Histoire de la vie de Hiouen-Thsang et de ses voyages dans l’Inde/Livre 2

慧立 Hui Li, 彦悰 Yan Cong
Traduction par Stanislas Julien.
(p. 46-113).


LIVRE DEUXIÈME.


Ce livre commence à A-ki-ni et finit à Kie-jo-ktihche ( Kanya ko abJîà).

De là il marcha vers l’ouest et arriva, dans le royaume diA’ki-ni, à la source du Maître A-fou. Cette source est située sur un monticule de sable, au sud de la route. Ce monticule est haut de plusieurs dizaines de pieds, et la source sort à moitié de la hauteur. Voici ce que la tradition rapporte à ce sujet : Jadis il y avait plusieurs centaines de marchands et de voyageurs dont la provision d’eau se trouva épuisée au milieu de leur route. Arrivés à cet endroit, ils se sentirent exténués de fa- tigue et s’arrêtèrent sans savoir que faire. Dans ce moment, il y avait parmi eux un religieux qui n^avait point apporté de provisions et vivait en demandant l'aumône à ses compagnons. Ceux-ci délibérèrent ainsi entre eux : « Ce religieux, dirent-ils, est dévoué au service du Bouddha ; c’est pour cette raison que nous lui fournissons ce dont il a besoin. Quoiqu’il ait à traverser dix mille li, il n’a apporté aucune provision. Maintenant que nous sommes dévorés d’inquiétude , il ne paraît pas éprouver le plus léger sentiment de tristesse. Il faut que nous nous adressions tous à lui. »

— « Si vous voulez obtenir de l’eau, leur dit le religieux, il faut que chacun de vous rende ses hommages au Bouddha et reçoive les trois refuges et les cinq défenses. Je vais, en votre faveur, monter sur cette butte de sable et vous procurer de l’eau. »

Comme tous les voyageurs se sentaient en danger de périr, ils s’empressèrent d’obéir à ses ordres et reçurent les défenses. Après quoi, le religieux leur donna ainsi ses instructions : « Quand je serai monté sur la colline, vous crierez tous : Maître A-fou j faites nous descendre de l’eau pour que nous en prenions suivant nos besoins ! » A ces mots, il partit. Peu d’instants après, les voyageurs lui adressèrent leur prière dans les termes prescrits, et aussitôt l’eau descendit à grands flots.

Les voyageurs furent remplis de joie et de reconnaissance ; mais le Maître ne revint pas. Us montèrent sur la colline et reconnurent que déjà il était entré dans le Nirvana. Après avoir poussé des cris de douleur, ils brûlèrent son corps suivant les usages de l’Inde ; puis, dans l’endroit où il s’était assis, ils construisirent avec des briques et des pierres une tour (un Stoûpa) qui subsiste encore aujourd’hui, et l’eau de la source n’a pas cessé de couler. Suivant le nombre plus ou moins grand des voyageurs qui passent en cet endroit, l’eau est plus ou moins abondante. Quand il n’y a personne, la source ne fait que suinter légèrement.

Le Maître de la loi passa la nuit à côté de la source avec ses compagnons. Il partit au lever du soleil, et traversa le mont In-chan qui est très -élevé et très-large. Il renferme de riches mines d’argent, et c’est de là que les princes des royaumes de l’ouest tirent tout l’argent dont ils ont besoin pour fabriquer leurs monnaies. À l’ouest de la montagne, il rencontra encore une troupe de brigands, et n’échappa qu’après avoir satisfait leur rapacité. Bientôt il arriva sur le bord d’un fleuve où est située la ville du roi et y passa la nuit.

À cette époque, plusieurs dizaines de marchands étrangers qui voyageaient ensemble, poussés par le désir cupide de faire leur commerce avant les autres, partirent secrètement pendant la nuit. À peine avaient-ils fait dix li, qu’ils furent assaillis par des brigands qui les pillèrent et les tuèrent jusqu’au dernier. Quand le Maître de la loi fut arrivé en cet endroit avec ses compagnons, il aperçut leurs cadavres et ne vit plus aucun reste de leurs richesses. Il s’éloigna en soupirant, et peu à peu il découvrit dans le lointain la résidence du roi.

Le roi d’A-ki-ni (Agni ?) vint au-devant de lui avec ses ministres, l’invita à entrer (dans son palais) et lui offrit tout ce dont il avait besoin. Comme les rois qui l’avaient précédé sur le trône avaient beaucoup souffert des attaques et des rapines des gens de Kao-tch’ang (Oïgours), il leur gardait encore de la rancune et ne voulut point lui donner de chevaux[1]. Le Maître de la loi s’arrêta une nuit, et traversa un grand fleuve qu’il avait déjà passé une fois. À l’ouest, il traversa une vallée unie, et, après avoir fait une centaine de li, il entra dans le royaume de Kiu-tchi (Kouiché). Comme il approchait de la capitale, le roi vint audevant de lui avec ses grands ofiBciers et un religieux d’une vertu éminente, nommé Mo-tcha-kio-to (Mokcha-goupta), etc. Les autres religieux, au nombre de plusieurs mille, s’étaient arrêtés en dehors de la porte orientale de la ville, et là ils avaient établi unie longue tente, formée de draperies flottantes, sous laquelle ils promenaient la statue (du Bouddha) aux sons des instruments de musique.

Quand le Maître de la loi fut arrivé, les hommes vertueux (les religieux) se levèrent et lui adressèrent des paroles affectueuses. Après quoi, chacun d’eux revint s’asseoir à sa place. Ils ordonnèrent à un religieux d’apporter une corbeille de fleurs fraîchement écloses et de la remettre au Maître de la loi. Celui-ci, l’ayant reçue, s’avança en face du Bouddha, répandit des fleurs et fit de profondes salutations. Lorsqu’il eut fini, il alla s’asseoir au-dessous de Mo-tcha-kio-to [Mokchagoupta). Après un instant de repos, il offrit de nouveau des fleurs ; l’oblation des fleurs terminée, il offrit du jus de raisins. Dans le premier couvent il reçut ainsi des fleurs et du vin ; les autres couvents qu’il visita successivement l’accueillirent de la même manière. Quand il eut achevé sa pieuse tournée, le soleil avait déjà disparu de l’horizon et les religieux commençaient à se disperser.

Il y avait alors plusieurs dizaines d’hommes de Kaotch’ang (Oïgours) qui avaient embrassé la vie religieuse dans le royaume de Kio-tchi (Koutché), et qui habitaient un couvent particulier situé au sud-est de la ville. Comme le Maître de la loi venait de leur pays natal, ils furent les premiers qui le prièrent de passer la nuit chez eux. Il se rendit donc à leur invitation. Le roi s’en retourna avec les hommes vertueux (les religieux). Le lendemain, il le pria de venir dans son palais, où il recevrait toutes sortes d’hommages et mangerait les trois aliments purs. Le Maître de la loi n’accepta point, et le roi en fut extrêmement contrarié. C'est là, dit Hiouen-thsang, un usage introduit par la doctrine graduelle, mais que n’autorise point celle du grand Véhicule (Mahâyâna) qui a fait le principal objet de mes études. J’accepterai les autres mets ordinaires. »

Après avoir mangé, il se rendit, au nord-ouest de la ville, dans le couvent appelé A-che-li-ni-sse (Açâlini vihâra) où demeurait Mokchagoupta, qui, par sa rare intelligence et son profond savoir, s’était concilié les respects de tous les religieux. Pendant vingt ans, il avait voyagé dans l’Inde pour son instruction, et, quoiqu’il eût étudié tous les livres, il excellait surtout dans l’intelligence du Ching-ming-lun (Çabdavidyâ soûtra, d’Ançouvarma). Le roi et tous les hommes du royaume, remplis d’estime et de vénération pour lui, l’avaient surnommé To’pou (le Sans-pareil). Quand il eut vu venir le Maître de la loi, il ne l’accueillit que comme un hôte ordinaire, parce qu’il ne daignait pas encore lui accorder la connaissance de la Loi. Adressant alors la parole au Maître de la loi, il lui dit : « Dans ce pays, nous avons tous les meilleurs livres : le Tsa-sin-kiu-che (Samyoukta hrĭdaya kôcha), le Pi-p’o-cha {Vibhâchâ çâstra), etc. En les étudiant ici, vous deviendrez assez savant ; qu’avez-vous besoin d’aller dans l’occident, et de vous exposer à une foule de dangers et de fatigues ? »

« Avez-vous ici le Ya-kia-lun (le Yôgâtchâryya bhoûmi çâstra) ? » lui demanda le Docteur de la loi.

— « A quoi bon, répondit Mo-tcha-kio-to (Mokcha- goupta), vous informer de ce livre qui ne renferme que des vues erronées ? C’est un ouvrage que n’étudient point les vrais disciples du Bouddha. » Dans les premiers moments, le Maître de la loi avait pour lui un profond respect ; mais quand il eut entendu ces paroles, il le trouva aussi méprisable qu’une vile poussière. « Dans notre royaume, lui dit-il, nous avions aussi le Pi-p’o-cha (Vibhâchâ) et le Kiu-ché (Kôcha) ; mais je voyais avec regret que les principes en sont communs et le style superficiel ; ce n’est pas là le langage des A-lo-han (Arhân). Voilà pourquoi j’ai quitté ma patrie, afin d’étudier surtout le Yu-kia (Yôgaçâstra) du grand Véhicule (Mahâyâna). Or le Yu-kia-lun (Yôgaçâstra) a été exposé par un sage qui était une incarnation de Mi-le [Maîtréya bôdhisattva). En l’appelant aujourd’hui un livre erroné, comment ne craignez-vous pas d’être précipité dans un abîme sans fond ? »

— « Le Pi’p'o-cha (Vibhâchâ), et le Tsa-sin-kiu-che (Samyoukta hrĭdaya kôcha), reprit Mo-tcha-kio-to (Mokcha-goupta), sont des livres que vous n’avez pas encore expliqués, comment pouvez-vous dire qu’ils ne contiennent pas la Loi profonde ? »

« Maître, dit Hiouen-thsang, les avez-vous expliqués ? »

— « Je les ai expliqués complètement, » répondit-il.

Hiouen-thsang lui cita alors le premier chapitre du Kiu-che (Kôchaçâstra) et l'interrogea sur le commencement.

Mais Kio-to (Mokchagoupta) commit les erreurs les plus graves, et, comme il se voyait pressé vivement, il changea de couleur et dit : « Eh bien ! interrogez-moi sur le reste du livre. »

Hiouen-thsang lui cita alors un autre passage qu'il ne comprit pas davantage. « Ces expressions, dit-il, ne se trouvent point dans le Kiu-che (Kôchaçâstra). »

Dans ce moment, un des siéges voisins était occupé par l'oncle du roi , nommé Tchi-youeï (la Lune de la connaissance — Djânatchandra ?), qui avait embrassé la vie religieuse et avait expliqué aussi les Soutras et les Çâstras. Il confirma l'assertion de Hiouen-thsang et dit : « Ce passage se trouve en effet dans le Kiu-che (Kôchaçâstra). En disant ces mots , il prit le texte original et y lut ce même passage.

Mokchagoapta fut couvert de honte et se contenta de dire : « Les ans m’en avaient fait perdre le souvenir ! » Hiouen-thsang l’interrogea encore sur d’autres livres sans pouvoir obtenir une seule explication satisfaisante.

À cette époque, comme les sentiers neigeux du mont Ling-chan (Mousour aola) n’étaient pas encore praticables, il ne put se mettre en route et fut obligé de rester soixante jours.

Chaque jour, lorsque Hiouen-thsang était revenu de ses promenades lointaines[2], Mokchagoupta allait le trouver pour causer avec lui ; mais, dans ces visites, il ne s’asseyait plus les jambes croisées. Tantôt il restait debout, tantôt il s’éloignait précipitamment. « Il n’est pas aisé, disait-il en secret aux gens du couvent, de répondre à ce religieux chinois. S’il va dans l’Inde, je crains bien que les jeunes disciples de cette contrée ne puissent lui tenir tête. »

Telle était la crainte et l’admiration que le Maître de la loi lui inspirait !

Le jour de son départ, le roi lui donna des domestiques, des chameaux et des chevaux, et alla l’accompagner au loin, suivi des religieux et des laïques de toute la ville.

De là il marcha vers l’ouest pendant deux jours, et rencontra environ deux mille brigands à cheval qui appartenaient à la nation des Tou-kioue (Turcs). Ces brigands venaient de partager entre eux les provisions et les richesses d’une caravane. Il s’était élevé entre eux, à ce sujet, de vives contestations qu’ils avaient tranchées les armes à la main, et ils s’étaient ensuite dispersés.

Hiouen-thsang continua à marcher en avant ; après avoir fait six cent li, il passa un petit désert et arriva au royaume de Po-lou-kia (Bâlouka ?).

Il y resta une seule nuit, fit ensuite trois cents li au nord-ouest, passa un désert et arriva au mont Ling-chan ou la Montagne de glace (Mousour aola), qui forme l’angle nord des monts Tsong-ling. Cette montagne est fort dangereuse et son sommet s’élève jusqu’au ciel. Depuis le commencement du monde, la neige s’y est accumulée et s’est changée en blocs de glace qui ne fondent ni au printemps ni en été. Des nappes dures et brillantes se déroulent à l’infini et se confondent avec les nuages. Si l’on y dirige ses regards, on est ébloui de leur éclat. On rencontre des pics glacés qui s’abaissent, en travers, sur les côtés de la route, et dont les uns ont jusqu’à cent pieds de hauteur, et les autres plusieurs dizaines de pieds de largeur. Aussi ne peut-on traverser ceux-ci sans difficulté, ou gravir ceux-là sans péril. Ajoutez à cela des rafales de vent et des tourbillons de neige, dont on est assailli à chaque instant ; de sorte que, même avec des souliers doublés et des vêtements garnis de fourrures, on ne peut s’empêcher de trembler de froid. Lorsqu’on veut manger ou dormir, on ne rencontre nul endroit sec où l’on puisse se reposer. On n’a alors d’autre ressource que de suspendre la marmite pour préparer ses aliments, et d’étendre des nattes sur la glace pour dormir.

Au bout de sept jours, il commença à quitter la montagne. Treize ou quatorze de ses compagnons moururent de faim et de froid ; le nombre des bœufs et des chevaux fut encore beaucoup plus grand.

Après être sorti de la montagne, il arriva au lac Thsing-tchi, (Témourtou ou Issikoul). Il a quatorze ou quinze cents li de tour ; il est allongé de l’est à l’ouest, et rétréci du midi au nord. Lorsqu’on le regarde de loin, il paraît avoir une étendue immense, et, sans être poussés par le vent, ses vastes flots s’élèvent ordinairement à plusieurs dizaines de pieds. Il suivit les bords de (cette) mer (de ce lac) dans la direction du nord-ouest, et, après avoir fait environ cinq cent li, il arriva à la ville de Souche. Il rencontra Che-hoa, le Khan des Turcs, qui était alors occupé à chasser. Les chevaux de ces barbares étaient extrêmement nombreux. Le Khan portait un manteau de satin vert et laissait voir toute sa chevelure ; seulement, son front était ceint d’une bande de soie, longue de dix pieds, qui faisait plusieurs tours et retombait par derrière. Il était entouré d’environ deux cents officiers, vêtus de manteaux de brocart, et ayant tous les cheveux nattés. Le reste des troupes se composait de cavaliers montés sur des chameaux ou des chevaux, vêtus de fourrures et de tissus de laine fine, et portant de longues lances, des bannières et des arcs droits. Leur multitude s’étendait tellement loin, que l’œil n’en pouvait découvrir la fin.

Aussitôt que le Khan eût vu Hiouan-thsang devant lui, il fut ravi de joie : « Maître, lui dit-il, veuillez demeurer avec moi pendant quelque temps ; je reviendrai sans faute dans deux ou trois jours. En attendant, vous vous dirigerez vers ma résidence sous la conduite de Ta-mo-tchi, l’un de mes grands officiers, que je vais charger de vous servir de guide et de vous y installer commodément. »

Trois jours après qu’il fût arrivé à la résidence royale » le Khan se trouva en effet de retour. Il prit par la main le Maître de la loi et le fit entrer.

Le Khan habitait une grande tente qui était ornée de fleurs d’or, dont l’éclat éblouissait les yeux. Les Ta-kouan (officiers introducteurs) avaient fait étendre sur le devant de longues nattes, et s’y tenaient assis sur deux rangs ; tous portaient de brillants costumes en soie brochée. La garde du Khan se tenait debout derrière eux. Quoique ce fût un prince barbare, abrité sous une tente de feutre, on ne pouvait le regarder sans éprouver un sentiment d’admiration et de respect.

Comme le Maître de la loi était à trente pas de la tente, le Khan alla au-devant de lui, le salua profondément et l’interrogea avec bienveillance par la bouche d’un interprète. Après quoi, il rentra et alla s’asseoir sur son trône.

Les Tou’kioue adorent le feu ; ils ne font pas usage de siéges en bois, parce que le bois contient du feu (c’est-à-dire leur paraît contenir du feu) ; c’est pourquoi ils ne s’y asseyent point par respect ; ils se contentent d’étendre sur la terre des nattes doubles ou des tapis de peaux.

Le Khan, par égard pour le Maître de la loi, fit apporter un fauteuil à bras en fer massif, le couvrit d’une natte et l’invita à s’asseoir. Peu d’instants après, on introduisit les envoyés chinois et ceux de Kao-tch’ang (Oïgours), qui présentèrent une lettre de leur roi et un riche présent qui avait été ajouté comme preuve de leur mission[3].

Le Khan examina lui-même l’une et l’autre, et en témoigna toute sa joie. Il invita les envoyés à s’asseoir, et ordonna qu’on leur offrît du vin aux sons des instruments de musique.

Le Khan but avec les envoyés étrangers ; il demanda, à part, du vin de raisin et l’offrit au Maître de la loi. On vit alors les convives, de plus en plus animés, s’adresser et se renvoyer à l’envi des invitations à boire, choquer mutuellement leurs tasses, les remplir et les vider tour à tour, et, pendant ce temps-là, la musique des barbares du midi et du nord, de l’orient et de l’occident faisait entendre ses bruyants accords. Quoique ce fussent des airs à demi sauvages, ils charmaient l’oreille et réjouissaient l’esprit et le cœur.

Peu de temps après, on apporta de nouveaux mets ; c’étaient des quartiers de mouton et de veau bouillis, qu’on avait accumulés en quantité devant les convives ; puis, on prépara séparément des aliments purs qu’on présenta au Maître de la loi ; c’étaient des gâteaux de riz, de la crème et du lait, du sucre cristallisé, des rayons de miel, des raisins, etc.

Quand il eut fini de manger, le prince fit circuler de nouveau du vin de raisins, et pria Hiouen-thsang d’expliquer la Loi. Celui-ci leur enseigna alors les dix vertus, l’amour et l’affection pour les êtres vivants, les (six) Po-lo-mi (Pâramitas), ou moyens d’arriver à l’autre rive, et d’obtenir la délivrance finale.

Le Khan leva les mains et se prosterna jusqu’à terre ; puis, le visage radieux, il déclara qu’il recevait avec foi ses instructions. Il le retint pendant plusieurs jours, et l’exhorta vivement à renoncer à son projet. « Maître, lui dit-il, il ne faut point aller dans le royaume de In-te-kia (l’Inde). Ce pays est excessivement chaud, et là, la dixième lune répond à notre cinquième lune[4]. En voyant votre figure, je crains bien qu’elle ne fonde à votre arrivée. Les habitants sont noirs ; ils vont nus, la plupart, sans respect pour les bienséances, et ne méritent point que vous alliez les visiter. »

— « Tel que vous me voyez, répartit Hiouen-thsang, je brûle du désir d’aller chercher la loi du Bouddha, et d’interroger les monuments antiques, pour suivre avec amour la trace de ses pas. »

Le Khan ordonna alors de chercher dans l’armée un homme versé dans la langue chinoise et dans les idiomes des pays étrangers. On trouva un jeune homme qui avait résidé, pendant plusieurs années, à Tch’ang-’an et qui comprenait parfaitement la langue chinoise. Le prince lui conféra le titre de Mo-to-ta-kouan pour qu’il rédigeât des lettres (de recommandation) en langues étrangères, et lui ordonna d’accompagner le Maître de la loi jusqu’à Kia-pi-che (Kapiça). Ensuite il donna à Hiouen-thsang un costume complet de religieux en satin rouge, et cinquante pièces de soie. Il voulut, en outre, l’accompagner avec ses officiers jusqu’à une distance de dix li.

De là il fit quatre cents li à l’ouest, et arriva à Ping-yu (aujourd’hui Bin-gheul), qu’on appelle en chinois Thsien-thsiouen ou « les mille sources » (en mongol Ming boulak). Ce pays a environ cent li en carré ; on y voit une multitude de lacs et d’étangs, et des arbres aussi remarquables par leur hauteur que par la richesse de leur feuillage. L’humidité qui y règne répand partout une douce fraîcheur : c’est là que le Khan vient se retirer (chaque année) pour échapper aux chaleurs de l’été.

Après avoir fait cent cinquante li à l’ouest de Ping-yu, on arrive à la ville de Ta-lo-sse (Talas).

Deux cents li plus loin, au sud-ouest, on arrive à la ville de Pé-chouï (Esfydjab) ; deux cents li plus loin, au sud-ouest, on arrive à la ville de Kong-yu ; cinquante li plus loin, au sud, on arrive au royaume de Noa-tchikien (Nouchidjan) ; deux cents li plus loin, à l’ouest, on arrive à Tche-cki (Tchadj). À l’ouest, ce royaume est voisin du fleuve Che-che-ho (Sihoun — laxartes). Mille li plus loin, à l’ouest, on arrive au royaume de So-touli-se-na (Osrouchna). À l’est, ce royaume est voisin du fleuve Ye-ye-ho ou Che-che-ko (Sihoun — Iaxartes). Ce fleuve sort du plateau septentrional des monts Tsong-ling et coule au nord-ouest.

Plus loin, au nord-ouest, on entre dans un grand désert où l’on ne trouve ni eau ni herbages. On marche en se guidant sur des amas d’ossements qu’on aperçoit de loin en loin. Après avoir fait (ainsi) cinq cents li, on arrive au royaume de Sa-mo-kien (Samarkand).

Le roi et le peuple ne croient point à la loi du Bouddha ; ils font consister leur religion dans le culte du feu. On y voit deux couvents où n’habite aucun religieux. Si des religieux étrangers viennent y chercher un refuge, les barbares les poursuivent avec des tisons enflammés et ne leur permettent point de s’y arrêter. Dès le premier moment de son arrivée, Hiouen-thsang se vit accueillir par le roi avec une sorte de dédain ; mais, lorsque, après la première nuit, il eut commencé à exposer les fruits des actions des hommes et des dêvas, à exalter les mérites du Bouddha et le bonheur qui découle des hommages qu’on lui rend, le roi se sentit transporté de joie et demanda à connaître les règles de la discipline. Dès ce moment, il lui témoigna le plus profond respect. Les deux jeunes religieux qui l’accompagnaient étant allés dans le couvent pour faire leurs dévotions, les barbares les poursuivirent encore avec des tisons ardents. À leur retour, les deux novices s’en plaignirent au roi. À ce récit, le roi ordonna d’arrêter les coupables. Quand on les eût pris, il rassembla le peuple et ordonna qu’on leur coupât les mains. Mais Hiouen-thsang voulut profiter de cette occasion pour l’exhorter à la vertu ; il ne put souffrir que leurs membres fussent mutilés, et les sauva de ce supplice. Le roi les fit battre avec des verges et les expulsa de la ville.

Par suite de cet événement, les hommes de tout rang furent pénétrés de crainte et de respect, et demandèrent en foule à être instruits dans la Loi. Bientôt après, Hiouen-thsang convoqua une assemblée solennelle, ordonna des religieux et les installa dans les deux couvents. Ce fut ainsi qu’il convertit leurs cœurs dépravés et réforma leurs coutumes barbares. En tous lieux, sa prédication produisait les mêmes effets.

Plus loin, à trois cents ii à l’ouest, on arrive à Kou-choang-ni-kia (Kouçannika) ;

Plus loin, à deux cents li à l’ouest, on arrive au royaume de Ho-han ;

Plus loin, à quatre cents li à l’ouest, on arrive au royaume de Pou-kho {Boukhara) ;

Plus loin, à cent li à l’ouest, on arrive au royaume de Fa-ti (Vadi) ;

Plus loin, à cinq cents li à l’ouest, on arrive au royaume de Ho-li-si-mi-kia (Kharismiga). À l’orient, ce royaume est voisin du fleuve Fo-tsou (Vatch - Oxus).

Plus loin, à trois cents li au sud-ouest, on arrive au royaume de Kie-choang-na (Kaçana).

Plus loin, à deux cents li au sud-ouest, on entre dans les montagnes. Les chemins de ces montagnes sont profonds et dangereux ; à peine y a-t-on mis le pied, qu’on ne rencontre plus ni eaux, ni herbages. Après avoir fait trois cents li au milieu de ces montagnes, on entre dans les Portes-de-Fer. Ce sont des pics escarpés formant deux sortes de murs parallèles qui n’offrent qu’un étroit passage. Les rochers qui s’élèvent de chaque côté (à l’entrée) contiennent des mines de fer ; on y a appliqué une porte à deux battants, au-dessus de laquelle sont suspendues une multitude de clochettes en fer battu et en fer fondu. De là est venu le nom de Portes de-Fer. C’est là ce qui forme la barrière des Tou-kioue.

Après être sorti des Portes-de-Fer, on arrive au royaume de Tou-ho-lo (Toukhara).

De là, après avoir fait plusieurs centaines de li, on passe le fleuve Fo-tsou (Oxus), et l’on arrive au royaume de Houo. C’était alors la résidence du fils aîné du khan Che-hou, nommé Ta-tou et revêtu de la dignité de Ché (chef de horde), qui avait épousé la sœur du roi de Kao-tck’ang.

Or, le roi de Kao-tch’ang lui avait adressé une lettre en faveur de Hiouen-thsang. Au moment où arriva le Maître de la loi, Kho-kia-tun (la princesse Kho) était morte depuis quelque temps, et (son mari) Ta-toa, du titre de Ché, se trouvait malade. Quand il eut appris que le Maître de la loi arrivait de Kao-tch’ang et qu’il apportait (de la part du roi) des lettres pour son gendre et sa fille, il ne put s’empêcher de pousser de profonds soupirs. L’ayant fait appeler, « Maître, lui dit-il, en vous apercevant, votre humble disciple à senti ses yeux s’ouvrir à la lumière. Mon vœu le plus ardent est que vous demeuriez quelque temps auprès de moi pour vous reposer. Si je recouvre la santé, j’accompagnerai mon maître vénéré jusqu’au royaume des Brâhmanes.

Dans ce moment, arriva un religieux de l’Inde. Il récita, en faveur du prince, des prières mystiques qui, peu à peu, dissipèrent sa maladie. Ensuite Ta-toa épousa la jeune sœur de la princesse Kho ; mais celle-ci, à l’instigation de (son neveu), fils du premier lit, empoisonna son mari Ta-tou. Après la mort du roi, la princesse Kho n’ayant qu’un fils en bas âge, le fils de sa sœur qui avait le titre de Télé s’empara du pouvoir, devint Ché (chef de horde) et épousa sa belle-mère.

Comme on allait célébrer les funérailles (de Ta-tou), Hiouen-thsang se vit obligé de rester environ un mois.

Il y avait alors, en ce pays, un Samanéen (Çramaṇa), nommé Ta-mo-seng-kia (Dharmasiñha) « le Lion de la loi », qui avait étudié longtemps dans Flnde. À l’ouest des monts Tsong’ling, on lui donnait par honneur le titre de Fa-tsiang (l’habile Artisan de la loi), et, parmi les religieux de Sou-lé (Khachgar) et de Yu-tien [Khotan), il n’y en avait pas im seul qui osât discuter avec lui.

Le Maître de la loi désira savoir jusqu’où allait son instruction, et envoya quelqu’un lui adresser cette question : « Maître, combien de Soutras et de Çâstras avez-vous lus ? » Les disciples et les personnes qui l’entouraient lurent irrités de cette demande.

— « Je les ai tous lus, répondit en riant Ta-mo [Dharmasiñha) ; on peut m’interroger à volonté. » Le Maître de la loi, sachant qu’il n’avait pas étudié le grand Véhicule (Mahâyâna), le questionna sur plusieurs articles du P’o-cha (Vibhâchâ) de la petite doctrine (Hînayâna), etc. qui n’étaient point faciles à entendre ; mais il s’excusa et s’avoua vaincu. Tous ses disciples en furent couverts de confusion.

Depuis ce moment, Ta-mo-seng-kia (Dharmasiñha) l’accueillit avec joie et ne cessait de le louer et de l’exalter en toute occasion, disant que lui-même ne saurait l’égaler.

À cette époque, comme le nouveau Ché (chef de horde) venait d’être installé, le Maître de la loi le pria de le faire accompagner par des envoyés officiels et de lui fournir des chevaux de poste (Ou-lo — Oulak) ; il désirait, lui disait-il, marcher au sud et se diriger vers le royaume des Brâhmanes.

Votre disciple, lui dit Ta-tou en le voyant, compte parmi ses possessions le royaume de Fo-ko-lo (Baktra) qui, du côté du nord, est voisin du fleuve Fo-tsou (Oxus) ; on l’appelle la Petite ville royale ; il possède une multitude de monuments religieux. Je désire que le Maître consacre quelque temps pour les visiter et y offrir ses hommages. Après quoi il prendra un char et partira pour le midi.

À cette époque, il y avait à Fo-ko-lo (Baktra — Balk) plusieurs dizaines de religieux. Dès qu’ils eurent appris la mort de l’ancien Che (chef de horde), et l’avénement de son fils, ils vinrent tous ensemble au-devant de Hiouen thsang, et lui adressèrent des paroles affectueuses. Dans cette entrevue, le Maître de la loi leur fit connaître son projet.

« Il faut que vous partiez immédiatement, lui dit l’un d’eux ; je vous indiquerai une excellente route ; si vous reveniez ici, ce serait faire un détour inutile. »

Le Maître de la loi écouta cet avis, prit aussitôt congé du Che (chef de horde), et partit sur un char, en compagnie de ce religieux.

Quand il fut arrivé à Fo-ko-lo (Baktra — Balk), il visita la ville et la banlieue, situées sur un magnifique plateau. Les plaines et les vallées voisines sont d’une rare fertilité ; c’est véritablement un pays privilégié. Il y a cent Kia-lan (Samghârâmas) « couvents », qui comptent trois mille religieux, tous adonnés à l’étude du Petit Véhicule (Hînayâna).

Au sud-ouest de la ville, s’élève le Nouveau couvent, appelé Na-fo-kia-lan (Nava sam̃ghârâma), qui se distingue par sa construction imposante et l’éclat de sa décoration. À l’intérieur, on voit, dans la salle du Bouddha, le pot à l’eau dont il se servait pour ses ablutions, et qui peut contenir deux Téou. On y possède aussi une de ses dents antérieures ; elle est dW blanc jaune ; sa longueur est d’un pouce, et sa largeur de huit à neuf lignes ; elle jette constamment un éclat d’heureux augure. On conserve, en outre, le balai du Bouddha, fait avec l’herbe Kia-che (Kâçâ) ; il a trois pieds de long et sept pouces de circonférence ; son manche est orné de diverses choses précieuses. Chaque jour de fête, on sort ces trois reliques, et les religieux, ainsi que les laïques, viennent les visiter et les adorer. Les personnes qui sont animées d’une foi sincère en voient jaillir des rayons divins.

Au nord du couvent, il y a un Stoûpa haut de deux cents pieds.

Au sud-ouest du couvent, il y a une maison pure (un Vihâra) dont la construction est fort ancienne. Pendant une longue suite de siècles, les religieux qui y ont résidé, en pratiquant les devoirs des Bôdhisattvas, ont tous obtenu les quatre fruits (c’est-à-dire les quatre états éminents des Çrâvakas). Après leur nirvâṇa (leur mort), on a élevé, en mémoire de chacun d’eux, une centaine de Stoupas dont les antiques fondements sont presque contigus. À cinquante li au nord-ouest de la capitale, on arrive à la ville de Ti-weï.

À quarante li au nord de cette ville, on rencontre la ville de Po-li.

Dans (cette) ville, il y a deux Stoûpas hauts de trois tchang (trente pieds). Jadis, lorsque le Bouddha commença à arriver à l’intelligence parfaite « deux maîtres de maison lui offrirent en cet endroit de la farine de blé grillé et du miel. Après avoir entendu exposer, pour la première fois, les cinq défenses et les dix vertus, ils le prièrent ensemble de recevoir leurs hommages^^1.

Le Tathâgata leur donna (une portion) de ses cheveux et de ses ongles, leur prescrivit de bâtir deux tours et leur en fournit le modèle^^2. Or, ces deux tours divines sont précisément celles que les deux maîtres de maison construisirent en ce lieu, avant de retourner dans leur royaume.

À soixante et dix li à l’ouest de (cette) ville, il y a un Stoûpa qui a plus de deux ichang (vingt pieds) de hauteur. U fut construit du temps de Kia-che-fo (Kâçyapa bouddha) du Kalpa passé.

Dans le Nouveau couvent (Nava sam̃ghârâma), il y avait un religieux, du royaume de Tse-kia (Tchêka), qui avait étudié le petit Véhicule (Hinayâna), et dont le nom était Pouan-jo-kie-lo (Pradjñâkara). Ayant entendu dire que, dans le royaume de Fo-ko-lo (Baktra — Balk), il y avait beaucoup de monuments sacrés, il était venu exprès

1 Ce passage est un peu différent dans le Si-yu-ki (liv. I, fol. 15) : Ils lui demandèrent ce qu’ils devaient honorer.

2 Le Si-ya-ki diffère encore en cet endroit : Ils lui demandèrent les divers modes qu’il faut suivre pour témoigner de la déférence et du respect. pour les honorer. Cet homme était fort intelligent et très-passionné pour l’étude ; et, dès son enfance, il s’était distingué par sa rare sagacité. Il avait approfondi les neuf sections des livres sacrés et s’était rendu maître des quatre Han (Âgamas).

La réputation qu’il s’était acquise, en les expliquant, s’était répandue dans l’Inde entière. L’A-pi-ta-mo (Abhidharma) du petit Véhicule, le Kia-che de Kia-yen (le Kôcha de Kâtyâyana), le Low-tso-a-pi-t’an (Chaṭpâdâbhi-dharma), etc., il les avait tous lus et compris.

Lorsqu’il eut appris que Hiouen-thsang venait des pays lointains pour chercher la Loi, il l’accueillit avec joie.

Le Maître de la loi lui exposa les doutes et les difficultés qui l’arrêtaient. L’ayant questionné sur le Kiu-che (Kôcha) et le Pi-p’o-cha (Vibhâchâ), il obtint sur chaque point de doctrine des explications nettes et décisives. Il resta un mois et se rendit dans un couvent où on lisait le Pi’p’O’Cha-lun (Vibhâchâ çâstra).

Il y avait encore deux autres religieux versés dans la doctrine du petit Véhicule (Hînayâna) ; c’étaient Ta-mo-pi-li (Dharmapriya) et Ta-mo-kie-lo (Dharmakara), que tous leurs frères entouraient d’estime et de respect. Quand ils eurent vu le Maître de la loi, ils furent frappés de l’intelligence qui brillait sur sa figure, et le comblèrent de témoignages de respect et d’admiration.

À cette époque, il y avait, au sud-ouest de Fo-ko (Baktra — Balk), deux royaumes nommés Jouï-mo-tho (Djoumadha ?) et Hou-chi-kien (Houdjikan). Leurs rois, ayant appris que le Maître de la loi arrivait des contrées lointaines, envoyèrent chacun de grands officiers pour le prier de passer par leur royaume et d’y recevoir leurs hommages ; mais il refusa d’y aller. Ayant vu, ensuite, que les ambassadeurs étaient renvoyés vers lui à plusieurs reprises, il ne put s’empêcher de se rendre à leur invitation. Les deux rois furent transportés de joie et lui offrirent de l’or, des pierres précieuses et des provisions de vivres. Il refusa toutes ces largesses, et s’en retourna sur-le-champ. Il partit de Fo-ko (Baktra — Balk), en se dirigeant vers le sud, et, accompagné du religieux Hoeî-sing (Pradjñâkara), il arriva au royaume de Kie-tchi {Gatchi).

Au sud-est de ce royaume, il entra dans les grandes montagnes neigeuses. Après avoir fait six cents ii, il sortit des frontières du Tou-ho-lo (Toukhara) et entra dans le royaume de Fan-yen-na (Bamian), qui a deux mille li de l’est à l’ouest. Il est situé au centre des montagnes neigeuses. Les sentiers et les routes sont encore plus difficiles et plus périlleux que dans les déserts couverts de glace. On n’est pas un seul instant sans rencontrer des nuages congelés et des tourbillons de neige. Quelquefois on voit devant soi des endroits plus dangereux encore ; ce sont des flaques de boue larges de plusieurs tchang (dizaines de pieds). On peut appliquer à ce pays ce que dit Song-yu en parlant des routes difficiles des contrées de l’ouest : « Les glaces accumulées s’élèvent comme des montagnes, et la neige roule en tourbillons sur une étendue de mille li. »

Hélas ! Si Hiouen-thsang ne fût point allé chercher, dans l’intérêt de tous les hommes, la Loi sans supérieure (Anouttara dharma), aurait-il voyagé dans de tels pays, en portant avec lui les os de ses parents ? Jadis, Wang-ts’an, après avoir gravi une colline escarpée, s’écria avec enthousiasme : « Je suis un loyal sujet de la maison des Hân ! » Le Maître de la loi qui franchit des sommets neigeux pour aller chercher la Loi mérite aussi d’être appelé un vrai fils du Bouddha.

Ce fut ainsi que, peu à peu, il arriva à Fan-yen-na (Bamian), La capitale possède une dizaine de Kia-tan (Sam̃ghârâmas), où l’on compte environ mille religieux du petit Véhicule qui suivent l’école Tch’ou-chi-choue-pou (l’école des Lôkôttara vâdinas).

Le roi de Fan-yen-na (Bamian) alla au-devant de lui et l’invita à venir dans son palais pour y recevoir ses hommages. Il accepta et n’en sortit qu’au bout de cinq jours.

Dans cette ville, il y avait plusieurs religieux attachés à l’école Mo-ho-seng-k’i-pou (des Mahâsam̃ghikas) ; c’étaient A-li-ye-t’o-cha (Âryadâsa) et A-li-se-na (Âryasêna) qui, tous deux, étaient profondément versés dans la Loi. Quand ils eurent vu le Maître de la loi, ils furent remplis d’étonnement et d’admiration de ce qu’un royaume aussi lointain que la Chine possédât un religieux d’un mérite si éminent. Ils le conduisirent dans tous les lieux dignes d’intérêt ou de vénération, et ne cessèrent de lui donner des marques d’affection et de dévouement.

Au nord-est de la ville du roi, on voit, sur une colline, une statue en pierre de Fo (du Bouddha) qu’on a représenté debout ; elle est haute de cent cinquante pieds.

À l’est de la statue, s’élève un Kia-lan (Sam̃ghârâma) puis, à l’est de ce couvent, on voit une statue en cuivre de Chi-kia (Çdkyamouni), également debout ; sa hauteur est de cent pieds.

Dans l’intérieur du couvent, il y a une statue couchée représentant le Bouddha au moment où il entre dans le Nie-pan (le Nirvâna), sa longueur est de mille pieds. Toutes ces statues sont d’un aspect imposant et d’une merveilleuse exécution.

Après avoir fait deux cents li au sud-est de ce couvent, il franchit des montagnes neigeuses et arriva à une petite vallée où se trouvait un Kia-lan (Samghârâma). On y voit une des dents antérieures du Bouddha, et une dent d’un To-khio (Pratyéka bouddha) qui vivait au commencement du (présent) Kalpa. Elle a cinq pouces de longueur et un peu moins de quatre pouces de largeur. Il y a, en outre, une dent d’un roi qui a tourné la roue d’or (Souvarna tchakra râdjâ) ; elle est longue de trois pouces et large de deux pouces. Ajoutez à cela le pot en fer que portait le vénérable Chang-no-kia-fo-ha (Çanakavasa), et qui contenait environ neuf ching, et son Seng-kia-tchi (Samghâti) (sorte de vêtement) d’un rouge éclatant. Cet homme, dans le cours de ses cinq cents naissances successives, avait constamment porté ce vêtement qui, chaque fois, sortait avec lui du sein de sa mère. Ensuite il s’est changé en Kia-cha (Kachâya, vêtement religieux de couleur brune), et cette métamorphose a donné lieu à une légende assez longue, qui est rapportée dans la Relation particulière^^1.

Après avoir passé ainsi quinze jours, Hiouen-thsang sortit du royaume de Fan-yen-na (Bamian).

Deux jours après son départ, il fut assailli par une pluie de neige qui l’égara et lui fit perdre son chemin. Etant arrivé à un petit sommet sablonneux, il rencontra des chasseurs qui lui indiquèrent sa route. Il passa alors les montagnes noires (l’Indoukouch), et arriva au royaume de Kia-pi-ché (Kapiça).

Ce royaume a quatre mille li de tour ; du côté du nord, il est adossé aux montagnes neigeuses. Le roi est de la race des Tcha-Ii {Kchattriyas), Il est versé dans Fart militaire et possède ime puissance imposante ; dix royaumes sont soumis à ses lois.

Lorsque Hiouen-thsang était sur le point d’arriver à la capitale, le roi sortit de la ville accompagné de tous les religieux et vint au-devant de lui. Il y a une centaine de Kia-lan [Samghârâmas) dont les religieux se livrèrent à de vives contestations, chacun d’eux voulant l’inviter à s’arrêter dans le couvent qu’il habitait.

Il y a un couvent du petit Véhicule, nommé Cha-lokia, qui, suivant la tradition, fut construit à une époque où le fils de l’empereur des Hân (de la Chine) était retenu en otage dans ce pays. « Notre couvent, dirent les religieux, a été bâti jadis pour un fils de l’empereur des Hân ; or, comme il vient de la Chine, il est juste qu’il visite notre couvent avant tous les autres.

1 Si-yu-ki, liv. I, fol. 7.

Le Maître de la loi fut touché de leurs instances, et, comme Hoeï-sing (Pradjhñâkara), l’un de ses compagnons qui était un religieux du petit Véhicule, ne se souciait pas de demeurer dans un couvent du grand Véhicule (Mahâyâna), il se décida immédiatement à s’arrêter dans le couvent qu’on avait construit pour garder en otage le fils de l’empereur.

De plus, il renfermait des richesses immenses que l’on avait déposées au sud de la porte orientale de la Cour du Bouddha, au-dessous du pied (droit)^^1 de la statue du dieu, pour subvenir aux réparations futures du couvent. Les religieux, que le prince royal avait comblés de ses bienfaits, l’avaient fait représenter en peinture sur tous les murs de cet édifice. À l’époque où ils sortaient de la retraite (d’été), ils se réunissaient en assemblée solennelle et (priaient) pour demander le bonheur en faveur du prince^^2 qui était resté chez eux en otage. Cet usage, transmis d’âge en âge, subsiste encore aujourd’hui.

Dans ces derniers temps, il y eut un méchant roi qui, poussé par une cupidité sordide et par la violence de son caractère, voulut enlever de force les richesses de ce couvent. Il ordonna à des hommes de pratiquer des fouilles au-dessous des pieds de la statue ; mais la terre trembla jusque dans ses fondements.

Sur le sommet de la tête du dieu, il y avait une figure

1 Voir le Si-yu-ki, liv. I, fol. 18-19.

2 Il y a dans le Si-yu-ki « des princes. » J’ai mis du prince pour me conformer au récit de l’histoire que je traduis. de perroquet. Cet oiseau, les ayant vus fouiller la terre, agita ses ailes et poussa des cris effrayants. Le roi et ses soldats furent saisis d’épouvante et tombèrent à la renverse. (Revenus à eux), ils se retirèrent précipitamment.

Dans ce couvent, il y avait un Stoûpa dont la coupole tombait en ruines. Les religieux ayant voulu prendre les richesses (cachées au-dessous du dieu) pour subvenir aux réparations, la terre trembla une seconde fois avec d’horribles mugissements ; de sorte que personne n’osa plus approcher.

Quand le Maître de la loi fut arrivé, les religieux se réunirent et le prièrent tous ensemble d’exposer lui-même les faits anciens (relatifs à ce trésor).

Le Maître de la loi se rendit avec eux devant la statue du dieu et brûla des parfums : « Le prince royal, dit-il, retenu en otage, avait jadis déposé ici de grandes richesses pour qu’elles servissent à des œuvres méritoires. Aujourd’hui, le moment est arrivé d’ouvrir ce trésor et d’en faire l’usage prescrit. Veuillez examiner la sincérité de nos cœurs et suspendre, pendant quelque temps, les effets de votre puissance redoutable. Moi, Hiouen-thsang, je présiderai à l’ouverture du trésor, je pèserai la quantité de richesses qu’il renferme et je remettrai ensuite aux architectes les sommes nécessaires pour qu’ils fassent, avec régularité, les réparations ; je ne souffrirai aucune dépense inutile. Daignez, Seigneur, abaisser vos divins regards et voir la vérité. »

En achevant ces mots, il ordonna à des ouvriers de creuser la terre ; tout se passa avec calme et sans accidents.

À la profondeur de sept à huit pieds, on trouva un vase en cuivre qui contenait plusieurs centaines de livres d’or, et plusieurs dizaines d’escarboucles. Tous les assistants furent transportés de joie, et reconnurent avec admiration la supériorité de Hiouen-thsang. Le Maître de la loi passa, dans ce couvent, la retraite d’été.

Le roi de ce pays faisait peu de cas des sciences et n’estimait que le grand Véhicule (Mahâyâna). Mais, comme il prenait plaisir à assister aux discussions et aux conférences, il décida, non sans peine, Hiouen-thsang et le religieux Hoeï-sing (Pradjñâkara) à assister à une assemblée de la Loi dans un couvent du Grand Véhicule.

Là vivaient Mo-nou-jo-’kiu’-che (Manôdjña ghôcha), religieux du grand Véhicule, A-li-ye-fa-mo (Âryavarma), de l’école des Sa-p’o-to (des Sarvâstivâdas), et K’ieou-na-po-to (Gouṇabhadra), de l’école des Mi-cha-se (des Mahîçâsakas). C’étaient, tous trois, les coryphées de ce couvent ; mais leur savoir n’était pas universel, et chacun d’eux ne possédait que certaines parties de la doctrine. Quoiqu’ils excellassent quelquefois sur un point, cette sorte de supériorité était fort bornée. Hiouen-thsang, au contraire, avait étudié complètement tous les systèmes, et quelles que fussent les questions qu’on venait lui adresser, il répondait à chacun d’après les principes de son école ; de sorte que tous les docteurs finirent par s’incliner devant son savoir.

Ces conférences durèrent pendant cinq jours, après quoi rassemblée se sépara.

Le roi, ravi de joie, donna en particulier à Hiouen-thsang, cinq pièces de soie unie ; ses compagnons reçurent aussi des présents de différente valeur.

Après avoir passé le temps de la retraite (d’été) dans le couvent de Cha-lo-kia (Charaka ?), Hoeï-sing (Pradjñâkara) s’en retourna pour obéir à l’invitation du roi de Tou-ho-lo (Toukhara). Le Maître de la loi prit donc congé de lui et se dirigea vers l’est. Quand il eut fait environ six cents li, il franchit les montagnes noires (l’Indoukouch), entra dans l’Inde du nord et arriva au royaume de Lan-po (Lamghan).

Ce royaume, qui a environ mille li de tour, possède dix couvents dont les religieux étudient tous la doctrine dn grand Véhicule. Après s’être arrêté trois jours, il marcha vers le sud, et arriva à une petite montagne sur laquelle s’élève un Stoûpa. Jadis, le Bouddha, venant du sud, s’arrêta quelque temps en cet endroit. Dans la suite, les habitants, mus par un sentiment de respect et d’affection, y ont élevé cette tour.

Au nord de Lan-po (Lamghan), les pays frontières portent généralement le nom de Mie-li-tch’e (Mlêtch-tch’as).

Quand le Tathâgata voulut instruire et convertir les hommes, il se servit du véhicule des airs pour aller et venir, et ne voulut plus fouler la terre ; car, lorsqu’il marchait à pied, la terre tremblait profondément.

À vingt li au sud de ce pays, il descendit les montagnes noires (l’Indoukouch), traversa une rivière et arriva au royaume de Na-kie-Mio (Nagarhâra).

À deux li au sud-est de la capitale, il y a un Stoûpa haut de trois cents pieds qui fut bâti par le roi Wou-yeou (Açôka). Ce fut là que Chi-kia-pou-sa (Çâkya bôdhisattva), dans le deuxième Seng-k’i (Asam̃khya), rencontra Jen-teng-fo (Dipam̃kara bouddha). Ayant étendu à terre son vêtement de peau de cerf et déployé ses cheveux pour se préserver de la boue du sol, il reçut une prédiction (sur sa destinée future).

Quoique, depuis cette époque, le monde ait passé par le Kalpa de la destruction (Sam̃vartta kalpa), ce monument subsiste toujours. Les Dévas répandent des fleurs et lui offrent constamment leurs hommages. Quand le Maître de la loi fut arrivé à ce Stoûpa, il le salua avec respect et en fit plusieurs fois le tour. À côté, se trouvait un vieux Çramana qui expliqua à Hiouen-thsang la cause et l’origine de sa construction. « Puisque ce fut dans le deuxième Seng-k’i (Asam̃khya), lui demanda le Maître de la loi, que le Bôdhisattva déploya ses cheveux, depuis le deuxième Seng-k’i (Asam̃khya) jusqu’au troisième, il s’est écoulé un nombre infini de Kalpas. Dans chacun de ces Kalpas, le monde a dû bien des fois périr et renaître. Or, comme aux époques d’incendie universel, le mont Sou-mi-liu (Soumêrou) lui-même a été réduit en cendres, comment ce monument a-t-il pu échapper seul aux ravages du feu ? » — « Lorsque le monde était détruit, répondit le vieillard, cette tour subissait aussi la destruction générale ; et quand le monde renaissait, elle reparaissait aussi, au même endroit, dans son état primitif. Or, si le Soumêrou renaît constamment après sa destruction, comment ce monument sacré aurait-il été le seul à ne pas renaître ? Cette comparaison doit suffire pour dissiper vos doutes. »

Au-dessus, on a élevé une tour qui est devenue célèbre.

Plus loin, à dix li au sud-ouest, il y a un Stoûpa ; ce fut là que Fo (le Bouddha) acheta des fleurs.

Plus loin, au sud-est, on passe un sommet sablonneux, et, au bout de dix li, on arrive à la ville appelée Fo-ting-ko-tching « la ville du sommet du crâne de Fo » (Bouddhôçnicha poura ?).

Dans cette ville, il y a un pavillon à deux étages. Dans e second étage, il y a une petite tour formée de sept choses précieuses où est renfermé l’os du sommet du crâne de Fo (Ouçnicha). Cet os a un pied et deux pouces le circonférence. On y distingue clairement les petits trous des cheveux. Sa couleur est d’un blanc jaunâtre ; il est renfermé dans une boîte précieuse. Ceux qui veulent connaître la mesure de leurs péchés ou de leurs vertus, broient du parfum en poudre, et en forment une pâte molle qu’ils enveloppent dans de la soie et déposent sur l’os ; puis ils referment la boîte. L’apparence que présente ce parfum, quand on le retire, détermine le degré de leur bonheur ou de leur malheur.

Hiouen-thsang obtint la figure moulée de l’Arbre de l’intelligence (Bôdhidrouma) ; le plus âgé des Çramanas qui accompagnaient obtint la figure du Bouddha, et le plus jeune, la figure d’un lotus.

Le brahmane préposé à la garde de l’os sacré fut ravi de joie. Il se tourna vers Hiouen-thsang, fit claquer ses doigts et répandit des fleurs. « Maître, s’écria-t-il, ce que vous avez obtenu est extrêmement rare, et montre clairement que vous possédez déjà une portion du Pou-ti (Bôdhi) de l’intelligence.

Il y avait encore d*autres objets de vénération :

1° La tour du crâne, qui avait la forme d’une feuille de lotus ;

2° La prunelle du Bouddha, grosse comme le fruit Naî (de l’âmra), dont l’éclat était si brillant qu’elle rayonnait en dehors de la boite ;

3° Le sam̃ghaṭi (sorte de vêtement) du Bouddha, fait de coton d’une finesse extraordinaire ;

4° Le bâton dix Bouddha, dont les anneaux étaient en fer poli et la hampe en bois de sandal.

Le Maître de la loi obtint la permission d’adorer toutes ces reliques, et d’épancher de son âme attristée tous ses sentiments de respect. À cette occasion, il donna cinquante monnaies d’or, mille monnaies d’argent, quatre bannières en soie, deux pièces de brocart et deux habits complets de religieux. Après quoi, il répandit une grande quantité de fleurs, fit ses salutations d’adieu et sortit

Il apprit, en outre, qu’à vingt li au sud-ouest de la ville Teng-kouang-idiing (Pradiparasmi poura ou Pradipa prabhâ poura ?), il y avait une caverne où avait demeuré le roi des dragons, Kiu-po-lo (Gopâla Nâga râdjâ). Jadis, le Tathâgata, ayant dompté ce dragon, laissa son ombre dans cette caverne.

Le Maître de la loi voulut y aller pour lui rendre ses hommages ; mais on lui annonça que les chemins étaient déserts et dangereux, et qu’ils étaient infestés de brigands. On ajouta que depuis deux ou trois ans, on n’avait pas revu la plupart des hommes qui y étaient allés, et que, pour cette raison, les visiteurs devenaient fort rares.

À l’époque où le Maître de la loi voulut aller adorer l’ombre du Bouddha, les envoyés que le roi Kia-pi-che (Kapiça) avait chargés de l’accompagner, éprouvèrent un vif désir de le voir promptement revenir. Ils ne se soucièrent plus de rester davantage, et firent tous leurs efforts pour détourner le Maître de la loi de cette périlleuse excursion.

Il serait difficile, leur répondit-il, même pendant cent mille Kalpas, de rencontrer une seule fois la véritable ombre du Bouddha ; comment pourrais-je être arrivé jusqu’ici sans aller l’adorer ? Pour vous, partez tout doucement ; aussitôt que j’y serai resté quelque temps, je me hâterai de vous rejoindre.

Sur ces entrefaites, il partit seul, et, étant arrivé à la ville Teng-kouang-tch’ing (Pradîparasmi poura ou Pradîpaprahhâ poura ?), il entra dans un Kia-lan (Sam̃gârâma) et s’informa de la route qu’il devait suivre ; mais il ne trouva personne qui consentît à lui servir de guide. Il aperçut ensuite un jeune garçon qui lui dit : « La ferme du couvent est tout près d’ici, je vais vous y conduire. » En disant ces mots, il partit avec lui.

Arrivé à la ferme, il y passa la nuit et trouva un vieillard qui connaissant l’endroit indiqué, se mit en route avec lui. À peine avaient-ils fait quelques li, que cinq brigands s’avancèrent sur eux, l’épée à la main.

Le Maître de la loi ôta son bonnet et laissa voir son habit de religieux. « Maître, lui dit un des brigands, où voulez-vous aller ? »

— « Je désire, répondit-il, aller adorer l’ombre du Bouddha. »

« Maître, reprit-il, n’avez-vous pas entendu dire qu’en ces lieux, il y a des brigands ? »

— « Les brigands sont des hommes, lui dit Hiouen-thsang. Maintenant que je vais adorer le Bouddha, quand les chemins seraient remplis de bêtes féroces, je marcherais sans crainte ; à plus forte raison ne dois-je pas avoir peur de vous, qui êtes des hommes dont le cœur est doué de pitié ! »

En entendant ces mots, ces brigands furent touchés et ouvrirent leur cœur à la foi.

Hiouen-thsang partit aussitôt pour aller faire ses dévotions à la grotte.

Elle est située à l’est d’un ruisseau qui coule entre deux montagnes. Dans un mur de pierre, où elle est creusée, on voit une sorte de porte qui s’ouvre au couchant. Lorsque Hiouen-thsang eut plongé les yeux dans la grotte, elle lui parut sombre et ténébreuse, et il ne put rien apercevoir.

« Maître, lui dit le vieillard, entrez tout droit ; quand vous aurez touché la paroi orientale, faites cinquante pas en arrière et regardez juste à l’est : c’est là que réside l’ombre. »

Le Maître de la loi entra dans la grotte et s’avança sans guide. Au bout de cinquante pas, il heurta la paroi orientale ; puis, fidèle à l’avis du vieillard, il recula et resta debout. Alors, animé d’une foi profonde, il fit cent salutations, mais il ne vit rien. Il se reprocha amèrement ses fautes, pleura en poussant de grands cris et s’abandonna à la douleur. Ensuite, avec un cœur plein de sincérité, il récita dévotement le Ching-man-king (le Çrimdlddévi sinhanâda soutra), etc. et les Gâthâs (louanges en vers) des Bouddhas, en se prosternant après chaque strophe.

Lorsqu’il eut fait ainsi une centaine de salutations, il vit apparaître sur le mur oriental une lueur, large comme le pot d’un religieux, qui s’éteignit à l’instant.

Pénétré de joie et de douleur, il recommença ses salutations, et, de nouveau, il vit une lumière de la largeur d’un bassin, qui brilla et s’évanouit comme un éclair. Alors, dans un transport d’enthousiasme et d’amour, il jura de ne point quitter cet endroit avant d’avoir vu l’ombre de l’Honorable du siècle (du Bouddha).

Il continua ses hommages, et, après qu’il eut fait encore deux cents salutations, soudain, toute la grotte fut inondée de lumière, et l’ombre de Jou-laï (du Tathâgata), d’une blancheur éclatante, se dessina majestueusement sur le mur, comme lorsque les nuages s’entr’ouvrent et laissent apercevoir tout à coup l’image merveilleuse de la montagne d’or. Un éclat éblouissant éclairait les contours de sa face divine. Hiouen-thsang contempla longtemps, ravi, en extase, l’objet sublime et incomparable de son admiration. Le corps du Bouddha et sa Kia-cha (Kachâya, son vêtement religieux) étaient d’un jaune rouge ; depuis les genoux jusqu’en haut, les beautés de sa personne brillaient en pleine lumière ; mais le dessous de son trône de lotus était comme enveloppé dans un crépuscule.

À gauche, à droite et derrière le Bouddha, on voyait au complet les ombres des Bôdhisattvas et des vénérables Çramaṇas qui forment son cortége.

Après avoir été témoin de ce prodige, il ordonna, de loin, à six hommes qui se trouvaient en dehors de la porte d’apporter du feu et d’entrer, pour brûler des parfums.

Quand le feu fut arrivé, soudain l’ombre du Bouddha s’en retourna et disparut.

Aussitôt il ordonna d’éteindre le feu, se fit de nouveau indiquer l’endroit et, à l’instant, elle reparut devant lui.

Parmi les six hommes, cinq purent la voir ; mais il y en eut un qui ne vit absolument rien. Cela ne dura que quelques instants.

Hiouen-thsang, ayant vu clairement ce phénomène divin, se prosterna avec respect, célébra les louanges du Bouddha et répandit des fleurs et des parfums ; après quoi la lumière céleste s’éteignit. Alors il fit ses adieux et sortit. Le brâhmane qui l’avait accompagné fut aussi ravi qu’émerveillé de ce miracle : « Maître, lui dit-il, sans la sincérité de votre foi et l’énergie de vos vœux, vous n’auriez pu voir un tel prodige. »

En dehors de la porte de la grotte, il y a encore beaucoup de vestiges du Saint (du Bouddha). — Le reste comme dans la Relation particulière^^1.

En s’en retournant ensemble, ils retrouvèrent les cinq brigands qui brisèrent leurs armes, et ne prirent congé d’eux qu’après avoir reçu les défenses (de la discipline religieuse).

Après avoir visité la grotte, il rejoignit ses compagnons de voyage, fit cinq cents li au sud-est à travers les montagnes et arriva au royaume de Kien-t’o-lo (Gandhara)^^2 qui, du côté de l’est, est voisin du fleuve Sintou (Sindh — Indus). La capitale s’appelle Pou-lou-chapou-lo (Pourouchapoura). Ce royaume a produit, depuis l’antiquité, beaucoup de sages, de saints et d’auteurs de Çdstras, savoir : Na-lo-yen-t’ien (Nârayâna déva)^, Woutcho-pou-sa (Asamgha bôdhisattva), Chi-thsin (Vasoubandhou bôdhisattva), Fa-k’ieou (Dharmatrdta), Jou-i (Manâi^ita), Hie-ts’un (Parçvika), etc., etc.

Au nord-est de la capitale, il y a une tour précieuse où était placé jadis le pot du Bouddha.

Dans la suite, il a voyagé dans divers royaumes ; actuellement, il se trouve à Po-la-na-sse (Varânaçî — Bénarès).

En dehors de la ville, à quatre-vingts ou quatre-vingt-dix li au sud-est, s’élève un (arbre) Pi-po-lo (Pippala), haut d’environ cent pieds. Les quatre Bouddhas passés se sont assis sous son ombre. On voit encore aujourd’hui les statues de ces quatre Tathâgatas. Les neuf cent quatre-vingt-seize Bouddhas futurs doivent s’y asseoir pareillement.

À côté de cet arbre, il y avait un Stoûpa haut de quatre cents pieds, qui fut construit par le roi Kia-ni-sse-kia (Kanichka). La partie qui en reste a un li et demi de tour, et s’élève encore à cent cinquante pieds. Ce Stoûpa était couronné par une coupole en diamant (sic).

Dans les vingt-cinq étages (de la tour), il y avait un ho (dix boisseaux chinois) de reliques (çariras) du Bouddha.

À cent pas au sud-ouest de ce Stoûpa, s’élève une statue en pierre blanche, haute de dix-huit pieds, dont la face est tournée vers le nord. En cet endroit, éclatent une multitude de prodiges ; et, communément, il y a des hommes qui voient la statue se mouvoir, pendant la nuit, autour du grand Stoûpa.

À cent li au nord -ouest du Kia-lan {Samghdrdma) de Kia-ni-sse-kia (Kanichka), on passe un large fleuve, et l’on arrive à la ville de Pou-se-kia-lo-fa-ti (Pouchkor lavâti).

À l’est de cette ville, il y a un Stoûpa qui fut bâti par Wou-yeou (Açôka). Dans cet endroit, les quatre Bouddhas passés expliquèrent la Loi.

Dans l’intérieur d’un Kia-lan (Sam̃ghârâma), situé à quarante ou cinquante li au nord de la ville, il y a un Stoûpa haut de deux cents pieds, qui fut bâti par le roi Wou-yeou (Açôka). Jadis, lorsque Chi-kia-fo (Çâkya bouddha) menait la vie d’un Pou-sa (Bôdhisattva), il aimait à répandre des bienfaits. Pendant mille existences, il régna dans ce royaume. Cet endroit est celui où, pendant mille existences, il fit l’aumône de ses yeux.

Ces sortes de monuments sacrés sont innombrables. Le Maître de la loi put les voir tous et leur offrir ses hommages.

Toutes les fois qu’il arrivait à une grande tour (Stoûpa) ou à un grand Kia-lan (Samghârâma), il distribuait aux religieux une partie de l’or, de l’argent, des soieries et des vêtements que le roi de Kao-tch’ang (des Oïgours) lui avait donnés ; il ne partait qu’après avoir fait ces sortes d’offrandes pour montrer l’ardeur de sa foi.

De cet endroit, il se rendit à la ville de Ou-to-kiahan-tch’a (Outakhanda). Il partit ensuite au nord de la ville, traversa des montagnes et des vallées, et, après avoir fait six cents li, il entra dans le royaume de Ou-tchang-na (Oudyâna).

Sur les deux rives du fleuve Sou-p’o-so-tou (Çoabhavastou), il y avait jadis quatorze cents Kia-lan (Samghdrâmas), où l’on comptait dix-huit mille religieux ; maintenant, ils sont la plupart déserts, et le nombre de leurs habitants est considérablement réduit.

Les religieux qui y observent les règles de la discipline et conservent la tradition de la doctrine, se divisent en cinq écoles : 1° Fa-mi-pou (les Dharmagouptas) « les gardiens de la Loi » ; 2° Hoa-ti-pou (les Mahiçâsakas) « ceux qui instruisent la terre » ; 3° In-kouang-pou (les Kâçyapiyas) « les sectateurs de Kâçyapa » ; 4° Choue-i-tsie-yeou-pou (les Sarvâstivâdas) « ceux qui affirment l’existence de toutes choses » ; 5° Ta-tchong-pou (les Mahâsam̃ghikas) « ceux de la Grande assemblée ».

Beaucoup de rois de ce pays ont choisi pour résidence la ville de Moung-kie-li (de Mongali ?) qui est riche et fort peuplée.

À quatre ou cinq li à l’est de cette ville, il y a un grand Stoupa où l’on voit éclater une multitude de prodiges. Ce fut là que, jadis, le Bouddha remplit le rôle de Kchânâ-déva « le Déva qui endure la honte », régna sous le nom de Kie-li-ouang (Kalirâdjà) et mutila ses membres.

À deux cent cinquante li au nord-est de la ville, on entre dans une grande montagne et l’on arrive à la source du dragon A-po-lo-lo (Apalâla) ; c’est la source supérieure du fleuve Sou-p’o^^1 (Çoubhavastou) qui coule ta sud-ouest.

Dans ce pays, on éprouve un froid rigoureux, et l’on y voit constamment de la glace pendant le printemps et l’été. Souvent la neige vole en tourbillons mêlés de pluie, brillant de cinq couleurs ; on dirait des nuages de fleurs qui volent dans l’air.

À trente li au sud-ouest de la source du dragon, sur une large pierre de la rive septentrionale du fleuve (Çoubhavastou), on voit les traces des pas du Bouddha, qui paraissent longues ou courtes suivant le degré de la vertu des hommes et de l’énergie de leurs vœux. Jadis, lorsque le Bouddha voulut dompter le dragon A-po-lo-lo (Apalâla), il vint dans cet endroit et ne le quitta qu’après y avoir laissé la trace de ses pas.

1 Je lis ainsi d’après le Si-yu-ki.

Après avoir suivi le cours du fleuve sur une étendue de trente li, on trouve une pierre où Jou-laî (le Tathâgata) lava ses vêtements. On y distingue nettement les raies du tissu de la Kia-cha (Kachâya, vêtement brun de religieux), semblables à des nervures de feuilles.

À quatre cent li au sud de la ville, on arrive à la montagne de Hi-lo. Ce fut en cet endroit que jadis Joulaî (le Tathâgata), après avoir entendu la moitié d’un gâthâ, témoigna sa reconnaissance aux Yo-tcha (Yakchas) et leur fit l’aumône de son corps.

À cinquante li à l’ouest de la ville de Moung-kie-li (Mongali ?), on passe un grand fleuve et l’on arrive à la tour rouge (Lou-hi-ta-kia-sou-tou-po — Lohitaka stoûpa), qui est haute de cent pieds, et dont la construction est due au roi Wou-yeou (Açôka). Ce fut en cet endroit que, jadis, Jou-laï (le Tathâgata), lorsqu’il remplissait le rôle de Tse-li-wang (Mâitribala râdjâ ?) « roi doué d’une forte affection », perça son corps avec un couteau et le donna à cinq Yo-tcha (Yakchas).

À trente li au nord de la ville, on arrive au Stoûpa appelé Ko-pou-to-chi-sou-tou-po, (Adbhoûtâçma stoûpa) « Stoûpa de pierre extraordinaire », qui est haut de trente pieds.

Jadis, en cet endroit, le Bouddha exposa la Loi en faveur des hommes et des dévas. Après le départ du Bouddha, on vit ce Stoûpa sortir subitement du sein de la terre.

À l’ouest de la tour, on passe un grand fleuve, et, au bout de trois à quatre li, on arrive à un couvent (Vihâra) où se voit la statue d’A-fo-loa-tchi-to-i-chi-fu-lo-pou-sa (d’Avalokitéçvara bôdhisattva) dont la puissance divine brille avec éclat.

Au nord-est de la ville, on franchit des montagnes, on traverse des vallées et Ton remonte le fleuve Sin-tou (Sindh — Indus). La route est extrêmement dangereuse ; tantôt on monte en se cramponnant à des chaînes de fer, tantôt on passe en franchissant des ponts volants, et après avoir fait ainsi dix li^^1, on arrive à la vallée de Ta-li’lo (Dalila ?) ; c’était là qu’existait jadis la résidence du roi d’Ou-tchang-na (Oudyâna).

À côté d’un Kia-lan (Sam̃ghârâma) qui s’élève au milieu de cette vallée, on voit la statue de Tse^hi-poursa [Mâitréya bôdhisattva) sculptée en bois. Elle est entièrement dorée, et sa hauteur est de cent pieds. Elle fut exécutée par les soins de Mo-t’ien-ti-kia-a-lo-han (de ÏArhat Madhyântika), qui, par la force divine qui le faisait pénétrer en tous lieux, enleva im artiste jusqu’au ciel Tou-se-to-t’ien (des Touchitas), et lui fit voir la figure merveilleuse de Tse-chi (Mâitrêya bôdhisattva). Après trois voyages successifs, ce travail arriva à sa perfection.

Au sud de la ville de Ou-to-kia-han-tch’a (Outakhanda), on passe le fleuve Sin-tou (Sindh), qui est large de trois à quatre li et roule avec rapidité ses eaux pures et transparentes. Des dragons venimeux et des animaux malfaisants habitent au fond de ce fleuve. Tous ceux qui le passent, en portant soit des joyaux extraordinaires de

1 Il y a mille li dans le Si-Yu-ki, liv. III, fol. 8. l’Inde, soit des fleurs rares ou des reliques (çariras), soient subitement leur barque s’engloutir sous les flots.

Après avoir traversé ce fleuve, on arrive au royaume le ta-tcha-chi-lo (Takchaçila)^^1.

À douze ou treize li au nord de cette ville, il y a un stoûpa qui fut bâti par le roi Wou-jeou (Açôka).

En tous temps, il brille d’un éclat divin. Ce fut en cet endroit, que jadis Jou-laï (le Tathâgata), menant la vie d’un Pou-sa (Bôdhisattva), fut roi d’un grand royaume sous le nom de Tchen-ta-lo-po-la-po (Tchandraprabha), et que, désirant ardemment d’obtenir l’intelligence (parvenir à l’état de Bouddha), il fit l’aumône de mille têtes^^2.

À côté de la tour, il y a un Kia-lan (Samghârâma). Fadis, Reou-mo-lo-to (Koumâralabdha), l’un des maîtres le l’école King-pou (des Sâutrântikas), composa dans ce jeu une multitude de Castras.

En partant de là, à une distance de sept cents li au sud-est, on trouve la ville de Seng-ho-pou-lo (Sinhawura).

Lorsqu’on a quitté les frontières septentrionales de Takchaçila, on passe le fleuve Sin-tou (Sindh), et à vingt i au sud-est, on traverse une grande porte en pierre. Ce fut en cet endroit que le prince royal Mo-ho-sa-to (Mahâsattva koumâra râdjd) fit l’aumône de son corps pour apaiser la faim des sept petits d’un tigre.

Dans l’origine, la terre avait été teinte du sang du Prince royal (Koumâra râdjâ). Aujourd’hui, elle est en-

1 Inde du nord.

2 C’est-à-dire les têtes qu’il eut pendant mille existences successives. encore rouge, et les plantes et arbres conservent la même couleur.

En partant de là^^1 au sud-est, après avoir fait cinq cents li à travers les montagnes, il arriva au royaume de Ou-la-chi (Ouraçi).

Plus loin, au sud-est, Hiouen-thsang gravit des hauteurs couvertes de précipices, traversa un pont en fer, et, après avoir fait mille li, il arriva au royaume de Kior chi-mi-lo (Kachmire).

À l’ouest, la capitale est voisine d’un grand fleuve ; elle possède cent couvents où l’on compte cinq mille religieux. Il y a quatre Stoûpas, aussi remarquables par leur élévation que par leur magnificence, qui furent bâtis jadis par le roi Wou-yeoa (Açôka). Chacun d’eux renferme environ un ching^^2 des che-li (çarîras) « reliques » de Jou-laï (du Tathâgata).

Quand le Maître de la loi commença à traverser les frontières de ce pays, il arriva à la porte de pierre qui est la porte occidentale de ce royaume. Le roi ordonna au frère cadet de sa mère d’aller au-devant de lui avec des chars et des chevaux.

Lorsqu’il eut passé par la porte de pierre, il visita successivement tous les Kia-lan (Sam̃ghâdrâmas) et y fit ses dévotions. Il passa la nuit dans un couvent (Vihâra) appelé Hou-se-kia-lo (Houchkara ?). Pendant la nuit, les religieux virent en songe un esprit qui leur dit : « Ce

1 C’est-à-dire à partir de la grande porte en pierre, située à deux cents li au sud-est du fleuve Sindh.

2 Mesure chinoise. religieux étranger vient du Mo-ho-tchi-na [Mahâtchina) « de la grande Chine » ; il désire étudier les King (Soûtras), et voyager dans l’Inde pour voir et adorer les monuments sacrés. »

— « Nous n’avons jamais entendu parler de lui, » répondirent les religieux.

« Comme il vient à cause de la Loi, une multitude infinie de bons esprits le suivent et l’accompagnent. Il est maintenant dans ce pays. Le bonheur que vous avez accumulé par vos vertus passées, est devenu un objet d’estime et de respect pour les hommes des contrées lointaines. Il faut vous livrer avec zèle au chant des prières et aux pratiques religieuses pour qu’ils vous louent et vous admirent. Comment pouvez-vous vous laisser aller à la paresse et rester ainsi plongés dans le sommeil ? »

En entendant ces paroles, chaque religieux s’éveilla en sursaut et resta jusqu’au matin dans l’exercice de la méditation et de la prière. Puis ils vinrent tous ensemble raconter ce prodige qui ne fit que les rendre plus graves et plus appliqués à leurs devoirs. Ces pieuses pratiques durèrent plusieurs jours, (au bout desquels le Maître de la loi) commença à approcher de la ville royale. Il n’en était plus éloigné que d’un Yeou-sun (Yôdjana), lorsqu’il arriva à une maison du bonheur (Dharmaçâla).

Le roi, à la tête de tous ses officiers et des religieux de la capitale, se rendit à la maison du bonheur et vint au-devant de lui avec un cortége de plus de mille personnes. Le chemin était couvert de parasols et d’étendards, et toute la route était inondée de parfums et de fleurs. Lorsqu’il fut en présence de Hiouen-thsang, il le combla de louanges et de marques de respect, et, de sa propre main, il répandit en son honneur une immense quantité de fleurs. Puis il le pria de monter sur un grand éléphant et marcha à sa suite.

Quand il fut arrivé à la capitale, il s’arrêta dans un couvent appelé Che-ye-in-to-lo-sse (Djayendra vihâra)^^1.

Le lendemain, (le roi) le pria d’entrer dans son palais pour recevoir ses hommages et s’asseoir à sa table. En même temps, il ordonna à plusieurs dizaines de religieux d’une vertu éminente, de prendre part i ce festin. Le repas terminé, le roi invita le Maître de la loi à ouvrir des conférences sur les points difficiles de la doctrine.

Ayant appris que l’amour de l’étude l’avait fait venir des contrées lointaines, et que, lorsqu’il voulait lire, il se trouvait dépourvu de textes, (le roi) lui donna aussitôt vingt copistes pour écrire des king (soûtras) et des lun (çastras), et, en outre, cinq serviteurs qu’il chargea d’exécuter ses ordres et de lui fournir, aux frais du trésor, tout ce dont il aurait besoin.

Les religieux avaient à leur tête un maître de la loi d’une vertu éminente, qui observait, avec une pureté sévère, les règles de la discipline. Il était doué d’une intelligence profonde, et sa vaste instruction embrassait toutes les parties de la science. Ses talents et ses lumières avaient quelque chose de divin, et son âme bienveillante

1 Ce couvent avait été construit par le beau-père du roi. (Note de l’auteur chinois.) était remplie d’affection pour les sages et d’estime pour les lettrés. Aussi aimait-il à inviter cet hôte illustre qui était pour lui un objet d’admiration. De son côté, Hiouen-thsang l’interrogeait à cœur ouvert et se livrait jour et nuit à l’étude avec un zèle infatigable. Il pria donc ce vénérable maître (Âtchâryya) de lui expliquer les lun (çâstras).

Ce religieux avait alors soixante et dix ans, et ses forces étaient affaiblies par l’âge. Mais, ayant eu le bonheur de rencontrer un homme d’une capacité divine, il fît tous ses efforts pour lui communiquer sa science. Avant midi, il lui expliqua le Kiu-che (Kôchaçâstra), et dans l’après midi, le Chun-tching-li-lun (le Niyâya anousâra çâstra, de Sam̃ghabhadra). Après la première nuit, il lui expliqua le In-ming-lun (Hétouvidyâ çâstra) et le Ching-ming-lun (Çabdavidyâ çâstra).

Depuis ce moment, tous les hommes d’étude des différentes parties du royaume se réunirent en foule (pour assister à ces conférences).

Le Maître de la loi, guidé par les explications, comprenait les textes sans que rien lui échappât ; il approfondissait avec un vif intérêt ce qu’ils avaient d’obscur, et finissait par en découvrir les mystères les plus cachés.

Le Docteur était ravi de joie et ne pouvait se lasser de le louer et de l’admirer. « Ce religieux de la Chine, dit-il à ceux qui l’entouraient, est doué d’une rare intelligence et d’une énergie invincible ; dans toute cette assemblée, il n’est personne qui puisse l’effacer. Par ses lumières et sa vertu, il est capable de continuer les nobles exemples des frères de Chi-thsin (Vasoubandhou). Je ne regrette qu’une chose, c’est que, né dans un royaume lointain, il n’ait pu recueillir de bonne heure les précieuses leçons que nous ont léguées les sages et les saints.

À cette époque, il y avait, parmi rassemblée, des religieux versés dans le grand Véhicule (Mahâyâna) : c’étaient Pi-chou-tho-seng-ho (Viçouddhasiñha), CAiihrofan-tou (Djinabandhou) ; des religieux de l’école des Sa-p’o-to (Sarvâstivâdas) : c’étaient Sou-kia-mi-to-lo (Sougatamitra), Po-sou-mi-to-lo (Vasoumitra) ; des religieux de l’école des Seng-k’i (des Mahâsam̃ghikas) : c’étaient Sou-li-ye-ti-po (Soûryadéva) et Chin-na-ta-lo^to (Djinatrâta).

Depuis des siècles, le savoir avait été en grand honneur dans ce royaume ; aussi admirait-on ces religieux, qui se distinguaient autant par la pureté du caractère et la solidité de la vertu, que par l’éclat du talent et la richesse des explications.

Mais, bien que les religieux de ce pays fussent loin d’atteindre à leur renommée, ils étaient fort supérieurs aux autres hommes.

Quand ils eurent vu que Hiouen-thsang était loué avec enthousiasme par les grands docteurs, ils se mirent à l’interroger, à l’envi, sur les points les plus difficiles.

De son côté, le Maître de la loi, dont l’esprit s’éclairait de jour en jour, leur répondait sans embarras ni hésitation. Depuis ce moment, tous les sages furent remplis de confusion et s’inclinèrent devant son savoir.

Ce royaume était, dans l’origine, un étang de dragons Nâgahrada). La cinquantième année après le Nie-pan (le Nirvâṇa) da Bouddha, un disciple de A-nan (d’Ânanda), nommé le vénérable Mo-t’ien-ti-kia (Madhyântika Arhân), convertit le roi des dragons (Nâgarâdjâ). Celui-ci quitta l’étang, bâtit cinq cents Kia-lan {Samghârâmas), et invita 168 sages et les saints à venir y demeurer pour recevoir ses hommages.

Dans la suite des temps, dans la quatre centième année après le Nie-pan (Nirvâṇa) de Jou-laï (du Tathâgata), le roi Kia-ni-sse-kia {Kanichka), à la demande de Hie-tsun (l’Âtchâryya Parçvika), appela tous les saints hommes qui, dans la doctrine exotérique, avaient approfondi les Trois Recueils (Tripitakâ), et dans la science ésotérique, les cinq Traités lumineux (Ou-ming) ; savoir : 1° le Çabdavidyâ ; 2° le Hétouvidyâ ; 3° l’Adhyâtmavidyâ ; 4° Tchikitsavidyâ ; 5° le Çilpasthânavidyâ.

Il en vint quatre cent quatre-vingt-dix-neuf. Avec Chi-yeou (Vasoumitra), ils formèrent une réunion (un concile) de cinq cents sages qui rassemblèrent les écritures des Trois Recueils.

D’abord, ils composèrent, en dix mille çlôkas, le Ou-po-ti-cho-lun (l’Oupadêça çâstra), pour expliquer le Sou-a-lan-thsang ( Soûtrapitaka ) « le Recueil des Soûtras » ; ensuite ils composèrent, en cent mille çlôkas, le PiwX-ye-pi-p’o^ha’lun (Vinaya vîbhâchd çâstra), pour exdiqtier e Pi-naî-ye-Oisang [Vinayapitaka) «le Recueil ie la discipline » ; enfin ils composèrent, en cent mille çlôkas, le A-pi-ta-mo-pi-p’o-cha-lun (Abhidharma vithâ)hd çâstra), pour expliquer le A-pi-ta-mo-thsang (Abhidharma piṭaka) « le Recueil de la Métaphysique ». Ces trois cent mille çlôkas renferment neuf cent soixante mille mots.

Le roi fit graver, sur des feuilles de cuivre, les textes de ces çâstras, et les renferma dans une caisse en pierre qui fut scellée et ornée d’une inscription. Puis, il construisit un grand Stoûpa et déposa dans l’intérieur ces textes vénérés, dont il confia la garde à une troupe de Yo-tcha (Yakchas) « démons ». Si leur sens profond a été remis en lumière, on le doit uniquement aux travaux de ce concile.

Hiouen-thsang resta ainsi, dans ce royaume, pendant deux années entières, et, après avoir étudié à fond les King (Soûtras) et les Lun (Castras), et visité avec respect tous les monuments sacrés, il prit congé des religieux. Alors, se dirigeant au sud-ouest, il franchit des montagnes, traversa des torrents, et, après avoir fait sept cents li, il arriva au royaume de Poian-nou-tsie (Panoutcha, le Puntch actuel).

De là il tourna à l’est, et, après avoir fait quatre cents li, il arriva au royaume de Ko-lo-he-pou-lo (Râdjapoura)[5].

De là, au sud-est, on descend des montagnes, on traverse des rivières, et, au bout de deux cents li, on arrive au royaume de Tse-kia (Tchéka)[6].

Depuis Lan-p’o (Lamghan) jusqu’à ce pays, comme les habitants vivent sur une frontière rude et inculte, ils différent sensiblement des Indiens par leurs coutumes, leurs vêtements et leur langage ; leurs mœurs sont vicieuses et grossières.

Deux jours après avoir quitté le royaume de Ko-locke-pou-lo (Râdjapoura) y il passa le fleuve Tchen-ta-lo-p’o-kia (Tchandrabhâga) et arriva à la ville de Che-yepou-lo (Djayapoura), où il passa la nuit dans un couvent d’hérétiques. Ce couvent était situé hors de la porte occidentale de la ville et comptait, à cette époque, une vingtaine de disciples.

Le lendemain, il arriva à la ville de Che-kie-lo (Çâkala). On y voit un couvent qui renferme une centaine de religieux. Ce fut là que, jadis, Chi-th’sin-pou-sa (Vasoubandhou bôdhisattva) composa le traité Ching-i-ti-lun (Anouttarârthasatya çâstra ?).

À côté de ce couvent, s’élève un Stoûpa haut de deux cents pieds. Les quatre Bouddhas passés ont expliqué la Loi en cet endroit ; on y voit encore les traces de leurs pas.

De là il sortit de la ville de Na-lo-seng-ho (Nârasiñha), du côté de l’est, et arriva à une forêt de Po-lo-che (Palâças) « Butea frondosa », où il rencontra une cinquantaine de brigands. Ceux-ci, après avoir enlevé à Hiouen-thsang et à ses compagnons leurs habits et leurs provisions, les poursuivirent, l’épée à la main, jusque dans un étang desséché qui était situé au midi du chemin, et voulurent les massacrer tous. Heureusement que le lit de l’étang était tout couvert de buissons épineux et de plantes rampantes. Les Çramaṇas qui accompagnaient le Maître de la loi, ayant percé du regard ce fourré épais, découvrirent sur le bord méridional de l’étang une cavité creusée par les eaux, qui pouvait contenir plusieurs personnes. Ils en avertirent secrètement le Maître de la loi et s’y enfoncèrent avec lui ; puis, ils s’échappèrent et coururent précipitamment vers le sud-est. Au bout de deux ou trois li, ils rencontrèrent un brâhmane qui labourait, et lui racontèrent de quelle manière ils avaient été assaillis et dépouillés par des brigands.

À ce récit, le brâhmane frémit d’horreur. De suite, il détela ses bœufs et se dirigea avec le Maître de la loi vers le village voisin. Il convoqua les habitants aux sons de la conque et au bruit du tambour, et, bientôt, il eut trouvé quatre-vingts hommes qui s’armèrent à la hâte et coururent à la recherche des brigands. Mais ceux-ci, à la vue de cette multitude, se dispersèrent et s’enfuirent au fond des bois. Le Maître de la loi retourna vers l’étang et délivra plusieurs hommes que les brigands avaient liés et garrottés[7]. Ceux qui l’accompagnaient, leur distribuèrent des vêtements et les ramenèrent au village pour y passer la nuit. Tous pleuraient et, poussaient des cris perçants. Mais le Maître de la loi conservait un visage riant, et ne donnait aucun signe de douleur. « Maître, lui dirent ses compagnons, les brigands nous ont enlevé tous nos bagages et nos provisions, et ce n’est qu’avec peine que nous avons conservé la vie. Dans cette circonstance, nos fatigues et nos dangers sont arrivés à leur comble. Cest pourquoi quand nous reportons notre pensée sur les cruels événements de la forêt, tout à coup notre âme est déchirée de douleur. Maître, comment se fait-il qu’au lieu de gémir avec nous, vous conserviez un air riant et joyeux ? »

— « La vie, répondit-il, est le plus grand bien de l’homme. Quand on a la vie sauve, à quoi bon s’inquiéter du reste ? C’est pourquoi il est dit dans un livre de mon pays : La vie est le plus grand trésor du monde ; tant qu’elle subsiste en nous, ce grand trésor ne saurait être oublié. Quelques vêtements et de chétives provisions méritent-ils tant de chagrins et de regrets ? »

En entendant ce langage, ses compagnons comprirent avec émotion, que son âme sublime était comme une rivière pure dont on peut agiter les flots sans jamais les troubler.

Le lendemain, il arriva à la frontière orientale du royaume de Tse-kia (Tchéka), et entra dans une grande ville.

À l’ouest de la ville, et au nord de la route qui y conduit, il y avait un grand bois d’An-mo-lo (d’Âmras) « manguiers ». Dans ce bois vivait un brâhmane âgé de cent sept ans (sic), et qui, à le voir, ne paraissait pas avoir plus de trente ans. Il était d’une haute stature et était doué d’une profonde intelligence. Il était versé dans la doctrine du Tchong-lun (Prâṇyamoûla çâstra de Nâgârdjouna) et du Pe-lun (le Çataçâstra de Dêva bôdhisattva) ; de plus, il connaissait à fond les Feï-t’o (les Védas), etc. Il avait deux serviteurs, tous deux centenaires. Quand le Maître de la loi parut en sa présence, il l’accueillit avec joie. À peine eut-il été informé des violences qu’il avait éprouvées de la part des brigands, qu’il envoya un de ses serviteurs pour donner ses ordres à ceux des habitants de la ville, qui étaient dévoués à la loi du Bouddha, et leur recommander de préparer des vivres pour le Maître de la loi.

Dans cette ville, il y avait plusieurs milliers de familles ; un petit nombre d’entre elles croyaient en Bouddha, mais tout le reste se composait d’hérétiques (pâchaṇḍas). Pendant que le Maître de la loi se trouvait dans le pays de Kia-chi-mi-lo (Kachmire), sa renommée s’était déjà répandue au loin, et tous les royaumes (voisins) connaissaient sa mission. Le serviteur parcourut la ville en criant à haute voix : « Le religieux de la Chine est arrivé ; mais, à une petite distance d’ici, des brigands l’ont dépouillé de tous ses habits. Il faut que tout le monde lui en fournisse. »

À peine eut-on connaissance de cet événement que, touchés par la foi, les partisans de l’erreur abjurèrent leurs sentiments hostiles, et les notables de la ville, au nombre de plus de trois cents, accoururent au bruit de ce récit, apportant chacun une pièce de coton et des provisions de bouche, et vinrent respectueusement les déposer devant lui. Ensuite, l’ayant salué, ils l’interrogèrent à genoux.

Le Maître de la loi, après avoir fait des vœux pour leur bonheur, exposa la doctrine des récompenses et des peines, et les conséquences des bonnes œuvres. Dociles à ses conseils, ils ouvrirent leurs cœurs à la vérité et jurèrent d’abandonner l’erreur et de rentrer dans la droite voie.

Dans cette entrevue, ils s’entretinrent avec lui d’un air joyeux, et s’en retournèrent pleins d’allégresse. Le vieillard surtout était émerveillé d’un événement aussi extraordinaire. Alors il distribua des toiles de coton à tous ses compagnons, qui eurent chacun plusieurs vêtements complets ; mais, comme il n’aurait jamais pu faire usage d’une si grande quantité d’étoffes, il en offrit cinq pièces au vieillard.

Hiouen-thsang resta un mois en cet endroit et étudia les King (Soûtras), le Pe-lun (le Çataçâstra) et le Kouang-pe-lun (le Çataçâstra vâipoulyam de Dêva bôdhisattva). Ce docteur était un disciple de Long-meng (Nâgârdjouna), Ayant reçu lui-même les leçons du Maître, il s’exprimait avec une parfaite clarté.

De là, ayant fait cinq cents li à l’est, il arriva au royaume de Tchinapati et se rendit dans le couvent de T’o-che-sa-na (Dhouhçasana vihâra ?), où se trouvait un religieux d’une vertu éminente, nommé Pi-ni-to-po-la-p’o (Vinîtaprabha). Il jouissait d’une grande réputation et était versé dans la connaissance des Trois Recueils. Il avait composé lui-même le Ou-ouen-lun-chi (Pañtchaskandakaçâstra kârikâ) et le Weï-tchi-san-chi-lun-chi (Vidyâmâtrasiddhi tridaçaçâstra kârikâ). Cette considération décida Hiouen-thsang à rester quatorze mois. Il étudia le Touï-fa-lun [Abhidharma çâstra), le Hien-tsang-lan (l’Abhidharma prakaraṇa çâsana çâstra de Sam̃ghabhadra), et le Li-men-lun (lisez : le In-ming-tching-li-men-lun, Nyâyadvâra târaka çâstra, de Nâgdrdjouna), etc.

Au sud-est de la grande ville (de la capitale), il fit cinquante li et arriva au Seng-kia-lan de Ta-mo-sou-fa-na (Tâmasavana sam̃ghârâma) « couvent de la forêt obscure », où l’on comptait environ trois cents religieux de l’école I-tsie-yeou-pou (des Sarvâstivâdas). Les mille Bouddhas du Kalpa des sages (Bhadrakalpa) doivent tous rassembler, dans cet endroit, les hommes et les dêvas et leur expliquer la Loi.

Dans la trois centième année après le Nirvâṇa de Çâkyatathâgata, il y eut un maître des Çâstras nommé Kia-to-yen-na (Kâtyâyana), qui composa dans ce couvent le Fa-tchi’lun (lisez : le A’-pi’ta-mo-fa-tchi-lun, Abhidharma djñâna prasthâna).

De là il fit cent quarante-cinq li au nord-est et arriva au royaume de Che-lan-ta-lo (Djalandhara)[8]. Quand il y fut entré, il se rendit dans le couvent Na-kia-no-t’o-na-sse (Nagaradhana vihâra), où résidait un religieux d’une vertu éminente, nommé Tchen-ta-lo-fa-mo (Tchandravarma), qui avait approfondi les Trois Recueils (Tripiṭaka).

Hiouen-thsang alla le trouver et resta près de lui pendant quatre mois, qu’il consacra à l’étude du Tchong-sse-fen-pi-p’o-cha-lan (Prakaraṇa pâda vibhâchâ çâstra ?).

De là, se dirigeant encore au nord-est, il gravit des monts escarpés, traversa des lieux pleins de précipices, et, après avoir fait sept cents li, il arriva au royaume de Kou-lou-to (Koulouta)^^1.

De Kou-lou-to (Kouloata), il fit sept cents li au sud, franchit des montagnes, passa des rivières et arriva au royaume de Che-to-t’ou-lou (Çatadrou)^^2.

De là il fit huit cents li au sud -ouest et arriva au royaume de Po-li-ye-ta-lo (Pâryâtra)^^3.

De là il fit cinq cents li à l’est et arriva au royaume de Mo-t’oa-lo (Mathourâ)^^4.

On y voit encore les Stoûpas où ont été déposées jadis les reliques des saints disciples de Chi-kia-jou-laï (Çâkyamouni tathâgata), savoir : celles de Che-li-tseu (Çâripouttra), de Mo-te-kia-lo-tseu (Mâudgalyâyana), de Ta-li-yen-ni-fo-ta-lo (lisez : Pou-la-na-meï-ta-li-ye-ni-fo-ta-lo), (Pûrnamâitrâyanî pouttra), de Yeou-po-li (Oupali), de A-nan-t’o (Ananda), de Lo-hou-lo (Râhoula) et de Man-tchou-chi-li (Mañdjouçrî bôdhisattva).

Chaque année, les jours de fête (littéralement, les jours où l’on prépare le bonheur), les religieux se rassemblent en foule auprès de ces Stoûpas, et font séparément des offrandes à celui qui est l’objet de leur culte. Les sectateurs de l’A-pi-ta-mo (l’Abhidharma) font des offrandes à Che-li-tseu (Çâripouttra), et ceux qui se livrent à la méditation (Dhyâna), à Mou-te-kia-lo-tseu

1 Inde du nord.

2 Inde du nord.

3 Inde centrale.

4 Inde centrale. (Mâudgalyâyana). Les partisans des King (Soûtras — les Sâutrântikas) offrent leurs hommages à Mouan-tse-tseu (Poûrnamâitrâyanî Pouttra) ; ceux qui étudient le Pi-naï-ye (la Vinaya) « la discipline » honorent Yeou-pihli (Oupali) les Pi’kieou-ni (les Bhikchounis) « les religieuses » honorent A-nan (Ânanda) ; ceux qui n’ont pas encore reçu toutes les défenses (toutes les règles de la discipline) honorent Lo-hoa-lo (Râhoula) ; ceux qui étudient le grand Véhicule (Mahâyâna) honorent tous les Poursa (Bôdhisattvas).

À cinq ou six li à l’est de la ville, on arrive à un Kia-lan (Sam̃ghârâma) qui est situé sur une montagne, et dont la construction est due au vénérable Ou-po-kio-to (l’Arya Oupagoupta). On y conserve pour reliques ses ongles et sa barbe. Sur une montagne, au nord de ce Kia-lan (Sam̃ghârama) y il y a une maison creusée dans le roc, haute de vingt pieds et large de trente pieds, où l’on avait réuni une immense quantité de petites fiches de bambou longues de quatre pouces. Quand le vénérable Kin-hou (Oupagoupta) avait expliqué la Loi et guidé des hommes et des femmes qui avaient obtenu le degré de A-lo-han (Arhan), il déposait pour chacun d’eux une fiche de bambou. Mais il ne notait point les autres hommes, lors même qu’ils avaient atteint ce degré de sainteté.

De là il fit cinq cents li au nord-est, et arriva au royaume de Sa-t’a-ni-chi-fa-lo^^1 (Sthânêçvara).

Plus loin, à l’est, il fit quatre cents li et arriva au

1 Inde centrale. royaume de Lou-le-na (lisez : Sou-lou-kin-nay Sroughna).

À l’est, ce royaume est voisin du fleuve King-kia (Gañgâ — Gange) ; au nord, il est adossé à de grandes montagnes et il est arrosé, au centre, par la rivière Yen-meou-na (la Yamounâ).

Plus loin, à l’est de cette rivière, il fit huit cents li et arriva à la source du fleuve King-kia (Gangâ — Gange). La source de ce fleuve est large de trois ou quatre li ; il coule au sud-est, et, à l’endroit où il entre dans la mer (à son embouchure), il a dix li de large. Son eau a une saveur douce et agréable et entraîne avec elle un sable d’une finesse extrême. Dans les livres et les mémoires de ce pays, on l’appelle l’eau du bonheur. Ceux qui s’y baignent, dit-on, se purifient de tous leurs crimes ; ceux qui en boivent ou s’en lavent seulement la bouche, voient s’évanouir les malheurs et les calamités qui les menaçaient ; ceux qui s’y noient renaissent parmi les dévas et reçoivent le bonheur. Une multitude de femmes et d’hommes, simples et bornés, se rassemblent constamment sur les bords de cette rivière. Mais il n’y a rien de vrai dans cette opinion popidaire, forgée uniquement par les hérétiques. Dans la suite, Ti-p o-pou-sa (Dêva éddhisattva) leur fit connaître la vérité et cette erreur commença à se dissiper.

Dans ce royaume, il y avait un religieux d’une grande vertu, nonuné Che-ye-kio-to (Djayagoupta), qui avait étudié à fond les Trois Recueils (Tripitaka).

Le Maître de la loi resta auprès de lui pendant tout l’hiver et la moitié du printemps, et l’entendit expliquer le Pi-p’o-cha (le Vibhâchâ) de l’école des King (des Sâutrântikas).

Après quoi, il passa sur la rive orientale du fleuve et arriva au royaume de Mo-ti-pou-lo (Matipoura). Le roi était de la caste des Chou-to-lo (Çoûdras). Il y avait une dizaine de Kia-lan (Sam̃ghârâmas) où l’on comptait huit cents religieux du petit Véhicule (Hinayâna), qui suivaient l’école I-tsie-yeou-pou (c’est-à-dire des Sarvâstivâdas).

À quatre ou cinq li de la capitale, il y a un petit Kior lan (Samghdrdma) où hahitent une cinquantaine de religieux. Ce fut là que jadis le maître des Çastras, Kittr^Mr pO’la-po (Gounaprabha) composa le traité Pien-tckmrUm (le Tattvasatya çdstra), etc. etc. ; en tout, une centaine de traités. Ce docteur était originaire du royaume de Pih fa-to (Parvata). Dans l’origine, il avait étudié le grand Véhicule (Mahâyâna) ; ensuite il l’avait quitté et s’était attaché au petit Véhicule (Hinayâna).

À cette époque, le vénérable Ti-p’o-si-na (l’Arhat Dêvasêna) avait visité à plusieurs reprises le Tou-chi-tas (le ciel des Touchitas). Le maître Te-kouang (Gounaprabha) eut le désir de voir Tsé-chi (Maitrêya bôdhisattva) pour éclaircir ses doutes et lever les difficultés qui l’arrêtaient.

Il pria en conséquence Thien-kiun (Dévcuéna) de l’enlever au moyen de sa puissance surnaturelle, et de le faire admettre dans le palais du ciel. Quand il fut en présence de Tse-chi (Mâitreya bôdhisattva), il le salua, mais il ne lui offrit point ses hommages. « En sortant de la famille (en embrassant la vie religieuse), dit-il, j’ai reçu toutes les règles de la discipline. Comme Tse-chi (Maitrêya) habite dans le ciel, il n’est pas convenable que je le salue et que je lui montre du respect comme si c’était un homme du siècle. »

Il monta et descendit trois fois sans avoir rendu hommage à Maitrêya. L’orgueil du moi (âtmâmada) s’étant ainsi accru dans son cœur, ses doutes ne purent se dissiper.

À quatre ou cinq li du Kia-lan (Samghdrdma) de Te-kouang (Gounaprabha), il y a un autre couvent où vivent deux cents religieux qui sont tous attachés à l’étude du petit Véhicule (Hînayâna). C’est là que le maître Tchong-kien (Samghabhadra) termina ses jours.

Ce docteur était originaire de Kia-chi-mi-lo (Kachmire). Il se distinguait autant par ses vastes connaissances que par l’élévation de ses talents. Il comprenait à fond le Pi-p’o-cha (le Vibhâchâ) de l’école Tsi-yeou-pou (c’est-à-dire des Sarvâstivâdas).

À cette époque, le Poa-sa Chi-thsin (Vasoubandhou bôdhisattva) s’était acquis aussi par ses lumières une brillante réputation. Il avait composé d’abord le A-pita-mo-kiu-^he-lun (l’Abhidharma kôcha çâstra), pour combattre les idées des maîtres qui soutenaient le Pi-p’o-cha (le Vibhâchâ). Ses principes profonds et son style riche et fleuri font l’admiration des étudiants des contrées occidentales. Les esprits et les démons même aiment à lire et à expliquer son ouvrage.

Dès que Tchong-hien (Sam̃ghabhadra) l’eut parcouru, il se sentit enflammé de zèle et d’émulation.

Après douze ans de méditations il (Sam̃ghabhadra) composa, en vingt-cinq mille çlôkas, le traité intitulé Kiu-che-paù-lan (Kôchakarakâ çâstra ?). Quand il eut terminé cet ouvrage, il voulut avoir une entrevue avec Ohi-thsin (Vasoubandhou), pour déterminer avec précision ce qu’il pouvait renfermer de vrai ou de faux ; mais il mourut avant d’avoir accompli ce dessein. Dans la suite, Chi-thsing (Vasoubandhou), ayant vu son traité, admira ses explications habiles, et déclara que, pour la force des pensées, il ne le cédait en rien aux docteurs du Pi-p’ocha (Vibhâchâ). « Quoi qu’il en soit, dit-il, ses principes sont tout à fait conformes aux miens ; il faut donner à son traité le titre de Chun-tching-li-lun (Nyâyânofuén castra) « le traité conforme aux vrais principes » ; et aussitôt il fut publié sous ce titre.

Après la mort de Tchong-hien (Samghabhadra), il éleva en son honneur, dans un bois de An-mo-Ào (Àmras) « manguiers », un magnifique Stoûpa qui subsiste encore aujourd’hui.

À côté de ce bois, il y a un autre Stoûpa qui renferme les restes du maître des Castras, Pi-mo-lo-mi-tùAo ( Vimalamitra).

Ce docteur était originaire du royaume de Kia-^kimi-lo (Kachmire) ; il avait embrassé la vie religieuse dans l’école Tsi-yeau-pou (des Sarvâstivâdas). Il avait voyagé dans les cinq parties de l’Inde, et avait étudié à fond les Trois Recueils (Tripitaka).

En retournant dans son royaume, comme il passait près du Stoûpa de Tchong-hien (Samghabhadra), il gémit amèrement de ce que ce docteur était mort subitement avant d’avoir publié son ouvrage. Il jura qu’il composerait lui-même des Traités (Çâstras), pour renverser la doctrine du grand Véhicule et anéantir le nom de Chithsin (Vasoubandhou), afin que les principes du maître des Çâstras (c’est-à-dire de Samghabhadra) pussent se transmettre éternellement jusqu’aux siècles les plus reculés.

Après qu’il eut prononcé ces mots, sa raison se troubla et son esprit fut frappé de folie ; cinq langues sortirent de sa bouche, et un ruisseau de sang s’échappa de tout son corps. Revenu à lui, il reconnut que ces souffrances provenaient de ses vues perverses ; il déchira ses écrits et se livra au plus amer repentir. Il exhorta ses compagnons à ne jamais calomnier le grand Véhicule, et en disant ces mots, il expira. Dans l’endroit où il mourut, la terre s’affaissa, et il s’y forma une vaste fosse.

Dans ce royaume, il y avait un religieux d’une vertu éminente, nommé Mi-to-se-na (Mitrasêna), qui était âgé de quatre-vingts dix ans. C’était un disciple de Té-kouang (Gounaprabha). Il excellait dans la science des Trois Recueils.

Le Maître de la loi resta près de lui pendant la seconde moitié du printemps et tout l’été, et étudia sous sa direction le traité Tan-to-san-ti-yo-lun (Tattvasatya çâstra), le Souî-fa-tchi-lun (Abhidharma djnâna prasthâna castra), etc.

De là, vers le nord, il fit trois cents li et arriva au royaume de Fo-lo-hi-mo-pou-lo (Brdhmapoura)^^1.

De là, au sud-est, il fit quatre cents li et arriva au royaume de Hi-tchi-torlo (lisez : A-hi-tchi-ta-b j Hahh kchêtra)^^2.

De là, au sud, il fit deux cents li, passa le Gwig$, et, se dirigeant au sud-ouest, il arriva au royaume de Pi-lo-na-na (lisez : Pi-lo-chen-na, Virachana ?).

De là, à l’est, il fit deux cents li et arriva au royaume de Kie-pi-t’a (Kapiiha)^^3.

À vingt li, à l’est de la ville, il y a un Kia-lan (Sam̃ghârâma). Dans la cour, on voyait trois escaliers précieux ; ils étaient posés dans la direction du sud au nord, et s’y baissaient du côté de l’est. Ce fut dans cet endroit que descendit Fo (le Bouddha) ^ lorsqu’il revint dans le CAah pou-tcheou (Djamboudvipa) ^ après avoir fini d’expliquer la Loi, en faveur de la princesse Mo-ye (Affyd), dans le ciel des Tao-li (c’est-à-dire des Trâyastrimçats). Celui du milieu était en or massif ; le côté gauche en cristal et le droit en argent blanc. Jou-laï (le Tathâgata), ayant fait élever le Palais de la bonne loi, descendit par les degrés du milieu à la tête des Dêvas ; le dieu Ta-fan-thien (Mahâbrâhma), un plumail blanc à la main, se tint à droite sur les degrés d’argent ; Indra, portant un parasol précieux, se plaça à gauche sur les degrés de cristal. En ce moment, cent mille Thien (Dévas) et la multitude des

1 Inde du nord.

2 Inde centrale.

3 Inde centrale.

Pou-sa (Bôdhisattvas) descendirent à sa suite. Plusieurs centaines d’années avant l’époque actuelle, les degrés de cet escalier existaient encore ; mais aujourd’hui ils ont entièrement disparu. Dans la suite, des rois, remplis d’amour et de respect, reconstruisirent en briques et en pierre un triple escalier parfaitement semblable au premier, et l’ornèrent de choses précieuses. Quand sa hauteur eut atteint soixante-dix pieds, ils élevèrent par-dessus un superbe Vihâra, au centre duquel on voit une statue du Bouddha sculptée en pierre. À sa droite et à sa gauche, on a placé les statues de Chi et de Fan (de Brâhma et d’Indra), tous deux resplendissants et dans la même attitude que la première fois.

À côté, on voit une colonne de pierre haute de soixante et dix pieds, qui fut dressée par le roi Wou-yeou (Açôka). Tout près, s’élèvent des fondements de pierre, longs de cinquante pas et hauts de sept pieds. C’est un endroit où jadis le Bouddha laissa la trace de ses pas.

De là il se dirigea au nord-ouest, et, après avoir fait deux cents li, il arriva au royaume de Kie-jo-kio-che (Kanydkoubdja)^^1 qui a quatre mille li de tour. À l’ouest, la capitale est voisine du fleuve King-kia (Gange) elle est longue de vingt li et large de cinq ou six li. Elle possède une centaine de Kia-lan (Samghârâmas), où habitent environ dix mille religieux qui étudient le grand et le petit Véhicule. Le roi est de la caste des Feî-che (Vâiçyas). Son nom est Ho-li-cha-fa-tan-na (Harchavarddhana) ; son père s’appelle Po-lo-kie-lo-fa-tan-na (Pra-

1 Canoge. Inde centrale. bhâkara varddhana) ; le nom de son frère aîné est Ka-bh che-fa-tan-na (Râdjvarddhana). I-tseng (Râjvarddhana) se distingua sur le trône par son humanité et une bienveillance affectueuse ; aussi ses sujets ne cessaient-ils de louer et de célébrer ses vertus.

À cette époque, Che-chang-kia (Çaçaiika) y roi de Kwlo’na’Soa-fa’la-na (Karnasouvarna) ^ dans Tlnde orientale, le haïssait à cause de ses talents militaires qui faisaient le malheur de ses voisins. Il lui tendit des embûches et le tua. Un de ses grands ministres, nommé Po-ni (Bhani)y et les magistrats placés sous ses ordres gémirent de voir le peuple sans roi. S’étant concertés ensemble, ils placèrent sur le trône son frère cadet Chi’lo-^O’fie-io (Çîlâditya). Le roi, dirent-ils, est doué d’une belle figure et d’une taille imposante, et ses talents militaires ne connaissent point de bornes. Le ciel et la terre sont touchés de sa vertu, les dévas et les démons même admirent sa justice. Bientôt il pourra laver les injures de son frère aîné et se rendre maître de l’Inde entière. Partout où se répandent la majesté de sa puissance et la rosée bienfaisante de ses instructions, il n’est personne qui ne soit soumis à l’empire de sa vertu. Dès que les états auront été pacifiés, le peuple pourra goûter le repos. »

Sur ces entrefaites, le prince fit cesser les armements et serrer, dans l’arsenal, les épées et les lances ; puis, il s’appliqua avec zèle aux actes qui produisent le bonheur. Il défendit, dans toute l’étendue du royaume, de tuer un seul être vivant, et ordonna à tout son peuple de renoncer à l’usage de la viande ; et, dans chaque endroit où les Saints avaient laissé des traces de leur passage, il éleva des Kia-lan (Safhghârâmas).

Tous les ans, pendant trois ou sept jours, il nourrissait la multitude des religieux, et tous les cinq ans il convoquait une fois la Grande Assemblée de la Délivrance (Mokcha mahâparichad^^1) et distribuait en aumônes les richesses du trésor. Pour peindre sa bienfaisance, on ne peut le comparer qu’à Siu-ta-na (Soudâna)^^2.

Au nord-ouest de la ville, il y a un Stoûpa haut de deux cents pieds.

À six ou sept li au sud-est, au sud du fleuve King-kia (Gañgâ — Gange) y il y a un autre Stoûpa, également haut de deux cents pieds ; tous deux furent bâtis par le roi Wou-yeou (Açôka). Jadis, dans ces deux endroits, le Bouddha expliqua la Loi.

En entrant dans ce royaume, Hiouen-thsang se rendit au couvent Pa-ta-lo-pi-ho-lo (Bhadravihâra). Il y demeura trois mois, et, sous la direction du religieux Pi-U’ye-si-na (Viryasêna), il lut le Pi-po-cha (le Vibhâchâ) de Fo’Sse (Bouddhadâsa), et le Mémoire du maître Ching-tcheou (Aryavarma) sur le Pi-p’o-cha (le Vibhâchâ).

1 Cette assemblée s’appelait aussi Pantchaparichad.

2 L’orthographe correcte est Soudatta. On l’avait surnommé Anâthapindika et Anâthapindada.

  1. Il faut se rappeler que l’escorte de Hiouen-thsang se composait de soldats oïgours que lui avait fournis le roi de Kao-tch’ang.
  2. C’est-à-dire des promenades qu’il faisait chaque jour, au loin, pour s’assurer de l’état des chemins.
  3. Voir le livre 1, page 40, ligne 11.
  4. C’est-à-dire : là, il fait aussi chaud dans la dixième lune (hiver), qu’ici dans la cinquième (été).
  5. Inde du nord.
  6. Inde du nord.
  7. L’auteur a omis de dire plus haut, qu’un certain nombre d’hommes avaient été pris et garrottés par les brigands.
  8. Inde du nord.