Histoire de la Révolution française (Michelet)/Livre XXI/Chapitre 3

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CHAPITRE III

DISCOURS ACCUSATEUR DE ROBESPIERRE. — L’ASSEMBLÉE REFUSE L’IMPRESSION (8 THERMIDOR, 26 JUILLET 1794).


Adresse des jacobins. — Barère annonce qu’on parle d’un 31 mai. — Dernier discours de Robespierre, 8 thermidor. — Son apologie. Ses accusations. — Il accuse spécialement Cambon. — Il accuse les Comités et une coalition. — L’Assemblée vote l’impression. L’Assemblée se rétracte.


Robespierre, par une seconde vue de haine et de peur, assistait à leurs pensées

Contre ces poignards aiguisés, que préparait-il ?

Il avait des forces très réelles et n’en voulait point user :

La Commune et la force armée, l’administration peuplée des siens, les jacobins, les tribunaux, la police municipale, celle même du Comité de sûreté !…

Mais ce n’était pas sur tout cela qu’il comptait. Caractère remarquable de cet âge ! invincible respect de la loi !… Disposant de tant de moyens, il comptait sur un discours.

Il le préparait depuis un mois, ce discours, le forgeait et le reforgeait. Les nombreuses variantes témoignent assez et de son travail infatigable et de l’importance des résultats qu’il en attendait.

Cette baliste, cette catapulte, cette grande machine de guerre qu’il roulait contre l’ennemi, pour lui préparer le chemin, d’après la stratégie du temps, il fallait faire marcher devant une forte adresse jacobine.

. Le 6 thermidor au soir, Couthon chauffa la chose. Il dénonça aux Jacobins le renvoi des canonniers, le don des canons à l’École de Mars, fit voter l’adresse qui, le 7, fut lue à la Convention.

Elle était violente, mais vague. Sauf le mouvement des armées (c’est-à-dire Carnot) attaqué assez clairement, le reste flottait. Elle accusait les indulgents. Mais il fallait véritablement être bien au courant de la polémique du temps pour reconnaître là ceux qu’on désignait, Fouché et Dubois-Crancé. C’étaient eux qu’en réalité les Jacobins venaient de rayer comme indulgents.

Dubois-Crancé répondit. Il réfuta pour la dixième fois la calomnie cent fois redite et récemment par Robespierre, d’avoir laissé échapper les insurgés lyonnais. La Convention lui accorda qu’un rapport fût fait sous trois jours, prenant visiblement à cœur cette cause, qui était celle de deux cents représentants revenus de mission.

Ce qui porterait à croire que, dans la société jacobine, travaillée et partagée par l’intrigue de Fouché, cette influence avait été forte jusque dans l’adresse, c’est que cette pièce, destinée à fortifier Robespierre, rappelait, par une inconséquence, voulue sans nul doute, les choses qu’en ce moment il cherchait à étouffer. Elle parlait sans nécessité d’une affaire déjà saisie par les tribunaux, d’une pétition bizarre pour appliquer la peine de mort aux blasphémateurs ! « Pétition, disait-on, qui dégrade le décret contre l’athéisme et désigne les représentants comme prêtres et prophètes d’une religion. »

Barère profita sur-le-champ de l’adresse des jacobins. Il sortait du Comité, où Saint-Just revenu de l’armée avait repoussé les bases du rapport convenu sur la situation. La dernière espérance de conciliation s’était évanouie. Barère suppléa Saint-Just ; il improvisa, plusieurs heures durant, une immense carmagnole sur les services du Comité. La finale, assaisonnée d’éloges pour Robespierre, posait pourtant la question. « On parle d’un 31 mai. La destinée d’un grand peuple ne tiendrait-elle donc qu’aux machinations de quelques contre-révolutionnaires, cachés derrière les meilleurs citoyens ?… Déjà un représentant, qui jouit d’une réputation méritée par cinq années de travaux et par ses principes imperturbables, a réfuté ces propos avec chaleur, prouvé qu’on devait arrêter ceux qui les tenaient. Il a dénoncé l’auteur de cette pétition qui ridiculise une fête célèbre », etc.

Ainsi le mot était dit : On parle d’un 31 mai. Saint-Just chercha tout le jour Robespierre pour le décider à agir. Il était à la campagne (à Montmorency, dit-on), où il travaillait à son grand discours. La tradition robespierriste, très attentive à faire croire qu’il ne se mêlait plus de rien, assure qu’en ces derniers temps il faisait des excursions fréquentes dans les environs de Paris, portant sous le bras Gessner, Raynal, Paul et Virginie, et rêvant à la nature. Récits certainement romanesques. Robespierre travaillait toujours et n’avait aucunement ces tendances à la rêverie. Il lisait beaucoup moins d’idylles que de rapports de police, dont sa défiance croissante l’environnait chaque jour ; rapports misérables, à juger par les spécimens que l’on a donnés, propres moins à éclairer qu’à inquiéter, tirailler ; rapports de mouchards qui se font valoir et croient amuser le maître aux dépens des mœurs de tels députés ; rapports de commères bavardes qui dénoncent leurs voisines, etc. : c’étaient là les aliments de l’infortuné Robespierre. Plus le grand, la fameux discours, incessamment écrit, récrit. Il l’emportait à la campagne, s’enfermait dans un lieu sûr, s’absorbait dans le travail littéraire, effaçait et refaisait, polissait, améliorait et filait ses périodes.

Cette toile de Pénélope n’était pas près de finir, si la crise ne l’eût forcé de l’apporter telle quelle. Il l’eût amenée certainement à une forme plus concentrée, moins décousue.

Cette œuvre, comme il arrive aux choses trop travaillées, a le défaut grave de se composer de morceaux, plusieurs au reste éloquents, mais qui s’adressent à l’avenir plus qu’à la Convention, et qui diminuent l’efficacité du discours comme chose politique et pratique.

Était-ce un testament de lui-même qu’il voulait laisser ? Il y fallait plus de grandeur, ne pas descendre à chaque instant des régions de l’immortalité à d’aigres et violentes paroles sur ses ennemis morts et vivants.

Était-ce un discours pour la crise ? Il ne fallait pas l’énerver par tant d’idées générales, de vagues sentimentalités.

La solitude de Montmorency a fait tort à ce discours, et l’imitation laborieuse du grand solitaire de Montmorency.

Le premier tort peut-être, c’était de parler un jour trop tard, d’attendre au 8, au jour où Barère, rayonnant dans la victoire, vint proclamer à la tribune le solennel événement de l’occupation d’Anvers. Anvers vaut la Belgique entière, et plus, dans une guerre si essentiellement anglaise. Prendre ce moment pour entamer l’accusation de Carnot, pour dire, comme fait Robespierre : « L’Angleterre, tant maltraitée par nos discours, est ménagée par nos armes », c’était paraître envieux et choquer le sentiment général. Le ménagement était-il de n’avoir pas égorgé les cinq mille Anglais de Nieuport ? C’était placer la polémique sur un très mauvais terrain ; l’Assemblée était ravie qu’on eût violé son décret, purement comminatoire.

Ce discours est un volume. Nous insisterons seulement sur quelques points principaux.

Il commence comme apologie et continue comme accusation.

L’apologie est d’abord d’une humilité irritante. Il s’incline et prend pour juges ceux qu’il a tellement décimés, terrorisés. Rhétorique ou dérision ? Je crois le premier plutôt ; mais la Convention, j’en suis sûr, crut cette forme dérisoire.

« Les cris de l’innocence outragée n’importunent point votre oreille.., » Et plus loin : « Vous n’avez rien de commun avec les tyrans qui m’oppriment ; les cris de l’innocence opprimée ne sont point étrangers à vos cœurs », etc.

L’apologie, en ce qu’elle a de plus clair, porte sur trois points :

1° Abusant d’une analogie de mots et de sons, on attribue malignement au bureau de police générale les opérations qui sont faites en partie par le Comité de sûreté générale. Il écarte en partie du bureau robespierriste la responsabilité terrible de ce sanglant messidor.

2° On attribue toutes choses à Robespierre, tandis que, depuis six semaines, il n’est plus rien, ne fait plus rien, n’a plus aucune influence. Affirmation odieusement ridicule dans la bouche d’un homme qui, sans titre, n’en avait pas moins toute la force matérielle, qui signait toujours (il est vrai, chez lui), qui ne paraissait en rien, mais qui, par ses hommes, par Payan, Herman, Dumas, par Henriot, par Lebas, avait agi en messidor avec une énergie terrible ou préparé l’action.

3° Cette duplicité évidente ne donnait pas beaucoup de crédit aux protestations qui suivaient. « On fait circuler des listes de représentants proscrits. Nous, proscrire les patriotes !… N’est-ce pas nous qui avons défendu la Convention ? Est-ce nous qui avons érigé en crimes ou des préjugés incurables ou des choses indifférentes ? (Ceci rassurait les prêtres, les catholiques, la droite, mais point du tout la Montagne.) Les purs auraient tort de craindre. (Oui, mais quels étaient les purs ?…) Il n’y a plus que deux partis, celui des bons, celui des méchants. » Oui, mais quels étaient les bons ?

De telles paroles, si vagues, étaient propres à augmenter la terreur. « On veut effrayer l’Assemblée », disait-il. Qui effrayait plus que lui, qui, constamment aux Jacobins, ayant à sa droite, à sa gauche, le président et les membres du terrible tribunal, pleurait chaque fois sur l’indulgence et la faiblesse du temps ? Quand on cherchait ces indulgents, il comptait parmi eux Fouché, le nom, après Carrier, le plus sanglant de la France !

Voilà les trois points capitaux de l’apologie. Passons à l’accusation.

Elle semblait vague d’abord. « On se cache, donc on conspire. » On a peur, donc on conspire ; il imputait comme crime la terreur qu’il inspirait.

Et si on le priait du moins de limiter cette terreur, de préciser les coupables : « Ah ! je n’ose pas les nommer ! »

Il ne nommait point les représentants, les membres des comités. Le glaive continuait de planer sur tous.

Un seul était désigné, Carnot, non pas nominativement. Le jour où la prise d’Anvers le relevait tant, il fallait ajourner encore.

Mais celui qui était nommé, celui sur qui le discours tombait d’aplomb avec raideur, ce n’était point un des ennemis positifs de Robespierre ; c’était l’homme qu’un hasard mettait en péril ce jour-là, qui se trouvait entamé, et dont on pouvait espérer emporter la perte par une attaque résolue.

Il faut savoir qu’à ce moment Cambon était entouré d’un orage épouvantable, une insurrection de rentiers.

La trésorerie était littéralement assiégée par d’énormes légions de vieillards, d’infirmés, pauvres diables d’invalides, toussant, souffreteux, cacochymes, plusieurs demi-paralytiques qui venaient se traîner là. Cambon les avait soumis à une opération sévère y mais enfin indispensable dans la détresse publique. Il conserva les rentes viagères modiques, en les proportionnant à l’âge. L’homme de quarante à cinquante ans conserverait entière une rente de quinze cents à deux mille francs ; de cinquante à soixante ans, une rente de trois mille à quatre mille, et ainsi de suite. Pour ce qui dépassait ceci, la rente, de viagère, devenait perpétuelle et par conséquent bien faible. Évidemment les intérêts des petits rentiers, des vieillards, avaient été sauvegardés autant qu’on pouvait. Tous cependant devaient apporter leurs titres, les voir brûler, remplacer par une inscription du Grand-Livre. Cela les épouvantait. En voyant passer dans les flammes ces sales et vieux papiers si chers, avec qui ils avaient vécu, ils croyaient mourir eux-mêmes.

Tous les hommes du Perron, les agioteurs, ne manquaient pas d’augmenter leurs frayeurs ; ils leur disaient qu’effectivement ils étaient ruinés, qu’on ne les payerait jamais ; ils montaient la tête à ces pauvres gens. La foule ne bougeait plus des portes, y séchait ; la lenteur de l’immense opération confirmait ses craintes. En réalité les agioteurs étaient furieux. Ils étaient les plus lésés. Cette nécessité de représenter les titres, de se faire reconnaître pour créanciers effectifs, de donner certificat de vie, tout cela paralysait dans leurs mains des titres innombrables d’émigrés qu’ils acquéraient à bon compte et par lesquels jusque-là ils tiraient les rentes, suçaient, épuisaient le Trésor.

Cambon s’était établi en personne à la trésorerie. Il ouvrit des salles vastes, couvertes, où les rentiers, qui jusque-là étaient dans la cour sur leurs jambes, attendirent commodément assis. Par un travail excessif de nuit et de jour, il précipita l’affaire, convertit, brûla, refît cette masse énorme de titres, hâta les payements.

Cela allait encore lentement au 9 thermidor. Ces salles de la trésorerie, plus bruyantes que les clubs, retentissaient de cris, de plaintes, de réclamations, des soupirs de l’inquiétude, des gémissements du désespoir.

Il était assez habile à Robespierre de se faire l’écho des rentiers.

Dans ce long, très long discours, il revient trois fois à la charge, trois fois très habilement.

D’abord il touche la matière en général, en parle comme de chose ancienne, pour préparer les esprits. « Des projets de finances destructeurs menaçaient toutes les fortunes modiques et portaient le désespoir », etc. « Les payements des créanciers de l’État étaient suspendus. »

Puis il en parle clairement, mais sous prétexte de se justifier lui-même : « On a proposé dans ces derniers temps des projets de finances qui m’ont paru calculés pour désoler les citoyens peu fortunés et multiplier les mécontents. J’avais appelé inutilement l’attention du Comité de salut public. Croira-t-on qu’on a répandu que ces plans étaient mon ouvrage ? »

Plus loin encore : « La trésorerie seconde parfaitement ces vues par le plan qu’elle a adopté (sous le prétexte d’un attachement scrupuleux aux formes) de ne payer personne excepté les aristocrates, de vexer les citoyens malaisés par des refus, des retards, des provocations odieuses. »

« Quels sont les administrateurs suprêmes de nos finances ? Les compagnons et successeurs de Chabot, de Fabre, des brissotins, des feuillants, des aristocrates et des fripons connus, les Cambon, les Mallarmé, les Ramel. »

Tout le monde se regarda. L’étonnement fut au comble. Dans un discours si général, si vague partout ailleurs, où il ne donnait aucun nom, lancer tout à coup le nom le moins attaquable !… On n’était pas loin d’y voir une aliénation d’esprit.

Que voulait-il ? Exaspérer une foule déjà irritée, confirmer, autoriser les craintes, la fureur des rentiers ? Non, sans doute. — Probablement ébranler, miner l’estime de l’Assemblée pour Cambon ? Non, il ne l’espérait pas.

Ce qu’il croyait, c’est que l’Assemblée, sans changer d’opinion, en partie intimidée, en partie tentée de faire une chose populaire, se laisserait aller à briser cet homme désagréable à tous, cet homme triste, amer et dur, que tout le monde trouvait dans son chemin, armé d’épines et de refus, cet homme que la fatalité du danger public avait précipité dans tant de mesures odieuses, dont le nom maudit exprimait toutes les misères de la situation.

Les représentants revenus de mission n’était guère moins menacés. Il y avait dans le discours peu de mots sur eux, mais forts, qui encourageaient puissamment à les accuser. « Les coupables n’ont-ils pas établi cet affreux principe que dénoncer un représentant infidèle, c’est conspirer contre la représentation nationale ?… Les départements où ces crimes ont été commis les ignorent-ils, parce que nous les oublions ? »

De Lyon, de Nantes, de partout en effet, arrivaient de violents accusateurs, sûrs de l’appui, de Robespierre.

Conclusion générale du discours : Il y a une conspiration.

Elle doit sa force à une coalition qui intrigue au sein de la Convention.

Elle domine au Comité de sûreté générale. On a opposé ce Comité au Comité de salut public et cons titué ainsi deux gouvernements.

Des membres du Comité de salut public entrent dans ce complot.

Il faut épurer, subordonner le premier, épurer même le second, rétablir l’unité du gouvernement sous la Convention qui en est le centre et le juge.

Au moment où il se tut, Rovère disait à Lecointre :

« C’est le moment, il faut lire ton acte d’accusation…

— Non, dit-il, il attaque les Comités. Ils vont se détruire entre eux. »

Et tout haut : « Je demande l’impression. » — Bourdon : « Je m’y oppose… Renvoyons à l’examen des Comités. »

Barère appuie l’impression et Couthon la veut à grand nombre, pour envoyer à toutes les communes. La chose est décrétée ainsi. Vadier, sans se décourager, reprend pour son Comité, incidente sur la Mère de Dieu.

Mais Cambon s’est élancé : « Avant d’être déshonoré, je parlerai à la France ! » Il explique le décret attaqué, et finit par cette explosion : « J’ai dénoncé toutes les factions, quand elles attaquaient la fortune publique… Toutes, elles m’ont trouvé sur leur route… C’est l’heure de dire la vérité : un homme paralyse la Convention, cet homme est Robespierre… Jugez. »

Robespierre : « Comment paralyserais-je la Convention en matière de finances ?… Sans attaquer les intentions de Cambon… »

Manifeste reculade ; il l’avait appelé fripon et maintenant il déclarait ne point attaquer ses intentions.

Billaud : « Il faut arracher tous les masques… S’il est vrai que nous n’ayons pas la liberté d’opinion, j’aime mieux que mon cadavre serve de trône à un ambitieux que de devenir par mon silence le complice de ses forfaits. »

« Moi, dit naïvement Panis, qu’il me dise au moins s’il est vrai que mon nom est sur sa liste… Qu’ai-je gagné à la Révolution ? Pas de quoi donner un sabre à mon fils, une jupe à ma fille ! »

Fréron, dont toute la vie fut une suite d’inconséquences et de maladresses, au lieu de serrer la phalange des ennemis de Robespierre, laissa échapper le mot le plus propre à la dissoudre. Il s’attaqua à Billaud : « La liberté d’opinion, dit-il en reprenant ses paroles, comment l’aurions-nous, quand les Comités peuvent nous faire arrêter ?… Il faut leur ôter ce droit. »

On le fit taire, et Robespierre, relevé et raffermi par cette gauche diversion : « Je ne rétracte rien… J’ai jeté mon bouclier, je me suis présenté découvert à mes ennemis… Je n’ai flatté personne, je ne crains personne, je n’ai calomnié personne. »

Les maratistes Charlier, Bentabole, ne laissèrent pas la chose là : ils reprirent, enfoncèrent le coup. Bentabole : « L’envoi du discours est dangereux… La Convention aurait l’air d’approuver… Elle serait responsable des mouvements d’un peuple égaré. »

Couthon : « Il faut que tout le peuple juge… Voilà pourquoi je demande l’envoi aux communes. »

Charlier : « Renvoyons aux Comités… »

Robespierre : « Quoi ! à ceux que j’ai accusés ?… »

Charlier : « Quand on se vante du courage de la vertu, il faut avoir celui de la vérité. Nommez qui vous accusez… »

Amar : « Qu’il nomme !… L’intérêt public ne comporte aucun ménagement. »

Robespierre : « Je persiste… Je ne prends aucune part à ce qu’on peut décider pour empêcher l’envoi de mon discours. »

Le dantoniste Thirion : « Envoyer, c’est préjuger… Pourquoi un seul aurait-il plutôt raison que plusieurs ? … Les présomptions sont pour les Comités. »

Bréard, membre du comité de législation : « C’est un grand procès à juger… Révoquons l’impression. »

On révoqua.

Barère, qui en votant l’envoi du discours, avait trahi les Comités au profit de Robespierre, passa lestement de l’autre côté : « J’avais voté l’impression parce que, dans un pays libre, je crois qu’on doit tout publier… Nous ne nous défendrons pas contre Robespierre ; à cette déclamation nous répondrons par des victoires… S’il eût suivi nos opérations depuis quatre décades, il eût supprimé son discours… Du reste, que le mot d’accusé soit effacé de vos pensées. »

Maintenant quel serait l'accusé ? Les Comités ou Robespierre ?