Histoire des églises et chapelles de Lyon/Cordeliers de l’Observance

H. Lardanchet (vol. IIp. 219-223).

CORDELIERS DE L’OBSERVANCE

À l’origine et jusque fort avant dans le moyen âge, les disciples mitigés de saint François étaient les plus nombreux et connus sous le nom de Conventuels, ce qui n’était pas sans impliquer contradiction avec la vie et la règle du patriarche d’Assise. Parfois, cependant, celle diminution de la vie religieuse était traversée de quelques remords et rachetée par un renouveau de ferveur aux œuvres de charité et à la prière chorale.

L’Observance, à Lyon, eut pour fondement un de ces précieux remords, mais celui-ci soutenu et durable. Ce fut, en effet, où des conventuels franchement réformés dans l’esprit de leur origine, que les Observants, appelés Observantins par façon de diminutif plaisant, durent leurs commencements, qui ne furent pas communs.

Chapelle actuelle de l’Observance.

Deux frères Mineurs français, Jean Bourgeois, de la custodie de Dôle, et Jean Tisserand, de la custodie de Dijon, dans le troisième tiers du xve siècle, n’hésitèrent pas, malgré des obstacles locaux et des contradictions qui leur venaient de plus loin, à constater que ce n’était point vivre en Franciscains que de posséder des biens et de ne point s’en tenir à la vie pauvre et incertaine qu’avait voulue saint François, pour lui et pour la foule de ses disciples. Jean Bourgeois, révéré pour sa sainteté admirable, avait la confiance de Charles VIII et d’Anne de Bretagne ; Jean Tisserand ne jouissait pas d’une moindre faveur auprès de la duchesse reine : le premier, néanmoins, était, par des mérites particuliers d’esprit et d’éloquence, le plus écouté. Il n’eut pas de peine à mettre dans son dessein le monarque étourdi, facile à céder aux illusions de la gloire, mais fermement chrétien et protecteur enthousiaste de tout ce qui était de l’Église. Charles VIII dépêcha donc noble Thibaud Bevention, courtier de l’écurie royale, pour faire garde à Laurent Bretenet et Claude Pulinet, compagnons du frère Bourgeois, avec lettres datées de Montils-les-Cours, 30 avril 1491, et adressées aux conseillers de Lyon, pour les presser de choisir un lieu propice au futur établissement des Franciscains réformés. Après quelques tâtonnements et hésitations dont le détail serait ici fastidieux, on préféra à la Chana, qu’avaient choisi Louis de Blot, gardien d’Autun, et Guillaume Franchet, gardien de Chalons, de concert avec Humbert de Villeneuve, sénéchal de Lyon, le voisinage des Deux-Amants dans le faubourg de Vaise. On appelait alors faubourg de Vaise l’emplacement qu’occupent aujourd’hui la chapelle de l’Observance et l’école vétérinaire. En 1.589, on y construisit une porte sur laquelle les ligueurs mirent cette inscription, leur devise, en maintes villes : « Un Dieu, un roy, une foy, une loy. »

Le gîte était riche, frais, enchanteur, par les ombrages et par la Saône, et commode par
Le château de Pierre-Scize et la chapelle de l’Observance au xvie siècle (restitution de M. R. Lenail).
l’aisance prompte des communications et de l’approvisionnement. Il y avait bien un vieil hôpital dépendant du chapitre de Saint-Paul, mais il était désert d’infirmes, et se réduisait « à une ruine debout ». Tout autour abondaient les vignes et les vergers plantés sur la colline du Greillon.

Le 8 décembre 1492, en vertu tant des lettres patentes de Charles VIII que de la bulle du pape, et du consentement du ministre de la province franciscaine de Bourgogne, donné à Chambéry, le 16 juin de la même année, les Observants entrèrent en possession de leur domaine, qu’aussitôt ils parcoururent et déblayèrent, traçant, dans l’espoir de la venue du roi, le plan du monastère que le monarque avait promis de fonder lui-même.

Leur espoir ne fut pas trompé. « Le gentil guerroyeur, petit mais ramassé de corps et franc d’âme », posa la première pierre de l’église, sept ou huit jours avant la fin de 1493.

« En faubourg de Lyon pour les frères Mineurs,
Il fonda un couvent, puis avec grands seigneurs,
Princes, barons et bande qui frétille.
S’en alla conquérir et Naples et la Sicile. »
Abside de l’ancienne église de l’Observance.

Tels sont les vers attribués à Ronsard. Dès le malin du jour de la cérémonie, le duc de Savoie se rendit au logis du roi Charles VIII qui était déjà prêt » Les deux princes, dit la chronique du Loyal Serviteur, s’embrassèrent d’une amitié qu’il fallait voir, puis montèrent sur leurs mules et allèrent ensemble devisant, le large de la ville, jusqu’au couvent où ils ouïrent dévotement la messe, escortés de toute la cour. Or, le roy et la reine, en voyant grande multitude de seigneurs et de peuple assemblés pour cette cause, apposèrent de leurs mains la première pierre, en signe de tiltre en la fondation de l’église du dit couvent, en laquelle pierre sont figurées et levées leurs armes. » Au-dessous des armes se lisait une inscription dont voici la traduction : « Jésus et Marie. Charles VIII et la reine Anne ont fondé l’église Noire-Dame des Anges, 1493. » L’archevêque de Lyon n’assistait pas à la cérémonie : c’est qu’elle eut lieu pendant le procès entre Hugues II de Talaru et André d’Épinay, ce qui équivalait à une vacance du siège. Jean Rely évêque d’Angers, confesseur du roi « solennellement, en pontifical, célébra la bénédiction de la dite pierre ». Après quoi, Charles prit lui-même par la main. Frère Bourgeois, l’introduisit et avec lui dix-neuf autres religieux parmi lesquels le frère Tisserand. Le roi se déclara en outre, ainsi qu’Anne de Bretagne, « fondateur et protecteur de la maison », qu’il enrichit de privilèges ; c’est ainsi qu’il permit à ses « chers féaux moines d’Observance restreinte — c’est-à-dire de la stricte observance — d’avoir en propriété trois bateaux sur la Saône pour venir aux approvisionnements de blé, vin, bois, légumes et autres denrées ; enfin il chargea le sénéchal de Lyon et Claude le Charron de continuer la construction et de payer des deniers royaux, les prix faits des ouvriers ».

Deux ans après, en 1496, « le couvent fut du tout parachevé et rendu si parfait que ce fut un des mieux troussés de la province et doit méritoirement être appelé de fondation royale, car l’église est des plus allègres, bien claire et industrieusement rentée ».

Louis XIII renouvela, en 1612, tous les privilèges des Observants de Lyon. Leur chapelle qui passait pour un beau monument de Lyon, traversa les jours les plus mauvais de la Révolution et ne fut détruite qu’en plein xixe siècle, sur le conseil, dit-on, de M. Catlet, curé de Saint-Paul, qui craignait qu’on en fît une paroisse, ce qui aurait diminué la sienne. Elle a été remplacée par la petite chapelle dite de l’Observance, située près de l’École vétérinaire et dont nous donnons une vue.