Histoire des Canadiens-français, Tome VII/Chapitre 11
CHAPITRE XI
À l’origine des littératures on rencontre les poètes. L’homme cherche instinctivement à exprimer ses plus belles pensées dans le plus beau langage. Ainsi avons-nous fait. Le lecteur comprendra donc que l’examen de nos mœurs et coutumes, si fréquemment exposé dans ce livre, nous amène à rechercher le sentiment et la forme littéraire des anciens Canadiens.
Avec les compagnons de Champlain, les paysans de Normandie, les soldats de Carignan sont arrivés ici les couplets de la France, ces légendes rimées, ces refrains joyeux ou tristes, ces chants caractéristiques dont le pays de la vigne et de la bonne humeur conserve le privilège depuis des siècles. Nous les avons bien un peu remodelés pour les besoins d’une situation nouvelle, mais au fond ils restent français comme au premier jour. Les « voyageurs » et les « habitants » se les sont transmis d’âge en âge. Qui de nous ne les sait par cœur et quel est le poète canadien qui ne s’en soit inspiré ?
La chansonnette fut de tout temps une arme dans la bouche de nos aïeux. Or, pour chanter des couplets, il faut en premier lieu des poètes qui les composent. Le Canada n’a jamais manqué de rimeurs ; il en a produit qui, pour être inconnus aujourd’hui, n’étaient pas moins en vogue, pas moins écoutés de leur vivant. Les recueils manuscrits du siècle dernier que nous avons eu la bonne fortune de feuilleter, nous montrent que, même aux époques les plus critiques de notre histoire, le génie poétique, la verve gauloise, l’esprit frondeur existaient dans les cercles canadiens. Les gens instruits, en bon nombre, se permettaient d’aiguiser une épigramme, de polir une strophe badine que l’on faisait courir sous le manteau ou qui s’apprenait par cœur. C’est ainsi que les Français se vengent le plus souvent de leurs ennemis, flagellent les ridicules et se consolent des maux qu’ils ne peuvent éviter. Nos vieilles chansons populaires forment à elles seules un monument remarquable ; sans elles il faudrait renoncer à toute étude de ce côté, à moins que l’on ne découvre, l’un de ces jours, ce qui a pu être caché jusqu’à présent.[1]
Boileau était mort depuis plus de vingt ans, lorsqu’un Canadien entreprit d’écrire un poëme héroï-comique, rappelant le souvenir du Lutrin, à propos de certains démêlés[2] survenus (1728) dans l’église du Canada. L’auteur fut l’abbé Étienne Marchand, curé de Boucherville depuis 1734 jusqu’à 1774. La date de son ouvrage en vers n’est pas connue, mais on la place en 1732. Il est agréablement tourné, d’un style clair et vivant et tout à fait de la bonne école. Le sieur Jean Taché, qui vint s’établir parmi nous en 1737, a composé un Tableau de la mer qui n’est pas sans mérite. Ces deux poètes formaient sans doute partie du cercle littéraire dont parle Bougainville et qui ne nous est connu que par la mention que cet auteur en fait dans son mémoire de 1757.
La guerre de Sept Ans vit éclore force chansons et satires, dirigées contre les Anglais et aussi contre les ministres de Louis XV — lesquels le méritaient bien, on le sait. M. le docteur Hubert Larue en cite quelques unes dans ses Chansons historiques
Anglais, le chagrin t’étouffe. |
Il est regrettable que si peu de productions canadiennes du dix-huitième siècle soient venues jusqu’à nous, car si l’on en juge par les bribes de chansons restées dans la mémoire des vieillards, la mine était riche et le répertoire populaire devait être aussi complet que varié. De temps à autre on en exhume quelques morceaux : c’est une satire, village contre village ; le récit d’une aventure drôlatique ; le plus souvent un madrigal ou une brûlante déclaration.
M. Bibaud a dressé une liste d’écrits dûs à la plume de gentilshommes canadiens : mais si intéressante qu’elle soit, cette liste ne nous montre, jusqu’à la conquête à peu près, rien que l’on puisse regarder comme œuvre purement littéraire ou comme les débuts d’une littérature nationale. Ce sont des rapports sur l’état du pays, des relevés militaires, des récits d’expéditions lointaines, utiles aux historiens seulement. Nos ancêtres faisaient l’histoire où vont s’inspirer les écrivains de nos jours.
Les livres n’étaient pas rares dans notre pays sous les premiers gouverneurs anglais. On a constaté qu’il y avait soixante mille volumes dans les bibliothèques, ce qui correspond à un volume par âme. De nos jours, il serait curieux de voir si nous en avons autant, proportions gardées. Ces livres étaient venus de France avant 1760. Ils traitaient de philosophie, d’histoire et de littérature en général, mais on peut affirmer qu’il ne s’y rencontrait aucun ouvrage propre à nous éclairer sur le mode de gouvernement le plus praticable et le plus juste dans une colonie. Les instincts de ceux qui lisaient étaient donc à la littérature et point à la politique. Il aurait été impossible de tirer le moindre petit journaliste de notre population, mais nous formions des poètes. Ni l’enseignement ni la liberté du côté du pouvoir ne nous étaient donnés. Nous commencions seulement à tenter la vie publique, attendant les circonstances pour nous exercer. Aussi nos premiers journalistes furent-ils des Français d’importation directe, comme on le sait. Néanmoins, l’élément qui donne naissance au journalisme avait déjà parmi nous une sorte de consistance et se faisait sentir dans les affaires publiques. Nous voulons parler de la profession d’avocat, que l’on voit surgir dès 1766, date où il fut permis aux Canadiens, moyennant certaines restrictions, d’exercer devant les cours de justice. Avec des avocats sous la main, un peuple mal gouverné n’attend pas longtemps l’heure de l’agitation.
Un cercle littéraire se forma à Québec vers 1777, aussitôt après l’invasion, mais il n’est pas fait mention de journal de combat. Placé directement sous l’œil du gouvernement, le cercle n’avait qu’à bien se tenir pour n’être pas suspect, c’est-à-dire condamné. Il s’y composait sans doute des couplets frondeurs, méchants, qui mordaient en riant et auxquels la clandestinité ajoutait un titre nouveau. Rien ne nous en reste aujourd’hui. L’heure était propice aux faiseurs de refrains. Plus d’une épigramme circula sous le manteau, même après que Haldimand eut pris les rênes de l’administration, car, semblables aux Français, nos frères, la vengeance en rimes riches est pour nous un plaisir des dieux.
Tant pis tant mieux avait été étouffé en 1780. Pendant cinq ou six années, nous n’entendons plus parler de journaux ni de journaliste. En 1784, Ducalvet dit que la presse continue à être captive, elle va devenir clandestine ; nous ne savons si la chose eut lieu comme il le prédisait, mais il est certain que la Gazette de Québec régnait seule et tenait avec persistance son rang de gazette « la plus innocente de la domination britannique. » William Brown, son fondateur, mourut en 1789, au moment où M. John Neilson, qui devait l’illustrer, commençait à y publier des articles. Brown mourut sans avoir perfectionné le texte français de sa gazette, preuve que les Canadiens instruits n’y attachaient pas grande importance, car ils eussent pu inspirer aux propriétaires plus de respect pour cette partie de leur œuvre. La Gazette était publiée dans les deux langues par un esprit de calcul des propriétaires, qui comptaient l’introduire chez les Canadiens, et par un motif de prudence du gouvernement de la colonie, qui ne voulait pas trop montrer son désir de méconnaître la langue française garantie par les traités. C’est du moins ce qui semble véritable. On vit paraître, en 1788, le Quebec Herald dont l’existence fut de courte durée. La même année, Fleury Mesplet établit, à Montréal, la Gazette Littéraire. Nous n’entendons plus parler de Jotard. Depuis deux ans, le pays était de nouveau gouverné par Carleton qui nous respectait, et comme nous nous sentions à l’aise sous sa protection, un commencement de travail littéraire se manifestait de place en place. La Gazette de Mesplet venait à point servir les pionniers des lettres en Canada. Le mouvement littéraire s’accentuait avec des périodes d’acalmie et des élans de vigueur. Les premiers hommes de plume qui se montrèrent parmi nous furent aussi nos premiers journalistes. La littérature, la politique, le journalisme, trois arts qui débutaient en Canada, marchaient ainsi en se donnant la main, tombaient et se relevaient ensemble.
La presse, née de la discussion, c’est-à-dire de la liberté politique, commençait timidement à paraître du moment où un semblant de franchise nous était accordé. Il est intéressant de suivre ses vicissitudes à mesure que le pouvoir public serre la poigne ou se montre plus conciliant. Les phases les plus critiques de notre histoire parlementaire offrent des exemples curieux de cet état de chose. Avant d’arriver à l’époque où réellement les journaux prirent naissance pour ne plus disparaître (1830), soixante années de luttes avaient eu lieu pendant lesquelles des feuilles françaises de diverse valeur s’étaient montrées pour répondre aux besoins du temps — mais toutes étaient tombées sous les coups des gouverneurs qui redoutaient leur influence.
Après dix-huit mois d’existence la Gazette Littéraire fut supprimée, parce que ses tendances étaient évidemment à l’annexion du Canada aux États-Unis. Les chefs de cette entreprise, incapables de saisir le vrai point de vue de notre politique, ne voulaient que nous pousser dans les bras des voisins ; ils ne s’apercevaient pas que nous étions sortis de nourrice à la suppression du régime français.
Encore aujourd’hui, la surprise des Français et des Anglais de l’Europe est grande lorsqu’on leur dit que les Canadiens-Français ne veulent appartenir ni à la France ni à l’Angleterre ; ils ne comprennent pas qu’une population d’Amérique, si peu forte comme nombre, ait la prétention de se maintenir dans un état qui frise l’indépendance politique et administrative la plus large. C’est précisément là que nous voyons le beau côté de l’histoire de nos ancêtres, depuis les temps de Champlain jusqu’à l’année 1880 où nous entrons en ce moment. Les Canadiens-Français, voulant rester ce qu’ils étaient, ont eu le courage de s’exposer à la colère du conquérant de leur pays, et ils ont refusé toute alliance avec leur voisin, qui parlait de liberté, afin de conserver le précieux dépôt de la nationalité, lequel était pour le moins aussi exposé au milieu des Américains que parmi les Anglais.
Après 1784 plus de guerre, tout revint dans nos cercles instruits à la littérature. Le culte des vers se personnifia dans Joseph Quesnel. Tandis que Paris enlevait la Bastille au chant de la Carmagnole, les paisibles citoyens de Québec et de Montréal applaudissaient, au théâtre et au coin du feu, la verve du Petit Bonhomme.
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Et ainsi de suite, durant des années.
Joseph Quesnel, né à Saint-Malo, le 15 novembre 1749, avait terminé ses études à l’âge de dix-neuf ans. Destiné par sa famille à la profession de marin, il s’était embarqué pour Pondichéry et au retour séjourna à Madagascar, à la côte de Guinée et au Sénégal. Repartant presque aussitôt (1773) de sa ville natale, il visita la Guyanne française, les Antilles et le Brésil. En 1779 on lui confia le commandement d’un navire destiné à New-York, chargé de provisions et de munitions de guerre, mais, à la hauteur des bancs de Terreneuve, une frégate anglaise l’enleva et le conduisit captif à Halifax. De là, après quelques jours, il obtint permission de se rendre à Québec, muni d’une lettre de recommandation pour le général Haldimand qui, d’ailleurs, avait connu la famille Quesnel en France. Le gouverneur lui fit accorder des lettres de naturalisation, puis, cédant de nouveau au goût des aventures, il parcourut la vallée du Mississipi. Poète et musicien, il ne voyageait pas sans être accompagné de Molière, Boileau, et de son violon. Revenu en Canada, il se maria, à Montréal, et fixa sa résidence à Boucherville, où il mourut le 3 juillet 1809.
Nous lui devons la principale part du réveil littéraire qui se manifesta parmi nous après la fin des hostilités en Amérique (1783). Au milieu de l’isolement où nous étions, la visite d’un écrivain français, quelque fût sa valeur, était pour nous une bonne fortune. Il apportait des idées nouvelles. Les belles-lettres ont autant d’influence parmi nous que la politique et le commerce chez d’autres nations. Chacun prend son bien où il le trouve. Colas et Colinette qu’il composa en 1788 et qu’il fit jouer à Montréal en 1790, marque le moment où le théâtre et les cercles littéraires occupaient la société polie et instruite du Canada. Entre la guerre américaine, terminée depuis sept ans, et les transes de la révolution française qui allaient survenir, on s’amusait à Québec et à Montréal, on dépensait de l’esprit, on créait une petite littérature du genre provincial, toute intime, toute gaie, sans prétention, mais de vive source. Outre des pièces de vers fugitives, Quesnel a laissé quatre de ses ouvrages de théâtre dont la musique est également de lui : Lucas et Cécile, opéra ; Colas et Colinette, comédie-vaudeville, imprimée, à Québec l’Anglomanie, comédie en vers, non imprimée ; Les Républicains Français, comédie en prose, imprimée à Paris ; aussi un petit traité sur l’art dramatique, écrit en 1805, pour une société de jeunes amateurs de Québec. Ses ouvrages en musique sont : plusieurs symphonies à grand orchestre, des quatuors et des duos, nombre d’airs de chanson, ariettes, etc., et des motets, puis de la musique sacrée, composée pour l’église paroissiale de Montréal — on retrouve celle-ci au répertoire de l’orgue de Notre-Dame. Il composait avec une si grande facilité qu’il ne croyait pas à son talent, parce que le vers lui venait à l’esprit tout formé. Ses incorrections doivent être attribuées au trop grand naturel de sa verve. Ne tournant jamais autour des mots, il les plaçait sur le papier et son humeur joviale emportait la pièce. On l’a surnommé, de son temps, « le poète, le père des amours » — n’est-ce pas assez pour faire comprendre que nous lui devons un souvenir national ? Ses productions devraient être réunis en volume.
« Les représentations scéniques, écrit M. Gérin, étaient devenues, paraît-il, fort en vogue à Québec, vers 1791. On voit que le prince Edward, duc de Kent, accompagnés des gouverneurs Clark et Simcoe, assista, le 18 février 1792, à la représentation de la Comtesse d’Escarbagnac et du Médecin malgré lui ». Jusque là, nous avions été assez indifférents au besoin de produire des œuvres littéraires. Nous ne manquions pas d’hommes instruits, cependant. Mais l’état de sujets entièrement soumis aux volontés d’un pouvoir ombrageux nous imposait en quelque sorte la nécessité de ne faire paraître nos talents que le moins possible. C’eut été offenser les juges, les fonctionnaires, le parti des « pétitionnaires » que de leur montrer que nous possédions plus d’études et de connaissances qu’eux !
Cependant, il y avait dans l’air un vent de littérature. On annonçait la publication du Magasin de Québec, recueil anglais et français. Des brochures se répandaient : « Papiers sur l’Angleterre, » « Lettres de l’évêque de Capse » (Mgr Bailly de Messein) au sujet de l’établissement d’une université ; « L’ancienne et la nouvelle constitution du Canada » ; « La nouvelle constitution de la France » ; puis un poème anglais : Abraham’s Plains.
Le séminaire de Montréal ne manquait jamais, dans ses fêtes annuelles, de faire représenter des pièces et de donner des compositions en vers, dont quelques-unes nous ont été conservées par M. L.-A. Huguet-Latour. En 1776, fut représentée au collège Saint-Raphaël[3] une tragédie en trois actes, intitulée Jonathas et David, dont les rôles étaient ainsi distribués : Ignace-Bourassa Laronde récite le prologue ; Saül, roi d’Israël, Charles-Roch de Saint-Ours ; Jonathas, Louis-Charles Foucher ; David, Mathieu-Guillaume de Lorimier ; L’ombre de Samuel, Pierre Lescuyer ; Doeg, Henry Gastien ; Phinéas, Edme Henry ; Abiathar, Benj. Cherrier (de Chambly) ; bergers : Joseph Ducondu (de la Valtrie), Jean Makaye, Louis-Amable (?), Pierre Mondelet (de Chambly), Ignace Giasson, François Brunet, Louis Laboissière ; gardes : Alexandre Macdonell, (écossais), J.-B. Gadot (Cadot ?) (du Sault Sainte-Marie), Emmanuel Vildrequier (de la Longue-Pointe), Antoine Girouard (de Boucherville), Guillaume Pélissier (des Trois-Rivières), François Laronde de la Thibaudière (de Montréal). Au même collège, en 1778, le général Haldimand assista à une représentation du Sacrifice d’Abraham et donna cent guinées à l’établissement, outre cinquante guinées à l’hôpital général de la ville.
Le collège Saint-Raphaël comptait, en 1773,[4] cinquante-deux pensionnaires et à peu près pareil nombre d’externes. Le palmare de l’année scolaire 1773-74 porte les noms suivants, dont plusieurs devinrent célèbres parmi nous : François Papineau, Pierre-Amable de Bonne de Misècle, Antoine Malouin, Jean Godet, Louis Bonent, Pierre-Joseph Chevrefils, François Poitras, Louis-Gabriel Lenoir, Remi Gagnier, Pierre Lafond, Joseph Deschenaux, Louis Plessis, Pierre Panet, Laurent Ducharme, Henri Gatien, Mathieu-Guillaume de Lorimier, Eustache Beaubien. Pierre Hubert, Joseph Lemoine, Pierre-Joseph Lécuyer, Charles de Saint-Ours, Pierre-Joseph Dubois, Louis Olivier, François Hamelin, Antoine Panet, Eustache (François ?) Vassal, Pierre Mézières, François Dubois, Jean-Bte Regaud, Laurent Thècle, Esprit Chenet, Louis-Charles Foucher, François Brunet, Joseph Ducondu. Dans les années qui suivirent se rencontrent les noms d’autres élèves remarquables : Jacques Lartigue, Michel Bibaud, Louis-Charles Foucher, Denis-Benjamin Viger, François Plessis, Charles Chaboillez, Pierre Baby, Daniel Baby, Antoine Chaboillez, Joseph Cartier, Pierre Mondelet, Auguste Quesnel, Jean-Philippe Leprohon, Jacques Baby, Jean-Baptiste Duberger, Jean-Marie Mondelet, Gabriel Franchères, Jacques Viger, Antoine Papineau, Louis Cadieux, Jacques-Antoine Cartier, René-Joseph Kimber, Pierre Bédard, Hypolite Laforce. Le collège Saint-Raphaël enseignait les humanités et la rhétorique. En 1789, on y établit une chaire de philosophie et une classe de langue anglaise, qui s’accrédita tellement que, en moins de quatre ans, elle fit tomber presque toutes les écoles protestantes de la ville, où les enfants catholiques étaient envoyés, jusque là, par leurs parents. Les classes anglaises de cette institution comptaient ordinairement de quinze à vingt élèves. Il n’est pas étonnant que la plupart des hommes que nous venons de nommer se soient vus plus tard en position de figurer avec honneur dans la vie publique, car instruits dans les deux langues ils pouvaient parler et écrire correctement et aussi tenir tête à leurs adversaires moins favorisés qu’eux.
Après vingt et un ans d’existence, ce collège n’était pas encore reconnu par la loi du pays, et cependant les Anglais ne cessaient d’accuser les Canadiens d’indifférence en matière d’instruction publique.[5] Le 1er septembre 1794 quelques sulpiciens étant arrivés de France, il en fut choisi trois, MM. Jean-Henri-Auguste Roux, Claude Rivières et Antoine Sattin, qui s’ajoutèrent aux professeurs et surent donner un nouvel élan aux classes déjà si bien conduites de cette institution nationale. Nous l’appelons ainsi, vu que le pouvoir était loin de lui prêter main forte.
Localités | Population | Sexes | Mariés et veuvage | Enfants et non mariés | Cond. omi. | ||||||
H. | F. | H. | F. | Total | H. | F. | Total | H. | F. | ||
DISTRICT DE QUÉBEC. | |||||||||||
Québec | (14,000)* | … | … | … | … | … | … | … | … | … | … |
Malbaie | 254 | 123 | 131 | 43 | 42 | 85 | 78 | 85 | 163 | 2 | 4 |
Petite Rivière | 174 | 88 | 86 | 18 | 19 | 37 | 67 | 62 | 129 | 3 | 5 |
Baie Saint-Paul | 1,291 | 643 | 648 | 167 | 173 | 340 | 439 | 436 | 875 | 37 | 39 |
Île-aux-Coudres | 566 | 287 | 279 | 68 | 75 | 143 | 206 | 189 | 395 | 13 | 15 |
Éboulements | 545 | 291 | 254 | 75 | 79 | 154 | 202 | 165 | 367 | 14 | 10 |
Saint-Joachim | 507 | 280 | 227 | 61 | 67 | 128 | 200 | 140 | 340 | 19 | 20 |
Saint-Féréol | 276 | 135 | 141 | 46 | 46 | 92 | 79 | 92 | 171 | 10 | 3 |
Sainte-Anne de Beaupré | 478 | 223 | 255 | 76 | 83 | 159 | 132 | 159 | 291 | 15 | 13 |
Château-Richer | 640 | 344 | 296 | 78 | 80 | 158 | 227 | 190 | 417 | 39 | 26 |
Ange Gardien | 478 | 254 | 224 | 74 | 63 | 137 | 168 | 133 | 301 | 12 | 28 |
Beauport | 870 | 458 | 412 | 122 | 125 | 247 | 303 | 256 | 559 | 33 | 31 |
Charlesbourg | 1,854 | 924 | 930 | 275 | 296 | 571 | 589 | 549 | 1,138 | 60 | 85 |
Lorette | 1,558 | 896 | 662 | 200 | 198 | 398 | 656 | 439 | 1,095 | 40 | 25 |
Sainte-Foye | 411 | 207 | 204 | 61 | 60 | 121 | 134 | 136 | 270 | 12 | 8 |
Saint-Augustin | 1,998 | 1,015 | 983 | 300 | 300 | 600 | 610 | 671 | 1,281 | 105 | 12 |
Pointe-aux-Trembles | 847 | 418 | 429 | 118 | 120 | 238 | 273 | 272 | 545 | 27 | 37 |
Écureuils | 311 | 142 | 169 | 44 | 48 | 92 | 91 | 110 | 201 | 7 | 11 |
Cap Santé | 1,218 | 602 | 616 | 210 | 215 | 425 | 371 | 374 | 745 | 21 | 27 |
Deschambault | 453 | 226 | 227 | 84 | 82 | 166 | 130 | 133 | 263 | 12 | 12 |
Les Grondines | 335 | 170 | 165 | 45 | 58 | 103 | 113 | 102 | 215 | 12 | 5 |
Saint-Jean-Deschaillons | 222 | 112 | 110 | 33 | 35 | 68 | 76 | 66 | 142 | 3 | 9 |
Lotbinière | 713 | 358 | 355 | 106 | 112 | 218 | 227 | 228 | 455 | 25 | 15 |
Sainte-Croix | 591 | 299 | 292 | 81 | 93 | 174 | 194 | 181 | 375 | 24 | 18 |
Saint-Antoine | 774 | 395 | 379 | 131 | 130 | 261 | 248 | 238 | 486 | 16 | 11 |
Saint-Nicolas | 696 | 360 | 336 | 124 | 122 | 246 | 219 | 190 | 409 | 17 | 24 |
Pointe Lévis | 1,407 | 709 | 698 | 216 | 247 | 463 | 459 | 384 | 843 | 34 | 67 |
Beaumont | 561 | 274 | 287 | 77 | 85 | 162 | 181 | 181 | 362 | 16 | 21 |
Île d’Orléans Saint-Laurent | 499 | 264 | 235 | 74 | 63 | 137 | 168 | 148 | 316 | 22 | 24 |
Île d’Orléans Saint-Jean | 652 | 329 | 323 | 89 | 97 | 186 | 216 | 195 | 411 | 24 | 31 |
Île d’Orléans Saint-François | 242 | 113 | 129 | 32 | 31 | 63 | 74 | 90 | 164 | 7 | 8 |
Île d’Orléans Saint-Pierre | 643 | 316 | 327 | 78 | 86 | 164 | 217 | 213 | 430 | 29 | 28 |
Île d’Orléans Sainte-Famille | 884 | 416 | 468 | 114 | 123 | 237 | 273 | 315 | 588 | 27 | 30 |
Saint-Henri | 1,177 | 569 | 608 | 205 | 215 | 420 | 337 | 378 | 715 | 27 | 15 |
Saint-Charles | 1,406 | 748 | 658 | 193 | 216 | 409 | 490 | 404 | 894 | 65 | 38 |
Saint-Gervais | 1,180 | 623 | 557 | 215 | 217 | 432 | 391 | 329 | 720 | 17 | 11 |
Saint-François de la Beauce | 518 | 262 | 256 | 78 | 82 | 160 | 170 | 168 | 338 | 14 | 6 |
Saint-Joseph de la Beauce | 813 | 406 | 407 | 109 | 118 | 227 | 274 | 272 | 546 | 23 | 17 |
Sainte-Marie de la Beauce | 1,128 | 560 | 568 | 174 | 183 | 357 | 360 | 363 | 723 | 26 | 22 |
Saint-Michel | 1,337 | 644 | 663 | 194 | 207 | 401 | 417 | 419 | 836 | 33 | 37 |
Saint-Valier | 1,160 | 569 | 591 | 159 | 173 | 333 | 390 | 389 | 779 | 20 | 29 |
Berthier | 672 | 324 | 348 | 84 | 100 | 184 | 220 | 232 | 452 | 20 | 16 |
Saint-François du Sud | 1,030 | 531 | 499 | 153 | 148 | 301 | 339 | 308 | 647 | 39 | 43 |
Saint-Pierre du Sud | 871 | 419 | 452 | 126 | 124 | 250 | 258 | 293 | 551 | 35 | 35 |
Saint-Thomas | 1,598 | 812 | 786 | 177 | 216 | 395 | 575 | 526 | 1,101 | 60 | 44 |
Cap Saint-Ignace | 991 | 503 | 488 | 133 | 144 | 277 | 337 | 309 | 646 | 33 | 35 |
Îles aux Grues et aux Oies | 160 | 90 | 70 | 23 | 23 | 44 | 61 | 43 | 104 | 8 | 4 |
Îlet | 1,279 | 652 | 627 | 171 | 188 | 359 | 449 | 415 | 874 | 32 | 24 |
Saint-Jean Port Joly | 1,103 | 549 | 554 | 162 | 166 | 328 | 367 | 366 | 733 | 20 | 22 |
Saint-Roch des Aulnais | 1,458 | 724 | 734 | 236 | 222 | 458 | 457 | 487 | 944 | 31 | 25 |
Sainte-Anne de la Pocatière | 1,316 | 648 | 668 | 183 | 272 | 455 | 443 | 370 | 813 | 22 | 26 |
Rivière Quelle | 1,859 | 959 | 900 | 254 | 272 | 526 | 663 | 595 | 1,258 | 42 | 33 |
Kamouraska | 1,706 | 883 | 823 | 254 | 220 | 474 | 593 | 575 | 1,168 | 36 | 28 |
Rivière-du-Loup | 461 | 204 | 157 | 59 | 51 | 110 | 138 | 103 | 241 | 7 | 3 |
Îlet du Portage | 338 | 175 | 163 | 47 | 51 | 98 | 123 | 109 | 232 | 5 | 3 |
Île Verte | 355 | 190 | 165 | 55 | 48 | 103 | 127 | 110 | 237 | 8 | 7 |
Trois-Pistoles | 196 | 118 | 78 | 28 | 25 | 53 | 88 | 51 | 139 | 2 | 2 |
Rimouski | 333 | 175 | 158 | 57 | 54 | 111 | 114 | 98 | 212 | 4 | 6 |
Madawaska | 174 | 96 | 78 | 32 | 27 | 59 | 62 | 50 | 112 | 2 | 1 |
DISTRICT DES TROIS-RIVIÈRES. | |||||||||||
Trois-Rivières | 1,213 | 573 | 640 | 159 | 182 | 341 | 373 | 426 | 799 | 41 | 23 |
Cap de la Madeleine | 324 | 147 | 177 | 35 | 35 | 70 | 98 | 131 | 229 | 14 | 11 |
Champlain | 358 | 175 | 183 | 45 | 54 | 99 | 120 | 119 | 239 | 10 | 10 |
Batiscan | 374 | 186 | 188 | 42 | 42 | 84 | 131 | 135 | 266 | 13 | 11 |
Sainte-Geneviève | 713 | 349 | 364 | 107 | 109 | 216 | 227 | 231 | 458 | 15 | 24 |
Saint-Stanislas | 194 | 99 | 95 | 31 | 33 | 64 | 66 | 58 | 124 | 2 | 4 |
Sainte-Anne de la Pérade | 991 | 534 | 457 | 153 | 145 | 298 | 226 | 288 | 550 | 19 | 24 |
Pointe-du-Lac | 456 | 225 | 231 | 65 | 73 | 138 | 144 | 141 | 285 | 16 | 17 |
Yamachiche | 1,669 | 879 | 700 | 241 | 260 | 501 | 590 | 488 | 1,078 | 48 | 42 |
Rivière-du-Loup | 1,829 | 984 | 845 | 286 | 302 | 588 | 651 | 515 | 1,166 | 47 | 28 |
Maskinongé | 1,155 | 588 | 567 | 163 | 128 | 291 | 399 | 413 | 812 | 26 | 26 |
Saint-Pierre les Becquets | 371 | 197 | 174 | 57 | 57 | 114 | 135 | 107 | 242 | 5 | 10 |
Gentilly | 378 | 195 | 183 | 62 | 65 | 127 | 121 | 111 | 232 | 12 | 7 |
Baie-du-Febvre | 1,411 | 690 | 721 | 210 | 212 | 422 | 453 | 482 | 935 | 27 | 27
|
Bécancour | 1,027 | 520 | 507 | 134 | 157 | 291 | 356 | 323 | 679 | 30 | 27 |
Saint-François du Lac | 840 | 430 | 410 | 112 | 113 | 225 | 301 | 282 | 583 | 17 | 15 |
Village Sainte-Marguerite | 447 | 228 | 219 | 62 | 65 | 127 | 156 | 142 | 298 | 10 | 12 |
Nicolet | 884 | 479 | 405 | 128 | 127 | 255 | 334 | 264 | 598 | 17 | 14 |
Saint-Michel Yamaska | 1,324 | 674 | 650 | 195 | 223 | 418 | 438 | 391 | 829 | 41 | 36 |
DISTRICT DE MONTRÉAL. | |||||||||||
Montréal | (18,000)* | ||||||||||
Lachine | 618 | 357 | 261 | 77 | 74 | 151 | 244 | 164 | 408 | 36 | 23 |
Pointe Claire | 1,195 | 636 | 559 | 189 | 192 | 381 | 212 | 337 | 749 | 35 | 30 |
Sainte-Anne (Petit Rapide) | 513 | 273 | 240 | 83 | 92 | 175 | 175 | 138 | 313 | 15 | 10 |
Île Perrot | 586 | 303 | 283 | 89 | 101 | 190 | 200 | 170 | 370 | 14 | 12 |
Soulanges | 971 | 511 | 460 | 155 | 173 | 328 | 321 | 272 | 593 | 35 | 15 |
Saint-Laurent | 1,316 | 640 | 676 | 108 | 137 | 245 | 417 | 485 | 902 | 115 | 54 |
Sault-au-Récollet | 1,017 | 545 | 472 | 145 | 166 | 311 | 370 | 275 | 645 | 30 | 31 |
Longue Pointe | 490 | 237 | 263 | 86 | 92 | 178 | 135 | 156 | 291 | 16 | 15 |
Pointe-aux-Trembles | 844 | 408 | 436 | 130 | 123 | 253 | 240 | 290 | 530 | 38 | 23 |
Rivière des Prairies | 508 | 270 | 238 | 75 | 77 | 152 | 179 | 146 | 325 | 16 | 15 |
Île Jésus Saint-Martin | 1,637 | 812 | 825 | 252 | 281 | 533 | 514 | 510 | 1,024 | 46 | 34 |
Île Jésus Sainte-Rose | 1,089 | 551 | 538 | 177 | 186 | 363 | 335 | 324 | 659 | 39 | 28 |
Île Jésus Saint-François | 480 | 237 | 243 | 136 | 95 | 231 | 94 | 137 | 231 | 7 | 11 |
Île Jésus Saint-Vincent | 1,447 | 836 | 611 | 128 | 112 | 240 | 608 | 415 | 1,023 | 100 | 84 |
Saint-Eustache (Riv. du Chêne) | 2,385 | 1,254 | 1,131 | 389 | 339 | 728 | 812 | 760 | 1,572 | 53 | 32 |
Sainte-Thérèse de Blainville | 794 | 400 | 394 | 128 | 141 | 269 | 243 | 234 | 477 | 29 | 19 |
— — (partie) | 180 | 92 | 88 | 33 | 33 | 66 | 56 | 51 | 107 | 3 | 4 |
Sainte-Anne de Mascouche | 724 | 371 | 353 | 116 | 124 | 234 | 235 | 216 | 451 | 26 | 13 |
Sainte-Geneviève de Montréal | 1,607 | 883 | 724 | 264 | 256 | 520 | 582 | 431 | 1,013 | 37 | 37 |
Terrebonne | 1,114 | 593 | 521 | 181 | 205 | 386 | 367 | 289 | 656 | 45 | 27 |
Saint-Henri de Mascouche | 1,251 | 605 | 648 | 206 | 229 | 435 | 356 | 379 | 735 | 41 | 40 |
Lachenaye | 532 | 314 | 228 | 183 | 82 | 265 | 121 | 136 | 257 | 10 | 10 |
Saint-Roch de l’Achigan | 1,313 | 670 | 643 | 230 | 240 | 470 | 415 | 382 | 797 | 25 | 21 |
Saint-Jacques (Nouvelle Acadie) | 855 | 436 | 419 | 142 | 152 | 294 | 270 | 256 | 526 | 24 | 11 |
L’Assomption | 2,620 | 1,312 | 1,308 | 358 | 409 | 767 | 862 | 813 | 1,675 | 92 | 86 |
Repentigny | 1,282 | 624 | 658 | 164 | 185 | 349 | 412 | 443 | 855 | 48 | 30 |
Saint-Sulpice | 793 | 413 | 380 | 90 | 109 | 199 | 295 | 250 | 545 | 28 | 21 |
La Valtrie | 558 | 282 | 276 | 89 | 94 | 183 | 175 | 164 | 339 | 18 | 18 |
Saint-Paul de la Valtrie | 693 | 367 | 326 | 111 | 117 | 228 | 239 | 207 | 446 | 17 | 2 |
Lanoraie | 653 | 333 | 320 | 95 | 103 | 198 | 214 | 220 | 434 | 21 | 17 |
Île Dupas | 399 | 189 | 210 | 62 | 73 | 135 | 114 | 128 | 242 | 13 | 9 |
Berthier | 2,415 | 1,226 | 1,189 | 1,383 | 410 | 793 | 779 | 734 | 1,513 | 64 | 45 |
Saint-Cuthbert | 1,467 | 707 | 760 | 231 | 248 | 479 | 428 | 475 | 903 | 48 | 37 |
Châteauguay | 1,452 | 748 | 704 | 252 | 256 | 508 | 483 | 421 | 904 | 13 | 27 |
Sault Saint-Louis | 676 | 332 | 344 | 227 | 218 | 445 | 94 | 105 | 199 | 11 | 21 |
La Prairie | 1,704 | 847 | 857 | 163 | 295 | 458 | 622 | 514 | 1,136 | 62 | 48 |
Saint-Constant | 1,259 | 632 | 627 | 204 | 213 | 417 | 401 | 392 | 793 | 27 | 22 |
Saint-Philippe | 1,686 | 894 | 792 | 214 | 285 | 529 | 600 | 476 | 1,076 | 50 | 31 |
Blairfindie Sainte-Marguerite |
1,774 | 907 | 867 | 292 | 299 | 591 | 564 | 516 | 1,080 | 51 | 52 |
Vaudreuil | 1,579 | 835 | 744 | 249 | 257 | 506 | 550 | 462 | 1,012 | 36 | 25 |
Longueuil | 1,613 | 830 | 783 | 301 | 297 | 598 | 505 | 468 | 973 | 24 | 18 |
Boucherville | 1,492 | 768 | 724 | 257 | 270 | 527 | 468 | 519 | 987 | 43 | 35 |
Varennes | 2,334 | 1,208 | 1,126 | 332 | 356 | 688 | 330 | 722 | 1,552 | 46 | 48 |
Contrecœur | 840 | 421 | 419 | 130 | 140 | 270 | 260 | 263 | 523 | 31 | 16 |
Verchères | 1,686 | 802 | 884 | 159 | 269 | 428 | 586 | 576 | 1,162 | 57 | 39 |
Sorel | 1,208 | 630 | 578 | 202 | 221 | 423 | 398 | 330 | 728 | 30 | 27 |
Pointe Olivier, Rivière Chambly | 1,544 | 763 | 781 | 196 | 314 | 510 | 527 | 445 | 972 | 40 | 22 |
Saint-Denis | 1,694 | 858 | 836 | 269 | 285 | 554 | 544 | 518 | 1,062 | 45 | 33 |
Saint-Antoine | 1,285 | 669 | 616 | 194 | 202 | 396 | 450 | 384 | 834 | 25 | 30 |
Belœil Saint-Mathieu |
1,702 | 851 | 851 | 269 | 296 | 565 | 540 | 520 | 1,060 | 42 | 35 |
Saint-Joseph de Chambly | 1,732 | 865 | 867 | 275 | 299 | 574 | 550 | 532 | 1,082 | 40 | 36 |
Saint-Charles | 1,324 | 711 | 613 | 206 | 216 | 422 | 465 | 360 | 825 | 40 | 37 |
Saint-Hyacinthe | 1,360 | 701 | 659 | 249 | 258 | 507 | 435 | 384 | 819 | 17 | 17 |
Saint-Ours | 1,606 | 800 | 801 | 260 | 276 | 536 | 511 | 499 | 1,010 | 29 | 31 |
129,311 | 66,013 | 63,298 | 19,375 | 20,569 | 39,944 | 42,920 | 39,604 | 82,524 | 3,718 | 3,125 | |
*Québec *Montréal 32,000 — Total |
161,311 |
Voici la liste du clergé catholique à la même date :
Récollets venus de France : — Carpentier, 1746 ; Pétrimoulx, 1758 ; Dugast, 1773.
Récollets canadiens : — Berey, 1743 ; Demers 1757.
Sulpiciens canadiens : — Latour Dézéry, 1766 ; Guillemin, 1774 ; Borneuf, Marchand, 1786 ; Leclair, Hubert, 1787 ; Bédard, 1789.
Sulpiciens venus de France : — Beauzèle, 1748 ; Poncin, 1749 ; Davaux, 1750 ; Montgolfier, 1751 ; Guichard, Brassier, Curateau, 1754 ; Huet, 1755.
Jésuites venus de France : — De Glapion, 1747 ; Well, 1748 ; Cazot, 1766.
Prêtres venus d’Europe : — Mgr Briand, 1741 ; Renoyer, Mangue-Garault-Saint-Onge, 1745 ; Girault, Mangue-Garault-Saint-Onge, 1747 ; Féré-Duburon, 1750 ; Bédard, 1752 ; Vizien, Gravé de la Rive, Pétrimoulx, 1754 ; Mennard, 1764 ; Thorel, 1780 ; Leroux, McDonnell 1784.
Prêtres canadiens : — Filion, Sarault, Brassard, 1749 ; Youville, 1752 ; Bériau, 1753 ; Renault, Gamelin, 1754 ; Marchand, Truteau, 1755 ; Mgr Hubert, Verreau 1766 ; Mgr Denaut, Bailly de Messein, Hubert, 1767 ; Corbin, 1768 ; Chevrier, Lefebvre, 1769 ; Berthiaume, 1770 ; Lemaire-Saint-Germain, 1771, Martel, Pouget, Bro, 1772 ; Baumont, 1773 Hubert, Payet, Racine, Noiseux, Compain, Foucher, 1774, Dubois, Bédard, Martel, Pinet, 1775 ; Bertrand, Conefroy, Brassard-Deschenaux, Mailloux, Perrault, 1776 ; Derome, Dumouchel, Fortin, Picard, Verreau, 1777 ; Archambault, Hubert, Huet, Mgr Panet, 1778 ; Panet, Guichard, Deguire, Faucher-Chateauvert, 1779 ; Perrault, Gagnon, Jean, Durouvray, Labadie, 1780 ; Vézina, Chauvaux, Thomas, Lemaire-Saint-Germain, Lenoir, Rinfret, 1781 Paquet, Robert, 1782 ; Ducharme, Ecuyer, Griault, Hamel, Leclair, Roy, 1783 ; De Lorimier,. Lanctot, Aubry, Lamotte, Morin, Alinotte, Deguise, Fréchette, 1784 ; Landriaux, Serrand, Girouard, 1785 ; Chenet, Gaillard, Duchouquet, Mgr Plessis, Brunet, Prevost, 1786 ; Gatien, Marchetau, Lelièvre, Poulin de Courval, Boucher-Belleville, Desforges, Gagnon, Genest, Ducondu, 1787 ; Coyteux, Masse, Hébert, Robitaille, Bégin, Belair, 1788 ; Cazeneuve, Boissonnault, Dubord, Keller, Lamothe, 1789 ; Leclerc, Sabrevois de Bleury, Paquet, Paquet, Vidal, 1790.
Cette liste porte les noms de cent cinquante prêtres de tous ordres, dont quarante-trois-Canadiens-Français ordonnés de 1784 à 1790 inclusivement. M. Huguet-Latour[6] dit que, en 1783, lorsque MM. Adhémar et Delisle passèrent en Europe, ils se chargèrent de tâcher d’obtenir des prêtres, vu, ajoute-t-il, que soixante et quinze paroisses étaient alors sans curés. Le nombre total des paroisses en 1790 paraît avoir été à peu près de cent trente, d’après le recensement de cette année.
À plusieurs reprises nous avons dit un mot de la langue française et des écoles françaises, comme avec la vie parlementaire qui commence en 1792, la question du maintien de la langue de nos ancêtres devint de première importance, il est à propos de préparer le lecteur sur ce sujet.
Tout d’abord, on se demandera : quel langage ont parlé autrefois les Canadiens et jusqu’à quel degré avait-il pu s’altérer où se transformer trente ans après la cession du pays.
Les premiers Canadiens sont venus des côtes nord et nord-ouest de la France ; puis des bords de la Loire. Le groupe normand est arrivé en tête. Les percherons suivirent de près. Entre eux, il n’y a pas de différence bien notable. Le normand ne s’effraya point de ceux qui vinrent après lui : on sait par l’histoire de France qu’il est absorbant et meurt plutôt que de ne pas dominer. Il s’est rendu maître des gens de la Rochelle, du Poitou, de Paris même. La place se trouva prise, quant à l’accent. Sous le rapport des termes, des locutions, de la construction des phrases, il s’est quelque peu modifié, mais il en a enrichi son fond normand.
La population française du Canada se compose des descendants de cultivateurs et de militaires arrivés durant le dix-septième siècle. Après 1720 ce courant était arrêté. Une fois la conquête accomplie (1760) nous n’avons rien tiré de la France. Un siècle et demi s’est écoulé sans aucun mélange avec un nouvel élément. Depuis dix ans à peine, les agents d’immigration nous ont expédié quelques Français, la plupart gens de métiers et fixés dans les villes.
Au temps de l’établissement du Canada, la langue parisienne était moins correcte que celle de la région d’où sont sortis les premiers Canadiens. Les œuvres classiques de l’âge le plus brillant de la littérature française font voir que la prononciation actuelle des Canadiens-Français est la même que celle de l’époque de Henri IV, Richelieu, Louis XIII, Mazarin et Louis XIV — soit de 1575 à 1700, et même après cette date — la période par excellence des lettres, des salons et surtout du théâtre français. C’est au théâtre et chez les poètes que se conserve le mieux une langue ; les rimes de Chapelain, Boileau, Molière, Racine, Scarron, Scudéri, La Fontaine, Racan, Malherbe, Corneille, Perrault, Benserade, Quinault, justifient la prononciation « barbare » des Canadiens.
À la date même de la mort de Colbert (1682), La Bruyère écrivait : « L’air de cour est contagieux ; il se prend à Versailles, comme l’accent normand à Rouen ou à Falaise. » C’est précisément avant cette époque que le Canada reçut ses colons fondateurs — et à peu près tous venaient du nord de la France ; ils avaient apporté leur accent ; les soldats licenciés qui s’établirent à côté d’eux par la suite, en petit nombre, subirent l’influence du premier groupe, quant à la langue comme pour le reste. À la fin du dix-septième siècle, les sons du vieux langage étaient devenus comme étrangers à Paris et à Versailles, mais Rouen et Falaise, pays d’origine des Canadiens, les avaient conservés. Ce n’est pas le français du Canada qui a changé ou dégénéré, mais plutôt celui de Paris qui, pressé par l’influence croissante de l’accent des basses classes, ou des salons étrangers, a mis graduellement de côté la vieille et bonne prononciation pour en adopter une toute de convention, qui est encore plus éloignée de celle du Canada que des sources du latin du moyen-âge.
C’est en France, dans les localités d’où sont sorties nos familles qu’il faut étudier l’origine de notre accent. En veut-on une preuve ? elle s’est produite plus d’une fois. Les voyageurs français nous disent, à mesure qu’ils nous visitent : « Vos gens parlent à la manière de chez nous (Rouen, Brest, Nantes, La Rochelle, Poitiers, Tours), cependant ce n’est pas tout-à-fait comme chez nous ; il y a un je ne sais quoi qu’il faudrait analyser pour s’en rendre compte.
D’où vient que nous n’avons pas de patois ? Notre histoire l’explique. Au dix-septième et au dix-huitième siècles, l’influence des directeurs et des directrices de nos institutions publiques a décidé de la question. Écoles, hôpitaux, collèges, cures, tous avaient à leur tête des hommes et des femmes instruites, originaires de diverses parties de la France et qui, en très peu de temps, parvinrent, sans peut-être y faire attention, à fondre les accents de ceux qui étaient en rapport avec eux, en un seul et unique idiome où domina, nécessairement, le ton de la Normandie et des bords de la Loire. Ces curés, ces hospitalières, ces maîtresses, ces professeurs enseignaient aux jeunes Canadiens à parler correctement, à bien prononcer les mots, à saisir le génie de la langue française. Dans ce petit monde, chacun connaissait son voisin ou son supérieur — quelles conditions plus favorables peut-on exiger pour atteindre à l’uniformité et à l’exactitude du langage chez le peuple ?
Que le Canada ait été, sous le régime français, le pays du beau langage, c’est, dit M. Bibaud « ce dont il n’est pas permis de douter, tant les témoignages à ce sujet s’offrent en foule et se pressent. » Nous avons cité les pères Leclercq et Charlevoix, la mère de l’Incarnation, La Potherie et Kalm dont les témoignages sont tout-à-fait élogieux sur ce point. L’abbé d’Olivet ajoutait : « On peut envoyer un opéra en Canada, il sera chanté à Québec note pour note, et sur le même ton qu’à Paris, mais on ne saurait l’envoyer à Bordeaux ou à Montpellier et faire qu’il y soit prononcé syllabe pour syllabe comme à Paris. »
N’avons-nous pas, dans nos chansons populaires, une preuve manifeste de la modification en mieux du langage des anciens Canadiens ? La plupart de ces petits poèmes se sont conservés en France, mais leur valeur littéraire n’égale plus celle des couplets que nous connaissons ici. La cause en est que, grâce à une instruction plus générale, et à des avis donnés, selon toute évidence, par les missionnaires, les militaires, les fonctionnaires qui avaient tant de rapports avec les habitants et les « voyageurs, » les vers en question se sont policés, ont pris un cachet plus élégant, et, sans perdre leur caractère d’expression naïve et poétique, ont gagné un charme que l’on chercherait en vain dans les versions conservées en France.
Est-il vrai, comme on le dit, que la langue française ait dégénéré subitement après la cession du pays à l’Angleterre ? Nous en doutons. Plus que cela : une telle chose est impossible. Le sens commun veut qu’il s’écoule au moins deux générations avant que les hommes n’oublient assez la valeur des mots de leur langue pour la corrompre. Un habitant qui, en 1750, parlait de telle manière, n’a pas dû changer son langage dix ou quinze ans après pour plaire aux nouveaux venus. La classe instruite nous avait quittés, mais elle n’avait pas emporté la langue dans ses bagages. Il est vrai que le gouvernement britannique nous priva d’écoles ; cela dut avoir de l’influence sur l’instruction de la seconde génération, de 1770 à 1790, à peu près ; en d’autres termes la lecture et l’écriture subirent une dépression. Est-il croyable, néanmoins, que la langue parlée s’oublia et que des mots étrangers, patois ou anglicismes, firent invasion dans nos campagnes ? Qui ne voit que cela est erroné puisque ces mots de patois nous sont inconnus, et qui ne sait que les Anglais (quelques rares commerçants établis dans les villes) étaient trop nouvellement arrivés pour exercer le moindre empire sur une population compacte, toute chaude de ses traditions, et qui, à cette époque, voyait sortir de son sein un clergé conservateur des traditions françaises ? Que penser aussi des prêtres, tous hommes de hautes études, que la révolution française nous procura (en les chassant) et qui furent placés à la tête de nos principales institutions ? C’était aussi l’heure où nos collèges entraient dans la grande voie d’enseignement, c’était le début si remarquable de nos luttes constitutionnelles. Où trouverons-nous donc les preuves de l’assertion que notre langue avait dégénéré !
Il nous semble que, en cela comme en plusieurs autres choses, nos contemporains donnent trop de poids aux dires de quelques touristes peu éclairés, ou préjugés, qui alors, ainsi que de nos jours, croyaient entrevoir la décadence de notre idiome. On a cité John Lambert, un officier anglais qui nous visita, en 1806 :
« Avant la conquête du pays par les Anglais, écrit-il, on y parlait, a-t-on dit, la langue française aussi correctement qu’en France même. Depuis cette époque, les Canadiens ont introduit dans leur langage plusieurs anglicismes, et ils se servent de plusieurs tournures de phrase qu’ils tiennent probablement de leurs liaisons avec les nouveaux colons. Pour froid, ils prononcent frette ; pour ici, ils disent icite ; au lieu de prêt, ils disent paré. Ils se servent en outre de nombre de mots surannés que je n’ai pas présents à la mémoire. Ils corrompent encore le langage en prononçant la consonne finale en bien des mots, contre la coutume des Français d’Europe. Cela peut encore venir de la fréquentation des Anglais : autrement, on n’aurait jamais pu dire à leur louange qu’ils parlaient purement le français. » Si on eût dit à Lambert qu’il pataugeait, sa surprise eut été grande. Frette pour froid, se prononce ainsi dans l’est de la France ; nous ne disons pas que cela soit correct, mais il est visible que nous ne l’avons pas inventé, ni emprunté des Anglais. Il en est de même pour ici que nos gens prononcent icite ; c’est un reliquat du vieux langage. Paré est une expression maritime qui veut dire prêt ; nos gens disent aussi « amarre ton chapeau » pour « attache ton chapeau », « embarque en voiture » pour « monte en voiture. » Ce n’est pas l’Anglais qui nous a valu ces expressions : elles sont venues de France avec cette partie de notre population adonnée à la vie de la mer. Chez un grammairien elles auraient lieu de surprendre, mais non pas dans le peuple. Et remarquons bien qu’elles n’ont rien du patois puisqu’elles sont françaises de point en point — mais seulement un peu mal appliquées.
Les mots surannés, hors d’usage, dont nous nous servons, sont tout simplement charmants. Ils donnent à notre conversation une teinte d’antiquité des plus jolies ; les hommes instruits de l’Europe les comprennent et aiment à les entendre dans notre bouche.
La consonne finale, dont parle Lambert, ne se fait sentir que rarement parmi nous. Un Canadien dira endroite pour endroit, alphabète pour alphabet, juillette pour juillet, martinette pour martinet, et encore cela ne se rencontre pas partout.
La coutume des touristes est de saisir, çà et là, quelques expressions et de les généraliser. Défions-nous de ce système.
Les termes impropres sont choses communes dans la bouche de tous les peuples du monde. Nous en avons moins que dans bien des pays.
Vers 1804, le poète Thomas Moore, qui ne savait pas le français, mais qui se vantait de le comprendre, et même de le juger en connaisseur — mentionnait la « prononciation barbare » des Canadiens.
Il y a trente ans, M. Ampère, visitant la montagne de Montréal, racontait qu’une « bonne femme, occupée à jardiner, me dit, avec un accent de cordialité et très normand : montais m’sieu, il y a un biau chemin. Il ajoute : Ainsi qu’on vient de le voir, l’accent qui domine à Montréal est l’accent normand. » Nous ne le voyons pas du tout, pour l’excellente raison que les choses ne sont pas ainsi. Nos habitants disent : montez, messieu, y’a un biau ch’min. Sur huit mots, M. Ampère en a faussé six ! La contraction m’sieu n’est pas connue en Canada. Montais non plus. Biau est absolument étranger parmi nous. Ch’min pour chemin, se dit dans tout le Bas-Canada. Il y a n’est jamais employé par le peuple, mais seulement y a. Comment se fait-il que M. Ampère, qui a fréquenté l’historien Garneau, M. Lafontaine et dix autres Canadiens de marque, se soit plu à aller chercher dans la basse classe des expressions si étranges — ou plutôt qui n’y existent pas ?
M. Kowalski a entendu dire à une Québecquoise : « Voilà ma flotte qui dévale » — ce qui signifierait : « Ma famille passe ». Ce n’est pas la seule fausse note dont ce musicien a su agrémenter son livre.
M. de Parieux, dans un article sur l’unification des monnaies, qui a été lu et admiré par toute l’Europe, cite certaines dispositions de nos lois à cet égard, et il a le soin d’observer qu’il donne le texte tel qu’il est, « dans le langage français du Canada ». Eh bien ! ce texte écrit dans le langage français du Canada est tout simplement le français le plus pur et le plus correct qui se puisse trouver. Il a de quoi tenir, du reste, nous l’avons emprunté aux lois que nous a données Colbert, et, tel qu’il est, avec sa droiture d’expression et son sens net et clair, il a bonne mine à côté des textes du temps présent ! Le français de Corneille dont il est frère et qu’il rappelle incessamment, se moque bien du langage à la mode d’aujourd’hui.
- ↑ Nos compatriotes doivent beaucoup de reconnaissance à M. Ernest Gagnon pour avoir conservé plus de cent compositions de ce genre qui étaient en risque d’être oubliées.
- ↑ La sépulture de Mgr de Saint-Valier.
- ↑ Transporté, le 1er octobre 1773, de la Longue-Pointe au château Vaudreuil de Montréal, le collège de M. Curatteau avait pris le nom de Saint-Raphaël, et était gouverné par les prêtres du séminaire de Saint-Sulpice.
- ↑ L’année précédente, François Dupéron Baby s’était rendu à Londres, porteur des plaintes et des suppliques des Canadiens. À ses instances réitérées pour que l’on permît au collège Saint-Raphaël de se procurer deux professeurs en France, il lui fut répondu que c’était une grosse question et qu’il valait mieux attendre.
- ↑ Dès 1776, Anbury, officier anglais, qui visitait le Canada, remarquait des écoles dans presque tous les villages.
- ↑ Annuaire de Ville-Marie, 122.