Histoire des églises et des chapelles de Lyon/II/01

H. Lardanchet (vol. IIp. 1-46).

Fronton de la basilique de Fourvière.

HISTOIRE
DES
ÉGLISES ET CHAPELLES DE LYON

CHAPITRE I

NOTRE-DAME DE FOURVIÈRE



L e fondateur de Fourvière est bien connu : il se nommait Olivier de Chavannes et, à sa mort, survenue le 4 septembre d’une des deux années 1186 ou 1187, il occupait le premier rang dans le chapitre de l’Église de Lyon. Pour déterminer, aussi approximativement que possible, l’époque de sa pieuse entreprise, il faut se rappeler, d’une part, qu’il succéda dans le décanat à Bérard de Pizay, mort le 8 janvier 1177, et observer, de l’autre, que la canonisation de Thomas Becket, le patron associé à la Mère de Dieu dans la dédicace de la chapelle, fut publiée en 1173 ; on s’égarerait donc fort peu, en supposant que les assises du monument furent jetées en terre, autour de l’année 1180, dès qu’Olivier fut devenu le chef de sa compagnie.

L’œuvre n’était ni vaste ni somptueuse ; sa position admirable, les souvenirs d’histoire héroïque et religieuse, auxquels elle se rattachait topographiquement, la recommandaient, plus que son architecture et ses richesses, à la curiosité des visiteurs. On a pu la voir du reste, jusque dans ces derniers temps, conserver sa physionomie et ses dimensions ; elle n’est tombée que récemment, au vif déplaisir des archéologues, conservateurs par tradition et par goût, sous la nécessité d’ajouter à la basilique neuve les locaux exigés par ses services et par les dépendances inférieures de sa grandiose et commode sacristie. Ce qu’on appelait la nef de Saint-Thomas, facilement isolable des aménagements qu’elle avait subis dans le cours des âges, la constituait dans sa totalité. Son chevet était tourné au soleil levant et recevait les premiers rayons qui émergeaient du sommet des Alpes ; six fenêtres, trois au nord et trois au midi, y répandaient la clarté ; l’unique porte d’entrée s’ouvrait entre deux gracieuses colonnettes, supportant une archivolte ogivale d’un très pur dessin. Le clocher, élevé sur la même ligne que la façade et à droite, était de construction un peu postérieure ; c’est au-dessous de son premier étage, dans un espace obscur et étroit que fut dressé l’autel de la Sainte Vierge, appelé à une si prodigieuse destinée et à de si magnifiques transformations.

Le noble chanoine, qui avait eu le mérite de concevoir ce projet et la générosité d’en couvrir les frais, assista à son achèvement ; il présida à une organisation sommaire du culte et pour le groupe de chapelains, qu’il y installa dans une maison spacieuse, il constitua une dotation qui s’est accrue considérablement entre les mains de leurs successeurs. Son testament, dont l’Obituaire de Saint-Jean nous a conservé d’importants fragments, détermina et confirma ces largesses : l’héritage comprenait, en biens fonds, une verchère et des vignes adjacentes, situées sur le plateau même, à Chatel-Boc, le bois de Sarlieu, deux terres, acquises soit d’une veuve Verchany, soit des enfants de Reinon de Chater : les rentes consistaient en une pension de trois sols et de trois mesures mornantaises d’avoine, imposées sur le champ de Bernard Claris, et dans une créance de neuf livres sur Arnaud de Savono et les frères Fulchier et Hugues le Roux. Quelques objets précieux et des ornements sacrés complétaient la libéralité ; l’acte cite notamment une croix d’argent, lamée d’or, un très beau tapis, un peigne d’ivoire, un superbe orfroi, trois coussins brodés, en soie, et soixante aunes de toile blanche, propres à des nappes et à des aubes.

Quand nous aurons ajouté que le généreux doyen vécut simple tonsuré, sans atteindre le sacerdoce, qu’avant d’occuper la plus haute stalle capitulaire, il avait été le maître de chœur du côté gauche « sinistri chori cantor », qu’enfin il eut pour successeur, dans sa charge, Étienne de Rochetaillée, nous aurons épuisé ce qu’apprennent les documents. Le reste est pure légende : la conversation avec Thomas de Cantorbéry, le sanctuaire primitif remontant à la chute du Forum de Trajan, même plus loin encore, à l’ère de paix qui suivit la persécution de Dioclétien, doivent disparaître d’une histoire véridique. La constitution de l’archevêque, Jean de Bellesmes, qui est incontestablement la charte officielle de l’institution de la célèbre collégiale, ne permet pas de s’y arrêter sérieusement.

Ce sage prélat, avant de terminer ses jours sous l’habit pénitent du moine, à la Chartreuse de Portes, en Bugey, en signant, en 1192, les privilèges et les règlements de la fondation de l’ancien doyen, homme de bonne mémoire, comme il s’exprime, bonæ memoriæ, interprétait certainement ses intentions et prétendait leur assurer la stabilité nécessaire. Le moyen, qu’il jugea le plus propre à son but, fut de rattacher la création naissante à la cathédrale elle-même, de les associer, l’une comme protectrice de l’autre, et de faire de cette tutelle, plus avantageuse que lourde, une garantie de sécurité, de durée et d’honneur. Les prêtres, qui desservaient déjà l’église, probablement à titre provisoire, ceux qui sont désignés avec la mention de premiers chapelains « primi capellani », augmentés en nombre, reçoivent le titre de chanoines et forment désormais une collégiale régulière. Leur chef prendra le nom de prévôt ; les comtes le désignent et le choisissent parmi eux. Comme à Saint-Paul et à Saint-Just, les canonicats sont électifs ; l’archevêque ne se réservera plus tard, pour lui et pour ses successeurs, que la nomination du sacristain-curé, encore celui-ci devra-t-il, avant son entrée en possession, avoir obtenu une des prébendes vacantes. Le chantre forme la seconde dignité ; les autres membres de la compagnie sont à part égale.

Fourvière au xvie siècle (D’après le plan scénographique de 1550).

Dès cette époque, une juridiction paroissiale est constituée ; elle s’étend sur tout le territoire, occupé par les vignes, dont le trésorier de Saint-Étienne perçoit la dîme ; mais il semble bien qu’elle demeura longtemps sans exercice, faute d’habitants ; l’emplacement ne se peuplera que beaucoup plus tard. Cependant un cimetière est disposé, sur le côté droit de l’édifice, et réservé à tous ceux qui se rattachent au clergé des trois églises : Saint-Jean, Saint-Étienne et Sainte-Croix, aux dignitaires, aux custodes, aux perpétuels, aux familiers.

Afin de cimenter l’union et d’en maintenir les signes extérieurs, le chapitre primatial ira désormais célébrer à Fourvière, avec la même solennité qu’il observait dans son propre chœur, la messe et les vêpres de la fête de saint Thomas ; à son tour, celui de Fourvière descendra pour les solennités de Noël, Pâques, Pentecôte, Nativité et Décollation de saint Jean-Baptiste, Invention de saint Étienne, pour les processions des trois jours des Rogations et du dimanche des Rameaux.

Enfin Jean de Bellesme déclare excepter des biens aliénés, dans lesquels la tour de Collia est comprise, la place où se tient le marché aux bœufs et il a soin de spécifier que, sur tout l’espace cédé, les blocs de marbre enfouis, les pierres dites de Choin, découvertes en creusant le sol, seront mis à part et destinés à continuer la construction de Saint-Jean. Telles furent les principales clauses de l’acte pontifical, qui consacra l’initiative du doyen de Chavannes, en affermit la durée, en autorisa les développements ultérieurs. S’il avait été possible à l’un de ceux qu’il touchait de soulever un coin du voile de l’avenir, quel n’eût pas été son émerveillement, à la perspective de la miraculeuse prospérité, engendrée par ces modestes débuts ?

Pour les deux siècles, qui suivirent l’ouverture du sanctuaire et l’installation du culte, les documents sont d’une excessive rareté : les principaux, les uniques, à peu de chose près, comprennent cinq actes, que leur transcription, dans le Barbet, a sauvés de la disparition, et que M. l’abbé Longin a publiés avec un soin méticuleux et irréprochable. Ils nous initient à la vie intérieure et disciplinaire du chapitre, au partage des biens, aux statuts pour les offices, les présences et les livraisons qui les accompagnent, aux redevances imposées sur les maisons canoniales. Nous apprenons, grâce à une de ces pièces, que le droit de chappe, à l’admission de chacun des nouveaux élus, est tarifé cent livres viennoises et qu’on leur impose, en outre, l’obligation de nourrir deux pensionnaires, sous leur toit, dont l’un au moins sera prêtre, si l’hôte ne l’est pas ; évidemment afin de le suppléer, dans les fonctions qu’il serait dans l’incapacité de remplir.

Une autre nous révèle une coutume trop singulière pour être omise. Elle était également pratiquée, dans les collégiales de Saint-Just et de Saint-Paul, et consistait à abandonner à l’héritage d’un chanoine décédé, pendant une année entière, après ses funérailles, le total des revenus de sa prébende, afin qu’ils soient attribués à l’acquittement de ses dettes, s’il en avait, ou autrement à ses aumônes, à ses legs pies, à célébrer des messes pour le repos de son âme. La livraison, quand elle était en nature, était même déposée à la place qu’il avait occupée.

Mais de beaucoup la plus importante de ces copies est l’ordonnance que Pierre de Savoie, archevêque élu de Lyon, publia en juillet 1263. Elle inaugura, à Fourvière, un régime nouveau et remania notablement l’œuvre, telle que l’avait organisée Jean de Bellesme, un peu moins d’un siècle auparavant. Elle témoignerait au besoin des progrès sensibles qu’elle avait réalisés, ou du moins qu’on essayait de pousser plus activement. De quatre qu’ils avaient été jusqu’alors, le nombre des chanoines est porté à dix ; quatre d’entre eux devront être revêtus du sacerdoce ; deux seront diacres et deux, sous-diacres. Le prélat crée la charge de curé-sacristain ; il lui assigne son rang après le chantre, énumère ses droits et ses obligations. En échange du lit des défunts, de la cire de leurs funérailles, il le charge de fournir le luminaire, les hosties et les cordes des cloches.

Il renouvelle les diverses précautions, édictées pour astreindre à la résidence et à l’office ; il spécifie à quelles conditions la présence sera comptée comme effective. À l’insistance du réformateur, sur ce point, on sent que la régularité des assistances continuera à souffrir ; les avantages qu’on multiplie, pas plus que les amendes, dont on suspend la menace sur la tête des délinquants, ne corrigeront pas de sitôt l’indifférence ou la nonchalance passée en coutume. On continuera à se plaindre de l’exiguïté des traitements : on s’affiliera à d’autres corps et, moins de treize ans après, nous entendrons de la part du prévôt Guichard de Saint-Symphorien des plaintes, identiques à celles de la charte épiscopale, et une invitation, qui ne fut probablement pas mieux exécutée que les précédentes, à une assiduité plus soutenue pour les stalles et l’autel.

Un des principaux auteurs de ces transformations, contresignées par Pierre de Savoie et par Milon, le doyen de Saint-Jean, fut un chanoine de Fourvière, qui l’était en même temps de Saint-Paul, Vincent de Quirieu. Pendant la plus grande partie de sa vie, il paraît s’être appliqué à augmenter le patrimoine de l’église par ses économies et par des acquisitions territoriales assez nombreuses. Il ne négligeait pas davantage sa part personnelle, et, quand tout fut au point qu’il désirait, il proposa une division en dix portions, réparties proportionnellement entre les quatre dignitaires existants et les six à créer qui leur seraient assimilés. Ses collègues se nommaient Jean Capel, Hugues de Verfay et David de la Verchie ; ils entrèrent dans la combinaison, en cédant chacun une partie de leur maison ; le cloître en renfermait quatre seulement : celles dites de l’archiprêtre de Courzieu et d’Anse, celles appartenant à Bernard de Quincieu et la dernière, à de Quirieu même. Les deux premières reçurent, chacune, trois locataires ; les quatre autres furent affectés à la troisième et à la quatrième.

On ignore si l’élection et l’investiture des membres nouveaux suivit immédiatement la promulgation de ces règlements, ou bien si elle fut retardée jusqu’à la mort de Vincent de Quirieu, qui s’était réservé, sa vie durant, l’usufruit des biens dont il disposait. Toutefois, avant 1275, le personnage avait disparu ; un peu plus tard, c’est-à-dire à la fin de juillet 1296, on constate que dix maisons viennent d’être rebâties aux frais et par la bonne volonté d’autant d’occupants, après que les précédentes avaient été détruites et rasées, pendant les guerres civiles entre les bourgeois et l’archevêque. Dans l’attribution, spécifiée pour chacune d’entre elles, nous trouvons l’occasion de constituer la première liste, au complet, du clergé de la collégiale ; peut-être quelqu’un sera-t-il bien aise de connaître ceux qui le composaient ; nous les relevons dans l’ordre où le Barbet les a placés : Jean de Milliaric, curé sacristain, Sancius de Lussan, Bernard du Bourg, Bernard de la Chazote, Hugues de Bayno, Mathieu de Cousant, Renaud de Langes, Louis de Montagnac, Dalmace, Hugues de Sarron.

Les noms des prévôts, qui ont gouverné dans cette époque obscure, ont été conservés pour la plupart ; certains seraient dignes d’un éloge particulier ; rappelons au moins le premier de la liste, Golfier, longtemps précenteur, sous-diacre au moment de son décès, survenu entre 1208 et 1209 ; Guillaume et Guy de la Palud, d’une puissante famille, dont l’un, archidiacre de Vienne, chanoine de Saint-Paul, entré à la Primatiale en 1209, testa le 19 juillet 1243, et l’autre, son neveu, ne fut pas comblé de moins de bénéfices. Après eux se succèdent Girard de Grandson, Guichard de Saint-Symphorien, qui souleva des murmures par ses empiétements, mais dont les réformes utiles tombèrent trop tôt.

Une collection de testaments trop rares, amplifiée par les annotations de l’Inventaire, fournit aussi quelques indications bonnes à recueillir ; elles nous permettent de remonter jusqu’aux sources les plus lointaines d’un patrimoine, qui ne s’étendit jamais beaucoup, mais dont les accroissements, même les plus médiocres, portent avec eux un signe de reconnaissance et de foi. Celui qui donna le premier exemple de ses libéralités in extremis fut un chanoine, Guillaume Roux, dont le décès est enregistré au 3 septembre 1190 ; il fut imité par de hauts personnages, tels que le doyen Étienne de Rochetaillée (1207), Renauld de Forez, archevêque de Lyon (1226), Guillaume Charpinel, Guillaume de Roanne et Dalmace Morel, chanoines de Saint-Jean, Bérard Acre, panetier de l’église de Lyon ; par des gens de condition simple, Étienne, curé d’Anse (1225), un humble perpétuel, Martin de Viricelle, prébendier de Notre-Dame du Haut-Don (1226), le prêtre Durand Timoté (1245). Dès le xive siècle, les legs sont plus nombreux, tous néanmoins de provenance ecclésiastique, à très peu d’exception ; ce qui prouve que l’œuvre n’a pas atteint ce caractère d’intérêt universel qu’elle aura plus tard, et qui la recommandera au souvenir de tous les fidèles, quelles que soient leur paroisse et leur fortune. De ces bienfaiteurs, qui réclament des prières et des messes pour leur âme, les plus notables furent un Barthélémy de Varey, entré dans les ordres, après son veuvage, élu chanoine de Fourvière, et exprimant le désir d’être inhumé à Saint-Irénée, dans la même tombe que sa femme et tous les siens ; Jean de Jayac, autre chanoine, qui règle avec précision la célébration de son anniversaire ; Amédée de Montbellet, prévôt, qui dote la chapelle de la Sainte-Croix ; Pierre de Cuysiac, curé de Bourg-en-Bresse et archiprêtre de Baugé, que le cumul n’avait pas effrayé, et qui fut simultanément chanoine des quatre églises de Saint-Just, Saint-Paul, Saint-Nizier et Fourvière.

Cependant, avant la fin de ce xive siècle, dès l’année 1371, pour préciser, les archives de la collégiale deviennent plus abondantes et nous offrent les procès-verbaux des assemblées capitulaires, dans une continuité très rarement interrompue : incertitudes et conjectures cessent pour l’historien, qui ne saurait désirer des documents plus précis, ni user de preuves plus authentiques et plus directes. Toutes ces délibérations n’ont pas pour objet des affaires importantes, des mesures de zèle, de bon ordre, dignes d’être retenues ; la patience échappe bien parfois, quand on voit des conflits, nés des causes les plus futiles, s’éterniser au détriment de l’édification et de la paix. Des vérifications de comptabilité y prennent une place excessive, des relevés de baux de fermage y sont trop souvent répétés. Il n’en est pas moins vrai que le passé n’a pas de témoins plus sincères, plus instruits, plus désintéressés, que ces notaires qui se passent successivement la plume de rédacteur et dont la signature des assistants, à côté de leur magnifique paraphe, attestent la fidélité, contrôlée et approuvée. Ces guides officiels, assermentés, sont les meilleurs à suivre.

La lecture de leurs registres suggère une réflexion qui ne se présenterait pas d’elle-même à l’esprit, parce que notre habitude est de transporter dans le passé ce que nous apercevons dans le présent, et de nous les figurer soudés ensemble par une ressemblance qui ne cessa jamais. Il ressort vivement, au contraire, des fréquentes délibérations de son chapitre canonial, que l’organisation et la marche du service religieux, à Fourvière, furent sujets à d’étranges lenteurs ; faute de ressources, et manque de personnel, les offices y sont rares ; on se plaint d’incessantes absences ; on propose sans cesse des réformes contre des abus qu’on ne déracine guère. Le désordre engendre la solitude et la plupart des chanoines, possédant d’autres fonctions en ville et appartenant aux divers clergés paroissiaux, y consacrent leurs forces et leur temps, et ils n’apparaissent, sur la colline, qu’à des intervalles aussi peu réguliers que rares. Il arriva même, par je ne sais quel insensible obscurcissement des traditions primitives, que la mémoire de saint Thomas de Cantorbéry relégua, au second plan, le patronage de la Sainte Vierge ; une relique, dont la translation donna lieu à l’établissement d’une solennité annuelle, le 7 juillet, la célébrité de pèlerinages plus anciens et plus fréquentés, comme Notre-Dame de l’Ile-Barbe, ou Notre-Dame de la Platière, d’autres causes ignorées déterminèrent les hommages vers le martyr anglo-normand, la victime d’Henri II et tendirent à absorber, autour de son culte, l’attention liturgique. On contracta l’habitude de ne plus dire que Saint-Thomas de Fourvière et les pièces protocolaires consacrèrent, momentanément au moins, cette malencontreuse abréviation. La petite chapelle, sombre et isolée sous l’étage des tire-cordes, n’eut pas, aux yeux d’un public qui cessait d’être averti, une importance supérieure aux divers autels disséminés dans la nef ; elle ne fut pas l’objet de plus de soins que les autres, celles de Sainte-Cécile ou de Sainte-Madeleine, de Saint-Jean l’Évangéliste, de Saint-Pierre ou de Saint-Nicolas.

Sceau du Chapitre en 1367.

À quel moment, cet étroit édicule, qui ne mesurait pas plus de 60 pieds carrés, sans communication directe avec le dehors, avait-il été orné d’une statue de la Très Sainte Vierge ? N’avait-on songé à l’utiliser, qu’après avoir occupé les endroits disponibles, à savoir chacun des côtés de la grille du chœur et le milieu des quatre travées centrales, au profit des bienheureux et des bienheureuses, plus spécialement chers aux particuliers, ayant manifesté l’intention de fonder des messes et des prières en leur honneur ? Est-ce qu’il se produisit des translations de vocable d’une chapelle à l’autre ? Aucune donnée ne permet de trancher le problème ; jusqu’à nouvel ordre, il est insoluble. D’une délibération, prise le décembre 1475, où l’on arrête que l’on placera des vitres aux fenêtres du clocher, sur la plainte du matriculaire et des sonneurs, incommodés par le froid, on serait tenté de conclure que cette partie du monument fut bâtie tardivement, en toute hypothèse, assez postérieurement au reste. Mais l’induction est trop fragile et, bien avant cette date, la chapelle avait reçu des dotations. Dix ans auparavant Jean Mazenod, prêtre chargé d’acquitter les messes, spécifiées par les testateurs, avait encouru par sa négligence, par les vacances interminables qu’il s’octroyait, des reproches sérieux ; après des monitions réitérées, on fut obligé de lui retirer ses lettres de provision. Précédemment encore, dans la séance du 8 juillet 1454, il est question d’une pension annuelle à la chapelle de la Bienheureuse Vierge Marie « capellæ Beatæ Mariæ Virgini, in dicta ecclesia Forverii fundatæ », Le titulaire d’une chevalerie de Saint-Jean, Jean Libralis, dit autrement Chatagnier, domicilié rue Porte-Froc, se présente et avoue tenir en dépôt de Jean Albi, notaire, bourgeois de Lyon, la somme de 100 florins, monnaie du roi, pour servir, en échange, au chapitre, une rente de 3 florins, pour laquelle le défunt s’était jadis engagé à perpétuité. En janvier 1457, Libéral renouvelle sa promesse et verse les arrérages ; mais, moins de dix ans après, tant sont caducs les fortunes et les contrats humains, ses héritiers se refusent à payer et montrent une telle mauvaise volonté qu’on entame contre eux un dispendieux procès. Jean Albi, dont la générosité, fort importante pour le temps où il vivait, rattache le nom à notre sanctuaire, était le descendant d’une maison fort ancienne ; ses ancêtres figurent en effet, avec honneur, dans les fastes consulaires, les dignités ecclésiastiques, le commerce et la banque. Florentins ou Lucquois, ils s’acclimatèrent très vite à Lyon et s’y enrichirent considérablement. Ils possédaient leur tombeau à Saint-Nizier ; le 20 juin 1343, un Jean Albi, fils de Thomas, chanoine de Mâcon et archidiacre, y fut enterré ; on y déposait, peu après, un autre Jean Albi, chanoine de l’église même de Saint-Nizier. C’est, on le voit, d’une piété héréditaire que ce premier bienfaiteur, trop ignoré jusqu’ici, prit conseil, en inaugurant la série des offrandes qui, depuis son exemple, n’ont pas cessé d’affluer.

Aux dons de la bourgeoisie lyonnaise la royauté ne tarda pas de joindre les siens. Louis XI traita magnifiquement la chère Madone. Pendant les trois mois et demi qu’il séjourna dans sa bonne ville (24 mars-10 juillet 1476), il témoigna un affectueux intérêt à la collégiale et s’occupa de la tirer de sa médiocrité et de son abandon, en ramenant les chanoines dans leurs stalles, des ressources dans leur coffre, de la décence dans les cérémonies. Les mesures qu’il arrêta, les articles de réglementation dont il souligna ses faveurs, dénoncent un esprit politique pour le moins autant que religieux. Il revenait de Notre-Dame du Puy, où il s’était rendu en dévot pèlerin pour recommander son royaume en péril et son âme en détresse. Sur la frontière de l’Est, un rival intraitable, Charles le Téméraire, quoique battu à Granson, continuait la campagne contre les alliés de la France ; au-dedans, les seigneurs intriguaient, cabalaient, prêts à se soulever, et quoiqu’il eût enfermé un des plus compromis, le duc de Nemours, au château de Pierre-Scize, dans une cage de fer, il n’était qu’à demi tranquille. Il jugea prudent de redoubler de largesses et de prières et de payer, à beaux deniers comptants, une protection plus efficace.

Il lui parut aussi d’une intolérable inconvenance que la Vierge tant belle, ainsi qu’il se plaisait à l’appeler, habitât plus longtemps un misérable logis : « nolens tam formosam Virginem Mariam ferre diutius eam, in humili ecclesia existere. » Il prit donc l’initiative d’une sérieuse restauration. Par une lettre, dont nous possédons le texte, mais trop longue à reproduire, il ordonna qu’à cette chapelle de la Vierge qu’il affectionnait, une messe basse serait célébrée, désormais, chaque jour, et qu’aux cinq fêtes mariales et aux solennités de l’Ascension et du Saint-Sacrement, on la chanterait « à note ». Comme dotation de ce service, il abandonnait les rentes et gardes, estimées 30 livres par an, de Saint-Symphorien-le-Châtel, la ferme et la châtellenie de Charlieu, avec le péage de Maltaverne, évalués 35 livres. Le cadeau n’avait rien d’excessif ; mais le roi n’était pas un prodigue et de tels dons empruntent leur valeur à la main qui les répand. Aussi bien le chapitre n’en jouit pas très longtemps ; pendant les troubles, qui accompagnèrent l’occupation de Lyon par les protestants, la perception de ces sommes fut interrompue ; négligence forcée d’un côté, mauvaise foi probable de l’autre, la dette se trouva périmée. Plus tard, vers la moitié du xviie siècle, des recherches et des instances, pour en rétablir les titres, demeurèrent sans effet.

Louis XI se réserva de communiquer personnellement aux chanoines ses intentions et de les exhorter, comme l’eût fait un saint homme d’église, à la résidence, à l’exactitude, à la psalmodie, à une fidélité scrupuleuse pour les statuts et les usages de leur compagnie. Cette visite fut placée dans l’après-midi du dernier mai ; accompagné de son aumônier, Charles Bignerel, le prince s’agenouilla et récita dévotement ses invocations accoutumées ; debout ensuite et couvert, il communiqua ses impressions et ses avis. Sa mercuriale ne fut pas d’un ton trop sévère, et, pour achever de gagner le cœur de ses auditeurs, il se recommanda à leurs prières et exprima le désir d’un Salve Regina quotidien à son intention. Enfin, peu après son départ pour Plessis-lez-Tours, le 26 juillet, un de ses chambellans, Adrien de Montpensier, remit au curé-sacristain, Pierre de Varey, dont le rôle est très sensible dans ces circonstances, un calice d’argent du poids de 15 marcs, une custode-ostensoir, deux couronnes d’or, une lampe d’argent et des ornements précieux, chasuble, tuniques et mitres. La sécurité était encore si incertaine, sur la montagne, que toutes ces pièces d’orfèvrerie furent déposées au trésor de Saint-Jean. Mais de plus en plus émerveillé, on arrêta, en séance plénière, que la grosse cloche serait sonnée, chaque matin, pour la messe royale.

En résumé, à la fin du moyen âge, le culte de la Mère de Dieu, sans avoir atteint un progrès, capable de frapper l’imagination populaire, était sorti de la période d’oubli, d’énigmatique réserve, où la légende posthume de l’archevêque de Cantorbéry l’avait insensiblement relégué. D’autres fondations, contemporaines de celle de Louis XI, dont nous venons de parler, lui formaient un complément opportun ; elles permettaient au moins d’entourer le cycle des solennités, consacrées aux mystères de Marie, d’une pompe et d’une ampleur qui les distinguaient et les rehaussaient. Ainsi Pierre de Broissia, chanoine, possesseur d’une superbe Bible manuscrite, en trois volumes, qu’il légua à ses confrères, avait fourni aux frais de la grand’messe sabbatine (8 juillet 1471) ; un prévôt, élevé sur le siège épiscopal du Puy-en-Velay, Geoffroy de Pompadour, avait, en différentes fois, réglé la dépense pour les jours de la Conception (1489), de la Visitation (1490), de sainte Anne et de saint Joseph (23 juillet 1500) ; de sa propre inspiration le chapitre s’imposa les vigiles des cinq fêtes de Notre-Dame. Ce mouvement, loin de se ralentir, prenait une accélération progressive, lorsque l’invasion et les guerres du protestantisme jetèrent, dans la ville et le reste de la province, une perturbation et des ruines dont Fourvière eut énormément à souffrir et ne se releva que très lentement.

Le fanatisme des soldats et des coreligionnaires du cruel baron des Adrets, dans l’impuissance de nuire aux personnes qui avaient fui, s’acharna contre les autels, les statues, le mobilier, les dalles du pavé. Ils jetèrent bas l’enceinte du cloître, rasèrent les maisons canoniales, saccagèrent la sacristie et le chartrier, brisèrent tout à l’intérieur, rompirent les cloches, abattirent le couvert et ne laissèrent debout que les quatre murs, dégarnis de portes et de fenêtres. En face d’un pareil désastre, après la trêve conclue, les chanoines se sentirent absolument découragés ; sous le coup de tant de malheurs et de si lourdes charges, se dérobant à une responsabilité qu’ils estimaient au-dessus de leurs forces, ils résolurent simplement de se dissoudre ; ils se cherchèrent des successeurs plus hardis ou plus riches. L’existence de Notre-Dame de Fourvière demeura quelque temps en suspens.

Les chanoines de Saint-Just songèrent à s’y transporter, mais l’endroit leur parut trop éloigné et trop désert ; le maréchal de la Vieuville engagea les Minimes à s’y installer, de préférence à leur monastère inachevé de la Croix de Colle ; ils résistèrent, décidés à rester chez eux. Des capucins, émigrant d’Italie, où leur réforme était née, passèrent un contrat d’acquisition et furent déclarés propriétaires ; cependant la combinaison ne s’exécuta pas, sans que j’aie découvert ce qui l’empêcha. Heureusement des conseils d’énergie finirent par l’emporter sur la pusillanimité, et, au milieu des décombres, le chapitre tenta de nouveau de vivre, de prier et de reconstruire. Nous savons que l’autel de Notre-Dame, à son ancienne place, fut consacré par le suffragant de Lyon, Mgr Jacques Maistret, un des premiers jours de janvier de l’année 1585, un quart de siècle tout de même après les hostilités calvinistes. On entreprit, un peu plus tard, la réfection à neuf du clocher, on retailla les pierres, on consolida la charpente ; on posa une croix et une girouette neuves. En 1622, on décida de placer les stalles du chœur « en bois de noyer, de la même façon que celles de l’église Saint-Paul » ; Un maître menuisier, logé place Confort, Guillaume Guérin, quoique de secte dissidente, obtint l’ouvrage à forfait, et le père d’un chanoine, récemment agrégé, noble J.-B. de Murard, s’offrit à couvrir la dépense.

La statue couronnée de l’ancienne chapelle.

Un des promoteurs de ces travaux et de cet embellissements a droit à nos louanges particulières ; si obscur que soit le nom qu’il a porté, Claude ferrier s’est acquis, dans les annales forvériennes, une place et une réputation dont il ne serait pas dépossédé sans injustice. À défaut d’une biographie détaillée, qui dépasserait le cadre étroit, dont nous disposons, on nous permettra de fixer au moins les dates principales de sa vie et d’en noter les événements les plus mémorables.

Ferrier entra au chapitre, le 26 février 1612. Charles de Busseul, chanoine-comte de Saint-Jean, en remettant sa démission par l’entremise du prévôt, François de Sacconay, avait formulé le désir de l’avoir pour successeur. Il avait à son égard des obligations de plus d’un genre, dont il s’acquittait par cette recommandation ; il lui plaisait surtout de récompenser ainsi le précepteur de son jeune neveu. L’élection, avec ses préliminaires, ne souleva aucune objection. Les capitulants, convoqués pour y procéder, François du Soleil, sacristain, Claude du Soleil, chantre, Guillaume Sarsay, Jean Faure, Claude Pignard, Yves Faure et Claude de Lorivière, tombèrent d’accord, en un instant, et le jour même, qui était un dimanche, la prise de possession et l’installation s’accomplirent avec les cérémonies d’usage. Le nouveau dignitaire déposa 50 livres pour son droit de chappe, offrit sept aunes de toile fine et s’engagea de distribuer sa livraison de pain et de vin, le premier dimanche du carême prochain. Deux de ses collègues, précédés d’acolythes, au bruit d’un joyeux carillon, le conduisirent au grand autel, où il récita l’Oraison, dans le chœur, à la stalle qui lui était réservée ; on le ramena dans la salle des séances, où il prit son rang, et on lui assigna la maison, délaissée par Claude le Riche, et située devant le porche, entre la place et le chemin y aboutissant.

On tarda peu de lui confier l’emploi de procureur. Les affaires, lorsqu’il les examina, étaient dans un piteux état ; beaucoup de pensions ne se payaient plus ; les dîmes de Griège en Bresse se levaient fort mal ; les fermiers gardaient pour eux le plus net des bénéfices, plusieurs procès, entamés à contre-temps, étaient ruineux. Ferrier appliqua son activité et son amour-propre à corriger les abus et à relancer les débiteurs ; il obtint surtout, entre le curé et les chanoines, un concordat qui ménageait mieux les droits et les finances de ces derniers. La montagne se couvrait de quelques maisons d’habitation et de plaisance ; le casuel paroissial, qui avait été à peu près nul jusqu’à présent, commençait à compter ; depuis une trentaine d’années, on administrait les sacrements aux plus proches voisins ; on veilla à ce qu’aucun ne s’écartât de la juridiction pastorale, bien que les limites du territoire soient encore assez flottantes, et qu’il fallût plaider pour la maison de Mathieu de Vauzelle ; les fonts baptismaux furent nettoyés et fermés à clé ; on procéda aux funérailles avec plus de décence ; une pieuse veuve, Anne Sontonax, dont le mari, Pierre Bossu, avait été apothicaire, fit une fondation pour le chant des vêpres, chaque dimanche, à deux heures, et demanda qu’elles fussent terminées par une procession à l’autel de Notre-Dame (18 septembre 1629). La Présentation de Marie au Temple fut inscrite au nombre des solennités importantes ; on rattacha à l’Assomption un grand pardon, avec indulgences, prédications, profusions de girandoles, d’argenterie et de tapis. Notre chanoine y porta plusieurs fois la parole et, selon la chronique, le comptable se transformait en orateur instruit et édifiant.

Notre-Dame de Bon Conseil (dans l’ancienne chapelle).

En s’acheminant doucement vers le terme de sa vieillesse, il conçut le désir de reposer au pied de la miraculeuse image qu’il avait tant contribué à populariser. Il obtint d’abord la permission de placer d’avance sa pierre tombale et son épitaphe dans la chapelle ; ensuite on lui concéda d’ériger un second autel, qu’il plaça sous le vocable de Notre-Dame-de-Grâces, « promettant, affirmait-il lui-même, selon la suffisance du lieu, de le doter du peu de bien qu’il avait plu à Dieu de lui donner ». L’exécution suivit de près ses propositions, mais sa bonne volonté faillit échouer devant une grossièreté qu’on ne se pressa pas trop de tirer au clair. Le digne prêtre avait pensé n’offenser personne et se conformer à un usage très répandu, en plaçant, dans le tableau votif du petit rétable neuf, son propre portrait ; une main ennemie et jalouse gratta subrepticement la toile, raya la figure jusqu’à en effacer complètement les traits. De là, émotion et scandale. Mais lorsque Ferrier communiqua son intention de réparer le dégât, on lui conseilla, en raccommodant le tableau « d’y faire peindre quelque autre chose à la place de son image ». Il ne s’entêta point et offrit une Annonciation. Après l’avoir convenablement appropriée et meublée, il dota cette chapelle, qui lui était si chère, d’une rente annuelle de 74 livres tournois ; le prébendier, appelé à la desservir, était tenu d’y célébrer trois messes par semaine, l’une de Notre-Dame, la seconde de Saint-Roch, la dernière pour les trépassés. Ses libéralités posthumes furent plus considérables encore ; il décéda le 30 décembre 1646, au second étage de sa maison d’habitation, située au bas de la montée du Gourguillon, et la lecture de son testament fournit la preuve manifeste de son désintéressement et de son bon cœur. Son patrimoine modeste, fruit de ses économies, comprenait avec un capital de quelques milliers de francs deux maisons, celle qui lui servait de logement, et une autre voisine de Saint-Nizier, à l’angle de la Fromagerie ; son mobilier, qu’il interdit d’inventorier, se composait d’un petit lot d’argenterie, d’une tapisserie de prix, de tableaux estimés ; il donna ses livres aux Pères Jésuites de la Trinité, en faveur de leurs écoliers pauvres ; destina douze cents francs aux Recteurs de la Charité, pour l’apprentissage de six garçons et la dot de six orphelines, spécifia d’autres legs de piété et de souvenir, et institua héritiers universels, à part égale, le chapitre de Fourvière, les perpétuels de Saint-Jean et l’Hôtel-Dieu.

La durée de son canonicat, qui ne se prolongea pas moins de trente-quatre ans, permit à Claude Ferrier d’assister à la naissance du pieux mouvement, qui porta tout à coup les habitants de Lyon à choisir Fourvière pour le rendez-vous de leurs dévots pèlerinages, et à le considérer, peu à peu, comme l’endroit où la Mère de Jésus se plaisait à se montrer la plus propice à leurs prières, à leurs souffrances et à leurs vœux. Il en fut le témoin ; il le favorisa de tout son pouvoir.

D’où cette inspiration populaire est-elle partie ? Quels faits notoires, saisissants, merveilleux, éveillèrent l’attention de nos concitoyens et changèrent en un courant continu, qui n’a pas cessé d’aller en augmentant, depuis quatre siècles, les rares visites de passants en promenade et en quête d’un magnifique panorama ? Aucun historien n’a réussi à percer l’obscurité de ces commencements, où l’instinct de la foule chrétienne découvrit si juste et si vite la source de miséricordes et de grâces, que la Providence lui avait ménagée. Je n’ignore pas qu’embarrassés, pour assigner une cause déterminante à ces hommages spontanés, qui transformèrent si favorablement les destinées de l’humble collégiale, des auteurs préfèrent les placer, dans une antiquité beaucoup plus reculée, et imaginer qu’ils ont été contemporains de l’érection même du sanctuaire. Afin de rendre la dévotion plus vénérable encore, et plus traditionnelle, s’il est possible, sans prendre assez garde qu’on lui ôte même jusqu’à l’apparence de l’authenticité, on vieillit indéfiniment la chapelle, sans une preuve, sans une vraisemblance. On la date au moins de Charlemagne, sinon de l’empereur Constantin, et on la remplit, dès sa première heure, d’une multitude de fidèles, échappés au fer des Sarrazins, ou aux fouets des proconsuls et des licteurs. On n’a point osé cependant appuyer cette fragile hypothèse sur de complaisants et fabuleux parchemins. Les titres sérieux, au contraire, ne varient pas : dans les registres et dans le fonds entier du Chapitre, que j’ai dépouillés, avec le soin le plus scrupuleux, aux Archives départementales du Rhône, on ne recueille pas une seule fois, en une seule ligne, une allusion si dubitative soit-elle, qui enlève à Olivier de Chavannes et à Jean de Bellesme la paternité d’une œuvre, que le premier créa, en laissant au second le soin de l’organiser.

D’après les aveux sans artifice des chanoines eux-mêmes, selon le texte de leur secrétaire, ils éprouvèrent un vif étonnement, lorsque la solitude de leurs offices et de leurs cérémonies cessa, comme par enchantement, et que la nef ne fut plus un désert, pendant la messe et les vêpres. La première fois que, dans le cours de leurs séances délibératives, ils songent à relever la singularité du fait, c’est dans l’année 1625, le 9 juillet. Un d’entre eux observe que les messes de dévotion, qui se multiplient extraordinairement à l’autel de la Vierge, entraînent une dépense pour le luminaire, le pain et le vin, qu’il est prudent de régler et le procureur reçoit mandat d’attribuer ce supplément de frais à la caisse commune. La vénérable assemblée n’est pas éloignée de penser que les fidèles ont été émus par un accident, survenu l’année précédente, et qui, tout naturel et explicable qu’il soit, n’avait pas laissé que de jeter, dans les esprits, un superstitieux effroi, grâce aux circonstances dans lesquelles il s’était produit. Pendant la nuit, le tonnerre était tombé sur le clocher, la veille de la Décollation de Saint-Jean-Baptiste, le 28 août 1624 ; après avoir endommagé la toiture, pénétré dans la cage des cloches, il était descendu sur l’autel de la Sainte Vierge et avait failli le consumer ; son passage était marqué par des flambeaux tordus, des fleurs incendiées, des nappes roussies. Aussitôt désirant « détourner l’ire de Dieu, comme l’écrit le rédacteur du procès-verbal, le chapitre fit le vœu perpétuel et irrévocable de dire à perpétuité une grand’messe, à diacre et sous-diacre, le jour de la Décollation du Précurseur ». On aime davantage ce qu’on a été sur le point de perdre ; à partir de ce tragique accident, le temple, que le feu du ciel aurait pu réduire en cendres, et qui avait été providentiellement épargné, devint plus cher à la population lyonnaise et fut beaucoup plus fréquenté.

On le constate derechef, dans une réunion du 16 mai 1626 ; deux mois après, 9 juillet, la remarque se répète : « grande affluence du peuple, qui vient en prières continuellement, particulièrement le samedi ». On arrête que le tronc pour les réparations et l’entretien, ayant été rompu, sera remplacé par un autre ; celui des messes de dévotion, qu’on n’ouvrait pas jadis une fois par an, le sera désormais deux fois par mois, le premier et le troisième vendredi. Les dons se multiplient, témoin les 40 livres tournois d’Anne Sontonax, que nous avons rappelées tout à l’heure ; une autre personne, Marguerite Nerberet, veuve du libraire, Claude Rigaud, de la rue Mercière, se charge de l’huile nécessaire à la lampe du tabernacle ; la reine imite ces bourgeoises ; la cour prend le pas des gens du commun ; Anne d’Autriche, entourée de ses dames d’honneur, signale son passage par des largesses et d’abondantes aumônes.

Toutefois, au cours de cette visite, un regrettable incident, qui fut sévèrement reproché au curé-sacristain, Messire Fournel, démontra l’urgence d’une vigilance plus en rapport avec l’affluence des habitants et des étrangers. Bien que l’on fût au lendemain de la Pentecôte, jour férié, la reine, qui n’avait pas averti de son arrivée, se heurta à des portes closes ; on eut beaucoup de peine à découvrir l’entrepositaire des clés et il fut encore nécessaire de forcer, en la brisant, la barrière à claire-voie qui permettait l’accès de la chapelle privilégiée. Plus que ses confrères, un vieillard, Claude Pinard, s’émut de ces incommodités ; membre de la collégiale depuis plus de quarante ans, il s’y était singulièrement affectionné ; il existait de lui la fondation d’une messe, qu’il avait placée à la fête des Trois-Maries, le 26 octobre ; dans cette occasion, il proposa de percer et de bâtir à ses frais une perle sur le côté droit de la chapelle, dans la muraille face au midi, de façon à rendre indépendantes de la grande nef les entrées et les sorties des pèlerins. Ce projet eut l’agrément général et voici, dans quels termes, on y souscrivit, le 5 juin 1631 ; il est bon de les rapporter. « Attendu la grande affluence de peuple, qui vient en dévotion en la chapelle Notre-Dame, particulièrement les samedis et lundis, où le peuple est grandement incommodé à l’entrée et sortie, n’y ayant qu’une porte, ouy ledit Pinard, permis pour une porte pierre de taille et y faire mettre ses armes. » Avec son écusson, sur les instances du donateur, on y grava aussi l’invocation : Notre-Dame de Bon Conseil. P. P. N.

Le vœu des Échevins (D’après un vitrail de L. Bégule, à lancienne chapelle de Fourvière).

Les épreuves et les calamités publiques, loin de ralentir la confiance, en provoquèrent de plus en plus d’unanimes explosions. Une épidémie sévissait, chaque hiver, dans les deux hospices de la Chana et de Sainte-Catherine ; la plupart des orphelins internés étaient atteints ; beaucoup succombaient. C’était une espèce de scorbut infectieux, contre lequel les remèdes employés avaient peu d’action. Vainement on avait demandé des consultations aux plus habiles praticiens ; la science humaine produisait peu d’effets. On résolut d’intéresser le Ciel à la conservation et à la santé de ces pauvres enfants et les Recteurs de l’Aumône Générale, qui les nourrissaient, se concertèrent pour les conduire en procession à Fourvière, « pour qu’il plaise à la divine Bonté d’apaiser ladite maladie ». Dès sept heures du matin, le mercredi de Pâques, 7 avril 1638, tous les pupilles de la Charité, les pensionnaires et les infirmes qu’elle hospitalisait, les indigents admis à ses Distributions de pain, accompagnés des membres du Bureau et des aumôniers, gravissaient la pente du Chemin-Neuf, en chantant de pieux cantiques. La messe fut célébrée par M. de Sacconay, chanoine-comte et président de l’œuvre ; sept cierges, du poids chacun d’une livre, furent offerts en l’honneur des Sept Joies de Marie. Tous les cœurs entrèrent à l’unisson, ainsi que toutes les voix, frêles et mûres, afin de solliciter l’apaisement des terreurs, dont on souffrait depuis si longtemps. Cette manifestation produisit un réel contre-coup sur l’opinion et l’intercession maternelle, que tant d’innocentes mains avaient implorée, ne tarda pas à se montrer ; le fléau diminua sensiblement et disparut.

Le Consulat fut gagné par l’exemple et, à son tour, il entendit placer la cité et le peuple qu’il administrait sous une tutelle aussi libératrice. La délibération, par laquelle le prévôt des marchands et les Échevins se vouèrent à Notre-Dame de Fourvière et s’engagèrent à lui porter, chaque année, l’hommage de la gratitude publique et de leur vénération filiale, fut conclue à l’Hôtel de Ville, le 12 mars 1643. Les conjonctures étaient graves ; l’heure navrante. Une soudaine recrudescence de la contagion pestilentielle, qui n’avait cessé, depuis quinze ans, de terroriser les habitants, ralentissant parfois ses ravages, pour éclater bientôt avec plus de violence, délaissant un quartier pour s’abattre sur un autre, épargné jusque-là, jetait partout un découragement universel ; elle menaçait de rendre inutiles les précautions d’ordre et d’hygiène que la police et la Santé s’efforçaient de maintenir et d’exécuter. Tous les chroniqueurs contemporains tracent de cette époque néfaste les plus sombres et les plus horribles tableaux ; l’imagination des poètes et des romanciers, depuis, n’a rien inventé, qui dépasse la réalité poignante, les angoisses cruelles, les scènes macabres, l’immoralité sauvage, dont quelques témoins, le capucin Grillot entre autres, ont essayé de fixer le souvenir. Lyon ne vit jamais peut-être ses demeures décimées par un fléau plus meurtrier, les esprits en proie à de plus terrifiantes superstitions, la sécurité, les fortunes, les relations sociales plus bouleversées et plus compromises. L’extrême misère réveille la foi, et la religion, dans l’excès du malheur, apparaît comme la suprême consolatrice, tant l’homme a besoin d’espérer contre toute espérance.

La piété consulaire s’était déjà tournée vers les sanctuaires les plus célèbres, les plus accrédités par les faveurs extraordinaires qu’on en rapporte. Des messagers, avec de riches présents, avaient été envoyés au Puy en Velay et à la Santa Casa de Lorette ; ici ils avaient suspendu à la voûte une lampe d’argent ; là ils avaient offert un calice et sa patène de vermeil. Nos magistrats se présentèrent eux-mêmes à Fourvière ; ils s’y acheminèrent à pied ; ils y écoutèrent la messe et remirent « la quantité de sept livres de cire blanche et un escu d’or au soleil ». La Nativité de la Sainte Vierge, le 8 septembre, avait été choisie à dessein pour l’accomplissement de cette cérémonie ; dorénavant la date en sera traditionnelle ; tous les ans, jusqu’à sa suppression, en avril 1790, le Consulat a tenu l’engagement, souscrit par Alexandre Mascranny, prévôt des marchands et par ses quatre collègues.

Les municipalités qui lui ont été substituées, soit par le Gouvernement, soit par le suffrage universel, se sont affranchies de cette obligation religieuse. Pas plus les maires de la Restauration et du Second Empire, que les élus de la Guillotière et de la Croix-Rousse, n’avaient cru opportun de ressusciter cette partie d’héritage de leurs prédécesseurs de l’Ancien Régime, les Tholozan, les Perrichon, les Dugas ; pour le deuxième centenaire du vœu, le cardinal de Ronald renoua la tradition brisée ; au lieu des conseillers qu’il n’aurait pas eus, il invita deux délégués de chacune des paroisses à répéter la consécration de 1643 ; il les constitua les représentants officieux de leurs concitoyens, auprès de Celle qui nous est demeurée aussi favorable qu’à nos ancêtres du xviie siècle, et dont nous n’espérons pas une moindre miséricorde.

Tant de célébrité et tant de vogue ne s’arrêtant pas de progresser, on songea à l’établissement d’une confrérie, semblable à celles, qui existaient déjà dans d’autres églises, où le culte de la Sainte Vierge était plus spécialement en vigueur, la Platière, Saint-Nizier, les Cordeliers, les Célestins, les Jacobins de Confort. La proposition en fut soumise au chapitre par quelques particuliers, dont l’initiative ne paraît pas avoir eu un succès immédiat. Présenté le 24 juillet 1666, ce dessein ne fut repris que plus tard, quinze ans après, par un certain apothicaire du nom d’Antonin Guillermin : sa requête fut discutée en séance du 6 septembre 1679. On en serait peut-être resté là, si une bulle du pape Innocent XI, concédant de précieuses indulgences, signée à Rome, le 17 février 1681, n’avait pas en quelque sorte forcé à s’organiser de suite et à déclarer, en exercice, ce qui n’existait que sur le papier, à l’état de projet incomplètement défini. Le 19 juillet 1681, comme le mentionne le procès-verbal des capitulants, leur procureur, Antoine Sève, demande d’introduire les premiers membres de la confrérie, « nouvellement instituée ». Ils étaient au nombre de neuf ; leurs noms ont été conservés ; nous les citerons à notre tour. Avec Guillermin, le promoteur de l’association, on comptait Blampignon, Jacques Garraud, Pellion, Guyty, Mathurin Picaut, Pierre Carret, F. Legras et Étienne Dalin. Ils déclarèrent leur intention de se réunir, afin d’adorer le Saint-Sacrement, avec plus de pompe et d’amour, et ils sollicitèrent qu’on voulût bien l’exposer, tous les samedis, pendant une messe basse, qui se dirait à dix heures, et que terminerait la récitation des litanies laurétanes. Guillermin s’engageait à bâtir, à ses dépens, une chapelle, qui fut, en effet, élevée un peu plus tard, appuyée au fond du chœur, au-dessus du maître-autel et dédiée à Notre-Dame de Pitié ; on autorisa les sociétaires à construire un banc, réservé à leur usage, qui serait dressé au devant des fonts baptismaux ; un registre fut déposé à la sacristie, afin d’y coucher les adhésions, et on promit d’approuver les statuts, dès qu’ils seraient dressés. Le curé fut désigné comme recteur et, jusqu’à la Révolution, cette charge s’exerça par un des chanoines, qui se succédèrent habituellement, selon l’ordre du tableau, de deux ans en deux ans.

Ces vocables variés, Notre-Dame de Pitié, Notre-Dame de Bon Conseil, Notre-Dame de Grâces, introduits par l’attrait particulier de donataires ecclésiastiques ou laïques, selon la mode changeante des préférences en vogue, n’ont pas prévalu contre l’appellation locale, antique, originale de Notre-Dame de Fourvière ; pour les Lyonnais de tous les âges, leur protectrice bien-aimée, assise là-haut comme sur un trône de granit et de verdure, dans sa tour d’ivoire, dans sa citadelle de David, est demeurée la Reine du vieux Forum romain et du berceau de notre foi catholique. C’est à son autel, préférablement à d’autres qu’est attribuée la messe du samedi, « pour obtenir la conservation de cette ville et du corps d’icelle », au bénéfice des Échevins en charge, comme gage d’une impérissable gratitude de ce qu’ils ont reconstruit des deniers de la commune, « de fond en cime », la muraille de la plate-forme (26 octobre 1660).

Un médecin, héritier d’un des noms les plus estimés dans son art, Jean-Claude Marcellin, dont le père, célèbre par son dévouement aux pestiférés, eut sa tombe aux Minimes, verse les honoraires d’une messe perpétuelle, la vigile du 25 mars, et le prix d’une lampe « ardente nuit et jour ». Mme de Fléchères, sur les instances du prévôt, le comte de Chambost, fait cadeau d’un retable (29 juin 1679) et, de plus, d’un vitrail, qui est ouvert dans la muraille du couchant. Un prêtre perpétuel de Saint-Nizier, M. Duvernay, paye cinquante-sept écus les réparations aux deux autels. Une dévote chrétienne commande toute une décoration au sculpteur Michel Meynier, l’ouvrier taille en bois des nuées au-dessous de la niche, groupe autour quatorze têtes de chérubins, deux grands anges de chaque côté et, aux extrémités, sur deux piédestaux, il représente saint Jean-Baptiste, tenant son agneau et sa bannière, et saint Joseph, un lys à la main. On accepte de M. Séjourneau une balustrade en fer ouvré de sept pieds et demi de hauteur ; Jal, serrurier, en exécute le dessin et la forge. Le 6 décembre 1695, on reçoit deux couronnes d’or massif pour la Vierge et l’enfant Jésus ; elles pèsent 9 onces 12 deniers, et sortent de l’atelier d’Alexandre, orfèvre. Les donatrices sont deux veuves, MMe Tricaud et MMe Croppet, sa fille. À l’aspect d’objets de ce prix, les chanoines, qui avaient envoyé, deux ans auparavant, l’argenterie de leur sacristie à la monnaie et n’en avaient tiré que 240 livres 9 sols, s’émerveillent et laissent naïvement échapper la crainte d’être volés, car disent-ils, « les portes ne ferment pas bien ». Depuis quelque temps cependant, depuis le 15 avril 1681, la collégiale était ornée d’un chef-d’œuvre, plus intéressant à conserver que cette joaillerie, à quelque valeur qu’elle fût estimée. Nous voulons parler de la fameuse Annonciation d’Antoine Bousonnet-Stella, pensionnaire du roi au Louvre, le troisième d’une dynastie illustre, dont plusieurs de nos églises, notamment Saint-Bonaventure, possédaient d’intéressantes toiles. En peignant ce tableau et en le destinant à Fourvière, l’artiste avait cédé aux instances de sa sœur aînée, Claudine Bousonnet ; le chapitre leur vota, à l’un et à l’autre, une lettre de remerciement et il confia la plume au chanoine A. Sève, qui se vantait de n’avoir pas été étranger à la négociation de cette bonne aubaine.

La première médaille de Fourvière gravée en 1705.

Nous craindrions toutefois de fatiguer l’attention du lecteur, si nous poussions jusqu’au bout la nomenclature de ces offrandes, de ces aumônes de toute nature et de toute provenance, manuelles ou foncières, riches ou médiocres, princières ou bourgeoises. Passons, sans nous y arrêter plus longtemps, au récit de la reconstruction de la chapelle, le fait saillant du xviiie siècle.

L’insuffisance de l’antique enceinte apparaissait, chaque jour, plus sensible et plus incommodante ; il fallait nécessairement remédier à cet encombrement croissant de la multitude, si nuisible à la piété et au recueillement. Le sacristain-curé arrêta dans son esprit les projets d’agrandissement, longtemps débattus, et prit des mesures pour n’être pas contredit ou retardé. Avant de le voir à l’œuvre, il ne sera pas hors de propos de prendre une connaissance sommaire de ses origines et de son caractère.

Né à Saint-Étienne, en Forez, le 15 décembre 1701, d’une famille dont plusieurs générations avaient possédé la direction de la manufacture des armes royales, fils de Jean-Louis Carrier, colonel de la bourgeoisie de la ville, et de Madeleine Dignaron, il avait de bonne heure tourné ses regards et ses études vers l’état ecclésiastique, et il avait obtenu en Sorbonne un diplôme de bachelier en théologie. Dès son arrivée, Mgr de Rochebonne l’avait installé au secrétariat de l’archevêché (18 octobre 1732), et un peu plus tard (29 avril 1734), il l’avait pourvu de la petite cure de Saint-Blaise d’Albigny. Il reçut le canonicat et le litre curial de Notre-Dame de Fourvière, par résignation, agréée à Rome, de Bonaventure Michel, promoteur diocésain, vicaire général, et il en prit possession le 30 janvier 1737 ; il en jouira pendant plus d’un demi-siècle. On se rappelle, comme nous l’avons dit plus haut, que cette dignité de sacristain-curé était la première du chapitre, la plus importante. Le prévôt, président de droit, ne prenait aux affaires qu’une part très superficielle et intermittente ; chanoine-comte de Saint-Jean, il était peu assidu et se réduisait lui-même à un honorariat sans responsabilité. La direction de l’administration capitulaire se réunissait dans les mêmes mains que le gouvernement paroissial. À la suite de quelques fâcheux malentendus et de discussions, dont le Parlement avait été saisi, ce droit curial n’était plus contestable ; de la coutume il avait passé en loi, et les prédécesseurs de M. Carrier l’avaient hautement revendiqué et énergiquement appliqué.

Qu’on ne leur reproche pas cette ténacité et qu’on ne la soupçonne pas d’ambitieuse domination : elle fut utile au bon ordre et contribua à la prospérité de l’œuvre commune. La plupart de ces vénérables ecclésiastiques, dont le nom même a disparu pour plusieurs, se sont dévoués à développer le culte de Marie et à ménager les lieux et les choses, de manière à le favoriser et à le propager sans cesse. À défaut d’une liste complète, que personne n’a songé à dresser, nous mentionnerons les plus notables d’entre eux, ceux qu’il serait ingrat de méconnaître tout à fait. À la fin du xve siècle, nous rencontrons Pierre de Varey, nommé tout à l’heure, à propos de la fondation de Louis XI ; Jean de Vauzelles (1529-1542), principalement connu à cause de l’établissement de l’Aumône Générale, auquel il eut une si grande part, poète délicat de notre Renaissance lyonnaise, chevalier de la cathédrale, curé de Tassin, prieur de Montrolier, comblé de bénéfices, mais plus charitable encore que pourvu de jolies prébendes ; les deux frères, Claude et François du Soleil, dont le second fut aussi custode de Sainte-Croix et s’acquit une sérieuse considération ; Clément de Bellecroix qui entra en charge (28 juin 1649), après une période troublée, et réussit à produire l’apaisement : il bâtit une des sacristies et procura le nécessaire pour solenniser la fête de saint Joseph. Jacques de la Forest (1670-1716), introduit au chapitre, dès 1660, montra du zèle, veilla à l’ordre intérieur et à la décence des cérémonies ; il prêcha avec goût et succès des prônes écoutés. Leur successeur, Maximilien Carrier, en acceptant le titre qu’abandonnait, en sa faveur, Bonaventure Michel, trop distrait de ses obligations pastorales par les travaux de l’officialité, satisfaisait, nous semble-t-il, un désir que son âme sacerdotale avait longtemps nourri. Dès la première heure de sa présence, ses efforts et son énergie n’ont pas d’autre but que les progrès du pèlerinage et sa bonne renommée. À peine arrivé, il propose de prolonger les messes de la matinée et de fixer la dernière à onze heures, il réchauffe l’ardeur des associés de la Confrérie, lui choisit pour courriers des hommes remuants et généreux ; il renouvelle le linge et les chasubles, il achète en particulier aux religieuses Sainte-Élisabeth de Bellecour, qui liquidaient, avant de se réfugier aux Deux-Amants, un ornement en damas rouge, brodé or, du prix de
Maître-autel de l’ancienne chapelle, avec retable et boiserie du xviiie siècle.
2.000 francs. Les transformations de la chapelle miraculeuse furent surtout sa préoccupation dominante. Quand il s’installa, la question était déjà posée, mais non arrêtée, faute de fonds. Il compta sur la charité catholique et songea à intéresser le Consulat à un projet qui se présentait comme d’utilité publique.

Cette confiance était naturelle ; les échevins avaient toujours manifesté, pour l’église du vœu de 1643, leur intérêt et leurs sympathies ; une magistrature les avait transmis à une autre magistrature, comme un legs inaliénable à l’Hôtel de Ville. Récemment encore n’en avaient-ils pas fourni une preuve aussi opportune que généreuse ? Le 6 septembre 1729, ils avaient en effet voté une rente perpétuelle de 300 livres, tant que le chapitre n’interromprait pas de célébrer les deux messes du samedi, en faveur des citoyens de Lyon, avec la bénédiction sur la ville et sur le peuple, tel que l’ordre en avait été réglé, pour la première, dans une assemblée capitulaire du 23 octobre 1660, et pour la seconde, par le mandement de Mgr Camille de Neuville du 30 janvier 1682. Comme supplément aux anciennes charges, ils n’avaient ajouté « qu’une oraison particulière, qui sera composée et chantée, après les litanies, pour la prospérité et la conservation du corps consulaire ».

Le président Laurent Dugas, prévôt des marchands, le spirituel correspondant de Bottu de Saint-Fonds, le type le plus accompli de l’honnête homme, selon le mot du temps, que notre province ait à produire, avait été touché de la détresse des chanoines et il avait répondu de cette noble et délicate façon à leurs doléances. Qu’il en ait été ébranlé, cela ne nous étonne pas, car en les relisant nous-même, nous sommes obligé de convenir que l’état financier, qu’elles révélaient, était des plus pitoyables. Le système de Law avait été funeste à l’épargne des chanoines. Leur secrétaire, il est vrai, cédant à l’effroi d’une caisse vide, faisait remonter la cause de cette pauvreté jusqu’aux troubles, suscités par les protestants, et à l’usurpation des biens dont ils s’étaient rendus coupables ; mais il avouait aussi, en toute sincérité, qu’ayant confié au célèbre financier le capital de mille écus de rente, et n’en ayant obtenu le remboursement qu’en papier, toutes leurs économies avaient été anéanties. L’agio avait donc contribué à les ruiner, au moins autant que le huguenot, et la protection des échevins les avait tirés fort à propos de ce mauvais pas.

L’appel de M. Carrier fut accueilli par M. Fleurieu de la Tourette, avec la même bonne grâce, que le précédent l’avait été par M. Dugas. Le prévôt et les échevins souscrivirent une somme de 6.000 livres pour les futures constructions. Le plan en avait été conçu par l’architecte Delamonce. Il consistait à prolonger la chapelle existante jusqu’au chevet de la grande nef de Saint-Thomas et à constituer ainsi le bas-côté droit de l’église ; en ouvrant deux grands arcs, on mettrait en communication les deux enceintes, et on souderait ainsi, sans interruption, le présent au passé. Nicolas Fauconnet avait la maçonnerie, Charles Besson la charpente ; Berger fournissait les pierres de taille ; Alexandre Valin avait déjà soumis le dessin des panneaux et de la niche de l’autel. On prévoyait à l’œuvre 55 pieds de longueur sur 28 de largeur.

Les fondements à peine creusés, on songea à la cérémonie de la pose de la première pierre, et on pria les consuls de la présider. L’archevêché étant vacant par la mort de Mgr de Rochebonne, aucun prélat ne fut invité. La fête eut lieu, comme elle avait été annoncée, le 25 juin 1740 ; nous laissons la parole au rédacteur du procès-verbal officiel, pour la décrire ; il nous semble que la pièce gagnera à n’être point abrégée.

« Du vingt-cinquième juin mil sept cent quarante, messire Maximilien Jean Baptiste Carrier sacristin, Pierre Theve chantre, Pierre Gayot, Joseph Nayme, Claude Lambert, Ignace Cayer, Jean Josserand, Jean Durand, Gaspard Rousselot et Noël Verdile, tous chanoines composants le chapitre de l’église collégiale et paroissiale de Notre-Dame et Saint-Thomas de Fourvière de cette ville, lesquels ayant formé le dessein d’agrandir et augmenter leur église ont jette les fondations d’une nouvelle chapelle consacrée à la sainte Vierge et qui doit faire par les suittes l’un des bas côté au midy de la ditte église. Les diltes fondations ont été creusées à l’orient, de la profondeur de quarante-deux pieds sur cinq pieds et demy d’épaisseur et ving-cinq au midy sur la même épaisseur de cinq pieds et demy, et pour poser la première pierre de ce nouvel édifice, ont prié Messieurs du Consulat de laditte ville qui se sont transportés en corps audit lieu de Fourvière ce jourd’hui après la bénédiction faitte de laditte pierre avec les prières et cérémonies accoutumées par Monsieur Carrier, sacristain et chanoine de laditte église, député à cet effet par Monseigneur l’évêque d’Autun administrateur du temporel et spirituel de ce diocèse, le siège archiépiscopal présentement vacant, laditte pierre a été posée par messire Jacques Annibal Claret, chevalier seigneur de la Tourette, Flurieu, Éveux et autres lieux, conseiller du roy en ses conseils, président en la cour des monnoyes, lieutenant criminel en la sénéchaussée et siège présidial de Lyon, prevost des marchands de la ville de Lyon, et y commandant en l’absence de Monseigneur le duc de Villeroy, Antoine Marie Palerne et Sainte Marie, chevalier conseiller du roy, trésorier de France au bureau des finances de cette généralité, Claude Riverieux, écuyer, échevin, Marc Antoine Chappe avocat en parlement et ès-cours de Lyon échevin, Laurent Félix Mayœurre échevin, messire Étienne Prost de Grangeblanche fils, avocat et procureur général de la ville et communauté de Lyon, messire André Perrichon, chevalier de l’ordre du roy secrétaire de la ville et du commerce et Pierre Nicaulo écuyer receveur, composant le corps consulaire, avec une inscription sous copie imprimée et annexée au présent acte. L’original gravé sur une planche d’airin et enchâssé dans laditte pierre qui a été placée à la naissance du premier pilastre le plus près de la niche où doit être placée l’effigie de la Sainte Vierge lors de la perfection de laditte chapelle, dont et du tout ils ont fait le présent acte, auquel ils ont fait aposer le sceau des armes dudit chapitre, et ont ordonné qu’il sera enregistré tout au long à la suitte du premier chapitre qui se tiendra dans laditte église, et ensuitte fermé dans les archives pour servir d’instruction à leurs successeurs et à monsieur le sacristain. »

Ces magnifiques commencements ne furent pas suivis des lendemains qu’on espérait ; par manque de ressources, on fut obligé de suspendre les travaux, avant leur achèvement. On attendit, on patienta ; mais en vain ; le chantier demeurait vide et les murailles en l’air. Enfin, dans leur réunion du 19 juillet 1746, les membres de la confrérie s’émurent et avisèrent au moyen de continuer l’édifice. Ils acceptèrent la proposition, que leur soumit M. le sacristain, de quêter à tous les offices ; les courriers actuels et les anciens courriers, MM. Ennemond Mugniat ex-consul, Rieussec, Nicolaud, Joachim Charret, Pierre Christin, l’avocat Jolyclerc, de Bombourg, s’inscrivirent des premiers. Les chanoines, de leur côté, s’engagèrent à passer le bassin, à leur tour, revêtus de l’habit de chœur. Toutefois il était indispensable de se munir d’un double consentement : de celui de l’archevêque, évidemment : mais aussi de celui du bureau de la Charité, dont le privilège d’envoyer ses quêteurs, dans les églises de la ville, excluait la présence de tout autre.

On entama des négociations ; le cardinal de Tencin se montra des plus favorables ; il promit une gratification personnelle et engagea par lettre le président du Bureau, M. le chanoine-comte de Damas, grand custode, à porter le mémoire et la requête de la confrérie et de M. Carrier, devant la plus prochaine assemblée de la Charité. On en délibéra, le 26 octobre, et on s’arrêta à une conclusion où la diplomatie contrebalançait la générosité. « Tous les recteurs, écrivait M. de Damas à son Éminence, charmés de se conformera vos intentions et à vos désirs, sont convenus que vous étiez le maître d’appointer la requête des chanoines et courriers de Fourvière, avec les restrictions que vous voulez bien y insérer : ils supplient votre Éminence d’agréer qu’ils ne souscrivent point audit mémoire pour ne pas déroger à leurs privilèges, mais ils ne feront aucun obstacle à ceux qui quêteront ».

Monseigneur, ainsi éclairé du côté où une opposition l’aurait gêné, signa le 1er novembre 1740, à Fontainebleau, sa résidence du moment, l’autorisation suivante :

Pierre de Guérin de Tencin, cardinal prêtre de la Sainte Église romaine du titre des saints Nérée et Aquillée, archevêque et comte de Lyon, primat de France, commandeur de l’Ordre du Saint-Esprit, ministre d’état, etc.

Veu la présente requête, nous permettons aux supplians de faire des quêtes dans l’église seulement de Fourvière, jusqu’à ce que les constructions et décorations projettées soient entièrement finies ; invitant les personnes de l’un et de l’autre sexe de contribuer par leurs dons à la consommation de cet ouvrage. Sans entendre néanmoins préjudicier aux droits que peuvent avoir les sieurs recteurs de la Charité d’y faire des quêtes, et à condition que les sieurs chanoines et courriers s’abstiendront d’en faire dans les jours que lesdits sieurs recteurs sont en usage de présenter des bassins dans ladite église, pour les besoins de la maison de la Charité.

Donné à Fontainebleau, le 1er novembre 1746.
Le cardinal de Tencin
Par son Éminence : Vitasse.

La lenteur de l’ouvrage fut commandée par la parcimonie des recettes ; cinq années furent encore nécessaires pour le mener à bout, malgré un second présent de 3.000 livres du prévôt et des échevins. Dans l’intervalle, Mgr de Tencin gravit la montagne pour examiner l’état de la bâtisse ; la relation de sa visite dit qu’après avoir prié à l’autel tutélaire, il s’arrêta longtemps, sur la terrasse, à contempler le panorama qui se déroulait sous ses yeux, la ville, de la Croix-Rousse au confluent, la vaste plaine du Dauphiné et, pour clore l’horizon, les sommets neigeux du Mont-Blanc et des Alpes ; il félicita son aumônier, devenu chanoine et chantre, Jean-Louis Carrier, d’avoir choisi un aussi agréable séjour. Il n’avait pas quitté la cour et le ministère, lorsque l’inauguration du monument fut solennellement célébrée, le 2 octobre 1751. Pendant neuf samedis consécutifs, les paroisses se succédèrent, bannières déployées, au pied du trône nouveau de la sainte Patronne de la cité ; les séminaires Saint-Irénée et Saint-Charles y conduisirent les jeunes lévites ; les hymnes, les cantiques, les litanies y formèrent, pendant toute l’octave de la dédicace, comme un perpétuel concert.

Fourvière au début du xixe siècle (D’après une estampe anonyme).

Deux ans après, les mêmes cortèges se répétèrent ; au cours d’un été caniculaire, dont la sécheresse dévorait les récoltes, les fidèles vinrent implorer un peu de pluie. Un mandement archiépiscopal avait annoncé et organisé cette manifestation. Saint-Jean s’y rendit, le 28 juillet 1753 ; le 31, Saint-Nizier y parut le matin ; Ainay, La Platière, Saint-Irénée se partagèrent l’après-midi ; les deux faubourgs de la Guillotière et de Vaise occupèrent la journée du 6 août. En 1762, Mgr de Montazet lança une lettre pastorale, prescrivant une procession générale, dans les mêmes conditions, et pour la même grâce. Le Consulat, en 1774, averti de la maladie dangereuse dont Louis XV était frappé, demanda une messe pour son rétablissement. Les calamités changent de nature et les fléaux d’aspect : la population a toujours recours à sa divine Protectrice, à celle qu’elle tient pour son perpétuel refuge, pour la consolatrice de ses maux. Comme elle l’invoque dans ses tristesses, elle la remercie dans ses joies, et de simples mémoires de fournisseurs, oubliés dans un carton, nous apprennent que, sur la colline, les réjouissances, nationales ou locales, avaient leur écho comme dans la plaine. Fourvière illumina pour la paix, en mars 1749, et en juillet 1731, pour la convalescence du cardinal de Tencin ; le 2 février et le 5 mars 1752, pour la naissance du duc de Bourgogne, pour celle du duc de Berry, destiné à être l’infortuné Louis XVI. En cette dernière occasion, on alluma 120 terrines à 10 sols pièce ; dans une autre fête, on usa 560 lampions et 24 pots à feu, qui coûtèrent 140 livres.

Les pèlerinages individuels, par groupe familial ou par corporation de métier, ne cessaient pas d’être de plus en plus fréquents ; ils produisaient le plus édifiant et le plus religieux des spectacles. Calculer le nombre de ces visiteurs, produire des chiffres certains ou même probables, à ce sujet, serait plus que hasardeux ; mais on peut les conjecturer par ceux des communiants. Nous avons en effet retrouvé une feuille volante, perdue dans les cartons des Archives, indiquant la quantité d’hosties, qui furent distribuées à diverses périodes, entre 1753 et 1757, et, comme on le verra, elles s’élèvent à un joli total. Du 13 août 1755, par exemple, au 3 janvier 1756, il fut consommé 3.950 grandes hosties et 16.500 petites ; du 17 janvier au 8 mai 1756, 3.400 grandes et 11.500 petites ; du 18 mai au 18 octobre de la même année, 4.250 grandes et 17.000 petites ; du 28 octobre 1756 au 9 août 1757, 4.600 grandes 15.000 petites. De sorte que, dans un espace de vingt mois, on célébra 15.800 messes à Fourvière, et on donna 60.000 communions. Cependant la Révolution approchait, qui changea ce concours en un désert, et suspendit, durant quinze ans, une des habitudes les plus chères de la vie lyonnaise.

Les décrets de l’Assemblée Constituante eurent à Fourvière les effets les plus désastreux ; ils entraînèrent la dissolution de la collégiale, la suppression de la paroisse, la vente des édifices. Lorsque le chapitre fut contraint de se disperser, il était au grand complet : pas une des stalles n’était vide. En consignant ici les noms des dix occupants, nous écrivons la dernière page d’une institution, qui finit avec eux, après avoir duré juste sept cents ans, à partir de la charte de Jean de Bellesme en 1192.

Maximilien Jean-Baptiste Carrier, licencié en l’un et l’autre droit, exerce les fonctions curiales ; il a pris possession de son titre, le 18 octobre 1787, succédant immédiatement à son grand-oncle, portant les mêmes nom et prénoms, qui lui avait résigné son bénéfice et dont nous avons vu l’installation en 1737.

Jean-Louis Carrier, frère de celui-ci et oncle de celui-là, élève jadis du collège de Lisieux, à Paris, aumônier du cardinal de Tencin, a été élu le 4 novembre 1743 ; depuis le 9 mars 1745, il a obtenu la chantrerie qui est la seconde dignité de la compagnie.

François Dacier, né à Luriecq, en Forez, auparavant vicaire de la paroisse, date sa possession du 6 septembre 1753 ; Antoine Durand, du 4 février 1755 ; Jean-Joseph Boyer de la Garde, procureur-syndic, du 9 juillet 1758 ; Paul Pautrier, dont le père a été prévôt des marchands, un ami des livres qui a son nom dans l’Armorial des bibliophiles, du 16 juillet 1771 ; Jean-Baptiste Perrodon, du 19 mai 1773.

Antoine Ramoux, du quartier Saint-Clair, avait eu la succession de Joseph Bourgoin, le 17 janvier 1782 ; Gaspard Renaud, vicaire d’Ainay, celle de Rieussec, abbé de Belnoue, vicaire général de Luçon, une des futures victimes de l’expédition de Quiberon.

Le dixième canonicat était échu, depuis quelques mois seulement, à André Charpin, vicaire de Saint-Just, qui prêta le serment, le rétracta et fut nommé, après le Concordat, aumônier en chef de l’Hôtel-Dieu, où le souvenir de sa bonté et de sa sagesse ne s’éteignit pas avec lui.

La démission de son canonicat par l’ex-curé, Maximilien Carrier, que Charpin remplaçait, avait été signée, par devant notaire, le 16 novembre 1789, en pleine discussion des lois spoliatrices, si bien qu’après cinquante-deux ans de travaux, de dépenses et de quêtes, ce vieillard nonagénaire avait perdu son droit d’être inscrit sur le tableau des pensions ; il aurait même été expulsé de la maison, qu’il avait élevée avec son propre patrimoine, si un de ses parents J.-B. Perreyve, négociant de la rue des Trois-Carreaux, ne l’avait achetée à la nation, pour l’y maintenir. Dieu fut plus clément que les hommes ; il le rappela promptement à Lui ; le vieillard mourut, le 24 octobre 1791 ; ses funérailles furent célébrées à Saint-Just ; mais on rapporta sa dépouille dans la chapelle de la Vierge, dont il avait été le restaurateur ; il était juste qu’il eût son tombeau auprès de l’image qu’il avait tant honorée.

Fourvière en 1830 (D’après un dessin du temps).

À cette date, la Constitution civile du clergé avait déjà causé, à Fourvière, comme dans le reste de la ville et du diocèse, les plus graves perturbations. Les chanoines avaient été licenciés ; leurs maisons du cloître avaient été vendues aux enchères, dans le courant des mois de février et de mars ; leur église n’était plus qu’un simple oratoire, dépendant de la paroisse Saint-Just et placé sous le gouvernement de l’intrus, l’abbé Bottin, un des plus bouillants jureurs, que les Jacobins aient recruté. Dès le 23 juin 1790, les officiers municipaux avaient procédé à l’inventaire des biens, meubles et immeubles, et à la vérification de la déclaration, fournie par le sacristain au lieutenant-général de la sénéchaussée, M. Basset. Le 17 décembre, le curé prêtait serment, mais il se rétractait, le 28 mars 1791, sans pouvoir persuader son vicaire, Vincent Rozier, d’imiter son exemple. Le culte fut peu à peu réduit à un minimum dérisoire. Les portes, closes pendant la semaine, n’étaient entre-bâillées que la matinée du dimanche, pour une messe basse, entrecoupée par la lecture des pastorales de Lamourette ou des instructions civiques du directoire départemental.

Une tradition, d’un caractère sérieux, affirme que plusieurs prêtres réfractaires, en particulier M. Grobos, ex-vicaire de M. Courbon, à Sainte-Croix, plus tard secrétaire général de l’Archevêché, furent admis assez longtemps à célébrer les saints mystères. Le fait est vraisemblable, pour les premiers mois de 1791, tant que Bottin ne fut pas le maître ; mais après, sous son administration, son caractère d’intolérant fanatisme ne lui aurait pas permis de supporter, à ses côtés, des insermentés, fidèles à tous les devoirs de conscience et d’honneur qu’il avait trahis. Quel triste gardien subissait le sanctuaire, voué à la Vierge Immaculée ! Cependant pour les terroristes et les sectaires de la déesse Raison, tout christianisme, même le plus épuré d’orthodoxie, devait être aboli. Il y fut procédé, sans retard, dès que les commissaires de la Convention, Fouché et Collot d’Herbois, furent rentrés dans Lyon, avec l’armée assiégeante. L’apothéose de Chalier coïncide avec la désaffectation des églises et la proscription de tout acte et de tout symbole religieux. Notre-Dame de Fourvière subit le sort commun ; elle demeura absolument close jusqu’au jour où MMe Besson y pénétra, les clés de propriétaire à la main.

La vente de l’église de Fourvière fut arrêtée en conséquence de la loi du 28 ventôse an IV (18 mars 1796), affectant 1.800 millions de biens nationaux aux dépenses publiques. Le Directoire du département du Rhône proposa immédiatement au marché la plupart des édifices religieux, qui avaient été épargnés jusque là. Mme Besson se présenta, dès le 4 prairial, et le contrat fut signé, par devant le commissaire délégué, le 23 messidor an IV (11 juillet 1796), au prix de 29.880 francs. Ce chiffre avait été déterminé par les deux architectes, Joffroy et Gros, dans leur procès-verbal d’expertise du 26 mai précédent ; de part et d’autre, il ne fut élevé contre lui aucune objection.

L’immeuble de la nation, qui passait ainsi à la condition juridique de propriété privée, était décrit dans les termes suivants :

« Cy devant Église et Chapelle de Fourvière et ses dépendances, un Escalier en pierre à vis à noyau à l’orient, un porche au bout de l’église paroissiale, trois sacristies et un clocher.

« De ces église et chapelle dépendent une sacristie située au chevet de ladite Chapelle, une pièce au-dessus, acheminée, prenant entrée par le susdit escalier et ses jours par des croisées à l’orient et au midi, d’une autre pièce au-dessus avec mêmes entrée et jours, se terminant par un toit à quatre égouts, d’un clocher avec sa charpente en Beffroy, d’un Belvéder, d’un escalier en bois à vis à noyau qui dessert ledit clocher et Belveder et lequel escalier a son entrée par l’église. »

Une fois maîtresse des lieux, qui ne paraissent avoir souffert aucune dégradation appréciable, d’après la désignation même des objets cédés, Mme Ennemond Besson, de son nom patronymique Élisabeth Rivoiron, songea à restaurer le culte et la dévotion de Notre-Dame. Malheureusement elle s’adressa à des prêtres jureurs et, en particulier, à un ex-capucin du Petit-Forêt, Jacques Rousset, dit l’Illuminé, réfugié sur la colline, qui, de son propre chef, sans réconciliation préalable ni du sanctuaire, ni de sa conscience, essaya de rétablir le pèlerinage. Les catholiques, demeurés fidèles au Saint-Siège et aux vicaires généraux de Mgr de Marbeuf, se détournèrent avec douleur de ces manifestations schismatiques ; mais la papesse, comme M. Besson, ancien fabricant d’étoffes de soie, un peu affaibli par l’âge, se plaisait à appeler sa femme, ne céda ni devant la réprobation des uns, ni devant les plaisanteries sarcastiques des autres. Le Concordat ne la réconcilia pas davantage avec l’orthodoxie et le cardinal Fesch, désireux de mettre une fin à des scandales qui avaient trop duré, frappa d’interdit la chapelle, et demanda qu’elle fût fermée par mesure de police. La lettre par laquelle Son Éminence avertissait le commissaire général, Dubois, de sa résolution, est datée du 31 janvier 1803, un mois après la prise de possession de l’archevêché.

« J’ai cru devoir interdire pour le moment, écrivait le prélat, l’église Notre-Dame de Fourvière. Je vous en préviens et j’espère que si l’on contrevenait à mon ordonnance, vous voudriez bien tenir la main à ce qu’elle fut respectée. Je vous ferai part de vive voix des motifs qui m’ont déterminé. »

La réponse ne tarda guère ; dès le surlendemain, Dubois adressait à l’archevêque les lignes suivantes :

Monsieur le Cardinal,

« Conformément à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire, j’ai ordonné qu’on notifiât aux propriétaires de l’Église de Notre-Dame de Fourvière l’interdiction que vous avez prononcée, et je ferai veiller soigneusement à ce qu’il ne soit célébré aucune cérémonie religieuse. »

Fourvière en 1853 (D’après un daguerréotype de l’époque).

L’intention de l’administration diocésaine n’était pas de rendre définitive la mesure que nous venons de rappeler. On espérait bien racheter Fourvière ; mais les ressources pécuniaires manquaient, pour le moment, et les dispositions de la propriétaire, blessée dans son amour-propre, n’étaient guère favorables pour entamer une négociation. On patienta dans la correspondance de Mgr Fesch, alors ambassadeur à Rome, avec les membres de son Conseil, divers projets sont proposés et débattus. On parla de transporter la dévotion et les indulgences tantôt à l’hospice de l’Antiquaille, tantôt dans l’église des Chartreux ; on apprit enfin que, grâce à l’intermédiaire de M. Goulard, curé de la paroisse de Notre-Dame-Saint-Louis, ancien député aux États Généraux, quatre religieuses, survivantes du Carmel, avaient acquis l’immeuble entier. L’acte de vente avait été signé, devant notaires, par la veuve Besson et l’abbé Goulard, le 30 novembre 1804, et le transfert aux dames Magdeleine Lasausse, Jeanne Herque, Marie Deville et Louise Rossary, avait été rédigé le même jour, séance tenante.

Ici nous devons décharger la mémoire de ces bonnes et saintes filles, qui avaient autrefois subi les cachots de la Terreur et les interrogatoires de ses juges, d’une accusation désagréable, qui, à force d’être répétée par les historiens précédents, même par le dernier d’entre eux, M. le chanoine Chatelus, ancien recteur de la basilique, prend le caractère d’une chose jugée et mal jugée. On leur reproche, à elles ou à leurs amis, d’avoir mené secrètement les pourparlers, destinés à l’achat de la chapelle, et d’y avoir préparé leur installation future, à l’écart et contre le gré de l’archevêque et de ses vicaires généraux.

Elles auraient agi, à écouter certaines gens intéressées par leur vanité à parler de la sorte, avec une précipitation peu loyale, et leur secrète envie de s’établir aurait dérangé d’autres plans officiels, plus conformes aux traditions et aux usages du passé. La vérité est juste le contre-pied de telles insinuations. Nous avons en main, dans plusieurs lettres du cardinal Fesch à M. l’abbé Courbon, l’homme de sa confiance, la preuve évidente, incontestable, que les Carmélites et leurs protecteurs s’étaient munis, avant d’entrer en campagne, de toutes les approbations désirables, que leur dessein de se transformer en gardiennes du sanctuaire, si cher à la population lyonnaise, après comme avant la Révolution, avait été soumis à l’autorité ecclésiastique, loué et encouragé par elle et qu’enfin l’archevêque avait de sa plume, élaboré les conditions d’un véritable traité, qui sauvegardait le respect dû à la clôture monacale et les facilités à donner aux visiteurs. La délicatesse et l’empressement au contraire, qu’elles n’hésitèrent pas à montrer, en cédant leurs droits très légitimes, et en se retirant à la demande, qui leur en était adressée, rendent, à notre avis, cet acte plus méritoire et leur désintéressement presque héroïque.

Il parut, en effet, beaucoup plus en harmonie avec les souvenirs et les habitudes d’autrefois, que l’autel tutélaire de la cité de Plancus et de Pothin n’appartînt pas à une communauté particulière ; qu’il fût plutôt un bien général et qu’il eût, pour le desservir, le clergé diocésain. L’idée fit rapidement son chemin, et l’on dit que l’abbé Joseph Caille, ancien perpétuel de la collégiale de Saint-Just, qui dirigeait, dans le voisinage, avec son frère Antoine, un pensionnat de jeunes gens, en fut l’ardent propagateur. À son retour de Paris, précédant de quarante-huit heures son neveu, l’Empereur, et à peine d’une semaine le Souverain Pontife, le cardinal eut à se prononcer. On attendait son geste, pour lancer les listes de souscription ; il s’y inscrivit généreusement, le premier, pour 1.000 francs ; les vicaires généraux, Courbon et Renaud, chacun pour 1.000 francs ; M. Delglat, dont la fille devait épouser le jeune colonel de Marbeuf, donna 1.200 francs ; M. Frère Jean, 1.000 ; Mlle de la Balmondière, 600 ; Mlle Millière, 200. Un des agents les plus actifs à recueillir les fonds fut un simple commis de la maison Ferrus, du nom de Messimily, dont le dossier curieux est aux Archives nationales, dans les cartons de la police. Par ses soins et par les démarches de plusieurs autres personnes dévotes, on parvint à réunir à peu près de quoi rembourser les Carmélites. Cependant le contrat ne fut définitivement conclu, entre les vendeurs et le Conseil de Fabrique de la Primatiale, qui se portait acquéreur, que le 3 septembre 1805. Un décret impérial, daté de Milan, le 3 messidor an XIII, dont nous avons publié le texte dans la Revue Gerson, autorisait l’exercice du culte dans la chapelle, rendue aux fidèles, et la considérait comme une annexe de l’église métropolitaine.

Personne n’ignore par quelles solennités, au milieu de quelle pompe inouïe, l’inauguration en avait été célébrée, le 19 avril précédent. Jamais les Lyonnais n’avaient assisté à pareil spectacle ; jamais leur foi et leur enthousiasme n’avaient éclaté dans des transports plus délirants. Depuis le 16, le mardi de Pâques, Pie VII, en rentrant de Paris dans ses États romains était l’hôte du palais archiépiscopal, que Napoléon et l’Impératrice Joséphine avaient quitté le matin même. Deux journées d’audiences presque ininterrompues, de baisements de pied, d’acclamations sous les fenêtres et le long des rives de la Saône, quand il se rendit à l’Île-Barbe, la communion, distribuée à plus de 1.200 assistants à la messe du jeudi à Saint-Jean, n’avaient pas lassé sa patience, ni épuisé sa bonté. Il accepta d’ouvrir, de ses propres mains, la chapelle de Notre-Dame et de restituer à ce peuple, qu’il voyait si attaché à ses vieilles croyances, le trône et l’image de sa divine Protectrice. On ne connut que la veille, dans l’après-midi, par des affiches placardées au coin des rues et par un mandement du cardinal Fesch, les intentions du pape et le programme de la fête. Tout fut prêt néanmoins, et plus de cent mille spectateurs, groupés sur la montagne, disséminés sur les quais, sur le pont Tilsitt, aux terrasses de la Croix-Rousse comme aux balcons de la place Bellecour, au bruit des canons de l’arsenal, des fanfares militaires, du carillon des cloches, s’inclinèrent et prièrent, lorsque le vicaire du Christ franchissant, le premier, le seuil du temple réconcilié, réveilla sous ses antiques voûtes les échos de ses gloires et bénit toutes les espérances de ses destinées nouvelles. Sa joie et sa consolation dépassèrent ce qu’il est possible d’imaginer ; il l’exprimait par cet unique mot vingt fois répété : Bello ! Bello ! et pour son vœu suprême, il emprunta au Créateur même, dans la Genèse, la formule de tous les progrès et de toutes les fécondités, pour la ville qu’il venait de consacrer à Marie : Crescite et multiplicamini.

Lyon n’oublia pas cette condescendance du saint Pontife : aux heures sombres de sa détresse et de sa captivité, nulle part la tristesse ne fut plus grande qu’à l’ombre de Fourvière, ni les fidélités plus courageuses. Après la délivrance du prisonnier de Savone et de Fontainebleau, une hospitalière de l’Hôtel-Dieu, interprète du sentiment commun, offrit une cloche, comme ex-voto de ce miracle tant désiré, et pour sonner à perpétuité le triomphe de la papauté.

Une plaque demi-circulaire, en marbre noir, avait été déjà placée sur la porte principale d’entrée, afin de commémorer ces impérissables souvenirs, dans l’inscription suivante :

D. O. M.
hoc sacellum cultui
b. mariæ virg. deiparæ
s. s. d. n. papa pius vii restituit
ipsemet sacra celebravit
indulgentiis plenariss et quotidinanis illud ditavit
die xix apr. anno domini mdcccv

Le xixe siècle fut, pour Fourvière, une période d’épanouissement exceptionnel et de prospérité de plus en plus croissante. Il n’y eut pas un événement de la vie lyonnaise, qui n’eût là-haut sa répercussion et qui n’y provoquât des témoignages de confiance ou de gratitude, des manifestations grandioses et inoubliables en l’honneur de Celle qu’on n’invoque jamais en vain. Aussi bien l’histoire universelle de la ville se transforme en histoire même de ce sanctuaire privilégié ; les joies et les épreuves de sa population, ses disgrâces aussi bien que les coups heureux du sort, revers, crises commerciales, catastrophes ou victoires y furent inscrits, sur les murailles et sur les dalles, en signes ineffaçables et touchants.

De cette quantité innombrable de faits publics et privés, où l’édification aurait tant à glaner et le patriotisme tant à retenir, l’espace nous manque, même pour établir la simple nomenclature des plus importants. Un choix discret s’impose, et cependant notre plume demeure embarrassée devant ce qu’il est bon de retenir et devant ce qu’elle peut omettre. Jadis, du haut en bas de l’ancienne église, de la voûte au pavé, jusque dans le moindre recoin, le plus obscur et le plus dissimulé, les murailles étaient tapissées de peintures, de gravures, d’emblèmes, de devises, d’invocations versifiées, brodées à l’aiguille, de plaques de marbre, chargées d’inscriptions, signalant un bienfait, une grâce obtenue, un danger conjuré, une neuvaine exaucée, une guérison inespérée, un mariage conclu, une vocation affermie, en un mot, dans les mille surprises de l’existence, l’opportune intervention d’une puissance maternelle, attentive aux maux et aux désirs de ses clients. Dans cette variété de souvenirs, de représentations naïves, le goût esthétique n’était pas toujours aussi respecté que des yeux délicats l’eussent désiré, mais quelle belle et suggestive parure pour ce temple, où affluent tant d’inconsolables douleurs, où tant d’inlassables espérances se réfugient et se raniment ! Cette collection d’images parlantes, ces cadres de toute dimension et de tout style, ce dépôt de béquilles vermoulues avaient un air si touchant, si peu conventionnel ; ils inspiraient tant de confiance ; ils rappelaient, avec tant d’à-propos et de clarté, aux visiteurs agenouillés ceux qui les avaient précédés, avec les mêmes angoisses au Cœur et la même prière sur les lèvres, que je me prends à regretter le choix sévère qui a exécuté, dans cette galerie pittoresque, des coupes sombres, et l’a réduite à une régularité plus décorative sans doute, mais à coup sûr moins originale. Elle constituait une espèce de musée historique ; chacune de ses pièces principales évoquait une date fameuse, un événement célèbre, un éclatant prodige, dans les fastes de la dévotion mariale à Lyon. Aussi bien, en citant quelques-unes de celles, qui sont demeurées en place, et qui n’ont pas cessé de piquer la curiosité des pèlerins, notre dessein sera rempli et, chronologiquement au moins, nous aurons résumé les annales de Fourvière, pour leur plus grande partie moderne.

La première de ces toiles votives a été accrochée par les religieuses de l’Hôtel-Dieu, en 1805 ; elle fut l’exécution d’une promesse, faite dans une des journées les plus affreuses du siège de 1793. Le 24 août, un boulet, lancé par les batteries de la Convention, tomba sur la voûte d’une des salles, encombrée de lits. L’affolement fut au comble : malades et infirmières, d’un commun élan, appelèrent Marie à leur aide. Lorsque, le danger passé, les lieux évacués dans un déménagement sommaire, on reconnut que la peur l’avait emporté sur le mal, il n’y eut qu’une voix pour remercier la céleste libératrice.

En 1817, les prêtres du diocèse, assemblés pour la première fois, je pense, depuis le Concordat, en retraite pastorale, proposèrent de clôturer, à Fourvière, ces saints exercices. Ils y vinrent en procession, du séminaire de la Croix-Pâquet, consacrer leurs résolutions et leur ministère à la plus aimable des Reines. Les résultats de cette innovation furent si consolants qu’elle passa immédiatement en loi, et on songea qu’il serait bon d’en attester la date par une marque durable. Sur la bordure du tableau, offert par les membres de cette réunion, on grava l’inscription suivante :

Clerus diœcesis lugdunensis pro religione, Rege et patria supplex.

Voici un autre cadre de dimension plus modeste, mais où l’on reconnaît, sans hésitation, la scène que l’artiste, plus sincère qu’habile, a tenté de représenter : la Saône, charriant à pleins bords d’énormes glaçons, et un infortuné marinier, accroché à l’un d’entre eux, transi et paralysé de froid, entraîné et roulé par le courant, à chaque minute et par chaque flot menacé d’être englouti. Lyon n’oublia pas de longtemps ce tragique spectacle. C’était un peu avant midi, le 9 janvier 1820, que la débâcle avait commencé ; des milliers de spectateurs avaient vu Pierre Guérin, au milieu du fleuve, descendre du Pont de Pierre jusqu’en aval du Pont d’Ainay, serrant entre ses bras le bloc flottant, qui le retenait au-dessus de l’eau. Cent fois on le crut submergé ; cent fois il reparut, sans que personne n’osât lui porter secours. Au moment où l’on put enfin le saisir et le retirer, près de la Quarantaine, il avait perdu connaissance et ses habits ne formaient plus qu’une épaisse couche de glace. Lorsqu’il rendit son vœu à Notre-Dame, une foule compacte monta avec lui et assista à la messe d’action de grâces qu’il avait commandée. Sa reconnaissance ne le rendit pas moins populaire que le malheur auquel il avait échappé contre toute probabilité.

Vœu de Mgr de Pins.

Deux fois, à trois ans d’intervalle, en 1832 et en 1835, le choléra, importé des Indes, vola de Marseille à Paris et, de ville en ville, répandit partout la terreur sur son passage. Lyon, par sa situation géographique, semblait naturellement un des endroits les plus exposés au fléau ; la Provence et les départements méridionaux lui envoyaient des émigrants et leur affluence accroissait les chances de péril et les folles terreurs des imaginations, surexcitées par les plus noirs récits. Les exemples du passé se représentèrent à toutes les mémoires ; on se mit en prières ; on annonça des neuvaines ; on organisa des processions ; il y eut à Fourvière des supplications solennelles ; l’archevêque prit la tête des cortèges et n’eut pas besoin du reste de stimuler une confiance qui était au fond de toutes les âmes. L’élan à l’autel de la Mère de Dieu, de Celle que chantent ses litanies sous le vocable de Salus Infirmorum, fut universel, spontané, merveilleux d’entente et de foi. La réponse, en retour, ne fut pas moins gracieuse que la prière avait été fervente. L’avocate, que nos concitoyens s’étaient choisie, obtint de la Providence que leurs demeures et leur vie fussent préservées du microbe pestilentiel.

Mgr de Pins, dans un mandement d’une éloquence émue, daté du 20 décembre 1832, le déclarait par des paroles formelles, qui ne soulevèrent aucune contradiction.

« Marie, écrivait-il, s’est présentée devant le trône de son Fils, afin de lui demander grâce pour nous. Le glaive de la justice de Dieu, qui étincelait déjà sur nos têtes, est rentré dans le fourreau : l’ange exterminateur a reçu l’ordre de nous épargner ; et le fléau terrible, qui nous enveloppait de toute part, a rapidement traversé ce vaste diocèse, sans oser frapper aucun de ceux qui l’habitent. »

Mais la condition des pauvres humains est de n’échapper à un mal que pour tomber dans un autre ; indemnes de l’épidémie, nos pères furent victimes d’une inondation qui causa beaucoup de ruines et plus de misères encore. Le Rhône, ayant envahi les plaines des Brotteaux et de la Guillotière, et la Saône, débordée en même temps, rejoignirent leurs eaux dans l’église de la Charité ; on ne compta bientôt plus les maisons emportées, les ménages sans asile et sans mobilier, les ouvriers en chômage. Les dévouements furent héroïques et les sauveteurs au-dessus de tout éloge. La religion inspira les uns et soutint les autres et, comme en plus d’un cas, la protection de Marie avait été sensible, on lui voua un tableau, payé par souscription publique et inauguré le 23 avril 1843.

Il n’est pas jusqu’aux émeutes, qui ont ensanglanté nos places, et aux tristes guerres civiles, qui n’aient provoqué, de la part du peuple lyonnais, envers leur inlassable Protectrice, des hommages et des appels à sa pitié et qui ne lui aient valu cette assistance miséricordieuse, sur laquelle il compte, même dans l’égarement de luttes fratricides.

Jetez plutôt les yeux sur le mur, qui sert d’appui à l’autel du Sacré-Cœur, et lisez l’inscription du tableau qui y est suspendu :

les locataires de la maison
brunet en action de grâces
le 12 avril 1834

Qui ne connaît la maison Brunet, aux trois cent soixante-cinq fenêtres, sur le versant des Chartreux, face aux anciens Carmes déchaussés ? Dans l’insurrection d’avril 1834, ses habitants traversèrent une heure de violente angoisse. Un coup de feu, parti, disait-on, d’un de ses étages, avait tué raide un lieutenant, qui surveillait quelques pièces de canon, rangées sur la terrasse des missionnaires. L’ordre est aussitôt donné de bombarder l’immeuble et une première décharge jette l’épouvante parmi les femmes et les enfants, qui fuient en poussant d’horribles cris. C’est à ce moment que M. le curé de Saint-Bruno intervient et, à force de raison et d’instances, il finit par convaincre le chef du détachement qu’il se trompe sur l’endroit, d’où la balle meurtrière a été tirée, et lui demande grâce pour ses paroissiens innocents. Le feu fut suspendu et, quand M. Pousset en porta la nouvelle à ces gens affolés, il fut acclamé comme un sauveur ; on se précipitait à genoux pour lui baiser la soutane et les mains.

Il désira cependant que le tribut de cette gratitude si profonde fut adressé, non pas à sa personne, mais à la Vierge de Fourvière, qui avait inspiré sa démarche, soutenu son courage et sa voix, fléchi ses interlocuteurs. La toile pittoresque, qu’il déposa, dans son sanctuaire, accompagné de toutes les familles sauvées, perpétue la joie du troupeau et l’humilité du pasteur.

Aussi bien, dans le développement du culte, exercé sur la sainte colline, la douleur s’est montrée une plus entreprenante et plus hardie ouvrière que la prospérité ou la joie. N’est-ce pas d’elle, soulevée par un amour que la plus cruelle des épreuves rendait d’une prophétique clairvoyance, n’est-ce pas de ses pleurs, de ses angoisses patriotiques, de ses déchirements après le désastre, qu’est sorti le plus magnifique, le plus émouvant des ex-voto, je veux dire la basilique neuve, tout étincelante de la blancheur de ses marbres et de l’or de ses mosaïques ? Il me reste, pour achever ma tâche d’historien, à rechercher comment cette œuvre a été conçue et proposée, à nommer ses patrons, à relever les principales étapes, qui l’ont conduite à une perfection, qui ne cesse d’être l’objet de l’admiration universelle.

L’année terrible de 1870 imposait à notre pays de sanglantes défaites et de violentes expiations. Nos provinces envahies, nos armées prisonnières, le trône impérial effondré, un gouvernement improvisé sous la poussée des révolutionnaires parisiens, tant de maux et tant de deuils, où l’on n’avait pas de peine à entrevoir le châtiment d’une Justice lassée par trop de crimes, rendirent au sentiment religieux sa vivacité, et la prière s’échappa des cœurs les plus secs avec des accents et une ardeur qu’on ne lui connaissait plus.

Notre ville, si éloignée qu’elle fût des premiers champs de bataille, craignit bientôt l’approche de l’ennemi ; un grand nombre des plus riches familles l’avaient abandonnée pour se réfugier en Suisse ; l’Hôtel de ville, dont le beffroi était déshonoré par le drapeau rouge, était tombé au pouvoir d’une faction dépendante des pires clubs ; des émeutes éclataient à propos de rien ; des bandes de gardes-nationaux perquisitionnaient sans mandat, et, dans la soirée du 4 septembre, des couvents avaient été livrés au pillage et d’inoffensifs religieux jetés en prison avec le préfet du Rhône. Six semaines de ce régime avaient usé la patience des plus dévoués et des plus honnêtes parmi les citoyens ; les mères, dont les fils bivouaquaient sous les murs de Metz ou de Belfort, dans les bataillons de mobiles occupant la Côte-d’Or ou la Franche-Comté, souffraient un martyre dont elles étaient, seules, capables de mesurer l’étendue. Les nouvelles les plus alarmantes, les plus invraisemblables, se colportaient et grossissaient de bouche en bouche, de journal à journal. On ne recueillait que des bruits de trahison, de départements rançonnés, d’otages fusillés, de Bavarois et de Saxons s’avançant par les vallées de la Saône et du Doubs et prêts à forcer nos portes.

Une pareille infortune appelle d’elle-même la pitié divine ; on songea à se la rendre plus favorable encore, en ayant recours à la plus compatissante des mères, en l’implorant sur la montagne bénie d’où ses grâces étaient toujours descendues. Ce qu’on n’avait pas osé tenter, dans d’autres temps prospères et calmes, on décida de l’exécuter sous le coup de ces effrayantes calamités. Le pieux désir, qui flottait depuis longtemps dans l’opinion, encore hésitante et mal en point, agréé par une immense majorité, soudainement gagnée et retournée, devint une condition formelle de salut et d’espoir. On rédigea l’engagement sommaire, pour chacun, de concourir à la construction d’un nouveau sanctuaire à Fourvière si la Très-Sainte Vierge préservait de l’invasion la ville et le diocèse, et on le jeta dans la circulation, sur de petites feuilles imprimées, qui se couvrirent, instantanément, de milliers de signatures.

Mgr Ginoulhiac, qui avait pris possession de son siège, le mois précédent, après que, sous le canon de Frœschviller et de Reischoffen, furent tombées nos ambitieuses illusions, entendit, dès le 12 septembre, la communication de ce projet ; il l’approuva sans réserve et fit sienne la parole d’un des assistants : « Mgr, il serait beau de poser la première pierre du nouveau sanctuaire, le jour où le dernier soldat prussien quitterait le sol français. »

Le samedi 8 octobre l’archevêque célébra la messe au maître-autel de la chapelle, devant une multitude de catholiques appartenant à tous les rangs de la société, et il prononça d’une voix haute la formule du vœu qui demandait la délivrance et la paix. Le traité de Francfort fut signé, le 1er mars 1871. Malgré des ordres trois fois répétés, les Prussiens n’avaient pas eu le temps de pénétrer dans le département du Rhône. Les Lyonnais, dès qu’un peu de calme fut rétabli, et malgré les incertitudes et les divisions politiques, se mirent en mesure de tenir leur engagement.

Depuis de longues années, la question préoccupait l’opinion, sans que jamais la solution eût été jugée suffisamment mûrie et débarrassée d’insurmontables objections. On se rappelle qu’en 1832, après le choléra-morbus, Mgr de Pins l’avait officiellement posée, pour la première fois, dans sa Lettre pastorale ; il avait même, un peu plus tard, demandé des plans à l’architecte Chenavard, qui les avait exécutés et les lui avait remis ; mais ils n’étaient pas sortis des cartons. En 1844, M. Bossan fut chargé de l’entretien et des réparations du vieil édifice ; la mission n’avait qu’un intérêt assez médiocre, mais, sans le deviner, le cardinal de Bonald venait de découvrir et de nommer le futur maître de l’œuvre à créer. Le jeune artiste part pour l’Italie, visite la Sicile, séjourne à Rome ; dans son éloignement toutefois l’idée de la reconstruction de Fourvière hante son cerveau et lui apparaît de plus en plus comme le rêve de sa vie et de son talent. De son propre mouvement, sans mandat, en pleine ignorance de l’avenir, il conçoit un plan, en trace les lignes, en dessine les ornements et les figures ; et, rentré à Lyon, en 1852, il présente à ses amis son travail solitaire et leur souffle un peu de sa flamme sacrée. Le curé d’Ars, qu’il visite, bénit ses crayons et dégage sa conscience de ses doutes ; plus que jamais il s’enthousiasme de son rêve ; c’est le fond de ses méditations et le pain de ses veilles ; la Bible à la main, il nourrit son esprit d’un symbolisme fécond et il s’encourage à toutes les audaces et à toutes les hardiesses par sa piété envers la femme, pleine de grâces, qu’il désire glorifier. Nul concurrent ne lui disputera l’honneur qu’il a si légitimement conquis ; il sera l’architecte du nouveau Fourvière ; dès le mois de mars 1866, après une exposition publique qu’il organisa dans la salle des Pas-Perdus du palais archiépiscopal, son titre et ses droits avaient été consacrés par les suffrages les plus enviés. Que l’heure providentielle sonne, au milieu des glas de la France qui agonise, ses mains bâtiront la Sainte Sion, comme il se plaît à dire ; elles dresseront la forteresse inexpugnable, défense mystique et immortelle de la cité couchée à ses pieds ; elles écriront sur la pierre, des ombres de la crypte au faîte des tours, un des plus splendides poèmes, qui aient été chantés à la gloire de la pureté, de la virginité et de la force de la Mère Immaculée, bénie par toutes les mères.

Le terrain, destiné à recevoir le monument contigu à la vieille nef gothique de
Intérieur de la nouvelle basilique.
Saint-Thomas, fut bénit le 3 avril 1872, le jour de la fête renvoyée de l’Annonciation. La pose solennelle de la première pierre s’accomplit le 7 décembre de la même année. L’archevêque présidait la cérémonie, entouré du chapitre métropolitain, des chapelains, ayant à leur tête leur recteur, M. l’abbé Pater, et des membres de la commission administrative, qui, depuis vingt ans, n’avait ménagé, ni ses démarches, ni sa peine.

Le 2 juin 1884, lundi de la Pentecôte, le cardinal Caverot, dont le zèle n’avait jamais faibli et qui devait, dans son testament, montrer ses sympathies par un don important, scella la dernière pierre du gros œuvre, c’est-à-dire la croix qui surmonte la façade principale. Il reçut des mains de M. Sainte-Marie Perrin, le disciple préféré de Pierre Bossan, qu’il avait remplacé dans la conduite et la surveillance des travaux, la truelle d’argent et le ciment à jeter dans la cavité. Une inscription composée par le savant épigraphiste, M. Alphonse de Boissieu, perpétue ce souvenir. En voici les lignes finales :

iv • non • junii • an • mdccclxxxiv
em • et • rev • cardinalis
lud • mar • ios • eus • caverot
hanc • lapideam • crucem
operis • exitum
in • fastigio • frontis
firmavit • et • benedixit

Six années s’écoulèrent encore, avant qu’il fût possible d’installer le culte dans l’enceinte supérieure ; dès qu’elle avait été accessible, on s’était empressé d’user de la crypte. Le chantier cependant ne fut jamais arrêté ; mais, à chaque exercice, on n’engageait la dépense qu’à proportion du résultat escompté des souscriptions et des quêtes. Le premier élan avait dépassé les prévisions les plus optimistes : la persévérance des donateurs ne fut pas moins digne d’éloge ; la longueur de la tâche ne lassa pas leur patience et les sommes absorbées n’ont pas épuisé leur générosité ; au dixième million, volontairement sorti des bourses les plus médiocres comme des plus riches, chacun a de quoi juger comment les Lyonnais savent tenir leur parole.

Le 1er mai 1890, le cardinal Foulon célébrait la première messe à l’autel majeur, malgré que les échafaudages fussent encore dressés et que les toiles, abritant les ateliers aériens des sculpteurs et des mosaïstes, n’aient pas été enlevées. Il espérait lui-même présider la prise de possession officielle, avec l’accompagnement des pompes liturgiques, à bref délai. Il l’annonça aux fidèles, dans son mandement pour le carême de 1891, un des plus savants et des plus touchants de ceux que sa plume écrivait avec une élégance si naturelle et une si ferme éloquence. Mais une mort prématurée lui ravit cet honneur ; il échut à son successeur, le pieux et éminent cardinal Coullié, héritier non seulement de sa crosse primatiale, mais surtout de ses sentiments paternels et bienveillants pour l’œuvre de Fourvière, la plus haute et la plus belle de leur double épiscopat.

Cette consécration, si vivement désirée, avec ses rites solennels, le déploiement des pompes liturgiques et pontificales, sous les rayons resplendissants d’un beau soleil d’été, s’accomplit le 16 juin 1896, en l’année du quatorzième centenaire de la vocation de la France chrétienne et du baptême de Clovis. Quatre archevêques, dix-neuf évêques, trois abbés mitrés entouraient S. E. le cardinal Richard, archevêque de Paris, auquel avait été déférée, à cause de sa pourpre et de son grand âge, la présidence honoraire. On comptait plus de 800 prêtres, en mozette ou en surplis, et la foule n’avait jamais été aussi compacte sur la montagne des Martyrs. Le recueillement fut aussi profond que l’enthousiasme fut grand ; on ne pria pas moins au dehors de la basilique qu’au dedans. Et à l’issue de la messe, chantée par Mgr Gouthe-Soulard, archevêque d’Aix, ancien curé de Saint-Pierre-de-Vaise, lorsque, au sommet du perron, les vingt-sept prélats, mitre en tête, appuyés sur leur crosse d’or, levèrent leur main pour bénir, lorsque à la formule latine du rituel répondirent les Vivats, échappés à ces vingt mille poitrines, vibrantes dans l’unisson de leur foi triomphante, le spectateur le plus froid put se demander s’il verrait désormais, sur la terre, une scène plus grandiose et plus auguste. On eut la réplique des fêtes de la dédicace dans celles du couronnement ; comme les premières, ces secondes prolongèrent, pendant trois jours, l’éclat de leur majesté et de leur édification. Aux offices sacrés, qui déroulaient l’idéale et mystérieuse beauté de leurs évolutions, la musique, l’éloquence, la poésie associèrent leur pouvoir et leur charme et, sur cette terre si abondante en miracles, elles parurent ravir au ciel ses concerts et ses joies.

Maître-autel de la crypte.

Le bref papal, accordant l’insigne privilège dans les conditions proposées, avait été reçu avec les transports de la plus vive allégresse. Le cœur de Léon XIII s’y épanchait en des termes d’une extrême délicatesse, qui fut filialement goûtée.

« Que la très douce Mère de Dieu et des hommes, disait-il, invoquée dans ces pieuses solennités, regarde avec clémence sa ville de Lyon et la France entière. » Utinam Dei Mater et hominum benignissima, piis hisce officiis exorata, Lugdunum suum Galliamque universam respiciat clemens. « Qu’au déclin de ce siècle elle mette le comble aux éclatants bienfaits qu’elle a répandus sur votre patrie et fasse refleurir de toutes parts la dignité de la foi chrétienne. »

Domaine de Notre-Dame, fief de la plus aimable des suzeraines, la cité lyonnaise acheva donc de s’approprier ce titre, auquel tant de siècles l’avaient prédestinée, dans l’inoubliable journée du samedi 8 septembre 1900. Le diadème, étincelant de pierreries, de diamants, d’émeraudes, de rubis, sortis des écrins et des parures de famille, était le double symbole de la royauté qu’elle acclamait et de la perpétuelle fidélité dont elle renouvelait l’engagement.

Dès l’aube, des messes se célébrèrent sans interruption, à tous les autels de la basilique et de l’ancienne chapelle. À 7 heures, le cardinal Perraud commence la sienne, devant les délégués officiels des paroisses ; il reçoit la formule du vœu traditionnel de 1643, avec l’hommage du cierge et de l’écu d’or, promis par le prévôt et les échevins. À dix heures l’office pontifical est chanté à la Primatiale de Saint-Jean et on a dit que ce fut le plus beau du siècle.

Tout eût été parfait, tout eût été à louer dans la cérémonie de l’après-midi, si le temps, menaçant dès le matin, ne s’était gâté tout à fait et si la pluie ne fût tombée à torrents, au moment où s’organisait le cortège processionnel. On se résigne néanmoins ; les prélats font leur entrée par une porte latérale, et viennent occuper leurs sièges au chœur, où l’ordre et le recueillement se rétablissent instantanément. Leur groupement est superbe ; il comprend trois cardinaux, leurs Éminences Coullié, Langénieux, Perraud ; cinq archevêques. Nosseigneurs Ardin de Sens, Hautin de Chambéry, Servonnet de Bourges, Germain de Toulouse, Montély de Bérithe ; vingt-deux évêques et quatre abbés mitres. Le sermon est prononcé par Mgr de Cabrières, évêque de Montpellier avec une âme et une éloquence que les années n’ont pas refroidie. On lit un télégramme du cardinal Rampolla, annonçant que Sa Sainteté Léon XIII envoie sa bénédiction « avec effusion de cœur ». On entonne enfin les prières liturgiques du couronnement.

On a pensé qu’il convenait d’unir et d’auréoler, en même temps, d’un geste identique, les deux statues, celle si populaire de la chapelle du xiie siècle, priée par tant de générations, qui se sont succédé à ses pieds, et celle de la basilique, œuvre belle et pure du ciseau chrétien de Millefault.

Le cardinal Langénieux accomplit le premier couronnement ; l’archevêque de Lyon, pendant le chant du Salve Regina, procède au second. C’est au moment où l’on prononce les paroles de l’antienne sacrée : Advocata nostra, que ses mains abaissent lentement sur le front de la Vierge-Mère le plus superbe joyau qu’aucune impératrice ait porté. L’émotion est à son comble ; un courant magnétique secoue cette multitude priante d’un frisson général ; des larmes coulent de tous les yeux ; et je me demande encore comment le silence a été gardé et comment, de toutes parts, les acclamations, montées au bord de toutes ces bouches frémissantes, n’ont pas éclaté dans un soudain et irrésistible entraînement.

Malgré l’incertitude persistante d’un ciel, dont les nuages n’étaient pas tous dissipés, on se disposa à se rendre sous le péristyle, qui regarde la Saône, donner la bénédiction du Saint-Sacrement. Comme chaque année, au coup de six heures, le cardinal éleva l’ostensoir d’or, au-dessus de son peuple, agenouillé sur les quais, les ponts et la place Bellecour et il traça, sur les têtes inclinées, le signe de la croix, qui met en fuite les démons, le péché et la douleur. À la nuit tombée, la colline s’illumine soudain comme au soir du 8 décembre, les flammes de bengale embrasent son clocher de leurs feux verts et rouges, des lampes électriques dessinent le contour des deux édifices et on lit en lettres étincelantes la devise par excellence, résumé de la fête, des sentiments qu’elle inspire, des espérances qu’elle consacre :

lyon à marie

En épilogue de ce chapitre, dont l’importance excuserait la longueur, s’il était nécessaire, nous demandons d’ajouter la description de la basilique elle-même et l’explication du symbolisme de ses principales parties.

Le monument, suivant la tradition, est orienté ; son abside reçoit les premiers rayons du soleil.

La puissance est le caractère de son architecture extérieure. Quatre tours polygonales limitent l’enceinte, et déterminent l’énergique physionomie de la basilique. Les deux tours occidentales, sur la façade principale, encadrent un large portique couronné d’une galerie, que surmonte le fronton des grands combles. Quatre colonnes cannelées et polies supportent élégamment cette architecture. Ces beaux monolithes granitiques de huit mètres de hauteur se dressent sur des socles de même matière, enrichis de têtes de lions ; leurs chapiteaux en acanthes sont également fouillés dans le granit.

La galerie, superposée au porche, est décorée de huit anges-cariatides modelés par M. Millefaud.

Dans le fronton supérieur se déploie une composition monumentale qui ne mesure pas moins de 20 mètres de développement. Dans une niche centrale, à fond d’or, la Sainte-Vierge Protectrice est assise sur un trône : à ses pieds, le Lion, emblème de la cité, fier et tranquille se repose ; debout sur les genoux de la Divine Mère, l’Enfant Jésus étend ses petites mains pour accueillir et bénir les supplications adressées à Notre-Dame. À droite de la Vierge, le vœu de 1643, à gauche le vœu de 1870. Le premier de ces vœux est exprimé par le prévôt des marchands et les quatre échevins agenouillés et suppliants. Derrière eux, un pauvre pestiféré consolé par un ange caractérise la scène.

Pour rattacher à ces grands exemples du passé les nobles dévouements du présent, on a cherché à donner aux magistrats de 1643 les physionomies des présidents de la Commission de Fourvière depuis son origine : c’est d’abord Paul Brac de la Perrière qui offre l’écu d’or, puis, Alphonse de Boissieu qui tient dans ses mains le cierge votif, puis Prosper Dugas, puis Frapet, qui présidait la première séance en 1852, et enfin le sénateur Lucien Brun, successeur de Brac de la Perrière, et Président en exercice au moment où s’exécutait le bas-relief colossal. Un autre admirable ouvrier de Fourvière, qui ne pouvait être oublié dans cette glorieuse assemblée, se cache humblement dans le rôle du pestiféré, c’est Joannès Blanchon.

Le vœu de 1870 est exprimé par la série des archevêques de Lyon qui ont accordé leur haut patronage à l’œuvre de Fourvière. À l’extrémité de la composition un ange gardien défend une porte ouverte. Vient ensuite un groupe de deux figures, c’est le cardinal de Bonald, qui présente à la Sainte Vierge l’architecte de la basilique, Pierre Bossan. Le maître de l’œuvre déroule le plan de l’édifice. Mgr Ginoulhiac indique par son geste que telle est la chapelle promise, le 8 octobre 1870. Le cardinal Caverot porte dans ses mains le ciborium élevé grâce à ses dons magnifiques. Le cardinal Foulon s’appuie sur sa crosse archiépiscopale, c’est lui qui, le premier, a officié dans la nouvelle chapelle encore encombrée d’échafaudages. Enfin, agenouillé au pied du trône, Mgr Coullié, depuis cardinal, présente à Marie la basilique consacrée sous son glorieux pontifical. Les personnages de cette composition grandiose, due au ciseau de M. Dufraine, mesurent 3 mètres de stature.

L’Assomption, par Dufraisne (D’après un cliché de M. L. Bégule).

Après avoir franchi le porche, on pénètre dans la basilique par la porte de bronze. — Quel éblouissement ! quelle splendeur ! C’est une fête aux yeux, c’est la maison d’or de la plus pure des Vierges. Instinctivement le regard s’élève et se promène sur les voûtes scintillantes des ors de la mosaïque. Ce vélum tout frissonnant de lumière repose sur les colonnes élégantes qui divisent le vaisseau en trois nefs, sur sa largeur, en trois travées sur sa longueur. Mais le visiteur est à peine impressionné par cette subdivision architecturale. Si légers sont les points d’appui que d’un mur à l’autre un grand espace plein d’air, de soleil et de vie, s’étend pour vous éblouir et vous charmer. Les colonnes sont de marbre gris-bleu de la Haute-Savoie ; elles se dressent sur de très hauts socles en marbre de Carrare, précieusement sculptés. Des anges debout prolongent la ligne verticale des colonnes jusqu’au départ des arcs-doubleaux, tracés en ogive. Remarquons ici que tous les arcs de ce vaisseau sont tracés en ogive. Cette forme est empruntée à l’architecture du moyen âge. Les colonnes, leurs bases, leurs chapiteaux appartiennent au contraire par leurs proportions relatives, par les détails de leur ornementation, par leur physionomie, à l’architecture antique, et c’est de ces deux sources, l’antique et le moyen âge, qu’est né Fourvière. Cette observation nous paraît ici nécessaire ; elle jettera quelque lumière dans l’esprit du visiteur.

Si, de l’église supérieure, on passe dans la crypte, une impression étrange vous arrête. Après l’éblouissement des immenses verrières, des mosaïques d’or et d’émaux, une demi-obscurité mystérieuse vous enveloppe soudain, on se découvre, on se tait : c’est bien là un sanctuaire. Des colonnes accouplées, trapues, portent solidement assise sur de vastes tailloirs une voûte surbaissée. Des fenêtres rares et relativement étroites distribuent une lumière pauvre et qui ne pénètre que discrètement derrière les énormes supports de cette architecture puissante. La crypte est inachevée, mais son ossature énergique satisfait, et l’on voudrait qu’une grande sobriété présidât au fini de ces nobles masses qu’une trop grande richesse pourrait amoindrir.

La description sommaire de notre monument serait incomplète si nous ne faisions connaître le symbolisme de sa décoration, la pensée religieuse directrice de son ordonnance.

Sculptures et mosaïques des tribunes.

Fourvière est l’acropole de la Cité, ou pour mieux dire et employer une expression biblique, c’est la Sainte Sion, de là ces tours, ces murailles, ces contreforts aux couronnements ingénieusement crénelés ; mais Fourvière est aussi la Maison d’or de Notre-Dame, de là la richesse intérieure, ses revêtements de marbres, d’ors et d’émaux, cette ornementation chantante qui proclame la pureté, la beauté, et la virginité d’une femme pleine de grâce, bénie par dessus toutes les femmes.

Au dehors sont réservés les motifs empruntés à l’Ancien Testament. Les parois des grandes murailles renferment dans leurs saillies grossières toute l’histoire biblique. Nous y verrons les Rébecca, les Rachel, les Judith, les Esther, figures charmantes, aurores de la Vierge promise. Au dedans nous rencontrerons les réalités vivantes de l’Évangile. La crypte est consacrée à saint Joseph, ses sept autels donneront dans leurs rétables la vie du saint Patriarche : les Épousailles d’abord, puis l’Adoration des bergers, la Présentation au Temple, la Fuite en Égypte, l’Atelier de Nazareth, le Recouvrement au Temple, et enfin à l’autel majeur, la Mort de saint Joseph.

Dans l’église supérieure, le grand autel est consacré à l’Immaculée-Conception et les huit autels de la nef aux mystères de la vie de la Sainte Vierge : la Nativité de Notre-Dame, la Présentation au Temple, l’Annonciation, la Visitation, les Noces de Cana, le Calvaire, la Pentecôte, l’Assomption.

De grandes compositions en mosaïques enrichissent les surfaces des voûtes et des murs, et complètent l’histoire transcendante de la Mère de Dieu. Dans les trois coupoles de la nef, c’est la Sainte Vierge et la Sainte-Trinité, œuvre de Gaspard Poucet. Dans la nef de l’Évangile nous verrons la Sainte Vierge et l’Église : Le concile d’Éphèse et la maternité divine (en projet) ; — Le Rosaire, saint Pie V et la Victoire de Lépante ; — Pie IX et l’Immaculée-Conception proclamée. Du côté de l’Épître la Sainte Vierge et la France : saint Pothin apporte à Lugdunum le christianisme et le culte de Marie (en projet) ; — Le rosaire, saint Dominique et l’hérésie albigeoise (en projet) ; — Louis XIII et la France consacrée à Marie. Ces six panneaux sont l’œuvre de M. Lameire.

Mosaïques supérieures.

Après avoir indiqué ces grandes lignes de la décoration symbolique ou historique, il conviendrait d’entrer dans le détail de l’ornementation, sculptée ou peinte, dont tous les motifs sont significatifs et portent avec eux un enseignement.

Dans le sanctuaire de la Crypte, les huit Béatitudes figurées par des anges debout entourent l’autel de saint Joseph, tandis que, foulés aux pieds, les sept péchés capitaux, figurés par des animaux, animent la mosaïque du sol avec cette inscription : Non accedet ad le malum. Dans le sanctuaire de l’église supérieure, ce sont les hérésies vaincues qui décorent le pavement du sanctuaire : Cunctas hœreses sola interemisti in universo mundo.

Les grandes verrières de la nef sont consacrées aux Royautés des litanies : c’est un magnifique ouvrage de M. Décôte.

Les verrières du chœur, dessinées par l’architecte, encadrent 28 figures de Vierges composées par Gaspard Poucet.

Signalons encore les stalles de chêne, enrichi d’incrustations d’ébène et d’ivoire, les beaux bénitiers d’onyx, les bronzes des autels latéraux, la lampe du sanctuaire, la grande table de communion en marbre de Carrare, les clôtures des petites chapelles en jaune de Sienne. Cette énumération et, les descriptions, qui la précèdent, n’épuisent, pas les richesses symboliques de l’Ex-voto monumental, mais elles donnent, croyons-nous, une idée de la splendeur de l’édifice, de son caractère, de sa physionomie, et de la pensée profondément religieuse qui a présidé à sa conception.

La reine des Prophètes, vitrail de la basilique.

Longtemps encore, Fourvière sera discuté, et nous croyons avoir indiqué la cause du désaccord, dans l’observation faite plus haut, à savoir que cette œuvre considérable est née de deux origines, qui semblent à plusieurs inconciliables : l’antique et le moyen âge. Comment oser rapprocher, pour en former un corps vivant, les formes que nous donne le mysticisme du moyen âge et celles inventées par le génie de la Grèce. La Grèce s’éprend des beautés du corps humain, et transporte dans ses temples les proportions divines qu’elle y rencontre. Le moyen âge, au contraire, oublie ces proportions, exalte son architecture, jette audacieusement ses voûtes dans l’espace, donne à la colonne un élancement prodigieux, mais conserve à sa base la délicatesse de profil, que la main peut caresser, que l’œil peut saisir et mesurer, et si la proportion du corps humain est abandonnée, l’homme lui-même devient l’échelle du monument, de telle sorte que « le spectateur, trouvant partout un point de comparaison avec lui-même, sent toujours sa petitesse devant la grandeur de l’ensemble ».

Si tel est le contraste que présentent ces deux grandes époques de l’art, on jugera plus qu’audacieuse la tentative de Bossan. Certes, si l’architecte se fut contenté de prendre
Stalles sculptées du chœur.

ici et là les éléments de sa composition, il eût, à coup sûr, obtenu une œuvre singulière, mais incohérente, il eût créé un monstre, comme on en rencontre quelquefois dans certains écarts inexpliqués de la nature. Mais Bossan n’ignore pas la grande loi, la loi inexorable de toute œuvre d’art : l’unité. Son âme profondément chrétienne veut donner à sa conception à la fois l’exaltation religieuse, dont le moyen âge lui présente la formule, et la pureté, l’élégance sévère que lui révèle l’architecture grecque, et il réussira dans son dessein, grâce à une adaptation qui produira l’équilibre harmonique, et par là l’unité. Les formes antiques, appelées à se marier à l’ogive, subiront des modifications notables dans leur caractère. Avant de s’unir, ces éléments d’origines si diverses ont été en quelque sorte conçus de nouveau, une seconde naissance les a fait frères. Et c’est en cela que Fourvière est une œuvre originale et traditionnelle ; mais en cela aussi Fourvière n’est pas toujours compris. Cette architecture étonne tout d’abord, elle éblouit par sa richesse, mais elle échappe aux classifications connues de l’archéologie. Cela ne ressemble à rien ! Aussi notre basilique ne provoque-t-elle le plus souvent qu’une sorte de dédain, ou quelquefois un jugement timide et réservé. Ses admirateurs sincères sont rares. — Lorsque le temps l’aura consacrée, le charme vivant qu’elle contient s’imposera et lui assurera une belle place dans l’art contemporain. — Et pourquoi ? — Parce que cela ne ressemble à rien.

BIBLIOGRAPHIE DU CHAPITRE I

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Fourvière au dix-neuvième siècle, tableau des événements principaux survenus à Lyon pendant la première moitié de ce siècle, et marques diverses de la protection de la sainte Vierge sur cette ville ; deuxième édition, revue et augmentée de la relation des fêtes célébrées pour l’inauguration de la statue de Notre-Dame ; par un serviteur de Marie [D. Meynis]. Lyon, Pélagaud, 1853, in-12, 142 p.

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Manuel du pèlerinage à Notre-Dame de Fourvières ; précédé d’une notice historique, par l’auteur de l’Esprit de la prière ; approuvé par Mgr de Serres, troisième édition. Lyon, Gauthier, 1868, in-32, 288 p.

Notice sur la confrérie de Notre-Dame de Fourvière ; par D. [Meynis], auteur des Grands souvenirs de l’église de Lyon. Lyon, J.-B. Pélagaud, 1869, in-24, 48 p.

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