Histoire de la Révolution russe (1905-1917)/Chapitre I



I


Lorsque Nicolas II succéda à son père Alexandre III, mort à Livadia le 1er novembre 1894, on put espérer qu’un régime modérément libéral et progressif remplacerait la politique de réaction brutale que le dernier empereur avait maintenue pendant treize ans. Cette illusion fut de courte durée. Nicolas II était bien intentionné et désirait le bonheur de la Russie ; mais il voulait qu’elle le tînt de lui seul.

Il exprima ses intentions sans ambages dans une allocution du 30 janvier 1895, adressée à une députation de zemstvos (assemblées provinciales) qui était venue le féliciter de son mariage avec la princesse Alice de Hesse (26 novembre 1894). Le régime autocratique devait être maintenu comme sous le règne précédent ; le désir de voir les zemstvos participer davantage à l’administration de l’Empire était relégué parmi les « songes creux ».

L’opinion russe fut reconnaissante à Nicolas II d’avoir persévéré dans l’alliance avec la France, consacrée par le mémorable séjour du tsar à Compiègne et à Paris (octobre 1896), et de la noble initiative qu’il prit en août 1898 de réunir la première Conférence pacifique de La Haye (mai-juillet 1899). Mais on ne voyait pas sans appréhension, dès l’été de 1898, se développer une politique d’empiétement en Asie, qui devait conduire à une rupture avec le Japon, bientôt fortifié par un traité d’alliance avec l’Angleterre (30 janvier 1902). Les tentatives violentes de russifier la Finlande (1899), les provinces baltiques et la Pologne, n’étaient pas moins en opposition avec les idées libérales que les mesures prises contre les étudiants (1899-1903), les massacres — organisés ou tolérés par la police — de juifs à Kishinev (avril 1903) et à Homel (septembre), enfin les traitements cruels infligés aux paysans, dont la misère croissante provoqua des troubles sérieux (1902-1903).