et continuent ainsi dans l’espérance qu’ils ont qu’ils en auront le débit, cependant, les suppliants supplient Sa Majesté de considérer que leur unique bien consiste uniquement dans la dîme, d’où il faut qu’ils tirent leur nourriture et leurs habillements, qu’ils sont contraints d’acheter à un prix excessif, et jusqu’aux moindres choses de la vie, pendant que toutes les denrées qui croissent dans le pays se donnent à un prix fort médiocre faute de consommation, et qu’il serait juste qu’ils partageassent du moins avec les peuples qu’ils servent, les moyens de subsister dans ce que le pays peut produire, ce qui serait même beaucoup plus convenable que d’être obligés de se pourvoir pardevers Sa Majesté pour raison de leur nourriture et entretien ; et c’est dans cette vue que l’un des suppliants demande la dîme du lin, et un autre explique dans son prône, le droit qu’il avait de demander la dîme de plusieurs choses, par la lecture qu’il fit du dit édit de Sa Majesté, et c’est sous ce prétexte que le sieur procureur-général a poursuivi ces deux curés et fait rendre deux différents arrêts, par le premier il les a fait citer pardevant le conseil de Québec, pour être entendus et après avoir été pleinement convaincus de la justice de leur procédé et de leur droit, leur en ont néanmoins interdit la jouissance, et ont suspendu l’exécution des édits de Sa Majesté, quoiqu’ils ne soient pas en droit de donner atteinte à ses édits, n’y ayant qu’elle seule qui puisse le faire de son autorité privée, et qui d’ailleurs, par leurs intérêts particuliers, étaient incompétents de connaître de cette affaire, attendu les terres qu’ils possèdent dans le pays ; les raisons dont le conseil de Québec s’est servi pour rendre ces deux arrêts sont, que les suppliants n’ont point prétendu jusqu’à présent percevoir la dîme de toutes les denrées, et qu’ainsi, ils sont non recevables à demander aujourd’hui une chose à quoi ils n’ont jamais songé, et sous le prétexte de la grande pauvreté des peuples. Il est aisé aux suppliants de détruire ces objections, sur la première que toutes autres choses, hors les grains, étaient de si peu de conséquence dans leurs commencements qu’elles ne méritaient pas d’en demander la dîme, le lin, le chanvre, le tabac, les citrouilles et les autres denrées étaient encore inconnues, et les peuples étaient alors dans une si grande indigence qu’il était difficile à des missionnaires que la charité amenait en Canada, de ne pas relâcher de leurs droits ; mais pour le présent que ces habitants sont bien établis, et que la terre depuis que le pays a été découvert a rapporté plus abondamment toutes ces menues choses, que ces habitants préfèrent de semer aux grains ordinaires, il est bien juste qu’ils se soumettent à leurs obligations.

« Sur la seconde objection, il est de notoriété publique que communément il n’y a point d’habitants qui ne vivent sur leurs terres en y prenant de la peine ; ils y trouvent presque toutes les nécessités de la vie, et même ordinairement assez abondamment ; et il n’y a que les habillements qui leur coûtent le plus, encore commencent-ils à recueillir du lin dont ils font quantité de toiles, qui leur sont d’un très grand secours, et à élever des moutons dont ils prennent la laine pour faire des étoffes, au lieu que les suppliants n’ayant point d’habitations qui leur fournissent tous ces besoins, sont obligés d’acheter jusques aux moindres choses, et par ce moyen hors d’état de donner aucun secours aux pauvres qui leur viennent demander du soulagement, ce qui fait espérer aux suppliants que Sa Majesté faisant attention sur ces raisons, elle leur fera la grâce de leur accorder la permission de lever les dîmes de tout ce qui naît, tant par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-même, sur le pied de treize une, suivant l’édit du mois d’avril 1663, qu’ils pourront percevoir sur le champ.

« Requerraient à ces causes, qu’il plût à Sa Majesté, sans avoir égard aux arrêts rendus par le conseil souverain de Québec, le dix-huit novembre 1705 et premier février 1706, ordonner que les édits de 1663 et 1679, seront exécutés selon leur forme et teneur, en ce qu’ils ordonnent que toutes les dîmes de quelque nature qu’elles puissent être, tant de ce qui naît en Canada par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-même, se payeront de treize portions une, ce faisant, ordonner que tous les habitants du Canada possédant des terres seront tenus de payer la dîme de treize portions une, savoir, de toutes sortes de grains, du lin, chanvre, tabac, citrouilles, fruits qui naissent sur les arbres, jardinages, foins et généralement tout ce que la terre produit d’elle-même, et le tout sur le même pied.

« Vu aussi l’édit du mois d’avril 1663, portant confirmation de l’érection du séminaire de Québec, qui ordonne entre autres choses, que toutes les dîmes de quelque nature qu’elles soient, tant de ce qui naît par le travail des hommes que de ce que la terre produit d’elle-même, se payeront de treize portions une ; et que le clergé du Canada jouira de la totalité des dîmes, grosses et menues, anciennes et nouvelles, de tous les fruits généralement quelconques et sans aucune distinction de toutes les terres ; copie collationnée du trois de mars mil six cent quatre-vingt-treize, sur une autre copie collationnée, le vingt-quatre septembre 1667, sur l’original en papier rendu d’une ordonnance des sieurs de Tracy, lieutenant-général des armées du roi dans les îles, de Courcelles, gouverneur du Canada, et Talon, intendant au dit Canada, par laquelle il est ordonné par provision et sans préjudice du dit édit de 1663 et aux temps futurs, que les dîmes seront perçues tant de ce qui naît par le travail des hommes (sans y comprendre toutefois les manufactures ou pêches, mais seulement les productions de la terre aidées par le travail des hommes) que de ce que la terre produit d’elle-même, sur le pied de la vingt-sixième portion, sans qu’elle puisse être augmentée pendant vingt ans, que le payement en sera fait conformément à l’estimation des fruits pendants par les racines, qui sera fait dix jours avant la récolte ou environ, que chaque habitant remettra en grain et non en gerbe, ce qu’il devra au lieu de la demeure principale du curé, et que les terres nouvellement mises en culture ne payeront rien durant les cinq premières années, la dite ordonnance datée du vingt-troisième août 1667 ; et qu’il est dit être signée des dits sieurs de Tracy, Courcelles et Talon.

« Autre édit du mois de mai 1679, concernant l’établissement des curés en Canada, portant entr’autres choses, article ii, que les dîmes seront levées suivant le règlement du quatrième septembre 1667, et dans l’article iv, que si les dîmes ne sont pas suffisantes, le supplément sera réglé par le conseil de Québec, et fourni par le seigneur du fief et les habitants, et au surplus, ordonne Sa Majesté que le dit édit soit exécuté nonobstant toutes lettres patentes, édits et déclarations, même les lettres patentes du mois d’avril 1663.

« L’arrêt d’enregistrement du dit édit au conseil souverain, du vingt-troisième octobre 1679, par lequel il est ordonné que la compagnie s’assemblera le mercredi suivant pour être avisé à la subsistance et entretien des curés, si les dîmes n’étaient pas suffisantes conformément à l’article iv du dit édit.

« Autre arrêt du conseil souverain, rendu en exécution du précédent, sur un mémoire présenté par les ecclésiastiques du séminaire, et le procès-verbal fait par le sieur intendant, du septième octobre 1678, concernant l’entretien et subsistance des dits curés, portant qu’avant faire droit les seigneurs et habitants des paroisses auront communication, ensemble des dits procès-verbal et mémoire, pour y répondre dans le printemps prochain ; le dit arrêt du trente-unième octobre 1679.

« Autre arrêt du dit conseil souverain du 23e décembre 1680, rendu sur la requête de messire Pierre Francheville, prêtre, au nom et comme procureur des curés de la plupart des paroisses de la Nouvelle-France, par laquelle, attendu que les dits curés ne peuvent trouver aucuns habitants qui veuillent affermer les dites dîmes, et que de leur part il est impossible de vaquer à les faire recueillir de chaque habitant, étant occupés plus que suffisamment à leurs fonctions spirituelles, ils demandent que les dîmes de chaque paroisse seront recueillies par ceux que les habitants nommeront d’entr’eux, pour être ensuite estimées avec les dits curés, auxquels il sera libre de les prendre au prix de l’estimation ou de les laisser en leur fournissant le prix, et en cas quelles ne fussent suffisantes y être suppléé au terme du dit édit, par lequel arrêt il est ordonné, entr’autres choses, que les dîmes de chaque paroisse seront affermées au plus offrant, avec les solennités ordonnées par l’arrêt, pour en être le prix payé à chaque curé ; et s’il ne se trouve aucuns fermiers, qu’il sera nommé une ou plusieurs personnes pour recevoir la déclaration de chaque particulier, de ce qu’il doit de dîmes pour être apportées aux lieux qui leur seront désignées ; et que les grains seront représentés par ceux qui en seront chargés pour être évalués par les curés et habitants, et ensuite délivrés aux curés.

« Autre arrêt du dit conseil souverain, du dix-huit novembre 1705, rendu sur l’exposé du procureur-général du dit conseil, que deux curés ont averti leurs paroissiens qu’ils prétendaient qu’à l’avenir la dîme leur fut payée non seulement des grains, comme il avait été pratiqué jusqu’à présent, mais de tout ce que la terre produit par la culture et sans culture, comme foin de bas pré, fruits, lins, chanvres, et des bestiaux, que par le règlement du quatrième septembre 1667, il fut arrêté que les dîmes ne se payeraient à l’avenir que des grains seulement, à raison du vingt-sixième minot, en considération de ce que les habitants seraient tenus de les engranger, battre, vanner et porter au presbytère, que ce règlement resta au secrétariat du sieur Talon, intendant, et quoiqu’il ne paraisse pas, parce que la plus grande partie des papiers de ce secrétariat a été dissipée comme la plupart de ceux de ses successeurs, cependant il a été exécuté de bonne foi, de part et d’autre, et qu’il ne peut être nié parce qu’il y a encore des personnes vivantes qui en ont une parfaite connaissance, pour y avoir été appelées ; que l’édit de 1679 en fait mention, qu’il est incontestable que, par le partage fait pour l’étendue de chaque cure, il y en a peu qui par les dîmes de grains seulement n’ait plus que sa portion congrue, laquelle a été réglée dans une assemblée générale à la somme de cinq cents livres, outre les mêmes profits du dedans de l’église ; sur quoi, conformément à sa réquisition, il est ordonné que ces deux curés viendront en personne au conseil pour y rendre compte de quelle autorité ils ont fait la dite publication, pour, sur leurs réponses, être pris, par le dit procureur-général, telles conclusions qu’il avisera, défense aux curés de rien innover en la perception des dîmes, et au règlement du quatrième septembre 1667.

« Le dit arrêt signifié au sieur Boulard, curé de Beauport, le onze décembre suivant.

« Réponse du dit sieur Boulard, que, se croyant obligé d’expliquer au peuple les commandements de Dieu et de l’Église, il prit de là occasion de leur expliquer leurs obligations à l’égard des dîmes, que le règlement que l’on a daté du quatre septembre dans l’édit de 1679, est le même que celui du vingt-troisième août 1667, dont la date n’a pas été bien mise par erreur dans le dit édit ; or le règlement du vingt-troisième août 1667, porte le contraire de ce qui est avancé par le dit sieur procureur-général, comme on peut voir par le dispositif du dit règlement ; que si dans l’usage on n’a pas exigé toutes les natures de dîmes portées par ce règlement, ce n’a pas été que pour condescendre à l’état de ces temps-là ; qu’il paraît par un mémoire donné en 1679, par le sieur procureur-général que l’on avait estimé que les curés se mettant en pension, auraient besoin de cinq cents livres pour leur subsistance et que vivant en leur particulier, ils avaient encore besoin de trois cents livres pour un valet.

« D’ailleurs, que quand on leur régla cinq cents livres en se mettant en pension, on compta trois cents livres pour leur nourriture sans y comprendre le vin dont ils devaient se fournir, et deux cents livres pour leur entretien, que l’on doit conclure de là qu’à présent que les dîmes valent peu, au lieu que le linge, les étoffes et le vin sont à un prix excessif, que les dîmes sur les grains ne suffisent pas pour la portion congrue ; que les habitants n’ayant pas trouvé d’utilité dans la culture des grains ont laissé les terres en prairie, d’autres y ont semé du chanvre et du lin, toutes lesquelles choses tiennent lieu du grain, qu’il y a des vergers de quarante arpents, que les propriétaires prétendent exempter de la dîme ; que les arrêts de France ont jugé que la terre labourable étant convertie en vignes, oignons, raves, etc., les dîmes devaient s’y percevoir ; la dite réponse, signée Boulard, et pour copie De Monseignat.

« Autre réponse du sieur Du Fournel, curé de l’Ange-Gardien, contenant les mêmes moyens ci-dessus allégués.

« L’arrêt du conseil souverain du vingt-deuxième décembre 1705, portant qu’avant faire droit, les mémoires des dits curés seront communiqués au procureur-général ; la réponse du dit procureur-général du dix janvier 1706, contenant entr’autres choses que les dîmes se doivent payer suivant l’usage, au lieu que les dits sieurs curés les veulent faire payer, comme les provinces de France les payent toutes ensemble, soutien qu’il y a eu un règlement le quatrième septembre 1667, autre que celui du vingt-trois août, que celui-ci est une pièce supposée, dont l’original ne paraît point, et qui n’a point été enregistré au greffe du conseil, quoique par la copie supposée il soit dit qu’il y sera enregistré, d’ailleurs que cette même copie a été collationnée sur une autre copie collationnée sur l’original en papier rendu, lequel original ne devait pas se trouver entre les mains d’un particulier, puisque aux termes de cette prétendue copie, il contenait les signatures des sieurs de Tracy, de Courcelles et Talon, soutient qu’un curé qui a cinq cents livres avec les profits du dedans de l’église, a honnêtement de quoi vivre, que tous les vergers ensemble, depuis Tadoussac jusqu’à Montréal, nord et sud, qui font cent quatre-vingts lieues, ne contiendraient pas quarante arpents ensemble ; ainsi la plainte des curés à cet égard est sans fondement ; qu’il est vrai que les grains sont quelque fois à bas prix, mais dans ces temps-là l’abondance récompense et que l’on donnerait volontiers à chaque curé six cents livres et plus de ses dîmes de grains ; qu’ainsi la nouveauté que les curés veulent introduire n’est que pour se donner du superflu.

« Que si les dîmes, telles qu’elles se lèvent, ne sont pas suffisantes, l’édit de 1679, article iv, pourvoit au supplément ; requiert que défenses soient faites aux curés et autres, de faire aucune innovation dans la perception des dîmes qui seront payées à l’ordinaire au vingt-sixième minot de tous les grains battus et nettoyés, portés au presbytère, sauf aux curés qui n’auront pas un revenu suffisant à se pourvoir pour le supplément, conformément à l’édit de mil six cent soixante-dix-neuf.

« Jugement du dit conseil souverain du 1er  février 1706, qui ordonne que les dîmes seront payées aux curés, conformément à l’usage observé jusqu’à présent ; défenses aux curés de les demander, et aux habitants de les payer autrement jusqu’à ce que par Sa Majesté en ait ordonné.

« Mémoire du dit sieur procureur-général servant de réponse à la requête en cassation de l’arrêt ci-dessus, soutient que le règlement du quatre septembre 1667, que l’on ne représente point et qui ne peut avoir été autre chose que ce qui s’est pratiqué depuis, doit être la règle pour la perception des dîmes, que si elles ne sont pas suffisantes, le règlement de 1679 y a pourvu ; que depuis l’arrêt du vingt-trois décembre 1680, les curés ont trouvé plus d’avantage à faire eux-mêmes la perception de leurs dîmes, et qu’il y a eu des années où des cures ont produit jusqu’à quinze cents livres et deux mille livres, même plus, qu’ils ont été par la connaissance de la vraie valeur des dîmes et ont pris plus hardiment le prétexte d’obtenir de Sa Majesté un supplément de huit mille livres, mais que pour reprendre cette connaissance il n’y a qu’à faire exécuter le dit arrêt du vingt-trois décembre 1680, et s’il se trouve que les dîmes ne soient pas suffisantes, les habitants fourniront le surplus sur le pied de cinq cents livres, que l’on a estimé devoir suffire pour leur portion congrue, et quand à la plainte que font les curés que la dîme n’est levée qu’au vingt-sixième denier, soutient que la charge de l’engranger et la porter au presbytère est très considérable, d’ailleurs que le défrichement des terres n’en peut pas porter une plus forte, et que dans l’avenir la dîme des marais desséchés ne se paye qu’au cinquantième.

« Si les terres où on a semé du blé se mettent depuis en chanvre ou en lin, les curés, en sont récompensés, parce que tous les ans on défriche plus de terre pour la mettre en blé qu’on ne sème de chanvre et de lin, où il y avait eu du blé.

« Que la volonté du roi étant que les curés aient ce qui leur est nécessaire, soit par les dîmes ou par le supplément, et les seigneurs et les habitants voulant bien l’exécuter, les nouvelles dîmes que les curés veulent imposer sont sans nécessité, et qu’ils ne les demandent qu’afin de s’enrichir aux dépens des habitants, et il conclut à ce que les dits curés soient renvoyés à l’exécution de l’édit de 1679, et les arrêts du conseil supérieur rendus en conséquence, et qu’il leur soit défendu de rien innover sous peine d’une grosse amende, le dit mémoire signé Dauteuil.

« Autres pièces et mémoires des parties, ouï le rapport et tout considéré ; Sa Majesté : étant en son conseil, sans s’arrêter à la requête des dits curés et missionnaires du Canada, a ordonné et ordonne que les arrêts du dit conseil supérieur, des dix-huit novembre mil sept cent cinq, et premier février mil sept cent six, seront exécutés, sauf aux dits curés et missionnaires à se pourvoir pour le supplément nécessaire, en exécution de l’article quatre de l’édit du mois de mai, mil six cent soixante-dix-neuf. »

Mgr  de Laval mourut à Québec le 6 mai 1708, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, mais son parti lui survécut. En 1712, la guerre étant terminée entre les deux couronnes, Mgr  de Saint-Vallier revint dans son diocèse ; il se choisit en même temps un coadjuteur, Mgr  de Mornay, qui résida toujours en France tout en s’occupant des intérêts du Canada.

« En 1716, dit Garneau, Mgr  de Saint-Vallier fit des règlements pour mettre l’église du Canada sur le même pied que celle de France, où la subordination des ecclésiastiques, des séminaires notamment, à leurs évêques était mieux pratiquée. Il se plaignait que le séminaire de Québec ne formait pas assez de prêtres. Cependant, dix-huit ecclésiastiques canadiens avaient reçu les ordres sacrés depuis cinq ans. Le séminaire[15] accusa à son tour Mgr  de Saint-Vallier de manquer à l’ordonnance sur l’inamovibilité des curés en voulant faire desservir les paroisses par les récollets.[16] Le règlement de la question des libertés de l’église gallicane ayant, dans la suite, éloigné de son attention les affaires religieuses, la cour ferma les yeux sur l’infraction de l’arrêt de 1692, et peu à peu les curés redevinrent amovibles comme auparavant. »

Dans un registre des professions des frères et des pères admis à prononcer leurs vœux dans la compagnie de Jésus (1715-1772) en Canada, que M. T.-P. Bédard a trouvé à Québec, on lit : « Le 8 octobre 1715, Jean-Pierre Danielou, écolier approuvé ; 2 février 1730, coadjuteur spirituel. Le 2 février 1716, Pierre-Daniel Richer, coadjuteur spirituel. Le 25 août 1716, Joseph-François Lafitau, coadjuteur spirituel. Le 3 octobre 1717, Claude Du Puy, coadjuteur spirituel. Même jour, Jacques-François Le Sueur, coadjuteur spirituel. Le 2 février 1718, Pierre Le Tellier, coadjuteur temporel, derniers vœux. Même jour, Michel Guignas, coadjuteur spirituel. Le 26 janvier 1719, dans l’église de la mission des Illinois, entre les mains du père De Ville, Jean-Antoine Le Boulanger, coadjuteur spirituel. Le 15 août 1719, Jean Delvacque, coadjuteur temporel. Le 2 février 1720, Jean-Charles Guymoneau, coadjuteur spirituel. Le 15 août 1720, Michel Renault, coadjuteur temporel. Le 2 février 1721, Jean-Baptiste de Saint-Pé, coadjuteur spirituel. Même jour, Pierre de Lauzon, coadjuteur spirituel. Le 19 mars 1721, François de Kereben, coadjuteur spirituel. Le 14 septembre 1721, Charles Boispineau, premiers vœux de coadjuteur temporel ; coadjuteur temporel le 2 février 1722 ; coadjuteur spirituel le 2 février 1730. Le 2 février 1723, Nicolas-Ignace de Beaubois, coadjuteur spirituel. Le 25 juillet 1723, à la mission des Outaouais, Charles-Michel Missager,[17] coadjuteur spirituel. Le 26 juillet 1725, Pierre Laure, coadjuteur spirituel. Le 10 octobre 1725, Vincent Allioux, écolier approuvé. Le 2 février 1726 Jacques Quentin de la Bretonnière, coadjuteur spirituel. Le lendemain, Antoine Columenn, coadjuteur temporel. Le 5 octobre 1727, Gabriel Marcol, coadjuteur spirituel. Même jour, Antoine L’Ourse, coadjuteur temporel. Le 2 février 1728, Pierre Duval, coadjuteur temporel. Le 10 octobre 1728, Charles Désert, coadjuteur spirituel. Le 25 juin 1729, Jacques Ferchaud, premiers vœux de coadjuteur temporel. Le 17 juillet 1729, Jacques des Landes, coadjuteur spirituel. En tout, vingt-sept durant ces quinze années. Aucun de ces religieux ne paraît être né en Canada.[18]

La mort de Mgr  de Saint-Vallier, survenue à Québec le 26 décembre 1727, amena une crise des plus curieuses entre les partis dont se composait le clergé. M. Louis-Eustache Chartier de Lotbinière, Canadien, archidiacre, se préparait à faire les obsèques du prélat, lorsque le chapitre, conduit par M. Étienne Boullard, Français, curé de Québec, le même que nous avons vu à Beauport en 1705, prétendit que le diocèse passait, momentanément, aux mains des chanoines. Des scènes tumultueuses s’en suivirent. Il y eut appel devant le conseil supérieur ; le chapitre refusa de reconnaître ce tribunal.[19] M. de Lotbinière passa par dessus les prétentions de M. Boullard. L’évêque fut inhumé le 2 janvier. M. Étienne Marchand, Canadien, ordonné prêtre en 1731, écrivit sur ces débats un poème héroï-comique à la manière du Lutrin de Boileau ; c’est le plus ancien ouvrage d’un littérateur canadien qui nous ait été conservé.

M. Pierre-Armand Dosquet, prêtre de Saint-Sulpice, venu en Canada l’année 1721 était repassé en France (1723) et avait été sacré à Rome (1725) évêque de Samos in partibus. Il arriva à Québec le 23 août 1729, et par procuration de Mgr  de Mornay, prit la charge du diocèse. Étant retourné en France (1732) il devint évêque de Québec par suite de la résignation de Mgr  de Mornay (1733) et reprit le chemin de la colonie en 1734.

Charlevoix nous dit que de son temps (1720) l’île d’Orléans comptait « six paroisses assez peuplées. Ses campagnes, toutes cultivées, paraissent comme un amphithéâtre. »

M. l’abbé Joseph Navières, arrivant de France, en 1734, mit pied à terre à la rivière du Gouffre, et se rendit, avec six autres passagers, à deux lieues de là, « dans la maison d’un habitant où le curé est en pension, ayant quatre paroisses[20] à desservir successivement, ce qui l’empêche d’avoir une demeure fixe. Nous le trouvâmes, dit-il, avec un autre ecclésiastique qui, par un transport de zèle, fit demander à Monseigneur[21] de suivre ce missionnaire, quoiqu’il ne fût pas prêtre, pour s’exercer à la manière du pays et partager avec lui les fatigues apostoliques, qui sont beaucoup plus grandes dans cet endroit que dans toutes les autres cures françaises, qui n’ont ordinairement que dix lieues de longueur, pendant que celle-ci en a douze, sans compter que, dans sa largeur, il faut passer la grande rivière pour desservir une île[22] il y a plusieurs habitants dont le chef vint à notre vaisseau pour demander un prêtre à Monseigneur de la part de tous ses compatriotes, promettant de le nourrir et de l’entretenir. Ces pauvres gens me firent compassion, et si Monseigneur eût eu intention d’y envoyer aussitôt quelqu’un je me serais volontiers présenté à lui pour cette mission… Ces deux ecclésiastiques nous reçurent de leur mieux… Trois ou quatre jours après mon arrivée, Monseigneur me nomma à une des plus considérables cures qui soient dans le pays, à laquelle je me rendis après la fête (25 août) de Saint-Louis. Elle est située à sept petites lieues de Québec, dans une grande plaine longue d’une dizaine de lieues, qui est fertile et agréable. Notre Limousin ne produit pas de pays semblable. Ce n’est pas qu’il n’y ait des montagnes, mais elles sont faciles à grimper et un demi quart d’heure suffit pour arriver au sommet. Ma paroisse est située sur le bord du fleuve Saint-Laurent qui donne un agrément à ma petite maison et à mon église, qui est une des plus belles et des mieux ornées du Canada. Tu pourrais t’imaginer que ce n’est pas grande choses ; détrompe-toi et sois persuadé que les églises paroissiales de campagne en France ne sont pas comparables à celles du pays que j’habite. J’ai plus de douze ornements différents pour la messe, tous propres et beaux ; les linges, soit sacrés, soit aubes et surplis, sont presque sans nombre ; les vases sacrés, riches et d’argent doré ; le soleil, grand et d’un bel ouvrage ; l’église, vaste, ornée de tableaux donnés par des vœux qu’ont fait plusieurs bâtiments dans les dangers qu’ils ont essuyés dans les voyages du Canada. Le maître-autel est d’une architecture rare et le retable l’emporte par la richesse et la magnificence sur tous ceux que j’ai vus. Les reliques y sont très connues et en grande vénération ; la principale, quoique la plus petite, est une portion de la main de sainte Anne bien avérée ; l’église est consacrée à Dieu sous l’invocation de cette grande sainte, qui est en si grande vénération dans ce pays que les pèlerins y abondent et montent et descendent de cinq à six cents lieues pour accomplir leur vœu, ce qui n’est pas un petit embarras pour moi. Les confessions et communions sont si fréquentes que je ne crois pas qu’il y ait en France de paroisse de campagne où elles sont plus communes. Outre les pèlerins, les gens de la paroisse me donnent beaucoup d’occupation, surtout le dimanche, et après avoir passé près de quatre heures au confessionnal, je suis obligé d’en renvoyer plusieurs pour célébrer la messe que les paroissiens attendent avec impatience. Peu de jours ouvriers se passent sans qu’il y ait des confessions des pèlerins et des gens de la paroisse ; en un mot, si nous étions trois et même quatre, nous aurions suffisamment d’occupation, et autant de messes que nous pourrions en acquitter quoique les rétributions qui ne sont qu’à quinze sous dans Québec et les autres paroisses, et même à dix sous en quelques endroits, soient ici à vingt sous. »

La dévotion à sainte Anne est très grande dans notre pays, comme le fait voir la nomenclature des sanctuaires qui lui sont dédiés : — Sainte-Anne des Monts, Sainte-Anne de la Pointe au Père, Sainte-Anne du Saguenay, Sainte-Anne Lapocatière, Sainte-Anne de Beaupré, Sainte-Anne de la Pérade, Sainte Anne d’Yamachiche, Sainte-Anne de Stuckeley, Sainte-Anne de Danville, Sainte-Anne de Varennes, Sainte-Anne de Sorel, Sainte-Anne de Montréal, Sainte-Anne de bout de l’Île, Sainte-Anne des Plaines, Sainte-Anne d’Ottawa, Sainte-Anne du Calumet — seize dans la province ecclésiastique de Québec. Au dehors ; on compte : Sainte-Anne du Détroit, Sainte-Anne de Kenkakee des Illinois, Sainte-Anne des Chênes de Manitoba, Sainte-Anne du diocèse de Saint-Albert, Sainte-Anne de Cawetchin de Vancouver, toutes paroisses formées par les Canadiens. Il y a sept paroisses de ce nom dans les provinces maritimes et trois dans Ontario.

« Lorsque les premiers établissements se formèrent à la côte de Beaupré, écrit M. Ferland, une modeste chapelle fut bâtie sur le rivage du Saint-Laurent ; ce fut probablement en souvenir du pèlerinage de Saint-Anne d’Auray en Bretagne qui engagea les habitants du voisinage à demander qu’elle fût placée sous le patronage de la bonne Sainte-Anne. Dieu sembla, dès lors, répandre des grâces spéciales sur ceux qui visitaient l’humble sanctuaire. Malheureusement, la chapelle avait été placée trop près du fleuve ; les quelques pouces de terre qui couvraient le roc ayant été emportés par les eaux et par les glaces, il fallut songer à bâtir une église dans un lieu moins exposé aux inondations. M. de Queylus désigna le site de ce nouvel édifice, dans l’automne de 1657, et, dès le printemps suivant, les travaux de construction furent commencés. Terminée en 1660, l’église de Sainte-Anne a été depuis ce temps visitée tous les ans, par de nombreux pèlerins, et les ex-voto qui sont suspendus à ses murs témoignent que la protection de la bonne Sainte-Anne n’a pas été moins efficace au Canada que sur les côtes de l’Armorique. Les anciens missionnaires avaient inspiré aux sauvages une dévotion toute particulière pour Sainte-Anne. Pendant plus d’un siècle, les sauvages chrétiens furent dans l’habitude de se rendre chaque année à Sainte-Anne de Beaupré ; ils y venaient en grand nombre de toutes les parties du Canada pour assister à la fête de la patronne du lieu. »

La Relation de 1667, pages 29-32, rapporte les merveilles qui s’étaient accomplies en ce lieu depuis l’année 1662. En 1685, Mgr  de Saint-Vallier disait « c’est un endroit de pèlerinage où l’on va toute l’année. » Cinquante ans plus tard, l’abbé de la Tour en parle dans les mêmes termes. Kalm (1749) raconte que « les équipages des vaisseaux venant de France ou d’autres pays, aussitôt qu’ils ont remonté le Saint-Laurent assez haut pour apercevoir l’église de Sainte-Anne, tirent des salves d’artillerie, en signe de joie, parce que, arrivés là, ils en ont fini avec les dangers de la navigation, les écueils et les bancs de sable. »

Mgr  Dosquet retourna en France, l’automne de 1735 ; il se démit de son évêché, à Paris, le 25 juin 1739, en faveur de Mgr  de l’Auberivière. À peine arrivé à Québec (août 1740) le nouvel évêque mourut. Son successeur, Mgr  Dubreuil de Pontbriand débarqua dans la colonie le 17 août 1741 ;[23] il devait y demeurer dix-neuf ans. La question de la fixation des cures, dit Garneau, était toujours débattue, comme si elle n’eût pas été réglée. Le nouveau prélat était opposé à la fixation. Il écrivit au ministre (1742) que si celui-ci croyait à propos de maintenir la loi, il faudrait y faire diverses modifications. « Ainsi, il ne faudrait point fixer dans la paroisse où un supplément à la dîme était accordé, ni dans celle unie à la voisine ; il faudrait préférer les prêtres français aux prêtres canadiens ; permettre à l’évêque de donner au curé fixe un vicaire, sans qu’il fût tenu d’en dire la raison. » Avec toutes ces modifications, Mgr  de Pontbriand ne voyait que treize paroisses dans lesquelles on put fixer, outre celles où on l’avait fait déjà depuis longtemps.

Le registre des professions des jésuites tenu à Québec, nous fournit la liste suivante : Le 2 février 1730. Jacques Siresme, coadjuteur spirituel. Le 13 novembre 1731, Jean-Baptiste Maurice, écolier approuvé ; coadjuteur spirituel, le 2 février 1742. Le 10 octobre 1735, Barthélémi Galpin, écolier approuvé. Le 2 février 1738, Luc-François Nau, coadjuteur spirituel. Le lendemain, Pierre Du Jaunay, coadjuteur spirituel. Le 15 septembre 1738, Jean-François Germain, écolier approuvé. Le 19 octobre 1738, Jean-Rémi Duval, coadjuteur temporel. Le 21 septembre 1739, Georges Denet, premiers vœux de coadjuteur temporel. Le 2 juin 1740, Louis-Charles de Boismilou, coadjuteur spirituel. Le 8 septembre 1740, Jean-Louis de la Pierre, coadjuteur spirituel. Le 2 février 1741, Jean-Baptiste La Morinic, coadjuteur spirituel. Le 28 novembre 1741, Michel Chambou, premiers vœux de coadjuteur temporel. Le 2 février 1742, Gaspard-Jean de Klasten, coadjuteur spirituel. Le 13 août 1742, Charles Germain, coadjuteur spirituel. Même jour, Godefroi Coquart, coadjuteur spirituel. Le 22 septembre 1743, Alexis Maquet, coadjuteur temporel. Le 30 septembre 1740, Pierre Gournai, premiers vœux de coadjuteur temporel ; coadjuteur temporel le 4 février 1753. Le 10 novembre 1743, Jean-Baptiste Tournois, coadjuteur spirituel. Le 2 février 1744, Claude-Joseph-Marie Canot, coadjuteur spirituel. Le 5 septembre 1744, Laurent-Thomas Corthier, coadjuteur spirituel. Le 18 octobre 1744, Charles-Philippe Dohen, coadjuteur temporel. Le 8 décembre 1746, Jean-Baptiste-François de Salleneuve, coadjuteur spirituel. Même jour, Pierre-Joseph de Bonnecamps, coadjuteur spirituel. Le 25 août 1747, Pierre-Jean Le Maître, écolier approuvé. Le 16 juillet 1750, Jean-Baptiste de Mers, premiers vœux de coadjuteur temporel. Le 30 août 1750, Siméon Le Bansais, écolier approuvé ; coadjuteur spirituel le 11 février 1754. Le 4 octobre 1751, François Le Moyne, écolier approuvé. Le 2 février 1752, Antoine Gordan, coadjuteur spirituel. Le 22 mars 1753, François-Xavier de Bacq, premiers vœux de coadjuteur temporel. Le 16 juillet 1752, Pierre-Réné Floquet, coadjuteur spirituel. Le 29 septembre 1753, Jean-Baptiste Noël, premiers vœux de coadjuteur temporel. Le 15 août 1754, Claude-Joseph Virot, coadjuteur spirituel. Le 2 février 1755, Pierre Audrau, coadjuteur spirituel. Le 2 février 1758, Jean-Baptiste de la Brosse, coadjuteur spirituel. Le 15 août 1758, Guillaume-Ignace Cohade, coadjuteur spirituel. Le 31 mai 1764, Louis-Marie Lefranc, coadjuteur spirituel. Le 31 juillet 1772, Jean-Joseph Casot, coadjuteur spirituel. En tout trente-six dans l’espace de temps compris entre 1730 et 1760. Nous ne trouvons pas de Canadiens dans cette liste.

Il est curieux de voir ce que dit Kalm au sujet du clergé du Canada : « Les jésuites sont, sans contredit, les plus considérés. C’est un dicton général, ici, passé en proverbe, que pour faire un récollet il faut une hachette, et un ciseau pour faire un prêtre, mais pour un jésuite il faut un pinceau. Les jésuites sont ordinairement très instruits et adonnés à l’étude en même temps que très polis et agréables en compagnie. Il y a quelque chose qui plaît dans tout leur maintien, et il n’est pas surprenant qu’ils captivent l’esprit du peuple. Ils parlent rarement de questions religieuses, ou bien quand il leur arrive d’en parler ils ont soin d’éviter les disputes. Ils sont toujours prêts à rendre service, et quand ils voient que leur assistance est requise, ils préviennent toute demande d’aide en se mettant tout de suite à l’œuvre pour faire ce que l’on attend d’eux. Leur conversation est très intéressante et instructive et l’on ne peut s’ennuyer dans leur société. J’ai causé avec beaucoup de jésuites en Canada ; je n’en ai pas trouvé un qui ne possédât ces qualités à un degré imminent. Ils ont de grands biens dans ce pays qu’ils tiennent du roi de France. À Montréal, ils ont pareillement une belle église, une maison petite mais élégante, et un jardin à l’avenant. Ils ne se soucient pas de devenir curés à la ville ou à la campagne ; ils laissent aux prêtres les cures, ainsi que les émoluments qui y sont attachés. Ils se consacrent entièrement à la conversion des païens et leurs missionnaires sont dispersés dans toutes les parties du pays, à la poursuite de cette œuvre. Dans chaque bourgade ou village habités par les Indiens convertis, il y a un ou deux jésuites fixés… Ils ne reçoivent dans leur société que des sujets qui promettent. On ne trouve pas d’imbéciles parmi eux. Les prêtres, de leur côté, reçoivent dans leurs rangs les meilleurs sujets qu’ils peuvent trouver, mais les moines sont moins particuliers. Les jésuites qui demeurent ici viennent tous de France, et beaucoup y retournent après un séjour de quelques années. Quelques uns, dont cinq ou six sont encore vivants, natifs du Canada, sont allés en France, et y ont été admis au nombre des jésuites, mais aucun d’eux n’est jamais revenu en Canada ; pour quelle cause ? je l’ignore. Pendant mon séjour à Québec, un des prêtres s’est démis de sa cure, avec la permission de l’évêque, pour se faire jésuite, au grand mécontentement des autres prêtres, qui se sont demandé si le changement d’état de leur confrère était dû à ce qu’il croyait leur condition trop petite pour lui. Il y a des paroisses dans la campagne qui paient des redevances aux jésuites, mais elles sont desservies par des prêtres nommés par l’évêque, et les jésuites ne perçoivent que les cens et rentes. Les jésuites ne trafiquent ni dans les peaux ni dans les fourrures, laissant ce soin entièrement aux marchands… Les prêtres du séminaire de Québec ne le cèdent guère aux jésuites sous le rapport de la politesse… Les curés forment la seconde et la plus nombreuse classe du clergé dans le pays et desservent la plus grande partie des églises, tant dans la ville que dans les villages, à l’exception des bourgades d’indiens convertis ; cependant, quelques-unes de ces paroisses ont des missionnaires pour curés… Les prêtres de Saint-Sulpice viennent tous de France ; on m’assure qu’ils n’admettent aucun natif du Canada parmi eux. Au séminaire de Québec, ce sont les natifs du Canada qui forment la majorité… Les curés ne paraissent pas très forts sur le latin, car quoique le service se fasse dans cette langue, et qu’ils lisent leurs bréviaires et d’autres livres chaque jour, la plupart ne parlent le latin que très difficilement. Les deux séminaires ont de grands revenus qu’ils tiennent de la libéralité du roi. Celui de Québec a au-dessus de trente mille livres par an. On assure que la rente foncière de la ville et de l’île de Montréal, rapporte au séminaire de Saint-Sulpice soixante et dix mille livres, à part de ce que les prêtres reçoivent pour dire des messes, etc. Comme ce séminaire ne compte que seize prêtres, il a plus de revenus qu’il ne peut en dépenser ; il envoie chaque année, à la maison-mère, en France, une grosse somme d’argent… Les récollets forment la troisième classe d’ecclésiastiques en Canada… Ils ne se mettent pas en peine de choisir des sujets brillants pour leur communauté… Ils ne se martèlent pas le cerveau pour acquérir la science… Ces moines n’ont pas de biens ici, ayant fait vœu de pauvreté ; ils vivent principalement d’aumônes. Les jeunes moines, ou frères, vont, munis de besaces, quêter de maison en maison. Ils n’ont pas de cures dans le pays, mais quelques fois ils vont évangéliser les sauvages. En outre, dans chaque fort qui contient quarante hommes, le roi tient un de ces moines comme aumônier… À bord des vaisseaux du roi il n’y a pas d’autres prêtres que ces moines qui, en conséquence, sont regardés par le peuple comme gens du roi. Quand un curé de la campagne vient à mourir, et qu’un successeur ne peut lui être nommé immédiatement, on y envoie un de ces religieux pour desservir la paroisse pendant que la place reste vacante. Les récollets viennent en partie de France ; les autres sont natifs du Canada. »

L’année 1760, qui fut la dernière du régime français en Canada, nous relevons dans le Répertoire de M. l’abbé Tanguay les noms des membres du clergé alors dans la colonie :

Prêtres arrivés de France : — Dugast, Leclerc, 1714 ; Isambert, 1717 ; Resche, 1720 ; Chevalier, 1724 ; Lacombe, Gaillard, Jacreau, 1726 ; Frison, Chaumont, Lefebvre-Duchouquet, Noël, 1734 ; De Voble, Mgr  Briand, Mgr  Pontbriand, Pressart, Dolbec, 1741 ; Blondeau, Lataille, 1742 ; Petit-Maisonbasse, Brossard, 1744 ; Petit, Morrisseau-Boismorel, Renoyer, Mangue-Garault, Saint-Onge, 1745 ; Parant, Girault, Récher, Curot, Mangue-Garault-Saint-Onge, Pepin, 1747 ; Porlier, De Kerberio, 1748 ; Feré-Duburon, 1750 ; Déroches, Lataille, Leguerne, 1751 ; Bédard, 1752 ; Hamelin, Hingan, 1753 ; Eudo, Boiret, Vizien, Gravé de la Rive, Petrimoulx, 1754 ; Curot. 1755 ; Dosque, 1758. — Total, 47.

Jésuites arrivés de France : — Saint-Pé, 1718 ; Meurin, 1731 ; Coquart, 1734 ; Huguet, 1736 ; Du Jaunay, 1737 ; Floquet, 1740 ; Neuville 1741 ; Lefranc, Roubaud, Potier, 1742 ; Gounor, 1744 ; De Clapion, Germain, 1747 ; Gordan, Well 1748 ; Virot, 1752 ; De la Brosse, 1754. — Total, 17.

Sulpiciens arrivés de France : — Quen 1714 ; Déat 1722 ; Matis, 1726 ; Falcoz, 1727 ; Favard, 1728 ; Galet, 1730 ; Chambon, 1733 ; Sartelon, 1734 ; Peignet, 1735 ; Mathevet, Faucon, 1740 ; Pagé, 1741 ; De Geay, Perthuis, 1742 ; Guay, 1745 ; Beauzèle, Castagnac, 1748 ; Poncin, 1749 ; Davoux, 1750 ; Reverchon, Montgolfier, 1751 ; Jollivet, 1752 ; Robert, 1753 ; Guichard, Brader, Pélissier, Curateau, 1754 ; De Lagarde, Magon, Huet, 1755. — Total, 30.

Récollets arrivés de France : — Rouillard, 1723 ; Boucher, 1725 ; Crespel, 1726 ; Lajus, 1727 ; Normandeau, 1730 ; Carpentier, Richer, 1735 ; Carpentier, 1737 ; Amiot, Carpentier, 1741 ; Féré-Duburon, Baquet, 1742 ; Carpentier, 1746 ; Maugé, 1749 ; Haneuzer, 1752 ; Louiseau, 1754 ; Veyssière, 1755 ; Pétrimoulx, 1758. — Total, 18.

Récollets canadiens, ordonnés : — Quintal, 1713 ; Couturier, De Gannes, 1729 ; De Lotbinière, Cliche, La Corne, 1741 ; Lemire-Marsollet, 1742 ; Béroy, De Louche, 1743 ; De Mers, 1756. — Total, 10.

Canadiens ordonnés prêtres : — Ménage, 1707 ; Poulin, 1713 ; Lepage, 1715 ; Angers, De Ligneris 1727 ; D’Ailleboust, Marchand, Martel, 1731 ; Le Vasseur, Mercereau, La Corne, 1739 ; De Lotbinière, Chefdeville, Gervais, 1741 ; Beaudoin, Dunière, Frichet, Morrisseau, Perreault, 1742 ; Youville, 1747 ; Des Bergères, Filion, Godefroy, Guay, Lagroix, Morand, Sarault, Brassard, 1749 ; Gatien, Proulx, Petit, 1751 ; Youville, 1752 ; Bériau, 1753 ; Renault, Cugnet, Gamelin, 1754 ; Marchand, Truteau, 1757 ; Parent, Marcoux, Filiau-Dubois, 1757. — Total, 42.


  1. Voir tome V, 95-96.
  2. Mgr  de Saint-Vallier disait en 1685 : « Le supérieur du séminaire de Saint-Sulpice a de quoi fournir des curés à la ville de Montréal et aux environs ; des supérieurs aux hospitalières et aux sœurs de la Congrégation, et des missionnaires aux Sauvages. »
  3. Il n’y a pourtant pas à se cacher que les jésuites faisaient la traite dans plus d’une mission. La Hontan est le seul qui en doute.
  4. Ceci donne à croire que la pauvreté régnait chez les habitants. La majeure partie des revenus ou dîmes des paroisses passait au séminaire de Québec.
  5. Ils n’étaient pas moins de soixante et quinze dans le Bas-Canada, pour une population de onze mille âmes au plus.
  6. Les jésuites ont eu ensuite un poste de traite à Chicoutimi, d’après une lettre de M. Taché.
  7. Gaspard Dufournel, né en France.
  8. Étienne Boullard, né en France, curé de Beauport de 1684 à 1719.
  9. La colonie était épuisée par les guerres qui duraient depuis vingt ans, et par le monopole du commerce.
  10. Voir le présent ouvrage, IV, 103, 104.
  11. Nous venons de le citer.
  12. Voir notre tome IV, 99.
  13. Voir le présent ouvrage, IV, 99-104.
  14. Les pièces que nous publions résument l’histoire de la dîme sous le régime français.
  15. Les curés, dit Charlevoix, furent très longtemps amovibles à la volonté de l’évêque et quelques fois des supérieurs du séminaire de Québec, lesquels étaient eux-mêmes et sont encore (1720) nommés par les directeurs de celui des missions étrangères de Paris.
  16. Depuis leur retour (1670) les récollets offraient de desservir les cures gratuitement, et cet excès de zèle, comme dit Garneau, augmentait l’éloignement du clergé séculier pour ces religieux, lesquels, dans toutes les difficultés, penchaient pour les laïques.
  17. Qui accompagna La Vérendrye dans ses premiers voyages.
  18. Voir tome VI, 69-87, les recensements de 1719-1722.
  19. Voir Garneau, Hist. du Canada, II, 115, 116, 121.
  20. L’Islet, Saint-Jean-Port-Joly, les Éboulements et la baie Saint-Paul.
  21. Mgr  Dosquet, venu sur le même bâtiment que M. Navières.
  22. L’île aux Coudres, où demeuraient des colons depuis 1720. Jusqu’à 1750 elle fut desservie de la baie Saint-Paul.
  23. À la page 87 du tome VI nous avons donné la liste du clergé vers cette époque.