Histoire des églises et chapelles de Lyon/Missions-Africaines

H. Lardanchet (vol. IIp. 242-246).

MISSIONS-AFRICAINES

Un des fleurons — et non des moindres — de la couronne religieuse dont est parée la ville de Lyon est la société des Missions-Africaines. Son fondateur fut Mgr Melchior-Marie-Joseph de Marion-Brésillac, qui, après avoir passé douze ans de sa vie dans les missions de l’Inde anglaise, eut la courageuse pensée de se dévouer aux peuples les plus abandonnés de la côte d’Afrique, les nègres de la côte des Esclaves encore privés de toute connaissance évangélique. Ayant sollicité du Saint-Siège l’autorisation de se rendre dans cette région avec quelques compagnons d’apostolat, il l’obtint, et, le 10 avril 1856, quitta Rome avec la bénédiction du pape et les encouragements de la Congrégation de la Propagande. C’est dans la cité de Clermont que l’évêque missionnaire, issu d’une des plus illustres familles de Castelnaudary (Aude), annonça, après une fervente retraite au couvent des Capucins de Versailles, sa grande entreprise. Il se rendit ensuite à Lyon où sa voix trouva de l’écho, et bientôt, sur la colline des martyrs, tout près de l’église Saint-Irénée, on vit s’ouvrir un nouveau séminaire. Les articles fondamentaux de la Société, rédigés et publiés, en 1858, par Mgr de Marion-Brésillac. disent notamment que, fondée sous les auspices de la Propagande de Rome, la Société des Missions-Africaines de Lyon « a pour but principal l’évangélisation des pays de l’Afrique qui ont le plus besoin de missionnaires ; elle travaillera constamment à préparer les voies pour pénétrer dans les lieux où il n’y a pas encore de missionnaires ; elle est essentiellement séculière, c’est-à-dire qu’on n’y fait point de vœux ; elle se composera du supérieur général, des supérieurs locaux, des conseillers, de confrères ecclésiastiques et aussi de frères laïques ; ces derniers devront, autant que possible, exercer un art ou un métier, afin d’être capables de l’enseigner aux enfants pauvres et aux jeunes Africains ; partout où plusieurs associés seront réunis, ils mèneront la vie commune ; à la Société adhèrent des affiliés qui participeront aux mérites de l’œuvre, s’ils s’attachent à la seconder par leur influence morale et par des secours matériels ».

Chapelle des Missions-Africaines.

La cérémonie du départ fut célébrée, au séminaire de Lyon, le 2 novembre 1858, et le départ effectif eut lieu le lendemain. Un mois après, les missionnaires prenaient contact avec la terre africaine. Le 11 mars 1859, l’intrépide Mgr de Marion-Brésillac s’embarquait à Brest pour aller rejoindre ses premiers envoyés sur la Côte des Esclaves. Lorsqu’il y aborda, une cruelle épidémie sévissait dans ce pays sauvage, et les joyeux embrassements de l’heureuse arrivée se confondirent presque avec les adieux déchirants du départ suprême. L’évêque vit mourir sous ses yeux deux de ses prêtres et son frère laïque, victimes de l’épidémie. Quand lui-même et son vicaire général, le P. Reymond, furent atteints, ils avaient enterré presque tous leurs chrétiens ; enfin, ils succombèrent à leur tour, à un jour d’intervalle l’un de l’autre ; seul, un frère échappa à la mort. À la fin de juin le désastre était accompli : la chrétienté naissante de Sierra-Leone avait péri dans son berceau. Mgr de Marion-Brésillac mourut l’avant-dernier de tous, plus frappé par la douleur de voir ses prêtres expirer sous ses yeux qu’emporté par la maladie. Le P. Reymond, vicaire général, succomba le lendemain, après avoir administré les derniers sacrements à son évêque.

Malgré ce coup terrible, l’œuvre de l’intrépide prélat ne mourut pas avec lui. Il eut un digne successeur dans le R. P. Planque qu’il avait laissé à la tête de son séminaire sur la demande du nouveau supérieur. Par un bref du 28 août 1860, le souverain pontife érigea un nouveau vicariat apostolique dans le golfe de Guinée, sous le nom de vicariat apostolique du Dahomey. Le 2 janvier 1861, trois nouveaux missionnaires s’embarquaient pour la mission d’Afrique et allaient bientôt y constater que, si le climat du Dahomey était plus salubre que celui de Sierra-Leone, la barbarie de son gouvernement dépassait ce qu’on trouvait de plus monstrueux, même en Afrique. Ils y abordèrent heureusement, après avoir béni, en passant à Sierra-Leone, les tombes de Mgr de Marion-Brésillac et du P. Reymond qui n’avaient point reçu les honneurs et les prières de l’Église. Les courageux missionnaires se mirent à l’œuvre, et, dans ce pays barbare, vrai repaire de Satan, réussirent à obtenir l’amitié du roi. La semence chrétienne, jetée par eux dans ces peuples déshérités, où les sacrifices humains étaient à peu près le seul culte rendu aux divinités, ne tarda pas à porter ses fruits. De leur centre Ouida, les apôtres du Dahomey rayonnèrent largement, et leur chef, le P. Borghero, fut un de ces ambitieux à qui rien ne coûte lorsqu’il s’agit d’étendre les conquêtes de la foi.

À Lyon, d’ailleurs, d’autres missionnaires étaient impatients de s’élancer vers les côtes d’Afrique. Les aumônes abondaient. En 1862, le séminaire provisoire fut transféré dans un nouvel établissement du cours de Brosses, aujourd’hui cours Gambetta. Les départs plus nombreux de missionnaires permirent à l’œuvre d’Afrique une plus grande moisson. Ouida, Porto-Novo, Lagos et Agoué furent successivement évangélisés. En 1873, une mission importante fut créée dans l’Afrique méridionale et confiée également à la Société des Missions-Africaines : elle comprenait plusieurs districts détachés des deux vicariats apostoliques du cap de Bonne-Espérance. C’est ainsi que se développèrent successivement les missions lyonnaises en Afrique. La sage et énergique administration du P. Planque, supérieur général, lui permit de fonder deux autres établissements importants qui complétèrent le système d’organisation. La maison établie à Nice pour les convalescents du Dahomey fut en peu de temps très prospère. L’église du Sacré-Cœur de Nice, desservie par les missionnaires, devint le rendez-vous des étrangers qui abondent pendant l’hiver dans ce pays privilégié et dont plusieurs étaient gagnés par les prédications de ces dignes missionnaires revenus de la Côte des Esclaves. Cette vaillante société continue à multiplier dans le désert africain le nombre des apôtres ; elle a son martyrologe, et, partant, une ample part à la moisson.

Le seul mot d’esclavage révolte aujourd’hui tous les cœurs honnêtes ; mais on ne s’était pas fait une idée précise du poids terrible dont cette institution cruelle ou plutôt cette malédiction divine a pesé sur les races nègres. Durant plusieurs siècles, la plus grande partie de l’Afrique, surtout cette malheureuse portion de la famille de Cham disséminée sur la Côte des Esclaves, a été mise en coupe réglée. Depuis Loi 7, date de la première licence délivrée par Charles-Quint, que de populations de noirs furent écrasées, amenées au rivage et entassées dans nos navires ! Oui, l’Europe et la France elle-même ont eu leur lourde part de responsabilité dans cette œuvre inique. Sans doute, la conscience européenne s’est réveillée de nos jours et l’esclavage a disparu en Amérique et à travers les océans ; mais, en Afrique, et surtout à l’intérieur de ses sables, l’esclave, comme par le passé, remplace le serviteur libre ; les trafiquants réclament leur proie. Du Maroc à Zanzibar, les esclaves gémissent encore. Dans tous les états musulmans, les harems fourmillent de ces êtres dégradés. On évalue à plus de quatre cent mille le nombre de ces malheureux enlevés annuellement aux populations de ces pays. Dans l’Afrique occidentale, la consommation de la traite est encore plus formidable, et, avec elle, les sacrifices humains, les razzias, les guerres atroces de tribus à tribus sont encore en honneur. Or, c’est l’honneur de la Société des Missions-Africaines de Lyon d’avoir porté la vertu de l’Évangile dans ces régions. Malheureusement, une des lois les plus inflexibles qui pèsent sur les œuvres divines veut que toute conquête et toute rédemption se fasse par le sacrifice ; la Société des Missions-Africaines a, pour une part déjà grande, subi avec honneur cette loi, prix de son influence toujours grandissante sur la ferre de Cham.

Intérieur de la chapelle des Missions-Africaines.

La chapelle des Missions-Africaines, située cours Gambetta, est placée sous le vocable de la Division des Apôtres (Divisio apostolorum). C’était le titulaire de l’ancienne église Saint-Nizier ; le cardinal de Bonald voulut conserver ce vocable à la ville de Lyon et le transféra à la chapelle des Missions-Africaines, comme il résulte de son ordonnance du 17 août 1869.

C’est un édifice très vaste, mais qui frappe par sa pauvreté d’ailleurs volontaire, les murs y sont nus. La chapelle n’est pas encore terminée, il y manque une abside et une travée de la nef. L’autel de marbre a été récemment enlevé par crainte d’une désaffectation qui menaçait. Il est orné d’un bas-relief sculpté qui représente Notre-Seigneur donnant à ses Apôtres la mission d’aller évangéliser le monde. Au fond et dominant l’autel se trouvent quatre statues : le Sacré-Cœur, la Vierge-Mère, saint Pierre Claver et le bienheureux Chanel.

Dans le transept de droite on a placé un grand tableau : Jésus bénissant les enfants, et au fond un petit autel dédié à Notre-Dame de Lourdes ; dans le transept gauche une peinture représentant La Présentation de Jésus au temple, et, dans le fond, la statue du bienheureux Vianney, curé d’Ars. Au fond de la grande nef se voit une peinture : L’Adoration des mages, enfin, à l’entrée du chœur : les saints Pierre et Paul.

Les chapelles latérales sont, du côté de l’épître : 1o celle Notre-Dame des Victoires ; 2o la chapelle du Sacré-Cœur dont la statue surmonte l’autel de bois peint ; à gauche de l’autel le groupe de Notre-Dame de Pitié, peint ; 3o la chapelle Saint-Antoine de Padoue, avec un gracieux autel de chêne sculpté et un bas-relief représentant les quatre évangélistes avec leurs symboles, et à gauche, sur un piédestal, la statue de saint Antoine de Padoue.

Du côté de l’évangile se trouvent : 1o la chapelle saint Joseph avec autel de bois sculpté, surmonté de la statue du saint conduisant Jésus enfant, avec une petite croix à la main ; 2o la chapelle Saint-Louis de Gonzague, avec, au-dessus de l’autel, statuette du saint ; 3o la chapelle Saint-Stanislas ; l’autel de pierre est surmonté d’une statue : Stanislas portant l’Enfant-Jésus ; à droite, se trouve un tableau de Notre-Dame du Perpétuel Secours. L’église des Missions-Africaines reçoit une abondante lumière par douze baies géminées qui ne sont pas encore ornées de leurs vitraux.