Histoire de la Révolution française (Michelet)/Livre XX/Chapitre 3

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CHAPITRE III

LES CONSPIRATIONS DE FABRIQUE. — CELLE DE BICÊTRE. MORT D’OSSELIN (24 JUIN-1er JUILLET 1794).


Effets tout-puissants de la calomnie. — Les colporteurs de Paris. — Nécessité de gagner une bataille ; Fleurus, 26 juin. — Sage conseil de Payan à Robespierre. — Il sembla croire plutôt Herman. — Eut-il connaissance des machinations d’Hcrman ? — Herman purge les prisons, Bicêtre. — Exécution d’Osselin mourant.


Toutes les conditions de l’horreur et du ridicule s’étaient réunies. Le Comité de sûreté, dans son drame atroce, mêlé de vrai et de faux, avait dépassé à la fois la comédie, la tragédie, écrasé tous les grands maîtres.

La violence des contrastes, l’inattendu des surprises, avaient donné à la pièce des effets terribles, inouïs, et de déchirante pitié, et de rire, à rendre fou. L’immuable et l’irréprochable, surpris dans le pas secret d’une si leste gymnastique, montré nu entre deux masques, ce fut un aliment si cher à la malignité qu’on crut tout, on avala tout, on n’en rabattit pas un mot. Philosophe chez le menuisier, messie des vieilles rue Saint-Jacques, au Palais-Royal souteneur de jeux ! Faire marcher de front ces trois rôles, et sous ce blême visage de censeur impitoyable !… Shakespeare était humilié, Molière vaincu ; Talma, Garrick, n’étaient plus rien à côté.

Mais quand, en même temps, on réfléchit au lâche égoïsme qui lançait en avant les siens et qui les abandonnait ! à la prudence infinie de ce messie, de ce sauveur, qui ne sauvait que lui-même, laissant ses apôtres à Judas, avec Marie-Madeleine, pour être en croix à sa place !… oh ! la fureur du mépris débordait de toutes les âmes !

Hier, dictateur, pape et dieu… l’infortuné Robespierre aujourd’hui roulait au ruisseau.

Telle fut l’acre, brûlante et rapide impression de la calomnie sur des âmes bien préparées. Il avait, toute sa vie, usé d’accusations vagues et trop souvent fausses. Il semblait que la calomnie, lancée si souvent par lui, lui revenait au dernier jour par ce noir flot de boue sanglante…

Les colporteurs au matin, de clameurs épouvantables, hurlant la sainte guillotine, les cinquante-quatre en manteaux rouges, les assassins de Robespierre, aboyaient plus haut encore les Mystères de la Mère de Dieu. Une nuée de petits pamphlets, millions de mouches piquantes nées de l’heure d’orage, volaient sous ce titre. Ces colporteurs, maratistes, hébertistes, regrettant toujours leurs patrons, poussaient par des cris infernaux la publicité monstrueuse du rapport déjà imprimé par décret à cinquante mille.

On ne les laissait pas tranquilles. Mais rien n’y faisait. Le combat des grandes puissances se combattait sur leur dos. La Commune de Robespierre hardiment les arrêtait. Mais le Comité de sûreté à l’instant les relâchait. Ils n’en étaient que plus sauvages, plus furieux à crier. De l’Assemblée aux Jacobins et jusqu’à la maison Duplay, en face de l’Assomption, toute la rue Saint-Honoré vibrait de leurs cris ; les vitres tremblaient. La grande colère du Père Duchesne semblait revenue triomphante dans leurs mille gueules effrénées et dans leurs bouches tordues.

Que faire ? Occuper bien vite l’attention d’autre chose, remonter par un coup de force, montrer qu’on savait frapper. Une victoire au dehors, au dedans une âpre énergie de police et de tribunaux, c’était tout ce que le parti voyait de plus efficace. Tous étant terrifiés, tous tâtant pour voir si leur tête tenait encore à leurs épaules, qui pourrait songer à rire ?

Ces remèdes avaient déjà réussi. Dans son grand danger d’octobre, surpris en flagrant délit de modérantisme, il fut sauvé par Wattignies.

En janvier, serré de près par Phelippeaux et les autres pour son alliance hébertiste, il avait fait taire la meute en mordant qui le mordait, prenant et emportant Fabre.

On écrivit à Saint-Just : « Tu vaincras tel jour. » Il vainquit. Le bonheur de Robespierre lui donna encore cette grande et dernière faveur, une victoire sans Carnot, une victoire qui donnait moyen de faire le procès à Carnot, au Comité de salut public.

Carnot et le Comité agissaient en politiques (pas un des historiens militaires n’a compris ceci). Ils recevaient des ouvertures de paix et croyaient avec raison que la Prusse n’agirait pas. Ils voyaient l’Autriche entrant en Pologne, très affaiblie à l’ouest par la haine des Pays-Bas. Ils croyaient n’avoir d’ennemi sérieux, acharné, que l’Angleterre. C’était le moment où la jeune marine révolutionnaire, formée par Jean-Bon Saint-André, nos vaisseaux lancés par lui, montés par leur créateur, avaient tenu trois jours de suite devant la grande flotte anglaise, suppléant la science par l’enthousiasme et, quoique avec des pertes graves, faisant entrer au port de Brest l’immense convoi américain qui venait nourrir la France[1]. La suite de cette bataille pour le Comité, c’était l’occupation des ports qui regardent l’Angleterre, Ostende, Nieuport, Anvers. Il voulait isoler l’Anglais de ses alliés et le menacer chez lui. La menace géographique, permanente, pour lui, c’est Anvers, cette position redoutable que Napoléon appelait « un pistolet visant au cœur de l’Angleterre ».

Le rêve du Comité, c’était la future descente, c’était la conquête des ports. Robespierre, en d’autres temps, ne différait point d’avis ; pour lui, l’Angleterre était tout. Mais, à ce moment, le lendemain du violent coup du 15 juin, froissé, avili, malade, il lui fallait une bataille, une victoire, et sur-le-champ, une victoire populaire qui ne fût qu’aux robespierristes, qui fit oublier Wattignies gagné par Carnot.

Le 18 juin, Saint-Just, instruit de la séance du 15, montra à Jourdan devant lui la Sambre qu’il fallait passer et, derrière, la guillotine. Pour la cinquième fois, Jourdan passa, et pour la troisième, se remit à bombarder Charleroi. L’incomparable pléiade des généraux de Sambre-et-Meuse, Jourdan, Kléber, Marceau, Lefebvre, Championnet, firent des miracles de bravoure acharnée, d’obstination. L’objet était Charleroi, et l’on se battait toujours qu’il était déjà rendu (26 juin, 8 messidor). Les Autrichiens, les premiers, cessèrent ce massacre inutile. Un ordre vint du Comité de salut public de ne pas pousser plus loin. Nouveau texte contre Carnot, nouvelle prise pour Robespierre.

Il put se féliciter alors de la prudence obstinée avec laquelle il avait toujours refusé de signer la moindre des choses de la Guerre, laissant tout entière à ses collègues la responsabilité des actes, mêlée de tant de hasards. Carnot ici avait agi ; on pouvait le perdre ; Saint-Just avait de lui deux lettres avec lesquelles un jour ou l’autre Carnot ne pouvait guère manquer de rejoindre Houchard et Custine.

Mais revenons à Paris. On ne savait pas encore si la bataille était gagnée. Cette victoire commandée, si on la gagnait, c’était un topique extérieur, un ajournement au mal. Mais n’y avait-t-il pas un remède intérieur, une vraie médecine, qui agît profondément et changeât définitivement la situation ?

La destinée, soigneuse, ce semble, de sauver un homme en qui, après tout, étaient tant de grandes choses et avec qui peut-être périssait la Révolution, la destinée, prodigue pour lui au dernier moment, ne se contenta pas de lui donner la victoire ; elle lui offrit la sagesse.

Un de ses nouveaux apôtres, Payan, son homme à la Commune, qu’il avait mis à la place de Chaumette, homme d’esprit, de sens et de tête, neuf aux affaires et les voyant d’autant mieux, d’une vue moins fatiguée, lui dit le mot de la situation et le vrai remède.

Le remède était la franchise, l’abandon des voies tortueuses.

N’osant dire ces choses en face, il écrivit, il lui représenta le mal immense que lui faisait l’affaire de la Mère de Dieu, l’avertissant qu’il ne pouvait se taire, qu’il devait répondre, envelopper sa réponse dans une accusation générale qui frapperait en même temps toutes les factions, mais « qu’il ne pouvait faire un tel acte sans attaquer le fanatisme, sans donner vie aux principes philosophiques de son rapport sur les fêtes, sans effacer les dénominations superstitieuses, ces Pater, ces Ave, ces épîtres prétendues républicaines », etc. Il voulait dire que Robespierre devait cesser de nager entre les philosophes et les gallicans, laisser ceux-ci qui le compromettaient et se placer franchement où il était fort, sur le terrain de la Révolution.

Il ne pouvait tout à la fois invectiver contre les prêtres à la fête de l’Etre suprême, et s’en aller par-devant eux, comme parrain d’un enfant.

Le sens de la lettre, en réalité, était celui-ci : « On ne peut être à droite et à gauche ; décidez-vous, soyez net et planez sur les partis. »

Malheureusement Payan, homme très emporté du Midi, obscurcissait son propre conseil, si lumineux en lui-même, en imposant à son maître, non seulement de dominer les partis, mais de les anéantir.

On n’anéantit jamais tout. Mais, en mettant cette affiche, on peut donner aux ennemis l’audace du désespoir, unir contre soi les hommes les plus hostiles entre eux et former de sa main même les coalitions invincibles auxquelles on succombera.

Robespierre, pour être franc, que devait-il faire ? Préciser nettement son procès et le limiter, nommer par leurs noms Tallien et cinq ou six voleurs, au plus, accuser hardiment, frapper… Et rassurer tout le reste, couvrir la Convention et tout le passé de 1793 d’une trop légitime amnistie.

Le salut pour lui n’était pas à gauche ; encore moins était-il à droite. Mais il était au-dessus.

Ni dans l’atrocité ni dans l’indulgence ; point dans la bassesse du juste milieu sans foi, point dans l’ignoble bascule. Non, plus haut que tout cela, dans une magnanimité sévère, par-dessus la tête de tous, qui ramenât la Révolution à elle-même, c’est-à-dire à l’héroïsme, et la posât décidément dans une lumière supérieure.

Il semble n’avoir fait aucune attention à la lettre de Payan. Il inclina malheureusement du côté où l’entraînaient ses routines, se disant encore le mot qu’il disait au parti prêtre de la Convention avant juin 1793, et qu’il pratiqua lui-même (décembre) en se rapprochant d’Hébert : « La sûreté est à gauche. » Mais la gauche par delà Hébert, la gauche par delà Fouché, qu’il accusait d’indulgence, où était-ce, sinon dans la fosse qui le reçut en Thermidor ?

L’homme qui, visiblement, influa sur lui à cette époque maudite, fut celui qui déjà lui avait rendu le mortel service de faire condamner Danton, son ami d’Arras, Herman. Ce doucereux philanthrope, à l’œil équivoque et louche, magistrat de l’Ancien-Régime, formé en cours féodales, ecclésiastiques, dans l’esprit d’inquisition, paraît en avoir gardé les traditions de police, les vieilles machines politiques de fabriques de complots et d’agents provocateurs, d’espions de prisons et le reste.

Plus je sonde l’expérience, l’histoire et la nature, plus j’interroge l’étude que je fais depuis dix ans du caractère de Robespierre, plus je suis porté à croire qu’il ne sut les machinations de sa propre police que d’une manière très générale, qu’il n’en connut point le hideux détail. Une chose, par la lassitude et l’irritation, était comme un axiome pour lui et pour tous les chefs de la Révolution, c’est que la contre-révolution était incorrigible, et qu’il eût été à souhaiter que, par un cataclysme naturel, toutes les prisons de France s’abîmassent en une fois. Ce miracle ne se faisant pas, comment y suppléerait-on ? Ce n’était pas l’affaire des rois de la France, mais celle de leur police. Ils se gardaient de s’informer du mode de l’exécution. Tous les rois ont fait de même. Qui d’entre eux pourrait dormir, s’ils savaient ce qu’on fait pour eux ? Cette ignorance, plus ou moins volontaire, est pour eux une grâce d’état. Si l’on excepte le bigot François II d’Autriche, qui lui-même et personnellement administrait le Spielberg, s’inquiétant de savoir si, pour le salut de leur âme, les prisonniers souffraient suffisamment, les souverains ignorent ces choses. Robespierre ne les aura sues qu’en gros et pour les résultats. Dès longtemps, il gouvernait en réalité, et déjà il avait pu acquérir une âme de roi.

Les robespierristes, liés à sa destinée, devant régner avec lui, tomber avec lui, étaient trop intéressés à agir pour lui. Quel était son vrai danger, depuis l’affaire des Saint-Amaranthe et celle de la Mère de Dieu ? Être accusé d’indulgence, de connivence secrète avec la contre-révolution.

Ils entreprirent de le laver, en faisant par sa police une razzia dans les prisons, en lançant une masse d’accusés aux tribunaux et renvoyant à la police du Comité de sûreté le reproche d’indulgence.

Le 3 messidor (24 juin), Herman adressa un rapport au Comité de salut public : Tous les complices des anciennes conspirations de prisons vivent encore ; il faut purger les prisons. Le 7, Robespierre signa, au nom du Comité, une autorisation de rechercher ces complices et d’en faire rapport au Comité. Barère signa complaisamment et fit signer Billaud-Varennes.

Il y avait à Bicêtre un peintre nommé Valagnos, qui avait été condamné à dix ans de fers. Le grand succès de Laflotte, le prisonnier du Luxembourg, qui dénonça ses camarades (comme voulant délivrer Danton), avait fortement excité l’émulation de Valagnos, qui, au moment même, en avril, dénonça les prisonniers de Bicêtre au Comité de sûreté. Cette dénonciation, méprisée du Comité, fut de nouveau envoyée, mais au Comité de salut public. C’est là que la trouva Herman. Du 3 au 7, il envoya à Bicêtre son sous-chef Lanne, qui emmena avec lui Fouquier-Tinville. Tous deux, sur les renseignements de Valagnos, firent une liste de trente et un détenus.

Cette liste, autorisée par le Comité de salut public, fut néanmoins soumise par Fouquier-Tinville au Comité de sûreté générale, sans lequel il ne faisait rien. On examina. C’étaient trente galériens, quelques-uns très dangereux, de ces voleurs serruriers qui échappent de toute manière pour commettre de nouveaux crimes. On approuva. Et bientôt une seconde liste fut faite de condamnés moins dangereux. Y avait-il entre eux quelque projet d’évasion, comme on le disait ? Cela est probable. La loi prononçait la mort contre ceux qui « oseraient ouvrir les prisons ». Mais cela s’entendait-il du prisonnier qui voudrait fuir ? On leur appliqua cette loi. Pour orner la liste sans doute, on y ajouta quelques noms connus, un bâtard de Sillery et le représentant Osselin.

Ce malheureux Osselin, qui avait marqué dans les premiers jours de la Convention, était certes bien éloigné d’être un contre-révolutionnaire. On se rappelle sa faute. Il voulut sauver une jeune femme, la cacha. Faute grave, il est vrai ; il était à ce moment membre du Comité de sûreté, et plus que personne sans doute tenu de respecter les lois. Cette femme, Mme Charry, cachée par lui chez un parent, dans une maison isolée des bois de Versailles, fut surprise, emprisonnée, jugée et guillotinée. Osselin, ainsi frappé au cœur, le fut d’une autre manière, et plus que de mort, flétri d’une condamnation à dix ans de fers. Hélas ! si l’on eût flétri tous ceux qui sauvèrent des hommes, qui ne l’eût été ? Robespierre, nous l’avons vu, sauva un fermier-général, force prêtres, par Lebas. Fouquier sauva nombre de personnes. Couthon, qui avait alors la direction du fatal bureau de police, Dumas même, le président du tribunal révolutionnaire, s’ils n’osaient sauver des hommes, ils conseillaient à ceux qui venaient solliciter de faire oublier leurs amis ; cela dépendait d’un commis ; le dossier de ces prisonniers qui arrivait à son tour, on le mettait sous les autres. Ajourner, c’était sauver[2].

Le nom d’Osselin réveillait une plaie vive, tout le groupe des dantonistes, ses amis, ensemble égorgés. Sous les visages immobiles, et sous les yeux secs, coulaient au plus profond des cœurs des larmes de sang…

« Ah ! Camille !… ah ! Phelippeaux !… ah ! pauvre Bazire ! Pauvre Bazire, qu’as-tu fait ? »

Si le monde les pleure encore, qu’était-ce donc en ce moment, près de la mort de Danton, quand ces places énormes étaient vides, quand les bancs déserts, la salle, les voûtes muettes, paraissaient frappés de deuil !

Osselin, abîmé de douleur, de honte et de désespoir, ne sortait point de sa chambre, ne voyait nul prisonnier. Il n’était pas facile de dire qu’il conspirait avec eux. Il n’en fut pas moins mis sur la liste de mort, et par une main inconnue. Celle d’Herman ou du Comité ?

Cette dernière supposition me paraît la plus vraisemblable. Le Comité de sûreté, en donnant cet ornement à la liste robespierriste, la rendait cruellement odieuse à la Convention, lui montrait que l’affaire de Bicêtre, méprisée d’abord comme affaire de galériens, n’était qu’une expérience qui allait monter plus haut. Un représentant du peuple ! un membre des Comités ! un montagnard éminent ! un malheureux patriote qui n’avait failli qu’une fois par faiblesse et par amour ! un pauvre homme déjà condamné !… C’était un coup violent pour l’Assemblée elle-même. Elle devait y pressentir l’ouverture du grand procès qui, de l’un à l’autre parti, des hébertistes aux dantonistes, menaçant deux cents représentants revenus de mission, pouvait gagner, comme un chancre, la Convention tout entière.

Fouquier, avec plus de malice qu’on ne lui eût supposé, rendit le procès ridicule autant qu’il était atroce. Il accusa ces prisonniers d’avoir voulu égorger les membres des Comités, leur rôtir et manger le cœur.

La terreur fut telle à Bicêtre, quand on fit l’enlèvement, qu’un homme de quatre-vingts ans, qui n’était pas sur la liste, jeta son argent aux latrines et s’ouvrit le ventre avec un rasoir. Les trente furent menés à Paris, et la nuit déposés au Plessis, où Osselin, faute d’autres armes, se perça le cœur d’un clou. Malheureusement il vivait quand on vint le prendre ; on le traînait, et il ne pouvait mourir ; les uns le tirant en arrière, disant : « Il est mort » ; les autres en avant : « Il mourra. » Et ce corps, quasi expiré, présenté au tribunal, on l’interrogea. Il râlait… On précipita le départ, moyennant quoi il put être encore guillotiné vivant. Mais il n’y eut pas un homme qui, devant un tel spectacle, ne maudît son sort d’avoir vu cela et ne gardât une haine profonde contre ceux qui en avaient souillé la lumière de Dieu !

  1. Le prodige de ce temps de prodiges, c’est la création subite d’une marine républicaine par Jean-Bon Saint-André ! et de voir cette marine d’hier se soutenir en présence de la vieille et redoutable marine britannique !… Il faut un livre pour dire les travaux préparatoires, législatifs, matériels, l’énorme improvisation et de vaisseaux et de marins, de détails, d’organisation, le code de la discipline, celui de l’administration, celui des forêts, de la marine, etc.

    Je ne m’étonne pas que notre marine, ancienne et nouvelle, toujours fidèle au même esprit, ait soigneusement étouffé ou tourné en dérision ce grand souvenir.

  2. M. Terrasse, mort chef de la section judiciaire aux Archives, et quelques autres personnes sollicitèrent Dumas et Fouquier-Tinville pour le grand-père de M. Bastide, pour le directeur d’Alfort et un troisième détenu. Ils répondirent : « Ne demandez pas qu’on les juge ; faites-les oublier, s’il se peut. » Couthon alla plus loin ; il leur dit : « Si vous connaissez un employé, faites brûler les pièces. » Ce dernier fait m’a été garanti par M. Carteron, ex-employé aux Archives et aujourd’hui envoyé de France à Hambourg.