Histoire des œuvres de Balzac/Première Partie. I. – La Comédie humaine/Scènes de la Vie parisienne
TOME PREMIER.
XL. Histoire des Treize. Préface datée de Paris, 1831. I. Ferragus chef des dévorants, daté de Paris, février 1833, dédié à Hector Berlioz. II. La Duchesse de Langeais, daté de Genève, au Pré-Lévêque, 26 janvier 1834, dédié à Franz Liszt. III. La Fille aux yeux d’or, daté de Paris, mars 1834-avril 1835, dédié à Eugène Delacroix. Le premier épisode de cette série parut pour la première fois, accompagné de sa préface, dans la Revue de Paris en mars et avril 1833, terminé par une note (voir tome XXII, page 393) qui ne parut que là. Il contenait alors les divisions suivantes, plus la note et la préface : Madame Jules, Ferragus, la Femme accusée, Où aller mourir ? ; ce dernier chapitre fut morcelé pour en faire un cinquième, Conclusion, lorsque ce récit parut pour la première fois en volume et daté, en 1834, dans le tome II de la première édition des Scènes de la Vie parisienne, où la note fut supprimée ; il y fut daté par erreur de février 1834, et un errata à la table du tome III rétablit la date exacte, février 1833. Dans l’édition suivante, un volume in-12 chez Charpentier, 1839, toutes les divisions sont enlevées, et ce n’est qu’en 1843 dans le tome I de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première, édition de la Comédie humaine, tome IX), que se trouvent pour la première fois la dédicace et la date de la préface. Un fragment de cet épisode a paru plus tard dans le Magasin universel, numéro de décembre 1836, sous le titre de : le Cimetière du Père-Lachaise et son portier.
La publication du deuxième épisode, la Duchesse de Langeais, fut commencée sous le titre de Ne touchez pas à la hache, deuxième épisode de l’Histoire des Treize, dans le numéro 1 de l’Écho de la Jeune France, mars 1833 (paru en avril) ; la publication n’y fut pas continuée, et ce journal ne donna que le premier chapitre intitulé : la Sœur Thérèse, qui se termine dans l’édition actuelle, p. 135, lig. 30. L’épisode complet parut pour la première fois en volume, inédit sauf le début, dans le tome III de la première édition des Scènes de la Vie parisienne, mis en vente en avril 1834 et daté comme aujourd’hui de Genève au Pré-Lévêque, 26 janvier 1834, date qui ne peut être exacte que pour la fin du récit, puisque l’introduction avait paru déjà en avril 1833. Cette version portait toujours le titre de Ne touchez pas à la hache, et était divisée en chapitres dont voici les titres :
Elle était accompagnée d’une note (voir tome XXII, page 393), et se terminait par le fragment suivant qui ne se trouve que dans cette édition et celle de Charpentier, 1839 ; après les mots : « Te voilà sage ; désormais aie des passions, mais de l’amour, » on lisait :
— Fi…
— C’est de la niaiserie ! dit Henri de Marsay. Il ne faut l’introduire en nous que comme une drogue qui, à certaine dose, augmente le plaisir. Autrement, autant lire Kant, Fitche, Schelling ou Hegel et autres farceurs.
— Voilà un homme ! s’écria Ronquerolles en frappant sur l’épaule de Marsay.
— Oui, ça n’a été pour moi qu’un poëme ! dit Montriveau lorsque les tournoiements de l’onde s’effacèrent dans le sillage du brick.
— On t’accorde le poëme, pour satisfaire à ce qui te reste de faiblesse humaine, camarade, dit de Marsay en lâchant avec grâce la fumée de son cigare. Ta duchesse !… je l’ai connue. Elle ne valait pas ma Fille aux yeux d’or. Et cependant je suis sorti tranquillement un soir de chez moi pour aller lui plonger mon poignard dans le cœur. Tu n’étais pas encore des nôtres !
Balzac enleva toutes les divisions de cette partie et lui donna pour la première fois le titre de la Duchesse de Langeais, qu’elle a gardé depuis, dans l’édition de Charpentier in-12, 1839, qui ne contient que les deux premiers épisodes de l’Histoire des Treize. Ce n’est qu’en 1843 qu’il enleva la note de cet épisode et y mit une dédicace, dans le tome I de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome IX).
Le troisième et dernier épisode : la Fille aux yeux d’or, annoncé d’abord sous le titre de la Femme aux yeux rouges, parut inédit en volumes en 1834-1835, dans les tomes III et IV de la première édition des Scènes de la Vie parisienne, accompagné d’une note datée de Meudon, 6 avril 1835 (voir tome XXII, page 394). Cette version était divisée en trois chapitres dont le premier seul, Physionomies parisiennes, daté de Paris, 15 mars 1834, parut à la fin du tome III, en avril 1834, précédé de cette épigraphe :
« Tout mouvement exorbitant est une sublime prodigalité d’existence. »
(Traité complet de la vie élégante, théorie de la démarche ; ouvrage inédit de l’auteur.)
Quant aux deux autres : Singulière bonne fortune et la Force du sang, datés de Meudon, 6 avril 1835, ils ouvrirent le tome IV, en novembre 1835. Le premier chapitre de cet épisode, dont la fin coïncide dans l’édition actuelle avec la ligne 31 de la page 276, contient des fragments de deux articles de Balzac, publiés antérieurement ; l’un : le Petit mercier, qui va de la ligne 20 page 253, à la ligne 17 page 255, parut dans la Caricature du 16 décembre 1830 ; mais il est réimprimé si différemment, que nous avons cru bien faire d’en conserver la version primitive dans les Œuvres diverses (voir tome XXIII, page 213) ; l’autre, les Jeunes gens de Paris, parut en 1834 dans le tome IV du Nouveau Tableau de Paris au xixe siècle, sept volumes, par divers auteurs, chez Madame Charles Béchet, 1834-1835. Ce dernier morceau est incomplet dans la Fille aux yeux d’or ; il va dans la présente édition de la ligne 15 de la page 269, à la ligne 5 de la page 272, où, après les mots « sans avoir un sou », on lisait dans le Nouveau Tableau de Paris :
Il existe encore certains béjaunes qui arrivent de province, et auxquels les jeunes gens à la mode apprennent l’art d’écorner proprement une succession. Ces écervelés périssent à Paris s’ils ne se réservent pas un dernier gâteau à manger dans leur province, quelque établissement certain. Malheur à ces héritiers, passés sans transition de leurs maigres cent francs par mois à toute la fortune paternelle, s’ils n’ont pas assez d’esprit pour s’apercevoir que l’on se moque d’eux. « C’était un pauvre garçon ! » est l’oraison funèbre destinée à ces infortunés qui viennent découvrir à Paris, moyennant quelques billets de mille francs, la valeur exacte des harnais, l’art de ne pas trop respecter ses gants, y entendre de savantes méditations sur les gages à donner aux gens, et chercher quel forfait est le plus avantageux à conclure avec eux. Après un an ou deux, ils savent parler en bons termes de leurs chevaux, de leur chien des Pyrénées ; ils peuvent reconnaître, d’après la mise, le marcher, le brodequin, à quelle espèce appartient une femme ; jouer l’écarté, retenir quelques mots à la mode, et conquérir, par leur séjour dans le monde parisien, l’autorité nécessaire pour importer plus tard en province le goût du thé, l’argenterie à forme anglaise, et se donner le droit de tout mépriser autour d’eux pendant le reste de leurs jours.
Presque toujours ces pigeons, attirés dans la grande maison de prostitution appelée Paris, y choisissent un parrain parmi les jeunes gens à la mode, et, comme une corvette timide qui se tient dans les eaux d’une frégate, ils en suivent les mouvements avec la ferveur d’un élève qui n’en est qu’à copier des nez ou des bras. Le parrain, lui, prend son pigeon, son béjaune, sa corvette, son élève en amitié pour s’en servir dans le monde, comme un hardi spéculateur se sert d’un commis de confiance. L’amitié fausse ou vraie de leur parrain est pour ces niais une position sociale, et ils se croient déjà forts en exploitant à leur manière leur ami intime. Ils vivent dans le reflet de leur ami, se mettent constamment sous son parapluie, ils en chaussent les bottes, et se dorent à ses rayons. En se posant près de leur parrain ou même en marchant à ses côtés, ils ont l’air de dire : « Ne nous insultez pas ! nous sommes deux vrais tigres ! » Souvent ils se permettent de dire avec fatuité : « Si je demandais telle ou telle chose à un tel, il est assez mon ami pour le faire… »
Mais ils ont soin de ne jamais rien demander à un tel. Ils le craignent, et, quoique imperceptible, la crainte que témoigne le pigeon réagit sur les autres, et sert à un tel.
— C’est un fier homme que un tel, dit le pigeon. Ha ! ha ! vous verrez, il sera ce qu’il voudra être. Je ne m’étonnerais pas de le trouver un jour ministre des affaires étrangères. Rien ne lui résiste.
Puis le pigeon fait de un tel ce que le caporal Trim faisait de son bonnet, un enjeu perpétuel.
— Demandez à un tel, et vous verrez !
Ou bien : « L’autre jour, nous chassions, un tel et moi ; il ne voulait pas me croire, j’ai sauté un buisson sans bouger de mon cheval ! »
Ou bien : « Nous étions, un tel et moi, chez des femmes, et, ma parole d’honneur, j’étais, etc. »
Un beau jour, si vous demandiez à un tel s’il connaît M. Paul de Manerville, l’héritier débarqué, un tel le définirait ainsi : « Vous me demandez ce que c’est que Paul ? Mais Paul… c’est Paul de Manerville ! »
Parmi les jeunes gens à la mode, il s’est formé, depuis la révolution de Juillet une secte nommée la secte des négateurs. Le négateur est celui qui, ne sachant rien, nie tout pour en finir avec toute espèce de choses. Là où l’ignorant fait une tache, le négateur fait un trou. Il nie le gouvernement, il nie la légitimité, il nie Philippe, il nie Henri, il ne nie pas Dieu, parce que pour lui Dieu n’existe pas ; il ne nie que ce qui existe ; il nie la liberté, il nie la république, il nie l’aristocratie, il nie le peuple, il nie la science, il vous nie la négation ; seulement, il ne nie pas le niais ; acte d’humilité dont il faut lui tenir compte.
Les sécateurs sont une secte qui s’est formée pour contrecarrer les négateurs. Le sécateur tranche, affirme ; avec lui tout existe. Il dit : « Vous êtes un sot, » là où le négateur dit : « Vous n’êtes rien du tout. » Le sécateur est généralement plus riche, plus impertinent, plus spirituel que ne l’est le négateur. Nier est une impuissance, affirmer est l’abus de la force. L’un agit, l’autre proteste.
Quand un sécateur et un négateur se rencontrent, la conversation marche assez bien ; et, s’ils sont gens de bonne compagnie, il n’y a pas de duel ; mais, s’il survient des seconds, ils ne s’entendent plus, parce que deux négations font une affirmation et ils s’embarrassent au point de dire quelque chose de juste qu’il est cependant assez difficile de deviner à cause des opérations algébriques qu’il faut faire pour soustraire les fausses quantités ; aussi quelques étrangers qui savent le français, sont-ils fort étonnés quand ils se trouvent sous les feux croisés d’une batterie négatrice répondant à l’artillerie sécatrice.
Néanmoins, croyez-moi, je vous affirme qu’il existe entre ces deux termes des jeunes gens qui ne sont rien, qui semblent n’avoir été créés que pour porter des pantalons, et qui ont beaucoup de succès auprès des femmes, précisément parce qu’ils portent des pantalons.
En 1843, l’auteur enleva la note de cette partie, et la dédia pour la première fois dans le tome I de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome IX). Voir la préface de la première édition des Scènes de la vie parisienne, datée de Paris 30 août 1835, tome XXII, page 391.
XLI. Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, daté de Paris, novembre-décembre 1837. Dédié à Alphonse de Lamartine. Cet ouvrage, destiné d’abord à former les tomes V à X de la quatrième édition des Études philosophiques, parut inédit en décembre 1837, daté de 1838, deux volumes in-8o chez l’éditeur, 5 rue Coq-Héron, c’est-à-dire au bureau du Figaro d’alors, qui, de moitié avec l’Estafette, donnait cet ouvrage en prime à ses abonnés. Il était précédé d’une préface (voir tome XXII, page 495), et divisé comme suit :
Toutes ces divisions de chapitres ont disparu en 1839, dans l’édition in-12 publiée par Charpentier, laquelle n’a plus gardé que l’indication et les titres des trois parties ; aujourd’hui, elle n’a plus que les deux premiers de ces sous-titres, changement exécuté lors de l’entrée de César Birotteau dans le tome II de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome X), où il prit place en 1844, dédié pour la première fois.
XLII. La Maison Nucingen, daté de Paris, novembre 1837. Dédié à madame Zulma Carraud (et non Caraud, comme l’indique par erreur la présente édition). Ce récit, longtemps annoncé sous son titre et sous celui de la Haute Banque, dut paraître d’abord dans la Presse, ainsi que le constate une note qu’on trouvera plus loin dans l’article sur le Curé de village. Il parut enfin inédit et daté avec la Femme supérieure (les Employés) et la Torpille (Splendeurs et Misères des courtisanes, première partie), en octobre 1838, deux volumes in-8o chez Werdet, avec préface collective datée des Jardies, 15 septembre 1838 (voir tome XXII, page 496). La dédicace était celle d’aujourd’hui, sous le titre d’Envoi à madame Zulma Carraud, à Frapesle, les Jardies août 1838, date qui a été supprimée en 1844, lorsque ce récit entra dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XI).
TOME II.
XLIII. Splendeurs et Misères des courtisanes. I. Comment aiment les filles. II. À combien l’amour revient aux vieillards. III. Où mènent les mauvais chemins. IV. La Dernière incarnation de Vautrin, daté de décembre 1847 (ce qui est doublement fautif et inexact, on le verra plus loin). Dédié au prince Alfonso Serafino di Porcia, dédicace datée de juillet 1838. La moitié environ de la première partie de ce long récit parut inédite sous le titre de la Torpille, avec la Femme supérieure (les Employés) et la Maison Nucingen en deux volumes in-8o, chez Werdet, octobre 1838, accompagnée de la dédicace, adressée à Milan et non datée, et de la préface collective datée des Jardies, 15 septembre 1838, dont nous avons déjà parlé (voir tome XXII, page 496). Ce fragment, qui avait dû paraître dans la Presse, comme le constate une note qu’on trouvera plus loin, dans l’article sur le Curé de village, était alors divisé en trois chapitres : le Bal de l’Opéra, la Fille repentie, la Pensionnaire, et daté des Jardies, août 1838. Cette première publication s’arrête, dans notre édition, à la page 53, ligne 6, au mot : « diable ». Le complément de cette première partie et presque toute la seconde À combien revient l’amour aux vieillards, parut pour la première fois dans le Parisien, du 21 mai au 1er juillet 1843, sous le titre d’Esther, ou les Amours d’un vieux banquier ; le journal réimprima toute la partie déjà connue et fit précéder sa publication de la note suivante :
La première partie d’Esther, ou les Amours d’un vieux banquier, n’a jamais paru dans aucun journal ; elle a été publiée par l’auteur sous le titre provisoire de la Torpille, et nous avons jugé qu’il était impossible, pour le sens du roman inédit, de ne pas donner les quelques feuilletons que prendra cette première partie, où l’inédit commence au chapitre XIV.
Par suite d’une erreur d’impression dans les feuilletons, l’inédit commence au chapitre XIII. Dans cette version, les trois chapitres primitifs de la Torpille sont subdivisés, on le voit, en treize chapitres nouveaux qui sont les premiers de l’ouvrage ; nous allons en donner l’indication ainsi que celle de tous ceux qui suivent dans le journal :
Cette partie se termine aujourd’hui page 214, avec la ligne 19. En réimprimant en novembre 1844 (daté 1845), cet ouvrage chez de Potter, en trois volumes in-8o avec préface (voir tome XXII, page 574), et suivi de : Échantillons de causeries françaises (voir plus loin aux Œuvres diverses), l’auteur y ajouta une quatrième partie inédite, promise et annoncée dans le journal le Parisien, mais qui n’y parut jamais ; il intitula le tout Splendeurs et Misères des courtisanes ; Esther. Voici les divisions de cette quatrième partie :
Ce sont les quatre parties de ces volumes qui forment maintenant les deux premières de l’œuvre, la seconde commençant aujourd’hui au chapitre II de la troisième partie de cette édition de 1844. Cette même année ces deux premières parties datées de Paris, juin 1843, et la dédicace datée d’août 1838, entrèrent dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XI), la première partie sous le titre d’Esther heureuse, et la seconde sous le titre actuel. Enfin, dans l’édition définitive, cette première partie change encore son titre contre celui de Comment aiment les filles et la dédicace y prend la date de juillet 1838. Il y a à la ligne 34 de la page 111, une note que Balzac avait ajoutée sur son exemplaire pour renvoyer à cet endroit le lecteur aux Frères de la consolation ; or, cet ouvrage porte aujourd’hui le titre de l’Envers de l’histoire contemporaine.
La troisième partie : Où mènent les mauvais chemins, parut pour la première fois, divisée en chapitres, dans l’Époque du 7 au 29 juillet 1846, sous le titre de : une Instruction criminelle ; la même année elle parut pour la première fois en volume, sous son titre actuel, datée de mars 1846, dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XII). En 1847 enfin, cette partie parut encore séparément en deux volumes in-8o, chez Souverain, sous le titre d’un Drame dans les prisons, suivie d’Esquisse d’homme d’affaires (les Roueries d’un créancier). Cette version, imprimée sur celle du journal l’Époque, était divisée en chapitres, supprimés dans la Comédie humaine et dont voici les titres :
Dans l’édition définitive, outre les chapitres, l’auteur a encore enlevé la date.
La quatrième et dernière partie, la Dernière Incarnation de Vautrin, portant d’emblée ce titre, parut pour la première fois dans la Presse (qui l’avait achetée au journal défunt l’Époque), du 13 avril au 4 mai 1847. (C’est donc décembre 1846 qu’il faut lire à la date au lieu de 1847, date doublement fautive, puisqu’elle est donnée dans cette édition comme celle de tout l’ouvrage, tandis qu’elle est même inexacte au bas de la dernière partie seule.) Elle y était divisée ainsi :
La Dernière Incarnation de Vautrin parut la même année (1847, daté 1848) en trois volumes in-8o chez Chlendowski, avec sa division en chapitres, et suivie de : les Martyrs ignorés et une Rue de Paris et son habitant (voir aux Œuvres diverses). Voici les divisions de cette édition :
En 1855, année où fut publiée chez madame Houssiaux la première édition des tomes XVIII à XX des œuvres de Balzac (tomes complémentaires de la première édition de la Comédie humaine), cette dernière partie de Splendeurs et Misères des courtisanes entra, portant pour la première fois la date fautive de décembre 1847, et toutes divisions de chapitres supprimées, dans le tome XVIII. Enfin, dans l’édition définitive, les quatre parties de cette œuvre importante sont aujourd’hui pour la première fois réunies.
XLI. Les Secrets de la princesse de Cadignan, daté des Jardies, juin 1839. Dédié à Théophile Gautier. Imprimé pour la première fois, avec sa dédicace, dans la Presse des 20 au 26 août 1839, daté des Jardies, juillet 1839, sous le titre de la Princesse parisienne, et en 1840, sous le même titre, en un volume in-8o chez Souverain, formant le tome I du Foyer de l’Opéra, recueil par divers auteurs ; ce récit était, depuis sa première publication, divisé en chapitres dont voici les titres :
Dans l’édition du Foyer de l’Opéra, les chapitres ne portent pas de titres et l’ouvrage est dédié ainsi :
Il ne prit le titre qu’il porte aujourd’hui qu’en 1844, en entrant, toutes divisions de chapitres supprimées, dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XI).
XLV. Facino Cane, daté de Paris, mars 1836. Imprimé pour la première fois dans la Chronique de Paris du 17 mars 1836, ce récit parut pour la première fois en volume, daté, en 1837, dans le tome XII de la quatrième édition des Études philosophiques. En 1844, il entra dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XI). L’auteur y ajouta cette dédicace : « À Louise, comme un témoignage d’affectueuse reconnaissance, » qu’il a enlevée sans la remplacer par aucune autre dans cette édition. Ce conte a paru aussi, sous le titre de : le Père Canet, avec la Muse du département et Rosalie (Albert Savarus), mystères de province, quatre volumes in-8o chez Souverain, 1843.
XLVI. Sarrasine, daté de Paris, novembre 1830. Dédié à Charles de Bernard du Grail. Imprimé pour la première fois dans la Revue de Paris du 28 novembre 1830, en deux chapitres : les Deux Portraits et une Passion d’artiste, ce récit avait alors en tête de chacun une épigraphe, supprimée depuis, que nous recueillons ici :Croyez-vous que l’Allemagne ait seule le privilége d’être absurde et fantastique ?
Les femmes soupçonnent-elles la force d’une vraie passion dans un cœur d’homme ?
Il parut pour la première fois en volume en 1831, à la suite de la deuxième édition de la Peau de chagrin, publié sous le titre de Romans et Contes philosophiques, chez Ch. Gosselin, trois volumes in-8o, et entra, daté, dans le tome IV des Scènes de la Vie parisienne lors de leur première édition, en 1834-1835. La dédicace n’y fut ajoutée qu’en 1844 dans le tome II de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome X).
XLVII. Pierre Grassou, daté de Paris, décembre 1839. Dédié au lieutenant-colonel d’artillerie Périollas. Imprimé pour la première fois en 1840 dans Babel, recueil par divers auteurs, quatre volumes in-8o ou six volumes in-18, au choix, chez Renouard, ce récit parut pour la première fois dans les œuvres de Balzac, encore en 1840, après Pierrette, deux volumes in-8o chez Souverain ; il entra en 1844, augmenté de sa date et de sa dédicace, dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome X).
TOME III.
XLVIII. Les Parents pauvres. I. La Cousine Bette. II. Le Cousin Pons, daté de Paris, juillet 1846 — mai 1847. Dédié à don Michele Angelo Cajetani, prince de Teano, dédicace datée de Paris, août-septembre 1846. Ces deux récits ont paru, pour la première fois, sous le titre de : Histoire des parents pauvres, la Cousine Bette et les Deux Musiciens, dans le Constitutionnel ; la Cousine Bette, avec la dédicace actuelle, du 8 octobre au 3 décembre 1846, et le Cousin Pons (titre remplaçant les Deux Musiciens) du 18 mars au 10 mai 1847, accompagné d’une préface que nous avons retrouvée trop tard pour pouvoir la faire passer dans le tome XXII, avec toutes celles que l’auteur avait supprimées dans la Comédie humaine. Nous la donnerons plus loin. Cette version de la Cousine Bette, de même que la première édition de librairie qui forme, suivie du Cousin Pons, douze volumes in-8o parus chez Chlendowski et Pétion, en 1847-1848, est divisée en chapitres, et voici d’abord les titres de la version du Constitutionnel :
La publication de cet ouvrage fut accompagnée dans le Constitutionnel de trois notes que nous allons transcrire ici ; la première, publiée dans le numéro du 20 octobre 1846, a trait au titre de comte de Forzheim donné par l’empereur au général Hulot (page 4, ligne 2), et à la situation d’adjoint attribuée à Crevel, changée aujourd’hui en celle d’ancien adjoint (page 3, ligne 10) ; la voici :
Le profond respect que je porte à la grande armée et à l’empereur, m’oblige à répondre à la lettre suivante, qui m’est adressée par la voie du Constitutionnel :
Dans votre nouveau roman : les Parents pauvres, il vous plaît de faire conférer par l’empereur, au général Hulot, le titre de comte de Forzheim. En vérité, l’empereur n’aurait mieux su s’y prendre pour combler de ridicule un des braves de son armée. Que diriez-vous, monsieur, d’un personnage qui se ferait appeler le marquis de la Pétaudière ?
Nous autres Français, nous ne saurons jamais que notre langue. Il n’y aurait donc guère d’inconvénient, si vos œuvres, à juste titre, ne jouissaient d’une vogue européenne.
Veuillez bien agréer, monsieur, ces observations de la part d’un de vos admirateurs les plus sincères.
Je déclare ne savoir aucun mot d’allemand. Il m’est d’ailleurs impossible de me livrer à l’étude de cette magnifique et très-estimable langue, tant que je ne saurai pas parfaitement la langue française ; et je la trouve si peu maniable après vingt ans d’étude, que je ne pense pas, comme mon bienveillant critique, que, nous autres Français, nous sachions notre langue ; si nous ne savions que cela, nous le saurions mieux. Venons au reproche qui taxerait de légèreté mon Napoléon de la Comédie humaine. Si je ne sais pas l’allemand, je connais beaucoup l’Allemagne, et j’ai l’honneur d’affirmer à l’auteur de cette lettre que je suis passé environ neuf fois par la ville de Forzheim, située sur les frontières des États de Bade et du Wurtemberg. Cette ville est une des plus jolies et des plus coquettes de cette contrée, qui en compte tant de charmantes. C’est là qu’en 1809 le héros des Chouans a livré le brillant combat en souvenir duquel, après Wagram, Napoléon le nomma comte du nom de cette ville, selon son habitude de rattacher sa nouvelle noblesse à de grands faits d’armes. Cette affaire est le sujet d’une de mes Scènes de la Vie militaire. Si mon critique anonyme sait l’allemand, je suis fâché de voir qu’il n’est pas plus fort en géographie, que moi sur la langue germanique. Subsidiairement, si Forzheim veut dire Pétaudière, Bicoque en Italie a immortalisé ce nom bizarre ; puis nous avons eu les ducs de Bouillon, et nous comptons, nous autres amateurs des vieilles chroniques, plus de vingt noms, célèbres au temps des croisades, qu’on ne peut plus imprimer aujourd’hui, tant ils sont ridicules ou indécents. Cinq familles françaises (entre autres, les Bonnechose) ont été autorisées par lettres patentes à changer quelques-uns de ces noms qui, dans le vieux temps, avaient bien leur prix. Enfin, Racine, Corneille, Lafontaine, Marot, les deux Rousseau, Cuvier, Picolomini, Facino Cane, Marceau, Cœur, Bart, etc., ont surabondamment prouvé que les noms deviennent ce que sont les hommes, et que le génie, comme le courage, transforment en auréole les vulgarités qui les touchent.
Une observation, plus grave que celle-ci, et qui m’oblige à grossir cette note, est celle relative à M. Crevel. Ce personnage a dû donner sa démission d’adjoint pour être capitaine de la garde nationale. Ce défaut de mémoire légale sera réparé.
Je remercie, d’ailleurs, mon critique de l’intérêt qui ressort pour un écrivain, de toute observation, même erronée.
L’Auteur.
Dans le numéro du 28 octobre, nouvelle note sur le même sujet :
Quand on a passé souvent par cette ville (Forzheim), on ne peut pas ne point avoir lu sur les poteaux Pforzheim (sic). Mais nous avons jugé cette orthographe incompatible avec la prononciation française, et nous avons mis Forzheim comme nous disons Mayence pour Mainz. D’ailleurs, Forzheim, m’écrit un Allemand, ne veut pas dire Pétaudière, il faudrait Furzheim. Pforzheim n’est pas un mot de la langue germanique. Les Romains (au temps de Jules-César) fondèrent cette ville et la nommèrent, à cause de sa situation : Porta Hercinæ, c’est-à-dire : Porte de la forêt Noire. Au moyen âge, on a dit Phorcæ, par abréviation ; puis le peuple a donné une terminaison germanique au mot latin abrégé ; de là Pforzheim ! En tous pays, les noms sont le résultat de ces bizarres transformations. La Ferté-sous-Jouarre et Aranjuez sont, dans chaque pays, la corruption d’Ara Jovis, Autel de Jupiter.
Pforzheim, célèbre d’ailleurs par ses trois cents soldats qui, dans la guerre de Trente ans, succombèrent à la manière des trois cents Spartiates de Léonidas, a vu naître Reuchlin et Gall.
J’ajoute cette note pour en finir sur ce point, car j’ai reçu onze lettres à ce sujet. La géographie a ses périls.
La dernière note est relative au fait d’armes raconté page 290, ligne 30 de cette édition ; la voici, extraite du numéro du 18 novembre 1846 :
Pour éviter les réclamations, nous mettrons ici en note que cet admirable fait d’armes appartient au général Legrand, qui alla vers cette triple redoute comme à une fête, ayant au cou une chaîne des cheveux blonds de sa femme, aujourd’hui madame J… de F… Il y a des héroïsmes qu’on ne peut pas inventer, il faut les prendre tout faits. Napoléon fut jaloux de cette affaire. Il vint et dit : « On aurait pu tourner la position ; vous avez pris le taureau par les cornes. » Après une longue disgrâce, Masséna, dit le général Pelet, qui a rapporté ce mot de Napoléon dans son Histoire de la campagne de 1809, avait un commandement en chef ; il voulait stupéfier les Allemands par un coup d’éclat, et ce fut le prélude de ses exploits à Gross-Aspern et à Wagram.
Cette précaution oratoire, mise en avant uniquement à cause de l’immense publicité de ce journal, est nécessaire pour prévenir les critiques. On aurait également tort de prêter à l’auteur l’intention de viser au portrait. Le maréchal Cottin, prince de Wissembourg, le Directeur du personnel, etc., sont des personnages nécessaires dans la Comédie humaine ; ils y représentent des choses et ne seront jamais des personnalités. Quand Molière introduisit un monsieur Loyal dans Tartufe, il faisait l’Huissier, et non tel huissier. C’était le fait et non un homme.
Voici maintenant les divisions de la Cousine Bette en volumes :
Voici maintenant l’avertissement du Cousin Pons que nous extrayons du Constitutionnel du 18 mars 1846, et intitulé : Avertissement quasi littéraire.
Primitivement, l’Histoire des parents pauvres devait commencer par la partie appelée les deux Musiciens ; mais des raisons, qu’il serait superflu d’expliquer et qui ne concernent que l’art littéraire, ont obligé l’auteur à la publier en dernier. La Cousine Bette n’avait pas encore pris ces développements peut-être excessifs et dus à la nature même du sujet, qui ont fait d’une simple nouvelle presque un livre. Walter Scott, avec sa fine bonhomie, a dit le premier qu’il partait au début d’une œuvre pour réaliser des plans, la plupart du temps abandonnés dans l’exécution, à propos d’un personnage ou d’un incident. Il y a des sujets qui deviennent de très-mauvais sujets, et des sujets pauvres qui s’amendent. C’est dans la vie des romans comme dans la vie réelle.
Ces observations paraissent avoir tant de similitude avec l’annonce d’un régisseur venant prévenir le public que la basse, ne voulant pas faire remettre le spectacle, sollicite l’indulgence du parterre pour un enrouement causé par le vin de Champagne d’un dîner d’artistes, que l’auteur est obligé d’avouer qu’elles sont uniquement écrites pour expliquer aux abonnés du Constitutionnel le changement du titre : les deux Musiciens en le Cousin Pons.
L’abonné n’est pas un lecteur ordinaire, il n’a pas cette liberté pour laquelle la Presse a combattu ! C’est là ce qui le rend abonné. L’abonné, qui subit nos livres, a douze raisons à vingt sous pièce dans la banlieue, quinze dans les départements et vingt à l’étranger, pour vouloir, pendant tout un trimestre, cinquante francs d’esprit, cent francs d’intérêt dramatique et sept francs de style dans le feuilleton. Les écrivains ont imité l’abonné. Tous ceux qui publient leurs ouvrages en feuille-tons n’ont plus la liberté de la forme ; ils doivent se livrer à des tours de force qui, depuis quelque temps, les assimilent, hélas ! aux célèbres ténors ; ils en ont les appointements et la gloire viagère. Or, dans l’intérêt de cet avenir trimestriel, il nous a paru nécessaire de rendre très-visible l’antagonisme des deux parties de l’Histoire des parents pauvres en appelant la seconde le Cousin Pons. Ceci est une raison bien plus décisive que toutes les autres ; mais peut-être les esprits graves ne l’accepteront-ils pas.
La prétention émise, dit-on, par la Société des Gens de lettres de considérer les réimpressions d’ouvrages achetés par les journaux, comme des reproductions, nous oblige à faire observer ici que l’auteur n’appartient plus, depuis longtemps, à la Société des Gens de Lettres ; qu’il est libre de céder la reproduction de ses œuvres anciennes et nouvelles, en en garantissant la reproduction exclusive aux cessionnaires.
Le Cousin Pons était aussi divisé dans le Constitutionnel en chapitres dont voici les titres :
Dans la première édition en volumes, dont nous avons parlé à propos de la Cousine Bette, le Cousin Pons fut aussi divisé en chapitres dont nous allons donner les titres, mais il ne fut plus divisé en parties.
Cette édition est terminée par une nouvelle de Pierre Zaccone, intitulée Ethel von Dick.
En 1848, ces deux récits furent imprimés, datés pour la première fois et toutes divisions de chapitres supprimées, en un seul volume in-8o, chez Furne seul ; il formait le tome XVII des œuvres de Balzac, premier volume complémentaire de la Comédie humaine. L’auteur y indiquait en tête de la Cousine Bette, une première partie intitulée le Père prodigue, et laissait ensuite l’ouvrage entier sans en donner une seconde ; cette singularité est restée dans l’édition définitive. Si l’on veut savoir maintenant ce que le Constitutionnel a payé pour la publication de ce livre, voici les chiffres exacts : la Cousine Bette, 12,836 fr. ; le Cousin Pons, 9,238 ; total : 22,074 fr.
TOME IV.
XLIX. Un homme d’affaires, daté de Paris, 1845. Dédié au baron James de Rothschild. Imprimé pour la première fois dans le Siècle du 10 septembre 1845, sous le titre de : les Roueries d’un créancier et formant le chapitre III d’une série d’Études de mœurs dont les deux premières sont : une Rue de Paris et son Habitant (voir aux Œuvres diverses) et le Luther des Chapeaux (voir les Comédiens sans le savoir) ; ce récit était alors divisé en deux parties dont voici les titres :
Il parut pour la première fois en volume, sans divisions, dédié et daté, en 1846, dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XII), et portait alors le titre d’Esquisse d’hommes d’affaires d’après nature. En 1847, il termina aussi, sous le même titre, le tome II d’un Drame dans les prisons (Où mènent les mauvais chemins, troisième partie de Splendeurs et Misères des courtisanes). Enfin, dans l’édition définitive, ce morceau change de titre pour la troisième fois.
L. Un Prince de la bohème, daté de 1839-1845. Dédié à Henri Heine. Ce récit parut pour la première fois, sous le titre de : les Fantaisies de Claudine, daté d’août 1840, aux Jardies, dans le numéro du 25 août 1840 de la Revue parisienne ; il entra ensuite en 1844 sous son titre actuel, et dédié, dans le tome II d’Honorine, puis en 1846 dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XII), accompagné de sa dédicace et de ses dates actuelles. La version de la Revue parisienne, qui a été publiée de nouveau sous son premier titre en 1853, en un petit volume in-24, chez Eugène Didier, contient deux chapitres : la Bohème de Paris et le Ménage de Claudine ; il y a quelques différences entre cette version et celle de la Comédie humaine, et ce sont ces changements, exécutés en 1845, qui ont motivé la double date que porte actuellement ce récit. Après les mots « peut-être pas pris garde », ligne 17, page 40, le premier chapitre de la nouvelle, se terminait par cette réflexion assez bizarre :
Ceci, pour employer un titre inventé par M. Victor Hugo, est une autre guitare !
— Appelez-vous cela de l’avancement ? répondit-elle (madame de Rastignac) en souriant au milieu d’une tristesse profonde.
La jolie baronne avait les yeux humides et y passait les dentelles de son mouchoir.
— Qu’avez-vous ?
— Mon cher Nathan, dit-elle en me lançant un amer sourire, je sais un autre ménage où c’est le mari qui est aimé, et où c’est la femme qui est du Bruel.
J’avais oublié, comme cela nous arrive souvent à nous autres gens d’imagination, qu’après quinze ans d’une liaison continue, et après avoir, selon le mot de la Bourgoin, essayé son gendre, la baronne Delphine de Nucingen avait marié sa fille à Rastignac, que la vieille financière gouvernait entièrement cet homme d’État sans qu’il s’en aperçût, et que la jeune baronne de Rastignac avait fini par apprendre la dernière ce que tout Paris savait.
— Vous allez publier cela, me dit Nathan.
— Certes.
— Et le dénoûment.
— Je ne crois pas aux dénoûment ; il faut en faire quelques-uns de beaux pour montrer que l’art est aussi fort que le hasard ; mais, mon cher, on ne relit une œuvre que pour ses détails.
— Mais il y a un dénoûment, me dit Nathan.
— Eh !
— La jeune baronne de Rastignac est folle de Charles-Édouard. Mon récit avait piqué sa curiosité.
— Oui, mais la Palférine ?
— Il l’adore !
— La malheureuse !
Dans la version qui suit Honorine, un Prince de la bohème est divisé ainsi :
avec la cour.
une femme d’esprit.
LI. Gaudissart II, daté de Paris, novembre 1844. Dédié à la princesse Cristina de Belgiojoso, née Trivulce. Ce travail, écrit pour le Diable à Paris, deux volumes in-8o, chez Hetzel, 1845-1846, paru pour la première fois dans la Presse du 12 octobre 1844 sous le titre de : un Gaudissart de la rue Richelieu ; les Comédies qu’on peut voir gratis. Il a gardé le même titre dans le Diable à Paris et n’a pris celui qu’il porte aujourd’hui qu’en entrant en 1846, daté et dédié, dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XII).
LII. Les Employés, daté de Paris, juillet 1836. Dédié à la comtesse Serafina San-Severino, née Porcia. Imprimé pour la première fois dans la Presse du 1er au 14 juillet 1837, sous le titre de la Femme supérieure, ce roman parut pour la première fois en volume, chez Werdet, deux volumes in-8o, en octobre 1838 ; il portait ce même titre, mais la version du journal était augmentée d’une conclusion inédite et de la dédicace actuelle, datée alors de Milan, mai 1838, date effacée depuis. Il parut, accompagné de la Torpille et de la Maison Nucingen, avec la préface collective datée des Jardies, 15 septembre 1838, dont nous avons déjà parlé (voir tome XXII, page 496). L’ouvrage était alors divisé en parties et en chapitres dont voici les titres :
La fin de la version publiée par la Presse, s’arrête à ces mots de Bixiou : « il est joli celui-là » ligne 23 de la page 265. Tout ce qui suit parut inédit, comme nous l’avons dit, dans l’édition de 1838.
La femme supérieure reparut en 1846 dans le tome III de la troisième édition des Scènes de la vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XI), sous le titre de : les Employés ou la Femme supérieure, datée de juillet 1838. Dans l’édition actuelle, l’œuvre n’a plus d’autre titre que les Employés, et porte la date de juillet 1836. En revoyant cet ouvrage pour la première édition de la Comédie humaine, Balzac y intercala quelques fragments de la Physiologie de l’Employé (voir aux Œuvres diverses).
LII. Les Comédiens sans le savoir, daté de Paris, novembre 1845. Dédié au comte Jules de Castellane. Imprimé pour la première fois, accompagné de sa dédicace, dans le Courrier Français du 14 au 24 avril 1846, ce roman, que l’auteur voulut un moment intituler les Comiques sérieux, parut en volumes la même année, daté pour la première fois dans le tome IV de la troisième édition des Scènes de la Vie parisienne (première édition de la Comédie humaine, tome XII). En 1848, il fut réimprimé en deux volumes in-8o, chez Gabriel Roux, sous le titre de : le Provincial à Paris, suivi de Gillette (le Chef-d’œuvre inconnu), le Rentier et el Verdugo. La version du journal et celle du Provincial à Paris étaient divisées en chapitres ; voici les titres de la version du Courrier français :
Voici maintenant les titres de la version en volumes ; pour ne pas nous répéter, nous n’indiquerons que les changements des chapitres 10 à 30 ; les autres chapitres sont conformes aux précédents. Ces deux séries de titres ont disparu l’une et l’autre dans la Comédie humaine :
Cette version était précédée d’un avant-propos de l’éditeur, que nous recueillons ici :
Si le xixe siècle a vu naître et grandir beaucoup de réputations, si beaucoup d’écrivains ont conquis dans les rangs de la littérature moderne une place élevée, due à leurs succès et à leurs talents, il faut avouer que bien peu de ces réputations, bien peu de ces écrivains sont destinés à franchir les limites de ce siècle, et que la postérité saura réduire considérablement la liste des hommes illustres de notre époque. Il en a été ainsi de tout temps, et, certes, s’il était donné à certains auteurs d’assister au jugement que la postérité portera sur leurs œuvres, leur vanité essuierait de singuliers mécomptes.
Cependant, il est quelques écrivains que la supériorité incontestable de leurs œuvres, et la faveur intelligente et enthousiaste qui s’attache à leurs noms, ont séparés de la foule et élevés au premier rang ; ceux-là appartiennent de droit à la postérité, et ils seront l’admiration de l’avenir comme ils ont été celle du présent. Les uns sont des poëtes divins, les autres des historiens éminents, ceux-là des auteurs dramatiques, ceux-ci des romanciers. Quelque sympathie que l’on professe, romantique ou classique, que l’on appartienne à telle école ou à telle autre, aujourd’hui, que toutes ces distinctions sont jugées et que la cause de la littérature moderne a été noblement gagnée, après avoir été noblement défendue, il n’y a plus, de part et d’autre, que des écrivains, et les hommes des deux partis, que la passion n’aveugle plus, applaudissent et saluent sans s’inquiéter des couleurs du drapeau.
Parmi ces écrivains dont la renommée a dit la gloire à toutes les parties du monde connu, il en est un qui, peut-être plus que les autres, justifie la colossale réputation dont il jouit. — Cet écrivain, c’est M. de Balzac, l’auteur de la Comédie humaine !
M. de Balzac jouit d’une réputation universellement acceptée ; et, certes, on sait par quels travaux il l’a achetée. Il a dit lui-même, dans un de ses livres, quels combats il a livrés, quelles luttes il a soutenues, combien de défaites il a essuyées. Soldat courageux, infatigable, on l’a vu sur toutes les brèches, il a pris sa part de toutes les batailles, sa gloire dans tous les triomphes. Je soutenais une lutte insensée, s’écrie-t-il quelque part, je combattais la misère avec ma plume ! Noble et terrible lutte, celle-là : le génie aux prises avec les misérables réalités de la vie !
Les souvenirs de cette époque de sa vie percent à chaque page dans les livres de M. de Balzac ; il se rappelle avec amertume ce qu’il a souffert : le fantôme du passé est son hôte habituel, et aujourd’hui même, aujourd’hui que, grâce à cette plume féconde avec laquelle naguère il combattait la misère, il a conquis une fortune princière et une gloire européenne, c’est avec une douloureuse mais sympathique émotion qu’il se rappelle les jours mauvais de son existence littéraire. Ce fut une rude époque, et les hommes qui ont résisté à de semblables épreuves étaient solidement trempés.
« Mon pauvre enfant, fait-il dire par un de ses personnages, Étienne Lousteau, je suis venu comme vous, plein d’illusions, avec l’amour de l’art, porté par d’invincibles élans vers la gloire ; j’ai trouvé les réalités du métier, les difficultés de la librairie et le positif de la misère. Mon exaltation maintenant concentrée, mon effervescence première me cachaient le mécanisme du monde ; il a fallu le voir, se cogner à tous ses rouages, heurter ses pivots, me graisser à ses huiles, entendre le cliquetis des chaînes ou des volants. Vous allez, comme moi, savoir que, sous toutes ces belles choses, s’agitent des hommes, des passions, des nécessités. Vous vous mêlerez forcément à d’horribles luttes d’œuvre à œuvre, d’homme à homme, de partis à partis, où il faut se battre systématiquement pour ne pas être abandonné par les siens. Ces combats ignobles désenchantent l’âme, dépravent le cœur et fatiguent en pure perte ; car vos efforts servent souvent à faire couronner un homme que vous haïssez, un talent secondaire présenté malgré vous comme un génie. La vie littéraire a ses coulisses. Les succès surpris ou mérités, voilà ce qu’applaudit et voit le parterre ; les moyens toujours hideux, les comparses enluminés, les claqueurs et les garçons de service, voilà ce que recèlent les coulisses. Vous êtes encore au parterre. Il en est temps encore, abdiquez avant de mettre un pied sur la première marche du trône que se disputent tant d’ambitions, et ne vous déshonorez pas comme je le fais pour vivre. »
Nul auteur n’a sondé plus profondément que M. de Balzac les mille replis du cœur humain ; il a touché en se jouant à toutes les plaies de la société ; il a dit avec cette magie de style, cette finesse d’observation, ces prodiges d’imagination qui distinguent ses œuvres, toutes les joies, toutes les douleurs, et l’espoir et le doute, et la lutte et le triomphe. Épris d’une splendide conception, dont la grandeur n’a pas un seul instant effrayé son génie, il est entré, dès les premiers pas, dans cette voie que nous lui avons vu suivre jusqu’aujourd’hui. Ses romans sont autant de jalons placés sur la route qu’il a prise, et qui témoignent suffisamment du plan qu’il s’était tracé. Maintenant que l’édifice est à peu près achevé, il est permis à tous d’en admirer l’élégance, la force et la solidité.
M. de Balzac est un écrivain qui ne peut être comparé à personne dans le présent ; entre ses œuvres et celles des autres écrivains de ce temps-ci, il n’y a nulle assimilation possible ; nous irons plus loin, nous dirons qu’à aucune époque littéraire, une conception aussi vaste, aussi habilement coordonnée, aussi parachevée dans presque toutes ses parties que celle de la Comédie humaine n’est sortie du cerveau d’aucun homme ! Et comme la nature de cet homme était bien faite pour un tel travail, et comme son talent se trouvait bien à la hauteur de l’œuvre ! M. de Balzac avait toutes les qualités requises : il était vif, ardent, spirituel, moqueur ici, grave là, léger quelquefois, profond souvent, doué d’un prodigieux esprit d’observation, plein d’une originalité piquante et neuve.
Les héros de M. de Balzac sont des types ; avant de les rencontrer dans ses livres, on les a vus dans le monde, dans la rue, dans les cercles, partout… C’est votre camarade, votre ami, votre frère ; ses héroïnes ont passé devant vos regards éblouis, au théâtre, dans les bals de la Chaussée-d’Antin, dans les salons du faubourg Saint-Germain. Ce ne sont point des personnages auxquels l’imagination seule prête un instant une vie factice, une forme vague et fugitive ; ce sont des hommes, ce sont des femmes en chair et en os, qui se meuvent et s’agitent dans le cadre imaginaire du roman, comme ils se meuvent et s’agitent dans le cadre officiel de la vie réelle.
Et quel est le lecteur dans l’esprit duquel ne soient pas profondément gravées les innombrables créations de l’écrivain !… Et Lucien de Rubempré, douloureuse personnification de la poésie luttant avec le positivisme littéraire, et Gobseck, et Dauriat, et Lousteau, et Pinot, et Vautrin !… Puis, auprès de ces natures si bien prises sur le fait, si régulièrement daguerréotypées, ces autres natures charmantes sur lesquelles l’auteur semble avoir répandu tout ce qu’il y avait dans son cœur de poésie touchante, et de saint enthousiasme !… Eugénie Grandet, Coralie, Modeste Mignon, madame de Mortsauf !… Quel homme a peint l’amour avec de plus chastes pinceaux, ou des couleurs plus vives ? J’en passe et des meilleures…
Aussi, comme le public attentif à toutes les nouveautés s’inquiète de l’apparition d’un livre de M. de Balzac… Un livre de cet écrivain, c’est un succès ; c’est-à-dire une fortune pour l’éditeur, une joie pour le lecteur ; qu’on se reporte pour un instant à quelques années, après 1831, et l’on se rappellera sans peine quelle émotion, quelle avidité, quelle curiosité folle, ardente, inouïe, accueillait chaque production nouvelle de M. de Balzac… Il y avait de tout dans ces productions : du rire et des larmes, de l’action et de l’analyse, du drame et de l’observation. C’est ainsi qu’ont paru, soulevant de tous côtés un concert unanime de bravos, la plupart des livres que vous connaissez… Eugénie Grandet, le Père Goriot, la Physiologie du Mariage, le Lys dans la vallée, Modeste Mignon, le Curé de village, les Petites Misères de la Vie conjugale, les Parents pauvres, le Provincial à Paris ; et jamais l’auteur ne s’est fatigué, jamais le public ne s’est blasé…
Lorsque le roman-feuilleton opéra dans la littérature moderne cette révolution que vous savez, on aurait pu croire que M. de Balzac, talent d’observation et d’analyse, se trouverait mal à l’aise entre les maigres colonnes du feuilleton, et qu’il se garderait de tenter jamais cette nouvelle voie. Après tout, il avait assez fait pour sa réputation, pour sa gloire ; il n’avait pas besoin d’une publicité nouvelle ou plus étendue, son nom était connu, aimé, admiré ; le journalisme ne pouvait rien ajouter à sa couronne ; il eût pu se retirer de la lice, qu’il n’eût été ni moins grand ni moins complet. Mais, comme nous le disions en commençant, M. de Balzac a été vu sur toutes les brèches, il a pris sa part dans toutes les batailles, sa gloire dans tous les triomphes ; il n’a pas voulu que l’on pût lui montrer une seule voie qu’il n’eût pas tentée ; c’est sa nature, d’ailleurs, d’être hardi, aventureux, d’aller en avant toujours, cherchant sans trêve des chemins ignorés ; les journaux s’ouvrirent à l’envi devant cet hôte connu et déjà apprécié, et M. de Balzac retrouva pour cette nouvelle littérature un nouvel élan qui rappelait les jours les plus actifs de sa jeunesse littéraire, et il se remit à écrire avec cette même fécondité variée qui est un des dons les plus heureux dont la nature l’ait doué.
C’est alors que parurent : Modeste Mignon, la Lune de Miel et le Provincial à Paris.
Nous n’avons pas la prétention d’analyser une à une les productions de M. de Balzac, ni de rappeler, dans ces quelques pages, l’histoire de sa vie littéraire ; ce serait pour nous une tâche trop rude, et nous ne nous en sentons ni la force ni le talent.
Toutefois, nous voulons nous résumer en terminant et dire un dernier mot sur ce talent qui, malgré toute l’admiration dont il est entouré, ne nous semble pas occuper la place qui lui est due. L’avenir la lui fera plus élevée encore, nous n’en doutons pas ! Les hommes comme M. de Balzac ne sont réellement grands, que lorsqu’ils ne sont plus : et, à ce propos, qu’on nous permette d’ajouter que, dans toutes les nomenclatures littéraires des différents siècles qui ont donné au monde les hommes dont il s’honore à juste titre, nous ne voyons qu’un seul nom auprès duquel nous placerions volontiers M. de Balzac… Et ce nom, c’est Molière.
Qu’est-ce donc que Molière, sinon le poëte qui a peint avec le plus de vérité, la société du XVIIe siècle ? qu’est-ce que M. de Balzac, sinon le moraliste, le philosophe qui a le mieux compris, le plus fidèlement peint le XIXe siècle. Si M. de Balzac avait vécu sous Louis XIV, il eût fait les Femmes Savantes, Tartufe, Georges Dandin, le Misanthrope ; si Molière vivait de nos jours, il écrirait la Comédie humaine.
De quel écrivain contemporain, pourrait-on en dire autant. Quel plus bel éloge pourrait-on faire d’un auteur !… — L’oubli aura jeté le linceul sur bien des réputations, que celle de M. de Balzac n’aura pas été seulement entamée.
Cet ouvrage contient des fragments de trois articles de Balzac ; le premier, intitulé : un Espion à Paris : le petit père Fromenteau, bras droit des gardes du commerce, et le troisième : une Marchande à la toilette, ou Madame la Ressource en 1844, ont paru tous deux dans le Diable à Paris, deux volumes in-8o chez Hetzel 1845-1846, où ils faisaient partie d’une série intitulée : les Comédies qu’on peut voir gratis à Paris, à laquelle appartenait aussi Gaudissart II (voir plus haut). Le deuxième a paru dans le Siècle du 19 août 1845, sous le titre de : Étude de mœurs. II. Le Luther des chapeaux. Nous allons donner les fragments de ces articles qui n’ont pas été conservés dans les Comédiens sans le savoir, en suivant l’ordre où ils se trouvent reproduits dans l’ouvrage. Nous sommes forcés, pour le sens, de laisser quelques doubles emplois.
Jusqu’à présent, les peintres de mœurs ont mis en scène beaucoup d’usuriers : mais on a oublié l’usurière des femmes dans l’embarras, la madame La Ressource d’aujourd’hui, personnage excessivement curieux, appelée décemment marchande à la toilette.
Avez-vous quelquefois, en flânant, remarqué dans Paris une de ces boutiques dont la négligence fait tache au milieu des éblouissants magasins modernes, boutique à devanture peinte en 1820, et qu’une faillite a laissée au propriétaire de la maison dans un état douteux ? la couleur a disparu sous une double couche imprimée par l’usage et grassement épaissie par la poussière ; les vitres sont sales, le bec-de-cane tourne de lui-même, comme dans tous les endroits d’où l’on sort encore plus promptement qu’on n’y rentre. Là trône une femme entre les plus belles parures arrivées à cette phase horrible où les robes ne sont plus des robes et ne sont pas encore des haillons. Le cadre est en harmonie avec la figure que cette femme se compose, car ces boutiques sont une des plus sinistres particularités de Paris. On y voit des défroques que la mort y a jetées de sa main décharnée, et l’on entend alors le râle d’une phthisie sous un châle, comme on y devine l’agonie de la misère sous une robe brodée d’or. Les atroces débats entre le luxe et la faim sont écrits là sur de légères dentelles. On y trouve la physionomie d’une reine sous un turban à plumes, dont la pose rappelle et rétablit presque la figure absente. C’est le hideux dans le joli ! Le fouet du Juvénal, agité par les mains officielles du commissaire-priseur, y a éparpillé les manchons pelés, les fourrures flétries de quelques grandes dames aux abois. C’est un fumier de fleurs où, çà et là, brillent des roses coupées d’hier, portées un jour, et sur lequel est toujours accroupie une affreuse vieille, la cousine germaine de l’usure, l’occasion du malheur, une harpie retirée, chauve, édentée, et prête à vendre le contenu, tant elle a l’habitude de colporter ou d’acheter le contenant, la robe sans la femme ou la femme sans la robe. La marchande est là comme l’argousin dans le bagne, comme un vautour au bec rougi sur des cadavres, au sein de son élément ; plus horrible que ces sauvages horreurs qui font frémir les passants, étonnés quelquefois de rencontrer un de leurs plus jeunes et frais souvenirs pendus dans le sale vitrage derrière lequel grimace une de ces marchandes à la toilette, qui ont fait autant de métiers inconnus qu’il y en a de connus.
Ce fut une de ces gémonies de nos fêtes que j’indiquai à un de mes amis.
Deux heures après, madame Nourrisson (elle s’appelait ainsi) vint en robe de damas à fleurs provenant de rideaux décrochés à quelque boudoir saisi, ayant un de ces châles de cachemire passés, usés, invendables, qui finissent leur vie au dos de ces femmes. Elle portait une collerette en dentelle magnifique, mais éraillée, et un affreux chapeau ; mais, pour dernier trait de physionomie, elle était chaussée en souliers de peau d’Irlande, sur le bord desquels sa chair faisait l’effet d’un bourrelet de soie noire à jour.
La familiarité la plus déshonorante est le premier impôt que ces sortes de femmes prélèvent sur les passions effrénées ou les misères qui se confient à elles. Elles ne s’élèvent jamais à la hauteur du client, elles le font asseoir côte à côte auprès d’elles sur leur tas de boue.
Nous nous regardâmes, épouvantés l’un comme l’autre de cette tirade, où chacune des phases de la vie antérieure de madame Nourrisson avait laissé sa tache.
— Mais arrive donc, mon cher ! voilà deux cigares que je t’attends, et, ma foi, j’allais partir.
— Sans moi ? eh bien, c’eût été gentil !
Et, se donnant le bras, ils sortirent du passage de l’Opéra.
Ces deux jeunes gens, en tenue complète de soirée, représentaient deux apprentis grands hommes. L’un en était à son premier vaudeville reçu, l’autre à son troisième tableau refusé.
— Ah çà, pourrais-tu m’édifier sur la cause qui t’a empêché de venir à l’heure convenue ? demanda bientôt le poëte avec cette aigreur particulière à tout homme qui arrive le premier à un rendez-vous.
— Regarde et devine ! répondit l’accusé en baissant la tête d’un air sombre.
— Je te trouve superbe, et voilà tout.
— Et ça ! fit le peintre en posant un doigt sculptural sur sa coiffure parfaitement brossée, mais dont le ruban, d’une largeur inusitée, ne parvenait pas à dissimuler cet ignoble lustre onctueux qui est aux chapeaux ce que les chevrons sont aux soldats.
— Oui, mon cher Maurice, continua-t-il en improvisant, à mezzo voce et sur l’air : Les coucous sont gras, cette élégie célèbre dans tous les ateliers :
Les chapeaux sont gras,
Parce qu’on n’en a guère ;
Les chapeaux sont gras,
Parce qu’on n’en a pas.
— Tu me présentes ce soir chez un puissant de la terre, n’est-ce pas ? Eh bien, malheureux ! c’était dans l’espoir de remplacer cet infâme gobelet, c’était pour te faire honneur enfin, que j’ai couru vainement pendant que tu m’attendais. Et maintenant, blâme-moi si tu l’oses.
— Voilà ce que c’est que de n’avoir pas de fournisseur en titre, insinua Maurice en se rengorgeant d’une façon raisonnablement blessante pour son ami.
— Mon cher, répliqua celui-ci un peu vertement, ton objection pèche autant par la base que mon costume par le sommet. C’est précisément pour avoir eu trop de chapeliers en titre que je ne peux plus avoir de chapeaux.
— Alors, mon bon Léon, reprit le vaudevilliste, ton malheur n’est que de la maladresse et je ne te plains pas. Ah ! s’il s’agissait d’un bonnetier, je ne dis pas ; on n’a pas encore trouvé d’amorce pour cette espèce, et les plus grands génies se sont brisés contre cette puissance d’inertie. Mais le chapelier ! c’est l’Épitomé de la petite dette. Artiste, il ne demande qu’une chose, être compris, c’est-à-dire flatté. Je vais à l’instant même te conduire chez le mien ; écoute et étudie, car je veux te donner à la fois une leçon et un chapeau.
Je vais poser pour toi ; seulement, sois sérieux comme le roi sur une pièce de cent sous.
Et les deux jeunes fous riaient encore en se faisant annoncer dans le salon où, grâce au génie de Maurice, ils purent figurer très-honorablement.
Nous avions bien déjeuné au Palais-Royal. En artistes régalés, nous étions disposés à rire, quoique nous eussions un rendez-vous chez un gérant de journal dont le caractère et la caisse se recommandent par des mouvements comparables à ceux des marées.
Le valet de chambre de ce grand homme d’affaires nous fit attendre en intimes que nous étions ; mais, nous ayant dit que Monsieur était en conférence avec un homme qui lui vendait l’incarcération d’un insaisissable débiteur, nous échangeâmes un regard et violâmes la consigne, en gens affriandés par la caricature que promettait cette annonce.
Ce père Fromenteau, voyez-vous, est tout un poëme, mais un poëme parisien. À son aspect, vous devineriez, comme nous le devinâmes de prime abord, que le Figaro de Beaumarchais, le Mascarille de Molière, les Frontin de Marivaux et les Lafleur de Dancourt, ces grandes expressions de l’audace dans la friponnerie, de la ruse aux abois, du stratagème renaissant de ses ficelles coupées, sont quelque chose de médiocre en comparaison de ce colosse d’esprit et de misère.
Quand, à Paris, vous rencontrez un type, ce n’est plus un homme, c’est un spectacle ! Ce n’est plus un moment de la vie ni une existence, c’est plusieurs existences !
Cuisez trois fois dans un four un buste de plâtre, vous obtenez une espèce d’apparence bâtarde de bronze florentin. Eh bien, les éclairs de malheurs innombrables, les nécessités de positions terribles, ont bronzé la tête de Fromenteau comme si la sueur d’un four avait par trois fois déteint sur son visage.
Les rides très-pressées ne peuvent plus se déplisser, elles forment des plis éternels, blancs au fond. Cette figure jaune est toute rides. Le crâne, semblable à celui de Voltaire, a l’insensibilité d’une tête de mort ; et, sans quelques cheveux à l’arrière, on douterait qu’il fût celui d’un homme vivant. Sous un front immobile, s’agitent, sans rien exprimer, des yeux de Chinois exposés sous verre à la porte d’un magasin de thé, des yeux factices qui jouent la vie, et dont l’expression ne change jamais. Le nez, camus comme celui de la Mort, nargue le Destin, et la bouche, plus serrée que celle d’un avare mais toujours ouverte, est néanmoins discrète autant que le rictus d’une boîte à lettres. Calme comme un sauvage, les mains hâlées, Fromenteau, petit homme sec et maigre, se recommande par une attitude diogénique pleine d’insouciance, qui ne peut jamais se plier aux formes du respect. Et quels commentaires de sa vie et de ses mœurs ne sont pas écrits dans son costume pour ceux qui savent déchiffrer un costume ! Quel pantalon surtout ! un pantalon de recors, noir et luisant comme l’étoffe dite voile, avec laquelle on fait les robes d’avocat ! un gilet acheté au Temple, mais à châle, et brodé ! un habit d’un noir rouge ! Et tout cela brossé, quasi propre, orné d’une montre attachée par une chaîne de chrysocale. Fromenteau laissait voir en ce moment une chemise de percale jaune, plissée, sur laquelle brillait un faux diamant en épingle ! Le col de velours ressemblait à un carcan sur lequel débordaient les plis rouges d’une chair de Caraïbe. Le chapeau de soie était luisant comme du satin, mais la coiffe eût rendu de quoi faire deux lampions, si quelque épicier l’eût acheté pour le faire bouillir. Ce n’est rien que d’énumérer ces accessoires, il faudrait pouvoir peindre l’excessive prétention que Fromenteau savait leur imprimer. Il y avait je ne sais quoi de coquet dans le col de l’habit, dans le cirage tout frais des bottes à semelles entre-baillées, qu’aucune expression française ne peut rendre. Enfin, pour faire entrevoir ce mélange de tons si divers, un observateur aurait compris, à l’aspect de Fromenteau, que, si, au lieu d’être mouchard, il eût été voleur, toutes ces guenilles, au lieu d’attirer le sourire sur les lèvres, eussent fait frissonner d’horreur. Sur le costume, on se fût dit : « Voilà un homme infâme, il boit, il joue, il a des vices, mais il ne se soûle pas, mais il ne triche pas : ce n’est ni un voleur, ni un assassin ; qui est-ce ? » Et Fromenteau eût été vraiment indéfinissable jusqu’à ce que le mot espion fût venu dans la pensée. Le fin sourire de ses lèvres pâles, le clignement de ses yeux verdâtres, la petite grimace de son nez camus, disent qu’il ne manque pas d’esprit. Il s’est fait un visage de fer-blanc, et l’âme doit être comme le visage. Aussi ses mouvements de physionomie sont-ils des grimaces arrachées par la politesse, plutôt que par l’expression de ses mouvements intérieurs. Il effrayerait s’il ne faisait pas tant rire. Ce cynisme en fait de costume a un sens, cet homme ne tient pas plus à son habillement de ville que les acteurs ne tiennent au leur. Il excelle à se déguiser, à se grimer ; il donnerait des leçons à Frederick Lemaître, car il peut devenir dandy quand il le faut.
— Monsieur graisse-t-il la patte ? demanda Fromenteau, d’un ton menaçant quoique froid, à son client.
— Il s’agit de cinquente cintimes (Odry dans les Saltimbanques), répondit le spéculateur en prenant cent sous et les tendant à Fromenteau.
— Et pour la canaille ?… reprit l’homme.
— Laquelle ? demanda mon ami.
— Ceux que j’emploie, répliqua Fromenteau tranquillement.
— Y a-t-il au-dessous ? dis-je.
— Oui, monsieur, répondit, l’espion. Il y a ceux qui nous donnent des renseignements sans le savoir et sans se les faire payer. Je mets les sots et les niais au-dessous de la canaille ; car elle est souvent belle et spirituelle, la canaille !
L’impassibilité de ce sauvage, digne d’être mis en parallèle avec la Longue-Carabine de Cooper, nous sembla comme un défi.
— Lisette est sans châle, ajouta l’espion sans qu’aucun muscle de sa figure jouât : je la nomme Lisette à cause de Béranger.
— Vous avez une Lisette et vous restez dans votre partie ? s’écria mon ami.
— Et elle le sait, dit-il. Quand on est voleur et qu’on est aimé par une honnête femme, ou elle vole ou on devient honnête homme ; moi, je suis resté mouchard.
— Et pourquoi ?
— C’est si amusant ! On a beau vanter la pêche et la chasse, traquer l’homme dans Paris est une partie bien plus intéressante.
Nous nous aperçûmes que ce curieux produit de l’écume qui surnage aux bouillonnements de la cuve parisienne, où tout est en fermentation, se piquait surtout d’être philosophe.
— Et vous me paraissez être un homme remarquable, lui dis-je.
Fromenteau ne donna pas signe d’émotion.
— J’ai de grands talents, répondit-il ; mais on les a pour rien, c’est comme si j’étais un crétin !
Et il se condamna bravement au lieu d’accuser les hommes. Trouvez beaucoup d’artistes méconnus qui n’aient pas plus de fiel que Fromenteau !
— Les circonstances ont été contre moi, dit-il en terminant ; je pouvais être cristal, je suis resté grain de sable. Voilà tout.
Et le petit père Fromenteau s’en alla sans nous saluer. Un vrai trait de génie.
La partie reproduite de l’Espion à Paris, commence page 288, ligne 20 ; celle du Luther des chapeaux, page 290, ligne 22, et celle d’une Marchande à la toilette, page 296, ligne 8.
LIV. Les Petits Bourgeois. Dédié à Constance-Victoire. Non daté. Cet ouvrage que Balzac avait laissé inachevé, quoiqu’il l’eut déclaré pourtant presque terminé en mars 1844 (voir tome XXII, page 573), et, en octobre 1846, composé depuis dix-huit mois à une imprimerie (voir tome XXII, page 365), s’appelait alors les Petits Bourgeois de Paris. Il parut posthume dans le Pays du 26 juillet au 28 octobre 1854, puis en volume, chez Potter, en deux parties : les Petits Bourgeois et les Parvenus, chacune formant quatre volumes, la première publiée en 1856 et la seconde en 1857. Voici les divisions de ces versions, divisions supprimées aujourd’hui :
Dans l’édition définitive, ce roman trop peu connu de Balzac prend pour la première fois place dans ses œuvres ; il passe généralement pour avoir été terminé par Charles Rabou, que Balzac avait désigné lui-même pour achever aussi le Député d’Arcis ; nous ne pourrions dire jusqu’à quel point cette opinion est exacte, seulement nous devons faire remarquer que l’édition in-8o ne porte pas au titre, comme celle du Député d’Arcis : « terminé par Charles Rabou, » et qu’en tout cas les Petits Bourgeois étaient bien plus avancés que le Député d’Arcis à la mort de leur auteur.
- ↑ Comme pour les Scènes de la Vie privée et de la Vie de province, nous donnons ici le contenu des éditions précédentes des Scènes de la Vie parisienne, ayant de l’intérêt :
Première édition. Tomes IX à XII des Études des mœurs au xixe siècle. 4 volumes in-8o, 1834-1835, chez madame veuve Ch. Béchet. (Les tomes II et III mis en vente en avril 1834, et les tomes I et IV en novembre 1835.) — Tome I. Préface. La Femme vertueuse (une Double Famille). La Bourse. Papa Gobseck (les Dangers de l’inconduite). — Tome II : Les Marana. Histoire des Treize : Préface 1o. Ferragus, chef des dévorants. — Tome III : Histoire des Treize : 2o. Ne touchez pas à la hache (la Duchesse de Langeais) ; note no 3, la Fille aux yeux d’or (première partie). — Tome IV. la Fille aux yeux d’or (fin) ; Note. Profil de marquise (étude de femme) ; Sarrazine. La Comtesse à deux maris (le Colonel Chabert ; La Transaction). Madame Firmiani.
Deuxième édition. 2 volumes in-12, chez Charpentier, 1839. Contenant : Tome I. La Comtesse à deux maris (le colonel Chabert ; la Transaction). Madame Firmiani. Sarrazine. Le Papa Gobseck (les Dangers de l’inconduite). La Bourse. — Tome II. La Femme vertueuse (une Double famille). Profil de marquise (Étude de femme). L’Interdiction. Les Marana. Il faut y ajouter : Histoire des Treize (les deux premiers épisodes seulement), 1 volume, chez le même éditeur, 1839.
Troisième édition. Tomes IX à XII de la première édition de la Comédie humaine. Quatre volumes in-8o, chez Furne, Dubochet et Hetzel, 1843-1846. Contenant : — Tome I (1843). Histoire des Treize. Le Père Goriot. — Tome II (1844). Le colonel Chabert (la Comtesse à deux maris ; la Transaction). Facino Cane (le Père Canet). La Messe de l’athée. Sarrazine. L’Interdiction. César Birotteau (Grandeur et décadence de). — Tome III (1844). La Maison Nucingen. Pierre Grassou. Les Secrets de la princesse de Cadignan (une Princesse parisienne). Les Employés ou la Femme supérieure. Splendeurs et misères des courtisanes : 1o Esther heureuse (la Torpille). 2o À combien l’amour revient aux vieillards (Esther). — Tome IV (1846). Splendeurs et misères des courtisanes : 3o Où mènent les mauvais chemins (une Instruction criminelle ; un Drame dans les prisons). Un Prince de la bohème (les Fantaisies de Claudine). Esquisse d’homme d’affaires (les Roueries d’un créancier). Gaudissart II (un Gaudissart de la rue Richelieu). Les Comédiens sans le savoir (le Provincial à Paris). Le volume est terminé par Scènes de la Vie politique. (Voir plus loin.)