Histoire des églises et chapelles de Lyon/Collège de la Trinité

H. Lardanchet (vol. IIp. 258-262).

JÉSUITES DU COLLÈGE DE LA TRINITÉ

L’histoire des Jésuites à Lyon est intimement liée avec celle du collège de notre ville ; il importe donc de dire en quelques mots ce que fut l’enseignement dans noire cité jusqu’à la Révolution. Chose curieuse : jusqu’au xvie siècle, « notre ville n’avait que des maîtres d’école et pas de collège ; les jeunes gens qui voulaient se former dans l’étude des lettres, de la philosophie ou des langues, étaient obligés d’aller à Paris, à Montpellier, à Toulouse, à Bourges, ou même à Pavie ou à Padoue où des universités déjà fameuses attiraient la jeunesse ».

François de Rohan, Claude de Bellièvre et Symphorien Champier, personnages dont l’histoire a retenu les noms, furent les promoteurs à Lyon de ce que nous appelons l’enseignement secondaire. Grâce à leurs efforts, on fonda le collège de la Trinité dont la direction « fut remise, dit M. Charvet, à des professeurs séculiers ; la ville accorda aux régents des honoraires de quatre cents livres. Les registres consulaires de 1528 et 1529 mentionnent un différend qui exista, entre le consulat et le chapitre primatial, au sujet de la nomination du principal et des régents de ce collège qui est dit « nouvellement installé dans les granges de la Trinité » ; ce différend eut une solution amiable.

Parmi les maîtres, on cite, en 1551, un « Jacques Freschet, Frachet ou Franchet, lyonnais, qui dirigeait une école rue de la Lanterne. Mais en 1555, Freschet disparut en emportant des meubles ; on le remplaça, en juin, par Charles Fontaine, puis le 9 juillet, par Jacques Dupuy, maître-ès-arts. Cet homme tint une conduite répréhensible et mérita d’être révoqué. L’établissement débutait, on le voit, d’une manière déplorable ; aussi on renvoya Dupuy, le 21 juillet 1558. Enfin, on eut recours à un homme de confiance, Barthélémy Aneau, qui accepta et avec lequel on passa un traité le 29 septembre.

« Le collège, dit ce traité, était presque sans enfants et devenait inutile si on ne mettait à sa tête un homme intelligent, actif et honorable. On imposa à Aneau les conditions suivantes : d’avoir trois régents et au besoin quatre, sur lesquels, le premier et le second devaient enseigner le grec et le latin jusqu’en rhétorique, le troisième bon grammairien, de telle façon que les enfants puissent monter de classe le jour de la saint Rémy selon la coutume parisienne, et le quatrième bachelier ; il exercerait les élèves à une bonne prononciation. C’est surtout à ce dernier que devait incomber le soin de commencer les plus jeunes enfants. On ne devait parler dans le collège que le grec ou le latin, excepté toutefois dans les classes des petits enfants ; il vaut mieux pour ceux-ci parler bon français que s’accoutumer à un mauvais et barbare latin. Le principal pouvait exiger deux sous et six
chapelle des pères jésuites
(rue Sainte Hélène)
deniers par mois pour les enfants dont les familles en avaient le moyen ; ceux pauvres, dont le nombre et la réception étaient attribués au consulat, devaient être enseignés gratuitement.

« Il y avait alors à Lyon un père jésuite dont les prédications très suivies faisaient sensation, le père Edmond Auger ; c’est à lui qu’on s’adressa. » Les Jésuites acceptèrent la proposition du Consulat, mais ils négocièrent en vue « d’obtenir une augmentation de l’indemnité de 400 livres tournois » accordée jusqu’alors aux professeurs. Ce chiffre tout à fait insuffisant fut doublé, et on promit aussi aux Jésuites que le bail conclu avec eux le serait à perpétuité, condition qui seule u pouvait permettre à la congrégation de faire, de ses propres deniers, les dépenses indispensables pour des constructions et pour le mobilier ».

La collège de la Trinité avant l’arrivée des Jésuites (d’après le plan scénographique de 1550).

À mesure que le nombre des élèves progressait, on augmentait aussi les branches d’enseignement et par conséquent le budget. Ainsi, en 1591, le consulat octroie deux cents écus d’or au soleil d pour la création et l’entretien d’un cours de philosophie et d’un cours de théologie ». Le renvoi de France des Jésuites, en 1594, suspendit l’essor du collège ; ils le quittèrent le 31 janvier 1595, pour dix ans. Rentrés en France, ils furent réintégrés en 1604. » Un nouveau contrat fut passé avec eux, le 3 juillet, dans lequel on visa la plupart des clauses consenties dans celui de 1567. L’administration municipale promit de pourvoir à un agrandissement dont le besoin était devenu incontestable. »

Le 29 novembre 1607, le P. Jacquinot « exposa en séance du consulat, la nécessité d’une reconstruction motivée par l’exiguïté du local et l’affluence des écoliers, et y présenta, en même temps, les plans qui avaient été préparés. Le corps consulaire et bon accueil à ces demandes, approuva les plans, tout en faisant observer que l’on pouvait, pour le moment, se passer de l’église, et enfin consentit à donner 6.000 livres aux PP. Jésuites leur laissant le soin de fournir le surplus. La première pierre fut posée par le corps consulaire, avec le cérémonial d’usage, le 19 décembre 1607, à deux heures du soir, dans l’angle des deux bâtiments, où existait auparavant une maison acquise par le consulat du sieur George Cornuty, sise rue Henry, aboutissant à la rue du Pas-Étroit de bise, la dite rue de soir, la rue de Montribloud (le prolongement de la rue Mulet actuelle, vers le Rhône), de vent, le grand corps de logis des pensionnaires du collège, appartenant à la ville, du côté du matin ».

Plus tard, on s’occupa de la chapelle dont la construction fut confiée à l’architecte Étienne Martellange. Pour en donner une description, nous résumerons les pages si documentées écrites par M. Charvet qui a minutieusement étudié l’histoire du collège de la Trinité. Le grand autel était élevé en août 1622, et sa dorure fut achevée le 17 octobre ; il a été refait au milieu du xviiie siècle par Delamonce. Cette époque est probablement celle de l’inauguration de l’église, puisque saint François de Sales y prêcha le 4 décembre. À cette occasion, Mme de Blonay, supérieure du couvent de la Visitation, dans lequel l’évêque de Genève logeait lorsqu’il séjournait à Lyon, lui avait fait préparer un carrosse ; le prélat le refusa en disant : « Il me ferait beau veoir aller en carrosse prêcher la pénitence de saint Jean et la pauvreté évangélique. »

Chapelle du Sacré-Cœur (église actuelle des PP. Jésuites).

« Les orgues, exécutées en 1623, furent fournies pour le prix de 1350 livres par Simon du Pré. Les retables des chapelles paraissent avoir été, pour la plupart, ordonnés d’après un modèle uniforme par un nommé Beauregard ; nous ne pouvons affirmer si les détails historiques se rapportent exactement à ceux qui subsistent. Martellange avait projeté six chapelles, trois à droite et trois à gauche. Au centre, en correspondance avec l’entrée latérale de l’église sur le collège, était une sortie sur la rue Neuve, ces deux issues occupant chacune une chapelle. Les autels étaient placés, selon l’usage ancien, non contre le mur latéral de l’église, mais contre les murs séparatifs du côté de l’orient. Cette disposition dut être changée lors de l’embellissement de l’église, au xviiie siècle, et il est fort possible que, dans ce remaniement, quelques retables aient été transportés d’une chapelle à une autre, circonstance qui rend très difficile la coordination des vocables et descriptions du xviie siècle, avec ceux du siècle suivant et avec l’état actuel.

« Toutefois, sans nous arrêter à cette difficulté, nous allons fournir, à l’aide du Lugdunum sacro-prophanum du P. Bullioud et de nos propres observations, la nomenclature des chapelles, et leur description sommaire, en commençant par l’entrée de l’église, côté de l’évangile.

« 1° Chapelle actuellement sous le vocable de Sainte-Blandine. Le retable est composé de quatre colonnes d’ordre corinthien, en pierre rouge, supportant un fronton circulaire coupé à l’aplomb de deux colonnes formant avant-corps et cantonnant une niche cintrée.

La chaire, église actuelle des Jésuites, rue Sainte-Hélène.

« 2° Chapelle de Saint-Sabin et des Saints-Martyrs. Les reliques de ces saints avaient été apportées de Rome par Mgr d’Halincourt, en 1608, et déposées dans un reliquaire d’argent. La chapelle fut élevée, par Jérôme de Cotton, pour y élire sa sépulture. L’autel et le retable, qui paraissent appartenir à cette époque, sont remarquables par une sorte de marqueterie en stuc, d’un travail très soigné, où l’on observe des arabesques gracieuses de diverses couleurs ; la voûte présente quelques peintures de l’époque. Le cadre est veuf de sa toile.

« 3° La troisième chapelle n’a pas d’autel ; c’est l’entrée de l’église sur la cour du collège.

« 4° Chapelle de la Nativité de la sainte Vierge. Elle fut fondée par Henri Forendal, originaire de Lille en Flandre. Ce personnage, selon M. Steyert, possédait une maison, quai Saint-Vincent, dans laquelle s’établirent les religieuses de Saint-Benoît. On trouve dans le retable quatre colonnes d’ordre corinthien en pierre rouge, supportant un fronton aigu et coupé de même que dans le retable de la première chapelle. L’autel, en forme de tombeau et d’un dessin robuste, est en pierre noire de Saint-Cyr.

« 5° Chapelle dont le vocable ancien ne nous est pas connu. L’autel et le retable sont à peu près semblables aux précédents ; cependant on y remarque une certaine recherche.

« 6° Cette chapelle, plus petite que les précédentes, et qui ne rentrait pas, pour cette destination, dans le plan de Martellange, n’a pas d’autel et est occupée par un confessionnal. Revenant vers l’entrée de l’église, nous trouvons du côté de l’épître :

« 7° Chapelle dont le vocable ancien ne nous est pas connu. C’est toujours à peu près le même système de retable et d’autel que dans la chapelle en face ; pas de toile dans l’encadrement ménagé.

« 8° Chapelle Saint-Ignace, présentement de la Sainte-Famille. Selon le P. Bullioud, elle fut fondée, le 18 février 1623, par noble Jean Sageat, seigneur de Chavagneux-en-Dombes et Romanesche, avec le concours de son épouse, Suzanne Cléberg.

« 9° Chapelle de Saint-Louis, roi de France, présentement de la Sainte-Vierge. Nous savons qu’elle fut commencée, mais non achevée, par un premier fondateur, et qu’en 1625, on donna le prix-fait de ses travaux qui devaient la rendre en tout semblable à celle de la Sainte-Vierge fondée par Forendal auparavant.

« 10° Chapelle Saint-Michel. C’est la première décrite par le P. Bullioud ; elle fut fondée par Lucas et Philippe de Sève, le 13 janvier 1619 ; on remarque leurs armes à la clef de voûte. La décoration du retable et de l’autel est analogue à la quatrième chapelle, c’est-à-dire à celle de Forendal ; la toile n’existe plus dans l’encadrement.

« 11° Chapelle dont l’ancien vocable ne nous est pas connu. Le retable est à peu près semblable aux autres ; le coffre de l’autel présente au centre un panneau vide qui devait recevoir quelque motif en bronze dans le genre de celui de la huitième chapelle.

« 12° Chapelle dont l’ancien vocable ne nous est pas connu. La décoration du retable appartient à la fin du xviiie siècle ; il n’en subsiste plus guère que deux anges agenouillés ; l’autel n’offre rien de remarquable.

« La chaire du prédicateur fut exécutée en 1699, sur les plans de Jean Delamonce, peintre et architecte, et inaugurée le jour de Pâques 1700. L’entreprise en fut donnée à Pierre Orset et Jean Alerand, son beau-père, tous deux tailleurs de pierre à Lyon.

« L’église fut embellie considérablement, en 1737, par un autel nouveau et par l’addition aux pilastres et dans le chœur de revêtements en marbre dont l’exécution fut confiée à Michel Perrache, d’après les plans de Delamonce. On a dû entreprendre, en 1861, une nouvelle restauration de cette église et surtout des peintures qui tombaient en poussière. Ce travail a été exécuté sous la direction de l’architecte en chef de la ville, T. Desjardins. Un peintre décorateur, habile et expérimenté, Alexandre Denuelle, fut alors chargé de la tâche difficile de relever ce qui restait de ces peintures, afin de pouvoir rétablir l’enduit qui se détachait, et ensuite, de les restituer ; il l’a remplie de telle façon que ce qui existe est la reproduction fidèle de ce qui s’y trouvait antérieurement. »