Histoire des églises et chapelles de Lyon/Religieuses Trinitaires de Lyon

H. Lardanchet (tome Ip. 123-126).

TRINITAIRES

Cette œuvre fut fondée, le 15 janvier 1711, par Claude de Saint-Georges, archevêque de Lyon, à la montée Saint-Barthélémy, devant le monastère des Récollets. Son successeur François-Paul de Neuville de Villeroy la fit autoriser, sous le nom de maison ou hôpital de la Providence, par lettres patentes du roi, du 17 mars 1716, avec les privilèges ordinaires accordés aux hôpitaux. Des religieuses Trinitaires la dirigeaient tandis que le temporel en était confié à des administrateurs séculiers : par là elle resta unique en son genre à Lyon pendant plus d’un siècle. « Messieurs les prévôts des marchands et échevins en sont les principaux bienfaiteurs », dit l’almanach de 1744.

Une note trouvée dans les archives donne les précieux renseignements que voici : « Parmi tant d’établissements qui font un si grand honneur à la charité des citoyens de cette grande ville, celui-ci est un de ceux qui méritent le plus l’attention des âmes pieuses. Elle a été fondée pour élever de pauvres jeunes filles dont l’innocence court des dangers imminents au contact de parents dépravés. Aucune n’y est admise avant l’âge de sept ans ni au-dessus de celui de neuf ; l’éducation des enfants est confiée à des religieuses appelées de la Trinité, lesquelles se consacrent à leur apprendre les principes de la religion, à les former à la vertu et à les mettre à même de gagner leur vie au sortir de l’établissement. Tant qu’elles demeurent dans la maison, leur travail est une petite ressource pour leur entretien, mais il est bien loin de suffire au soutien d’un hospice qui n’a qu’un très petit revenu fixe et qui porte ainsi à juste titre le nom de maison de la Providence. »

Chapelle de Trinitaires.

La Providence subsista jusqu’à la Révolution, époque à laquelle les religieuses se dispersèrent ; au commencement du xixe siècle, quelques dames, distinguées par le rang et par la vertu, conçurent le dessein d’arracher à l’abandon ou aux mauvais exemples de leurs parents de pauvres jeunes filles. Encouragées par un zélé Jésuite, le ère Roger, et approuvées du cardinal Fesch, elles se réunirent, le 16 janvier 1804, et s’érigèrent en congrégation séculière sous le titre du Très saint Cœur de Marie : c’étaient Mmes Bruyzet de Sainte-Marie, Anginieur mère et fille, de la Barmondière, Vitet, Delphin, Gérondot, Félissent, Journaud, Gourd, Bouchardier, Prudent, Lecour, Razuret, Meynard, Mayet, Montanier, Terme, de Lupé, Rondol, Albert, Guérin, Charrein, Godinot, Burlat, Magnonin et Lacour. La présidente fut Mme Bruyzel de Sainte-Marie, l’assistante Mme Anginieur mère.

Les premières enfants avaient été vendues par leurs parents à des saltimbanques : elles coûtèrent à ces dames trente-quatre francs chacune : on avouera que ce n’était pas cher. Peu après Mme Anginieur en trouva trois autres de même misère qu’elle abrita avec leurs compagnes d’infortune, tantôt chez elle, tantôt chez des personnes amies. Un jour vint où comme Mme Bruyzet faisait confidence de son extrême dénuement, on lui répondit par une somme de 300 francs en demandant que l’établissement reprît le nom de Providence et qu’on rétablît l’œuvre que les Trinitaires avaient dirigée sous ce nom avant la Révolution.

Ce conseil amical ou cette sommation discrète ayant été acceptée, une maison fut louée rue Sala, no 40, le 9 août 1804 : deux dames Laplanche et une dame Morelle, toutes trois religieuses Trinitaires de l’ancienne Providence, y firent revivre les règlements de leur ordre. En 1806, le nouvel établissement comptait vingt-six enfants. Mme de la Barmondière prêta une maison quelle possédait à Fourvière. La nouvelle Providence n’y fit pas long séjour ; ses clients se multipliant, elle loua, pour trois ans, le couvent abandonné des Carmes déchaussés, à la fin de novembre 1809 ; enfin des difficultés s’étant mises à la traverse, elle regagna, le 16 décembre 1811, la rue Sala. Le 9 juin 1812, le cardinal Fesch visita celles qu’il nommait justement de vertueuses maîtresses de l’enfance digne de pitié, et leur promit l’habit religieux, mais les événements politiques empêchèrent la réalisation de cette promesse.

Intérieur de la chapelle des Trinitaires.

En 1814, la duchesse d’Angoulême, la duchesse d’Orléans, princesse royale de Naples, a douairière d’Orléans, sa belle-mère et la fille de celle-ci Mlle Adélaïde, sœur du futur Louis-Philippe, avec plusieurs dames de la plus haute qualité, s’unirent de plein cœur sur le registre des bienfaiteurs, et en 1817 des lettres patentes apportèrent l’autorisation royale. À partir de cette époque, les circonstances se rangèrent au mieux : les postulantes, d’âge déjà mûr, prirent l’habit de Trinitaires, le 29 février 1816, et choisirent pour supérieure Claudine Mathieu, en religion sœur Sainte-Thérèse. Dès lors l’œuvre recouvra son élan : la duchesse d’Angoulême ne laissa pas de lui garder aide, protection et même faveurs de plus d’une sorte. Mme Gaillard, née Baboin de La Barollière, digne continuatrice et imitatrice de Mme Bruyzet de Sainte-Marie, contribua pour la plus large part à la construction de la chapelle ; elle eut pour héritière en l’héritage des pauvres, la fille de Mme Bruyzet de Sainte-Marie elle-même. Mme de Nolhac, qui mourut le 28 janvier 1869 et à laquelle succéda Mme Auguste Gaillard d’Oullins, décédée le 14 avril 1877.

En 1852, les religieuses se réunirent à la communauté des Trinitaires de Valence, et ainsi on vit dans la maison, au blanc costume des anciennes religieuses Trinitaires d’avant la Révolution, succéder le costume noir des Trinitaires actuelles. L’habit a changé, l’esprit reste le même. La chapelle fut construite vers 1834 et bénie, ainsi que la cloche, le 17 juillet 1856. Ses dimensions sont bien proportionnées, elle mesure 30 mètres de long sur 8 mètres 60 de large. Elle est dédiée à l’Immaculée Conception.

Mme Gaillard, née Baboin de La Barollière, restauratrice de la maison des Trinitaires.

La chapelle des Trinitaires est de modeste apparence. Par une singularité, la façade s’ouvre non au bas, mais par côté de la chapelle. Elle est de style roman, à une seule nef, assez éclairée. L’autel est de marbre sans sculpture. À la naissance de la nef, se trouvent deux petits autels, dédiés à la sainte Vierge et à saint Joseph. Dans le chœur on voit trois tableaux : un Christ en croix de bonne apparence, un Sacré-Cœur et un saint Jean l’évangéliste, ce dernier, œuvre de madame Payre, artiste lyonnaise. Au fond de la chapelle s’élève une vaste tribune, ornée d’une fresque qui représente la sainte Vierge revêtue du costume des Trinitaires, avec la croix bleue et rouge sur la poitrine ; elle apparaît aux deux fondateurs de l’ordre : saint Jean de Matha et saint Félix de Valois. Au second plan, un vaisseau va partir pour racheter les chrétiens prisonniers des Sarrasins.

Au milieu de la chapelle, se trouve le tombeau de la restauratrice temporelle et celui d’une des dernières supérieures. La dalle funéraire porte l’inscription que voici : « Ici reposent, unies dans la vie, réunies dans la mort, Sophie-Adèle-Antoinette Baboin de La Barollière, veuve de Claude-Joseph-Sébastien Gaillard, fondatrice de cette maison, 22 juillet 1792-18 octobre 1861 ; mère Séraphia Hugon, supérieure de cette maison, 10 avril 1828-17 mars 1900. »