Histoire de la paroisse Saint-Joseph de Carleton/4

Imprimerie générale de Rimouski (p. 51-63).

CHAPITRE QUATRIÈME


M. Painchaud ; visites de Mgr  Plessis en la Gaspésie, Baie-des-Chaleurs et Acadie.
(1801-1814)



Le successeur de M. Desjardins à Carleton fut Messire Michel Auguste Amiot, prêtre canadien. Né à Verchères le 21 octobre 1766, fils de Joseph Amiot et de Madeleine Prévé, il fut ordonné le 24 Mars 1792 à Québec. D’abord missionnaire à St-André de Kamouraska et à la Rivière-du-Loup ; puis curé à Saint-Ambroise en 1799, il fut transféré de cette dernière paroisse à Carleton en 1801 et y arriva vers la Saint-Michel.

Il y trouva son prédécesseur qui lui remit les comptes de la fabrique, laquelle, malgré les nombreux travaux exécutés par M. Desjardins, n’avait d’autre dette, que la somme de £20, balance due à ce dernier par les syndics de l’église.

Les travaux de l’église étant terminés et le presbytère récemment réparé et très confortable, M. Amiot n’eut qu’à jouir des labeurs de ses deux prédécesseurs et à s’occuper exclusivement du ministère des âmes.

La présence à Percé d’un prêtre qui avait la charge des missions de la Gaspésie, et d’un autre à Bonaventure, ainsi que celle de M. Joyer à Caraquet, avait considérablement allégé le fardeau du missionnaire de Carleton. Il ne lui restait, outre Carleton, qui renfermait alors tous les établissements compris depuis la rivière Cascapédiac, à l’est, jusqu’à la rivière Méguasha, à l’ouest, que la mission des sauvages de Sainte-Anne de Ristigouche, et, sur la rive sud de la Baie, la Rivière à l’Anguille et la Rivière Jacquet.

M. Amiot ne laissa aucune relation de ses missions en la Baie des Chaleurs. D’une piété angélique et d’un grand zèle pour le salut des âmes, il continua les œuvres de ses prédécesseurs. D’ailleurs l’ordre qu’avait établi M. Desjardins, tant dans les affaires de l’Église que dans la police de la paroisse, avait puissamment contribué au bien-être moral et matériel des habitants ; et la paroisse de Carleton pouvait alors être regardé comme un exemple, par la régularité de ses habitants à observer la loi de Dieu, la charité mutuelle et le bon accord, que M. Desjardins, par sa sage administration, et sa direction éclairée, avait réussi à implanter dans l’esprit et le cœur du peuple.

Après cinq ans d’un ministère fructueux et paisible, M. Amiot fut rappelé par l’évêque de Québec, qui lui confia de nouveau la cure de Saint-André avec les missions du Madawaska ; il y demeura une année et fut transféré à la cure de Repentigny. Il se retira du ministère en 1832, et mourut dans cette dernière paroisse, le 23 mars 1834 ; il fût inhumé sous l’église paroissiale.

Mgr  Plessis qui s’intéressait si vivement aux missions de la Gaspésie et de la Baie des Chaleurs, étant encore simple curé de Québec et secrétaire de Mgr  Hubert, puis coadjuteur de Mgr  Denaut, prit en 1809, les rênes du gouvernement ecclésiastique d’une main ferme et assurée, et en homme accoutumé à exercer l’autorité. Il avait alors 45 ans.

Au moment où il prenait la direction de l’immense diocèse de Québec, les missions de Carleton et de Ristigouche devenaient vacantes par le départ de M. Amiot.

L’Évêque jeta de suite les yeux sur un tout jeune prêtre, M. Painchaud, son vicaire à la cure de Québec pour lui confier le soin de ces lointaines et importantes missions, malgré sa jeunesse et son inexpérience.

« Lorsque Mgr  Plessis, dit son biographe, apprit à son vicaire la nouvelle de ce changement, celui-ci en éprouva une grande joie et il se prépara à partir pour cette mission lointaine. Sa mère lui confia le plus jeune de ses garçons, Alexis ; l’ainée de ses filles, Victoire, et François surnommé Donken ; et tous quittèrent Québec le 17 de septembre, sur la goélette du capitaine Aimé Dugas, en destination d’Halifax, mais devant faire escale â Percé, pour y déposer son précieux personnel de voyageurs. »

Le nouveau curé de Carleton était né à l’Ile-aux-Grues, de François Painchaud et de Marie Angélique Drouin, le 9 septembre 1782, et n’avait pu être baptisé que le 7 novembre ; il avait reçu au baptême les prénoms de Charles François. Quelques années après sa naissance, ses parents émigrèrent à Québec où Mgr  Plessis distingua vite le jeune François et encouragea fortement ses parents à lui faire suivre un cours d’études, qu’il termina avec très grande distinction en 1800. Ordonné prêtre à l’Ange-Gardien, sur l’invitation du curé, M. Raimbault, le 21 septembre 1805, Mgr Plessis le garda auprès de lui à la cure de Québec. C’est de là qu’il s’embarqua pour les missions de la Baie des Chaleurs.

Le bâtiment qui le transportait avec ses frères et sa sœur, n’ayant pu faire escale à Percé, à cause d’une furieuse tempête qui sévissait lors de son passage en cet endroit, il dut continuer le voyage jusqu’à Halifax. Ce qui lui permit de rendre visite aux principaux missionnaires de la Nouvelle-Ecosse, entre autre Lepamtel de la Blouterie, curé d’Arichat, Richard, à Tracadie et aussi de visiter la ville de Halifax. M. Painchaud y renoua connaissance avec Mgr  Burke, alors curé d’Halifax et M. Maguire, aussi missionnaire en ces lieux, ainsi qu’avec plusieurs autres personnages qu’il avait connus à Québec.

Au retour, on eut à subir encore une horrible tempête qui faillit être fatale à la goélette et dans laquelle Mademoiselle Painchaud eut tellement à souffrir du mal de mer qu’elle y compromit gravement sa santé.

Après six semaines de cette navigation, la goélette put enfin pénétrer dans la Baie des Chaleurs et arriva à Carleton le 1er novembre dans l’après midi. Le lendemain, M. Painchaud eut le bonheur de célébrer la sainte messe dans l’église de Carleton et de prendre ainsi possession des missions qu’il avait tant désirées.

Ce fut avec une grande joie et la plus vive satisfaction que les habitants de Carleton virent enfin arriver M. Painchaud. Ayant appris son départ de Québec, dès le mois de septembre, ils ne savaient que penser d’un si long retard. Les dernières tempêtes surtout avaient répandu la plus vive inquiétude sur son sort.

M. Painchaud n’eut qu’à se réjouir de ses nouveaux paroissiens de Carleton. Le peuple était bon et généreux, religieux et fidèle aux enseignements du prêtre. Mais il n’en était pas de même des autres missions qui en dépendaient, où la population était fortement mêlée d’Écossais, d’Irlandais, d’Allemands et de Français. Le contact journalier avec les protestants et l’absence du missionnaire avait été la cause de bien des désordres moraux que M. Painchaud eût à déplorer par la suite. Mais il n’était pas homme à reculer devant les difficultés et son énergie sût bientôt vaincre tous ces obstacles et faire rentrer dans le devoir les plus récalcitrants.

Dès la première année, M. Painchaud voulut visiter toutes ses missions. Il bâtit une église à Cascapédiac pour les besoins de la population catholique tant française qu’anglaise et des nombreux sauvages que l’abondance du saumon attiraient en cet endroit.

À Ristigouche il fit terminer les travaux commencés à la chapelle et au presbytère. Il affectionnait d’une manière spéciale ses chers micmacs et y prolongeait ses missions. Bien des fois, il eût beaucoup à souffrir de l’imprévoyance naturelle des sauvages, et il lui arrivait souvent de souffrir de la faim. Un jour qu’il était dans sa mission, sa sœur Victoire, fort inquiète du long séjour de son frère parmi les sauvages, et connaissant son zèle immodéré, se rendit auprès de lui pour lui porter des vivres. « Je l’ai trouvé, dit-elle, bien à jeun ; il y avait deux jours qu’il n’avait pas mangé. Quand il m’a vue, le premier bonjour fut de me demander si je lui apportais du pain. Il avait de la peine à marcher. Je le trouvai décharné, pâle et noirci par le soleil. Je lui donnai à manger, il a repris un peu de force, le lendemain nous avons eu une belle cérémonie, un beau sermon. »

Comme aujourd’hui, la proximité de la petite ville de Campbellton, était une occasion de démoralisation des mœurs des sauvages. L’ivrognerie régnait avec son cortège de misères. M. Painchaud eût fort à faire pour mettre à l’ordre les vendeurs de liqueurs fortes, non seulement aux sauvages, mais aussi aux blancs. Mais il sut triompher de toutes ces difficultés.

Mgr  Plessis lui écrivait : « Puisse cet heureux calme durer toujours ! Vous y avez quelque droit par le courage avec lequel vous avez soutenu la tempête. »

M. de la Vaivre ayant été forcé de quitter Bonaventure, à cause de sa santé qui dépérissait tous les jours, M. Painchaud eut à desservir cet endroit et les postes environnants, ainsi que Percé devenu vacant par le départ de M. Lefrançois, en 1804, pour la cure de l’Ile-aux-Coudres.

Il se plaignait amèrement à Mgr  Plessis de ne pouvoir suffire aux besoins toujours croissants de ces nombreuses et lointaines missions. Aussi l’Évêque lui envoya-t-il le Père Fitzsimmons, récollet d’origine irlandaise.

À cette époque, le commerce du poisson avait pris de grandes proportions dans toute la Gaspésie et la Baie-des-Chaleurs. À Carleton, où le poisson abondait, ce fut durant plusieurs années le seul commerce productif. Aussi les habitants négligeaient-ils le défrichement de leurs terres, et il ne faut pas s’étonner, lorsque la pêche manquait, d’y voir régner la gêne et quelquefois la misère noire. C’est ainsi que M. Painchaud se plaignait, dans une lettre à son frère Joseph, de n’avoir reçu, une année, que quarante minots de dîme et quelques quintaux de morue.

Le 12 octobre 1808, M. Painchaud écrivait à Mgr Plessis : « Le Révd. Père Fitzsimmons étant arrivé ici, à Percé, samedi dernier, et la mission n’étant point finie, nous avons partagé la besogne. Il doit achever à Percé et à la Pointe-Saint-Pierre, peut-être à Douglastown ; et moi, les quatre postes en remontant droit de Percé à Bonaventure sans arrêter. Votre Grandeur doit savoir qu’Elle peut compter sur ma bonne volonté pour tout ce qu’Elle veut et désire de moi. »

Le Père Fitzsimmons se fixa à Bonaventure pour desservir cet endroit et les autres missions du golfe, jusqu’à Gaspé. Mais ce bon père se découragea vite ; un bon matin il partit pour Halifax avec l’intention, disait-il, de se rendre en Espagne et d’y entrer dans un monastère de son ordre.

M. Painchaud fut en conséquence chargé de ces missions.

Mgr Plessis fit sa première visite pastorale dans la Baie des Chaleurs en 1811. Ce fut pour M. Painchaud un grand sujet de joie et d’encouragement. L’illustre prélat était accompagné de M. Desjardins, ancien missionnaire de Carleton, trop heureux de revoir ses chères missions dont il avait conservé un si doux souvenir et qu’il continuait à protéger, et du Rév. R. Gaulin, diacre. Partis de Québec le 4 juin, Mgr Plessis et ses compagnons, se rendirent directement aux Îles de la Madeleine, puis, pénétrant dans la Baie des Chaleurs, prirent terre à Nipisiguit (Bathurst N. B.), où M. Painchaud était déjà rendu pour offrir ses hommages au prélat et préparer l’itinéraire de la visite en la Baie des Chaleurs.

Mgr Plessis arriva à Carleton le 9 juillet. Deux bataillons, formés en carrés, l’un d’hommes, l’autre de femmes, l’attendaient sur la plage, humblement prosternés pour recevoir sa bénédiction. Il se rendit de suite à l’église avec ses compagnons et M. Desjardins eut une grande part aux ovations de l’entrée de l’Évêque, tant son souvenir était demeuré vivace au cœur de la population.

Mgr Plessis alloua les comptes de la fabrique. Il approuva la Confrérie de la Sainte Trinité introduite dans la paroisse par M. Painchaud, à la charge par ce dernier et ses successeurs d’exposer dans un lieu visible de l’église paroissiale, un tableau des associés et une copie de la traduction du bref du Pape Pie VI qui autorise cette dévotion. Cette confrérie n’existe plus.

Puis l’Évêque régla, du consentement de M. Desjardins, que les deux messes de fondations résolues par la fabrique, en faveur de ce dernier et de son frère, le grand vicaire, ainsi que celle fondée pour le repos de l’âme de M. Bourg, cesseraient après trente ans, à partir de 1812. L’Évêque autorisa aussi de prendre au coffre de la fabrique l’argent nécessaire pour payer la main d’œuvre de la clôture à clairevoie que l’on se proposait de faire prochainement autour de l’église. Puis il obligea les marguilliers à faire savoir aux paroissiens, qu’ils eussent à amasser des matériaux d’ici à deux ans, pour rebâtir sur un solage de pierre, le presbytère dont le plan était bon, mais qui menaçait ruine, et il chargea M. Painchaud d’avoir soin que les paroissiens ne perdissent pas cet objet de vue.

Il ordonna en outre : « 1o Que la lampe soit tenue continuellement allumée devant le Saint-Sacrement. 2o qu’à la place du petit autel le plus voisin du banc de l’œuvre, on construise au plus tôt un confessionnal sur les proportions que devra donner M. le missionnaire. 3o Que d’ici à un an il soit fait un second ciboire et un encenseur d’argent. »

Après avoir donné la confirmation à Carleton, Mgr  Plessis se rendit à Bonaventure. M. Painchaud suivit le prélat jusqu’à cet endroit ; mais il fut obligé de se rendre à Percé pour assister un jeune moribond. La distance à parcourir était de vingt-trois à vingt-quatre lieues. M. Painchaud voulut entreprendre ce pénible voyage, quoiqu’il lui en coûtât de quitter son évêque, à cause du départ impromptu du P. Fitzsimmons qui avait laissé ces missions sans missionnaire.

Mgr  Plessis continua sa visite à Paspébiac et à la Grande Rivière, où M. Painchaud vint de nouveau le rencontrer. De là on se rendit à Percé, puis à la Pointe Saint-Pierre et à Douglastown, d’où l’Évêque s’embarqua pour retourner à Québec.

Dans l’intervalle, M. Painchaud était rentré à Carleton, avec la perspective d’y demeurer encore au moins une année, sur les instances de Mgr  Plessis, qui n’avait personne à envoyer dans ces missions.

De retour à Québec, Mgr  Plessis, lui écrivait, en date du 6 octobre « Priez Dieu pour ce pauvre évêque qui vous aime et pense souvent à vous… Il y a maintenant peu d’apparence que vous soyez transféré aux Trois-Rivières. Tenez-vous heureux d’avoir dans M. LeClerc (à Bonaventure ), un voisin dont la régularité est très propre à vous consoler de celui que vous n’avez plus. Il est parti de Québec le 27 septembre, avec le capitaine Dubord. »

L’année suivante, 1812, Mgr  Plessis visita l’Acadie et se fit accompagner par M. Painchaud pour instruire et confesser les sauvages dont il connaissait la langue et les mœurs. M. Painchaud quitta l’évêque à Rustico, sur l’Ile Saint-Jean pour revenir à Carleton.

Après avoir visité tous les postes de l’Acadie, et y être demeuré plus longtemps qu’il s’était d’abord proposé, Mgr  Plessis voulut au retour arrêter à Carleton, et il arriva à cet endroit le 26 août. M. Painchaud l’avait laissé en chemin pour revenir dans sa mission. Quelle ne fut pas sa surprise de voir arriver son évêque qu’il croyait rendu à Québec depuis longtemps ! Mgr  Plessis avait parcouru le trajet de Shédiac à la Pointe Miscou en trois jours et quatre nuits. De là sur une frêle barque, il s’était fait conduire à Carleton. Il n’y avait pas de doute possible, c’était bien Mgr  Plessis en chair et en os, plein de santé et prêt à se rendre au Madawaska. M. Paincchaud fut invité à conduire l’évêque et ses compagnons à bord de la Trois-Mille-Clous jusqu’à Ristigouche. De là, on emploierait des sauvages pour le reste du trajet.

M. Painchaud accompagna son évêque dans ce pénible voyage à travers la forêt. L’on partit de Ristigouche le 31 août, et le 7 septembre l’évêque atteignit Saint-Basile de Madawaska, où résidait un missionnaire, M. Louis Raby. M. Painchaud y fit ses adieux à Mgr  Plessis et retourna dans ses missions.

À Québec, la nouvelle avait été annoncée par les gazettes que M. Painchaud était prisonnier des Américains. M. Desjardins lui écrivait le 1er  août : « J’aime mieux vous croire de retour et joyeux dans vos foyers, que croquant marmot à Boston, comme on le débite. Au moins nous vous avons supposé en route avec le très digne prélat pour Halifax et autres lieux ; mais les nouvelles de guerre auront peut-être contrarié l’itinéraire. »

Mgr  Plessis était de retour à Québec le 22 septembre, après une absence de près de six mois.

M. Painchaud, malgré son désir de remonter à Québec, devait demeurer encore deux ans à Carleton, Le 28 mai 1813, Mgr  Plessis lui écrivait de ne pas perdre courage. « Impossible de vous décharger cette année de la desserte des missions d’en bas, mais bien l’année prochaine… Patience ! patience ! Je suis plus embarrassé et plus surchargé que vous, quoique je crie peut-être moins. »

Comme nous l’avons vu plus haut, M. Painchaud avait avec lui deux frères, Alexis et Dunken, et, trois sœurs, Victoire, Julie et Marie-Emmérence. Il maria sa sœur Victoire, le 26 juillet 1807, à Gédéon Ahier, originaire de St-Hélier, Île Jersey, fils de Jean Ahier, négociant, établi depuis un certain nombre d’années à Carleton et qui y faisait un commerce de poisson assez fructueux ; puis son autre sœur Marie-Emmérence, à Sébastien Landry, veuf de Lucille Bujold, dont le père, Claude Landry, était un des fondateurs de la paroisse venus de l’Acadie. Sa mère était Hélène Dugas, aussi de l’Acadie. Une fille du premier lit de Sébastien Landry, Cécile, devint religieuse à l’Hôtel-Dieu de Québec et mourut il y a quelques années presque centenaire.

De ce second mariage, Sébastien Landry eût plusieurs enfants, dont l’un, Jean Étienne, fit sa marque dans le monde. Né le 25 décembre 1815, Jean Étienne fut baptisé le lendemain par Messire J. M. Bélanger, successeur de M. Painchaud. Devenu grand, ses parents le confièrent à son oncle maternel, M. Painchaud, devenu fondateur et supérieur du collège St-Anne de la Pocatière. D’une intelligence peu ordinaire, il fit un brillant cour d’études, puis il étudia la médecine à l’hôpital de la Marine, à Québec, où il passa quatre années, et y prit la licence le 10 juillet 1840. Après avoir pratiqué sa profession pendant quatre ans à la Pointe Lévis, il retourna à Québec, demeura trois nouvelles années à l’Hôpital de la Marine à titre de chirurgien de cette institution, et pratiqua ensuite la médecine dans la ville jusqu’en 1864.

À cette époque, le Dr  Landry devint le propriétaire de l’Asile d’aliénés de Québec. Dans l’automne de 1854, il fut nommé professeur de l’Université Laval et alla en Europe pour acquérir, au nom de cette institution, une bibliothèque médicale, des préparations anatomiques et des instruments de chirurgie. À son retour, le printemps suivant, il se mit ardemment au devoir de son professorat et, pendant plus d’un quart de siècle, il les accomplit avec une constance qui ne faiblit jamais. Sa réputation de chirurgien était incontestée et s’étendait au loin. Partout où il fut connu, il jouissait d’une popularité bien mérité. Il était membre correspondant de la Société d’Anthropologie de Paris et membre honoraire de la Société d’Émulation de Louvain.

Le docteur Landry était chirurgien à l’Hôpital de l’Hôtel-Dieu, aux Ursulines et au Bon-Pasteur ; de plus médecin consultant chez les Sœurs de la Charité et dans d’autres institutions où se présentent d’ordinaire des cas sérieux de chirurgie. Il fut pendant longtemps médecin visiteur et chirurgien à l’Hôpital de la Marine. Il résigna cet emploi en 1880.

Il fut aussi pendant longtemps médecin des Révds Pères Jésuites. À une certaine époque, il fut chirurgien du 24ème et du 11ème régiment de l’armée anglaise.

Il se maria le 31 août 1844, à Mademoiselle Caroline Lelièvre, fille de Benjamin Lelièvre, notaire dans la ville de Québec. Onze enfants, dont l’honorable Sénateur Landry, de Québec, naquirent de ce mariage. Madame Landry mourut en octobre 1870.

Le Dr  Landry s’endormit dans le Seigneur le 17 juin 1884. C’était un grand chrétien et un homme de foi très vive.

M. Painchaud est le premier qui ait laissé un recensement complet de Carleton et de ses environs : il remonte à 1810. Il y avait à cette époque à Carleton, y compris La Nouvelle et Maria, le tout formant alors une seule paroisse, 684 âmes. À Ristigouche et Cascapédiac, les sauvages 300 âmes ; les blancs : Ristigouche 166 catholiques, Cascapédiac 147, À Rivière l’Anguille, sur la rive sud de la Baie, 160. Les protestants étaient repartis comme suit : Carleton, 8 ; Cascapédiac, 39 ; Ristigouche, 140 ; Rivière l’Anguille, 8. Total 192.

Après huit années de longues et pénibles missions, M. Painchaud pouvait espérer recevoir de son évêque une récompense bien méritée. Aussi fut-il promus à l’importante cure de Sainte-Anne de la Pocatière. Le 18 août 1814, il quittait la paroisse de Carleton et ses autres missions. Ce ne fut pas sans un grand serrement de cœur et des larmes dans la voie qu’il fit ses adieux à ses chers paroissiens de Carleton. Il y laissait d’ailleurs, outre un souvenir impérissable, des frères et des sœurs chéris, qui avaient partagé ses épreuves et ses dangers.

Monté sur son « Trois-Mille-Clous », petit bâtiment qu’il avait fait construire pour les besoins de ses missions et qu’il avait ainsi nommé à cause du nombre de clous entrés dans sa construction, et conduit par le capitaine Isaie Boudreau de Carleton, navigateur expérimenté et très prudent, il cotoya toute la Gaspésie sans craindre les dangers d’une pareille navigation, sur une embarcation aussi frêle et impropre à affronter la haute mer.

Il a laissé une relation des péripéties de son voyage, rendu célèbre pour avoir fait cesser la légende du « Braillard de la Madeleine ».

Un jour qu’il se trouvait retenu à cet endroit par la tempête, dit son biographe, il fut à même d’entendre les plaintes et les cris du « braillard ». Voyant l’effarement des gens, il eut comme une inspiration subite que ces lamentations devaient provenir de quelque cause physique ordinaire. Comme il était brave, il dit à ceux qui l’entouraient : « Laissez-moi aller seul dans la direction du « braillard » et je vous promets que je vais l’apaiser ». Il mit une hache à la ceinture de sa soutane et s’enfonça dans la forêt. Plus il s’enfonçait, plus les gémissements étaient distincts. Enfin il arriva à l’endroit même d’où partaient les clameurs insolites et terrifiantes. M. Painchaud ne se laissa pas dominer par la peur, comme tant d’autres moins audacieux auraient fait à sa place. Le phénomène lui apparut bientôt dans son étrange simplicité. Deux arbres inclinés l’un sur l’autre, en forme de X, ne semblaient former à leur point d’entrecroisement qu’un seul tronc, tant ils étaient rapprochés. Lorsque le vent les secouait un peu fortement, ils frottaient l’un contre l’autre ; d’où ces bruits, tantôt criards, tantôt plaintifs, suivant la violence de la tempête et la direction du vent.

M. Painchaud s’en revint tout glorieux de son exploit, qui lui avait coûté plusieurs heures de marche, et quand les gens l’aperçurent haletant, baigné de sueurs, ils crurent d’abord qu’il n’avait rien vu. Mais, jugez de leur étonnement et surtout de leur joie, lorsque M. Painchaud leur eut dit : « Mes amis, vous n’entendrez plus jamais le « braillard », je viens de lui faire bonne justice ! » Et il leur montra sa hache d’une façon très significative. De fait, il avait eu le soin d’abattre l’un des deux arbres qui, depuis des années, avaient été la terreur des marins, et des habitants de la Gaspésie.

À Matane, M. Painchaud faillit périr à l’entrée de la rivière qui est très dangereuse pour les marins inexpérimentés. Ce ne fut que grâce à l’habileté d’un jeune pilote du nom de James Forbes qu’il put échapper à un naufrage inévitable.

Le 17 septembre, il était rendu sain et sauf au rivage de la grande anse de Ste Anne de la Pocatière, pour prendre possession de sa nouvelle cure.