Histoire des églises et chapelles de Lyon/Sainte-Blandine

H. Lardanchet (tome Ip. 311-316).

SAINTE-BLANDINE

En 1841, l’autorité ecclésiastique songea à évangéliser plus fructueusement la presqu’île Perrache, où certains habitants logeaient dans de véritables cabanes et menaient une vie presque nomade. On considéra la création d’une paroisse dans cette partie de la ville, comme le premier élément civilisateur, et on y appela, comme curé, M. Dartigue, sur lequel il ne sera pas inutile de donner ici quelques notes biographiques à cause du rôle important qu’il a rempli.

Jean-Claude Dartigue, né à Lyon en 1798, fut baptisé le 18 décembre dans l’église Saint-Nizier ; il était fils d’Antoine Dartigue, honorable médecin de notre ville. Il commença ses études au petit séminaire Saint-Jean et les acheva à Verrières. En 1814, il entra au grand séminaire de Lyon, et trois ans plus tard, devint professeur au petit séminaire de la Primatiale, où il séjourna quatre années. Devenu prêtre à vingt-trois ans, il conçut le projet de se vouer aux missions étrangères, mais il trouva, de la part de ses supérieurs, une vive opposition. M. Courbon, vicaire général, voulut le nommer supérieur du séminaire Saint-Jean, mais M. Gourdiat, curé de Saint-Poly carpe, l’obtint pour vicaire ; il demeura vingt et un ans dans cette paroisse. Durant ce vicariat, qui remplit la moitié de sa carrière, M. Dartigue se fit remarquer par une réelle perspicacité et un jugement sûr. Doué d’une extrême prudence, il se montrait pourtant d’une docilité d’enfant, au point que M. Gourdiat, l’appréciant à sa valeur, l’honora d’une entière confiance, en le chargeant de l’administration paroissiale. M. Dartigue s’appliquait surtout à instruire les ouvriers et les domestiques, par des prédications réitérées.

Quand, le 29 avril 1841, il fut placé à la tête de la paroisse Sainte-Blandine, il reçut pour vicaire l’abbé Verrier, devenu depuis curé de Charly. Tout était difficile dans l’œuvre qu’il devait accomplir : point d’église, de presbytère, d’école. Un bâtiment ayant l’apparence d’un entrepôt fut loué cours Bayard, et disposé en chapelle, après avoir été bénit, le 29 août 1841, par M. Barou, vicaire général. Le presbytère se trouvait au premier étage d’une petite maison. La population se composait en grande partie d’ouvriers travaillant dans des usines de gaz de houille ou dans des brasseries : deux casernes étaient également situées à proximité. Grâce à l’exercice d’un ministère incessant et à son dévouement personnel, M. Dartigue parvint à former un noyau paroissial très satisfaisant. Son ministère à Sainte-Blandine dura vingt années, de 1841 à 1861.

Aidé de M. Terme, médecin d’un esprit distingué et d’un libéralisme intelligent, il obtint, en 1842, du conseil municipal, les allocations nécessaires pour fonder une école de garçons qu’il confia à deux Frères des Écoles chrétiennes, et une de filles dirigée par deux sœurs Saint-Charles. Au bout d’un an, quatre cents enfants fréquentaient ces nouvelles écoles. L’année suivante, il établit une salle d’asile, dirigée par les mêmes religieuses. Avant 1848, une œuvre de dames de miséricorde avait été organisée ; plus tard, une sœur reçut la mission de veiller à la distribution des secours aux familles pauvres.

En 1847, M. Dartigue conçut le dessein de construire une église pour remplacer le

local provisoire où avaient lieu les offices. Une commission fut formée pour diriger cette grande entreprise. La municipalité voyait ce projet avec faveur. De vastes terrains lui appartenant dans la presqu’île de Perrache, elle pensait qu’un tel édifice donnerait une plus-value sérieuse à ses propriétés. Un plan fut dressé et adopté par l’administration, mais il fallait un million pour l’exécuter. La commission qui avait reçu des sommes très, insuffisantes, fit creuser les fondations et amener des pierres de taille ; puis les travaux furent suspendus faute de ressources. Une députation du conseil de fabrique se rendit
sainte-blandine
auprès du maire, et obtint qu’on exécutât un projet moins grandiose, qui n’exigeait qu’une dépense de 500.000 francs. Le conseil municipal vota une allocation de 125.000 francs, que le gouvernement refusa d’approuver. La révolution de 1848 vint compliquera situation, et quinze années s’écoulèrent sans que le projet fît un pas.

M. Dartigue, qui mourut le 27 septembre 1861, laissa à son successeur le mérite d’élever l’église matérielle. Le zèle de M. Merley triompha des obstacles, mais après qu’on eût abandonné l’ancien plan. Le nouveau curé commença, en avril 1863, la construction de l’église définitive ; les plans en avaient été fournis par M. Clair Tisseur, architecte lyonnais ; toutefois la flèche, le maître-autel et la chaire sont dus à M. Malaval. Le gros œuvre de l’église fut achevé en mars 1869 ; plus tard, en 1886, l’église ayant été complètement terminée et suffisamment décorée, on procéda à la consécration de l’édifice. La cérémonie fut présidée par Mgr de La Passardière. Le cardinal Caverot composa à cette occasion une inscription latine, que le curé de Sainte-Blandine fit graver sur marbre et placer dans la petite nef de gauche ; en voici la traduction : « Cet édifice a été consacré à Notre-Seigneur Jésus-Christ, Hostie du Père céleste et prêtre éternel. Il est dédié à sainte Blandine, martyre, qui, à cause de son courage et de sa constance, mérita d’être appelée Mère des martyrs lyonnais. L’autel majeur a été érigé en l’honneur de la même Blandine, vierge et martyre, aux frais de la généreuse dame veuve Constance Limousin. Église et autel ont été consacrés, à l’époque des fêtes du jubilé, par I. F. X. Jourdan de La Passardière, évêque de Roséa et auxiliaire du cardinal Caverot, archevêque de Lyon, le 27 juin 1886, au milieu d’un immense concours de prêtres et de fidèles. »

En juillet 1891, on bénit la croix placée sur le sommet de la flèche, élevée par M. le curé Vindry, aujourd’hui vicaire général. L’ancienne église avait été achetée par M. le lieutenant Gourguin et disposée en maison d’habitation : en 1899, M. le curé Faurax obtint de ce propriétaire la croix de fer qui surmontait la chapelle provisoire, et la fit placer au fond de la grande nef de l’édifice actuel.

L’église Sainte-Blandine est un remarquable monument gothique. Dégagée de toutes parts et construite au milieu d’une vaste place, elle s’impose à l’admiration du visiteur par ses justes proportions, la pureté de ses lignes, et par la flèche élancée qui surmonte la façade. Au-dessus de la porte principale, à l’extérieur, se voit un bas-relief représentant sainte Blandine exposée dans l’amphithéâtre et respectée par les lions.

Le grand autel offert, comme on l’a dit, par madame veuve Limousin, est de marbre blanc ; il est orné d’un bas-relief : le Christ couronnant sainte Blandine et saint Pontique, tandis qu’aux deux extrémités de l’autel se tiennent l’ange de la douleur et l’ange de la paix. Les stalles ont été données à M. le curé Faurax pour ses vingt-cinq ans de prêtrise. Au fond de l’abside, décorée d’une boiserie, se voient les orgues, œuvre de Merklin, offertes par M. le curé Vindry et M. A. Descours, installées par M. le curé Nilellon. Les barrières du chœur ont été données par M. Satre ; la table de communion offerte par les vicaires de la paroisse à M. Nitellon pour ses vingt-cinq ans de prêtrise.

Les basses nefs ne contiennent chacune qu’une chapelle orientée comme le grand autel, et entourée, comme le chœur, d’une boiserie. À droite, c’est la chapelle du Sacré-Cœur, où l’autel, de marbre blanc, est surmonté de la statue du Sacré-Cœur. Contre la muraille est adossé un autre petit autel de chêne dédié à Notre-Dame de Lourdes. La chapelle est éclairée par deux vitraux séparés par un large trumeau et représentant six scènes différentes. La première verrière surmonte l’autel du Sacré-Cœur et rappelle : 1° la Naissance de Jésus ; 2° l’Adoration des mages ; 3° Jésus à douze ans conduit au temple par Marie et Joseph ; 4° Jésus au milieu des docteurs ; 5° le Baptême du Sauveur ; 6° Jésus et les enfants. L’autre vitrail domine l’autel Notre-Dame de Lourdes, et représente : 1° la Cène ; 2° l’Agonie de Jésus au jardin des Oliviers ; 3° le Portement de Croix ; 4° la Crucifixion ; 5° la Mise au tombeau ; 6° la Résurrection.

Projet non exécuté d’une église au Champ-de-Mars.

Dans la nef de gauche s’ouvre la chapelle de la sainte Vierge. L’autel de marbre blanc est surmonté de la statue de la Mère de Dieu ; contre la muraille est placé un petit autel de chêne portant une statue de saint Joseph. La chapelle est éclairée par deux vitraux ; celui qui surmonte l’autel de la Vierge représente : 1° la Naissance de Marie ; 2° Sainte Anne instruisant la sainte Vierge tandis que saint Joachim les contemple ; 3° la Présentation de Marie au temple ; 4° son Mariage ; 5° l’Annonciation ; 6° la Visitation. La seconde verrière domine l’autel Saint-Joseph et représente : 1° la Fuite en Égypte ; 2° l’Atelier de Nazareth ; 3° la Descente du Saint-Esprit sur Marie et les apôtres ; 4° la Mort de la Mère de Dieu ; 3° son Assomption ; 6° son Couronnement.

À côté de ces chapelles se voient les portes des deux sacristies qui se font vis-à-vis. Elles sont toutes deux surmontées d’un tableau : celui de droite représente l’Apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque ; celui de gauche, Notre-Dame du Rosaire. Contre les murailles des basses-nefs, à la hauteur de la chaire, se trouvent deux petits autels de chêne. Celui de droite est surmonté de la statue de sainte Blandine, les mains enchaînées, et le regard tourné vers le ciel. Tout à côté on a placé une statue du bienheureux J.-B. Vianney, curé d’Ars, offerte à M. le curé Faurax en l’honneur de ses vingt-cinq ans de ministère à Sainte-Blandine. L’autel de gauche est dédié à saint Antoine de Padoue et est surmonté de la statue du saint.

Au fond de l’église, la tribune est supportée par deux piliers et deux groupes de colonnes. Entre les piliers et les colonnes, sous une voûte, se trouve, de chaque côté, un petit autel. Celui de droite est surmonté d’une statue de Notre-Dame de Pitié ; le devant d’autel décoré d’un bas-relief représentant la couronne d’épines et les trois clous, avec ces mots : « Souvenir de la mission, 1900. » Sous la voûte de gauche, faisant vis-à-vis, se trouvent les fonts baptismaux, dont la demi-vasque est reliée à un petit édicule formant tabernacle avec porte dorée et surmontée d’une colombe. Au-dessus se trouve un petit groupe représentant le Baptême de Notre-Seigneur. Enfin, au fond, à droite de la porte principale, se voit une inscription : « Dallage donné par Mr Guillaud, en 1869. »

Portail de Sainte-Blandine.

Le chœur est éclairé de deux rangées de baies portant chacune cinq vitraux ; ceux du haut sont divisés en trois parties. Celle du milieu représente Jésus en Croix, entre la Vierge et saint Jean. Sur la verrière de gauche on voit saint Épagathe, sainte Blandine et saint Pothin ayant près de lui une image de la Sainte-Vierge. Sur celle de droite, saint Irénée, accompagné de deux personnages, dont saint Attale ; au-dessous de ce dernier se lit une inscription latine dont le sens est : « Voici la colonne de notre église. » Les cinq vitraux du bas comptent chacun quatre scènes relatives aux martyrs de Lyon. Celui du milieu représente les différents supplices de sainte Blandine : 1° elle paraît devant les juges : 2° elle est exposée aux lions qui la respectent ; 3° elle est placée dans un filet et livrée à un taureau sauvage ; 4° on lui tranche la tête.

Sur une autre verrière, l’artiste a très heureusement représenté les cryptes de notre ville, c’est-à-dire les édifices primitifs où est gardé le souvenir du culte rendu à sainte Blandine. On y voit le cachot Saint-Pothin à l’Antiquaille, la crypte Saint-Irénée, celle d’Ainay, enfin on y a ajouté la nouvelle église Sainte-Blandine.

Les petites nefs sont éclairées chacune par quatre vitraux. À droite ils représentent : 1° Sainte Lucie, avec, au bas, les indications suivantes : « Hector Flandrin l’a peint, Pagnon l’a exécuté en 1889 » ; 2° Saint Étienne, don de deux sœurs M. G. et L. G. 1888 ; 3° Saint Antoine de Padoue donné par J. G., en 1889 ; 4° Saint Joseph protecteur de l’Église universelle, donné par M. J., en 1891. Dans la nef de gauche, le premier vitrail représente sainte Anne, par Pagnon-Déchelette, avec, au bas, l’inscription : « En mémoire de ma mère, A. C, 2 décembre 1887 — Lyon 1888. » Le deuxième rappelle saint Charles Borromée ; au bas : « En mémoire de mon père C. C, 20 janvier 1889 ». Le troisième, saint François de Sales, donné par F. C, en 1889. Il est une particularité intéressante à signaler : sur l’étole que porte le vénérable prélat, on a rappelé d’abord que cet évêque, dans ses voyages à Lyon, ne manquait pas de visiter dévotement le cachot de l’Antiquaille, où, d’après une tradition, saint Pothin et sainte Blandine ont été enfermés. En second lieu, il avait placé sa prédication du Chablais sous la protection de sainte Blandine. Le quatrième représente saint Antoine, ermite ; c’est un don de A. V., en 1891.

La grande nef reçoit abondamment la lumière par seize grandes verrières, simples mosaïques sans sujets. La tribune est éclairée par une rosace rappelant la Sainte-Trinité ; puis, au-dessus, par une large verrière représentant sainte Blandine montant au ciel entre deux anges qui s’apprêtent à la couronner ; tout à côté se trouve l’image de l’église Sainte-Blandine. La chaire est en pierre, à double escalier ; c’est un don de M. le curé Vindry. La cuve est ornée d’un agneau et de deux blasons en relief. Signalons en terminant l’inscription placée contre le pilier de droite et relative à la construction de l’église : « Église commencée en avril 1863, terminée en mai 1869, sous l’administration de M. Merley, curé de cette paroisse. »