Histoire de la Révolution de 1848/Documents historiques

Charpentier (p. 501-519).

DOCUMENTS HISTORIQUES



I


programme du journal La Réforme, rédigé par m. louis blanc.


Tous les hommes sont frères.

Là où l’égalité n’existe pas, la liberté est un mensonge.

La société ne saurait vivre que par l’inégalité des aptitudes et la diversité des fonctions ; mais des aptitudes supérieures ne doivent pas conférer de plus grands droits elles imposent de plus grands devoirs.

C’est là le principe de l’égalité : l’association en est la forme nécessaire.

Le but final de l’association est d’arriver à la satisfaction des besoins intellectuels, moraux et matériels de tous, par l’emploi de leurs aptitudes diverses et le concours de leurs efforts.

Les travailleurs ont été esclaves, ils ont été serfs, ils sont aujourd’hui salariés ; il faut tendre à les faire passer à l’état d’associés.

Ce résultat ne saurait être atteint que par l’action d’un pouvoir démocratique.

Un pouvoir démocratique est celui qui a la souveraineté du peuple pour principe, le suffrage universelle pour origine, et pour but la réalisation de cette formule : Liberté, Égalité, Fraternité.

Les gouvernants, dans une démocratie bien constituée, ne sont que les mandataires du peuple : ils doivent donc être responsables et révocables.

Les fonctions publiques ne sont pas des distinctions elles ne doivent pas être des priviléges : elles sont des devoirs.

Tous les citoyens ayant un droit égal de concourir à la nomination des mandataires du peuple et à la formation de la loi, il faut, pour que cette égalité de droit ne soit pas illusoire, que toute fonction publique soit rétribuée.

La loi est la volonté du peuple formulée par ses mandataires. Tous doivent à la loi obéissance, mais tous ont le droit de t’apprécier hautement, pour qu’on la change si elle est mauvaise.

La liberté de la presse doit être maintenue et consacrée comme garantie contre les erreurs possibles de la majorité et comme instrument des progrès de l’esprit humain.

L’éducation des citoyens doit être commune et gratuite. C’est à l’État qu’il appartient d’y pourvoir.

Tout citoyen doit passer par l’éducation de soldat. Nul ne peut se décharger, moyennant finances, du devoir de concourir à la défense de son pays.

C’est à l’État de prendre l’initiative des réformes industrielles propres à amener une organisation du travail qui élève les travailleurs de la condition de salariés à celle d’associés.

Il importe de substituer à la commandite du crédit individuel celle du crédit de l’État. L’État, jusqu’à ce que les prolétaires soient émancipés, doit se faire le banquier des pauvres.

Le travailleur a le même titre que le soldat à la reconnaissance de l’État. Au citoyen vigoureux et bien portant, l’État doit le travail ; au vieillard et à l’infirme, il doit aide et protection.


II

lettre de m. le prince de joinville à m. le duc de nemours, 1847

Notre situation n’est pas bonne. À l’intérieur, l’état de nos finances, après dix-sept ans de paix, n’est pas brillant. À l’extérieur, où nous aurions pu chercher quelques-unes de ces satisfactions d’amour-propre si chères à notre pays, et avec lesquelles on détourne son attention de maux plus sérieux, nous ne brillons pas non plus.

L’avènement de Palmerston, en éveillant les défiances passionnées du roi, nous a fait faire la campagne espagnole et nous a revêtus d’une déplorable réputation de mauvaise foi. Séparés de l’Angleterre au moment où les affaires d’Italie arrivaient, nous n’avons pas pu y prendre une part active, qui aurait séduit notre pays et été d’accord avec des principes que nous ne pouvons abandonner ; car c’est par eux que nous sommes. Nous n’avons pas osé nous tourner contre l’Autriche de peur de voir l’Angleterre reconstituer immédiatement contre nous une nouvelle Sainte-Alliance. Nous arrivons devant les Chambres avec une détestable situation intérieure et, à l’extérieur, une situation qui n’est pas meilleure. Tout cela est l’œuvre du roi seul, le résultat de la vieillesse d’un roi qui veut gouverner, mais à qui les forces manquent pour prendre une résolution virile.

Le pis est que je ne vois pas de remède. Chez nous, que faire et que dire, lorsqu’on montrera notre mauvaise situation pécuniaire ? Au dehors, que faire pour relever notre situation et suivre une ligne de conduite qui soit du goût de notre pays ? Ce n’est certes pas en faisant en Suisse une intervention austro-française, qui serait pour nous ce que la campagne de 1823 a été pour la Restauration. J’avais espéré que l’Italie pourrait nous fournir ce dérivatif, ce révulsif dont nous avons tant besoin ; mais il est trop tard, la bataille est perdue ici.

Nous n’y pouvons rien sans le concours des Anglais ; et chaque jour, en leur faisant gagner du terrain, nous rejette forcément dans le camp opposé. Nous ne pouvons plus maintenant faire autre chose ici que de nous en aller, parce qu’en restant, nous serions forcément conduits à faire cause commune avec le parti rétrograde ; ce qui serait, en France, d’un effet désastreux. Ces malheureux mariages espagnols ! Nous n’avons pas encore épuisé le réservoir d’amertume qu’ils contiennent.

Je me résume : en France, les finances délabrées ; au dehors, placés entre une amende honorable à Palmerston, au sujet de l’Espagne, ou cause commune avec l’Autriche pour faire le gendarme en Suisse et lutter en Italie contre nos principes et nos alliés naturels. Tout cela rapporté au roi, au roi seul, qui a faussé nos institutions constitutionnelles. Je trouve cela très-sérieux, parce que je crains que les questions de ministres et de portefeuilles ne soient laissées de côté, et c’est un grave danger, quand, en face d’une mauvaise situation, une assemblée populaire se met à discuter des questions de principes. Si encore on pouvait trouver quelque événement, quelque affaire à conduire vivement et qui pût, par son succès, rallier un peu notre monde, il y aurait encore des chances de gagner la bataille ; mais je ne vois rien.


III

déclaration publiée par les journaux de l’opposition le 22 février 1848.

à tous les citoyens.

Une grande et solennelle manifestation devait avoir lieu aujourd’hui en faveur du droit de réunion, contesté par le gouvernement. Toutes les mesures avaient, été prises pour assurer l’ordre et provenir toute espèce de trouble. Le gouvernement était instruit depuis quelques jours de ces mesures, et savait quelle serait la forme de cette protestation. Il n’ignorait pas que les députés se rendraient en corps au lieu du banquet accompagnés d’un grand nombre de citoyens et de gardes nationaux sans armes. Il avait annoncé l’intention de n’apporter aucun obstacle à cette démonstration tant que l’ordre ne serait pas troublé, et de se borner à constater par un procès-verbal ce qu’il regarde comme une contravention et ce que l’opposition regarde comme l’exercice d’un droit. Tout à coup, en prenant pour prétexte une publication dont le seul but était de prévenir les désordres qui auraient pu naître d’une grande affluence de citoyens, le gouvernement faisait connaître sa résolution d’empêcher par la force tout rassemblement sur la voie publique, et d’interdire, soit à la population, soit aux gardes nationaux, toute participation à la manifestation projetée. Cette tardive résolution du gouvernement ne permettait plus à l’opposition de changer le caractère de la démonstration. Elle se trouvait donc placée dans l’alternative de provoquer une collision entre les citoyens et la force publique, ou de renoncer à la protestation légale et pacifique qu’elle avait résolue.

Dans cette situation, les membres de l’opposition, personnellement protégés par leur qualité de députés, ne pouvaient pas exposer volontairement les citoyens aux conséquences d’une lutte aussi funeste à l’ordre qu’à la liberté. L’opposition a donc pensé qu’elle devait s’abstenir et laisser au gouvernement toute la responsabilité de ses mesures. Elle engage tous les bons citoyens à suivre son exemple,

En ajournant ainsi l’exercice d’un droit, l’opposition prend envers le pays l’engagement de faire prévaloir ce droit par toutes les voies constitutionnelles. Elle ne manquera pas à ce devoir ; elle poursuivra avec persévérance et avec plus d’énergie que jamais la lutte qu’elle a entreprise contre une politique corruptrice, violente et antinationale.

En ne se rendant pas au banquet, l’opposition accomplit un grand acte de modération et d’humanité. Elle sait qu’il lui reste à accomplir un grand acte de fermeté et de justice.

En conséquence de la résolution prise par l’opposition, un acte d’accusation contre le ministère sera immédiatement proposé par un grand nombre de députés, parmi lesquels MM. Odilon Barrot, Duvergier de Hauranne, de Maleville, d’Aragon, Abatucci, Beaumont (Somme), Georges de Lafayette, Boissel, Garnier-Pagès, Carnot, Chambolle, Drouyn de l’Huys, Ferdinand de Lasteyrie, Havin, de Courtais, Vavin, Garnon, Marquis, Jouvencel, Taillandier, Bureaux de Puzy, Luneau, Saint-Albin, Cambacérès, Moreau (Seine), Berger, Marie ; Bethmont,

de Thiard, Dupont (de l’Eure), etc.

IV


Acte d’accusation déposé par M. Odilon Darrot, dans la séance du 22 février 1848, sur le bureau de la chambre des députés.

Nous proposons de mettre le ministère en accusation comme coupable :

1o D’avoir trahi au dehors l’honneur et les intérêts de la France

2o D’avoir faussé les principes de la Constitution, violé les garanties de la liberté et attenté aux droits des citoyens ;

3o D’avoir, par une corruption systématique, tenté de substituer à la libre expression de l’opinion publique les calculs de l’intérêt privé, et de pervertir ainsi le gouvernement représentatif ;

4o D’avoir trafiqué, dans un intérêt ministériel, des fonctions publiques ainsi que de tous les attributs et priviléges du pouvoir ;

5o D’avoir, dans le même intérêt, ruiné les finances de l’État et compromis ainsi les forces et la grandeur nationales ;

6o D’avoir violemment dépouillé les citoyens d’un droit inhérent à toute constitution libre, et dont l’exercice leur avait été garanti par la Charte ;

7o D’avoir, enfin, par une politique ouvertement contre-révolutionnaire, remis en question toutes les conquêtes de nos deux révolutions et jeté dans le pays une perturbation profonde.

MM. Barrot (Odilon), Duvergier de Hauranne, de Thuiard, Dupont (de l’Eure), Isambert, de Malleville (Léon), Garnier-Pagès, Chambolle, Bethmont, Lherbette, Pagès (de l’Ariége), Baroche, Havin, Faucher (Léon), de Lasteyrie (Ferdinand), de Courtais, de Saint-Albin, Crémieux, Gaulthier de Rumilly, Raimbault, Bois-sel, de Beaumont (Somme), {sc|Lessept, Mauguin, Creton, Abbatucci, Luneau, Baron de la Fayette}} (Georges), Marie, Carnot, Bureaux de Puzy, Dussolier, Mathieu (Saône-et-Loire), Drouyn de Lhuys, d’Aragon, Cambacérès, Drault, Marquis, Bigot, Quinette, Maichain, Lefort-Gonsollin, Tessié de la Motte, Demarçay, Berger, Bonnin de Jouvencel, Larabit, Vavin, Garnon, Maurat-Ballange,

Taillandier.

V


Déclaration du comité électoral démocratique publié le 24 février 1848

Le ministère est renversé : c’est bien.

Mais les derniers événements qui ont agité la capitale appellent sur des mesures, devenues désormais indispensables, l’attention de tous les bons citoyens.

Une manifestation légale, depuis longtemps annoncée, est tombée tout à coup devant une menace liberticide lancée par un ministre du haut de la tribune. On a déployé un immense appareil de guerre comme si Paris eût eu l’étranger, non pas à ses portes, mais dans son sein. Le peuple, généreusement ému et sans armes, a vu ses rangs décimés par des soldats. Un sang héroïque a coulé.

Dans ces circonstances, nous, membres du comité électoral démocratique des arrondissements de la Seine, nous faisons un devoir de rappeler hautement que c’est sur le patriotisme de tous les citoyens organisés en garde nationale que reposent, aux termes mêmes de la charte, les garanties de la liberté.

Nous avons vu sur plusieurs points les soldats s’arrêter, avec une noble tristesse, avec une émotion fraternelle, devant le peuple désarmé. Et, en effet, combien n’est pas douloureuse pour des hommes d’honneur cette alternative de manquer aux lois de la discipline ou de tuer des concitoyens ! La ville de la science, des arts, de l’industrie, de la civilisation, Paris enfin, ne saurait être le champ de bataille rêvé par le courage des soldats français. Leur attitude l’a prouvé, et elle condamne le rôle qu’on leur impose.

D’un autre côté, ta garde nationale s’est énergiquement prononcée comme elle le devait en faveur du mouvement réformiste, et il est certain que le résultat obtenu aurait été atteint sans effusion de sang, s’il n’y eût pas eu, de la part du ministère, provocation directe, provocation résultant d’un brutal étalage de troupes.

Donc, les membres du comité électoral démocratique proposent à la signature de tous les citoyens la pétition suivante :

Considérant :

Que l’application de l’armée à la compression des troubles civils est attentatoire à la dignité d’un peuple libre et à la moralité de l’armée ;

Qu’il y a là renversement de l’ordre véritable et négation permanente de la liberté ;

Que le recours à la force seule est un crime contre le droit ; Qu’il est injuste et barbare de forcer des hommes de cœur à choisi entre les devoirs du militaire et ceux du citoyen ;

Que la garde nationale a été instituée précisément pour garantir le repos de la cité et sauvegarder les libertés de la nation ;

Qu’à elle seule il appartient de distinguer une révolution d’une émeute :

Les citoyens soussignés demandent que le peuple tout entier soit incorporé dans la garde nationale.

Ils demandent que la garde municipale soit dissoute.

Ils demandent qu’il soit décidé législativement qu’à l’avenir l’armée ne pourra plus être employée à la compression des troubles civils.

A. Guinard, électeur, délégué du 8e arrondissement ;

Louis Blanc, électeur, délégué du 2e arrondissement ;

David (d’Angers), électeur, délégué du 11e arrondissement, membre de l’Institut ;

Martin (de Strasbourg), électeur, délégué du 10e arrondissement, ancien député ;

Durand-Saint-Amand, électeur, délégué du 1er arrondissement ;

Pyat (Félix), électeur, délégué du 8e arrondissement ;

Greinheiser, capitaine de la 3e légion, député du 5e arrondissement ;

Vasnier, capitaine de la 4e légion, délégué du 4e arrondissement ;

Haguette, électeur municipal, délégué du 4e arrondissement ;

Recurt, capitaine de la 8e légion, électeur, délégué du 8e arrondissement ;

O. Gellée, électeur, délégué du 9e arrondissement ;

Chaumier, électeur, délégué du 9e arrondissement ;

L. Monduit, électeur, délégué du 11e arrondissement ;

M. Goudchaux, électeur, délégué du 2e arrondissement ;

Barbier, électeur, délégué du 10e arrondissement ;

Lauveau, capitaine de la 7e légion, électeur, délégué du 7e arrondissement ;

Dauphin, capitaine de la 7e légion, électeur, délégué du 7e arrondissement ;

Destourbet, capitaine de la 7e légion, électeur, délégué du 7e arrondissement

Bastide (Jules), électeur, délégué du 7e arrondissement ;

Hovyn, chef de bataillon de la 3e légion, électeur, délégué du 3e arrondissement ;

Masson (Victor), électeur, délégué du 11e arrondissement ;

De la Chatre, électeur, délégué du 1er arrondissement ;

Cercueil, capitaine de la 8e légion, électeur, délégué du 8e arrondissement.


VI


PROCLAMATION DE M. ODILON BIRROT, TROUVÉE DANS LE CABINET DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR, LE 24 FÉVRIER 1848.


Paris le 24 février 1848.

CYTOYENS DE PARIS,

Le roi a abdiqué. Désormais la couronne donnée par la révolution de Juillet repose sur la tête d’un enfant protégé par sa mère. Ils sont sous la sauvegarde de l’honneur et du courage de la population parisienne. Plus de cause de division parmi nous. L’ordre est donné aux troupes de ligne de se retirer dans leurs casernes notre brave armée a mieux à faire qu’à verser son sang dans de funestes collisions.

Mes chers concitoyens, désormais l’ordre est confié au courage et à la sagesse du peuple de Paris et de son héroïque garde nationale ; ils n’ont jamais failli à notre belle patrie, ils ne lui manqueront pas dans cette grave circonstance.

Signé : ODILON BARROT.


VII


FRAGMENTS D’UNE LETTRE DE M. LOUIS BLANC, ADRESSÉE A L'AUTEUR.


.....Le livre de M Garnier-Pagés contient mainte erreur d’affirmation, mainte erreur d’omission, et mainte erreur d’appréciation. Je remarque, entre autres choses, qu’il a présenté la scène qui eut lieu lorsque, pour la première fois, je me trouvai en présence des membres du gouvernement provisoire, de manière à faire penser que mon insistance à ne pas accepter le titre de secrétaire était l’effet d’une ambition personnelle qu’irrita la résistance. Je lui rends la justice de croire que s’il eût été à ma place, il n’eût pas été capable d’agir, dans des circonstances si propres à élever l’âme, par le motif qu’il semble me supposer. La vérité est — et si je me souviens bien, je parlai de façon à lever tout doute à cet égard, — qu’il y avait là une question d’une gravité extrême, et dans laquelle les petits calculs d’une petite ambition et d’une petite vanité ne pouvaient avoir place. Marrast, Flocon et moi, nous avions été élus, non pas à la Chambre, mais à l'Hôtel de Ville ; nous n’étions pas, comme ces messieurs, des députés ; il s’agissait donc de savoir si la Révolution serait considérée comme parlementaire ou comme populaire. Il était d’une importance énorme que le caractère du grand mouvement qui venait de s’accomplir fût bien précisé, et le fût dès l’abord. Comme je ne suppose pas, moi, que M. Garnier-Pagès cédât a un sentiment de vanité et d’ambition, en nous voulant, Marrast, Flocon et moi, à la seconde place, son motif ne pouvait être que la crainte de voir enlever a la Révolution, par notre admission, ce caractère parlementaire auquel il tenait. Eh bien ! ce fut par un motif contraire que j’insistai, moi qui, dans la Révolution, n’entendais saluer qu’un mouvement franchement démocratique. C’était le droit révolutionnaire d’élection que je voulais faire reconnaitre. Le nier dans son résultat, c’eût été le nier dans son principe ; et ce principe, les ouvriers qui avaient confiance en moi ne m’auraient point pardonné d’en avoir fait si bon marché.

Il y avait, de plus, un intérêt suprême à ce que Marrast, Flocon et moi, nous eussions voix délibérative dans les premières mesures à adopter la proclamation de la République par le gouvernement provisoire pouvait en dépendre. La République, en effet, effrayait MM. Arago et Dupont (de l’Eure) cela n’était que trop manifeste ; M de Lamartine jusqu’alors avait passé pour légitimiste ; des bruits avaient couru sur l’adhésion de M. Garnier-Pagès à la cause de la duchesse d’Orléans trois voix de plus dans le plateau de la République pouvaient faire pencher la balance de ce côté ; sans ces trois voix, au contraire, la décision risquait d’être telle qu’elle eût mis la place publique en fureur. Et que serait-il arrivé alors ? C’étaient là des considérations d’intérêt public, s’il en fut jamais ; et mettre à la place de ces considérations puissantes de misérables prétentions ayant leur source dans l’orgueil d’un homme, c’est rapetisser l’histoire des grandes choses de ce temps au delà de tout ce qu’il est possible d’imaginer…

Vous savez, du reste, que cette qualification de secrétaires disparut le jour même où elle fut, pour la première fois, employée dans le Moniteur, et qu’elle ne nous empêcha pas d’avoir voix délibérative dès la première discussion qui eut lieu, et que notre vote compta si bien qu’il fit en grande partie la République, et que dès la matinée du 25 il ne fut plus question d’une distinction qui n’aurait pu effectivement exister qu’à la condition d’ôter à la Révolution son caractère.

Je vous ai demandé dans une de mes précédentes lettres si vous aviez sous la main mes Révélations historiques ? Je vous demanderai aujourd’hui s’il est à votre connaissance que M. Crémieux a écrit des Mémoires sur la révolution de Février ? Ces Mémoires, d’après ce qu’il a dit lui-même à mon frère, sont, point par point, la confirmation de mon récit.

…..Je ne vous ai point parlé, à propos de sources, de l’Histoire de la Révolution, par M. de Lamartine. C’est un roman inconcevable, et d’autant plus inconcevable qu’il a été écrit, j’en suis sûr, de très bonne foi. M. de Lamartine est trop honnête homme pour avoir la triste puissance de tromper, mais il a la puissance de se tromper (self-deceit, comme disent les Anglais) à un degré qui tient du prodige.

VIII

Le gouvernement provisoire nomme M. Saint-Amant, capitaine de la 1ère légion, commandant du palais des Tuileries.

Fait à l’Hôtel de Ville, le 24 février 1848.

Les membres du gouvernement provisoire :

AD. CRÉMIEUX, GARNIER-PAGÈS, LEDRU-ROLLIN, DUPONT (DE L'EURE).

Le colonel Dumoulin, ancien aide de camp de l’Empereur, est chargé du commandement supérieur du Louvre et de la surveillance particulière de la Bibliothèque du Louvre et du Musée national. M. Félix Bouvier lui est adjoint.

Le 24 février 1848.

Par délégation du gouvernement provisoire,

Le ministre provisoire de l’instruction publique,

CARNOT,

LAMARTINE, An. CRÉMIEUX.

Tout ce qui concerne la direction des Beaux-Arts et des Musées, autrefois dans les attributions de la liste civile, constituera une division du ministère de l’intérieur.

Le jury, chargé de recevoir les tableaux aux expositions annuelles, sera nommé par élection.

Les artistes seront convoqués à cet effet par un prochain arrêté. Le salon de 1848 sera ouvert le 15 mars.

Signé : LEDRU-ROLLIN.


IX


Proclamation de M.Blanqui

Au gouvernement provisoire

Les combattants républicains ont lu avec une douleur profonde la proclamation du gouvernement provisoire qui rétablit le coq gaulois et le drapeau tricolore.

Le drapeau tricolore, inauguré par Louis XVI, a été illustré par la première République et par l’Empire a été déshonoré par Louis-Philippe.

Nous ne sommes plus, d’ailleurs, ni de l’Empire ni de la première République.

Le peuple a arboré la couleur rouge sur les barricades de 1848. Qu'on ne cherche pas à la flétrir.

Elle n’est rouge que du sang généreux versé par le peuple et la garde nationale.

Elle flotte étinceiante sur Paris, elle doit être maintenue.

Le peuple victorieux n’amènera pas son pavillon.


X


Proclamation à l'armée

Généraux, officiers et soldats

Le pouvoir, par ses attentats contre les libertés, le peuple de Paris, par sa victoire, ont amené la chute du gouvernement auquel vous aviez prêté serment. Une fatale collision a ensanglanté la capitale. Le sang de la guerre civile est celui qui répugne le plus à la France : Le peuple oublie tout en serrant les mains de ses frères qui portent l’épée de la France.

Un gouvernement provisoire a été créé ; il est sorti de l’impérieuse nécessité de préserver la capitale, de rétablir l’ordre et de préparer à la France des institutions populaires analogues à celles sous lesquelles la République a tant grandi la France et son armée.

Vous saluerez, nous n’en doutons pas, ce drapeau de la patrie, remis dans les mains du même pouvoir qui l’avait arboré le premier. Vous sentirez que les nouvelles et fortes institutions populaires qui vont émaner de l’Assemblée nationale ouvrent à l’armée une carrière de dévouements et de services que la natjon, libre, appréciera et récompensera mieux que les rois.

Il faut rétablir l’unité de l’armée et du peuple un moment altérée.

Jurez amour au peuple, où sont vos pères et vos frères. Jurez fidèlement à ses nouvelles institutions, et tout sera oublié, excepté votre courage et votre discipline. La liberté ne vous demandera plus d’autres services que ceux dont vous aurez a vous réjouir devant elle et à vous glorifier devant ses ennemis !

Les membres du gouvernement provisoire,
Garnier-Pagès, Lamartine.


XI


Lettre du général Changarnier,

Monsieur le ministre,

Je prie le gouvernement républicain d’utiliser mon dévouement à la France.

Je sollicite le commandement de la frontière la plus menacée. L’habitude de manier les troupes, la confiance qu’elles m’accordent, une expérience éclairée par des études sérieuses, l’amour passionné de la gloire, la volonté et l’habitude de vaincre, me permettent sans doute de remplir avec succès tous les devoirs qui pourront m’être imposés.

Dans ce que j’ose dire de moi, ne cherchez pas l’expression d’une vanité puérile, mais l’expression du désir ardent de dévouer toutes mes facultés au service de la patrie.

Changarnier


XII


Lettre du prince Napoléon Bonaparte

Messieurs,

Le peuple de Paris, ayant détruit par son héroïsme les derniers vestiges de l’invasion étrangère, j’accours de l’exil pour me ranger sous le drapeau de la République qu’on vient de proclamer.

Sans autre ambition que celle de servir mon pays, je viens annoncer mon arrivée aux membres du gouvernement provisoire, et les assurer de mon dévouement à la cause qu’ils représentent, comme de ma sympathie pour leurs personnes.

Recevez, messieurs, l’assurance de ces sentiments.

Louis-Napoléon Bonaparte.


XIII


Proclamation et ordre du jour du duc d'Aumale.

Habitants de l'Algérie,

Fidèle à mes devoirs de citoyen et de soldat, je suis resté à mon poste tant que j’ai pu croire ma présence utile au service du pays. Cette situation n’existe plus. M. le général Cavaignac est nommé gouverneur général de l’Algérie jusqu’à son arrivée à Alger, les fonctions de gouverneur général par intérim seront remplies par M. le général Changarnier.

Soumis à la volonté nationale, je m’éloigne ; mais, du fond de l’exil, tous mes vœux seront pour votre prospérité et pour la gloire de la France, que j’aurais voulu servir plus longtemps.

Alger, 3 mars 1848.

H d'Orléans.

En me séparant d’une armée modèle d’honneur et de courage, dans les rangs de laquelle j’ai passé les plus beaux jours de ma vie, je ne puis que lui souhaiter de nouveaux succès. Une nouvelle carrière va peut-être s’ouvrir à sa valeur ; elle la remplira glorieusement, j’en ai la ferme croyance.

Officiers, sous-officiers et soldats, j’avais espéré combattre avec vous pour la patrie. Cet honneur m’est refusé ; mais, du fond de l’exil, mon cœur vous suivra partout et vous rappellera la volonté nationale ; il triomphera de vos succès ; tous ses vœux seront toujours la gloire et le bonheur de la France.

H d'Orléans.


XIV


Adresse des ouvriers imprimeurs sur étoffe. – Remerciements du gouvernement provisoire.


Au gouvernement provisoire,

Citoyens

À son appel la France voit mourir ses enfants ; à sa voix maternelle ses enfants répondent par leur amour et leurs sympathies filiales. Lorsqu’ils la croient en danger, ils accourent offrir à leur patrie, tête, bras, coeur, biens et courage, car c’est surtout dans les moments difficiles qu’il faut être courageux ; c’est dans les circonstances extrêmes qu’il faut trouver les voies de salut.

Ouvriers nous-mêmes, imprimeurs sur étoffe, nous vous offrons notre faible concours, nous vous apportons deux mille francs pour aider à la réussite de votre noble création. Le seul regret que nous ayons est de ne pouvoir centupler notre modique offrande, que nous vous donnons avec bonheur.

Pour suppléer à notre impossibilité, nous engageons tous les citoyens qui veulent la prospérité de la République, du commerce, de l’industrie, de la confiance, de l’ordre, et qui veulent que les ouvriers aient du travail pour vivre, à nous imiter chacun suivant sa fortune, comme nous imitons ceux qui ont eu l’heureuse idée de nous devancer dans cette voie salutaire.

Par ce moyen, nous rassurerons ces êtres pusillanimes qui se sauvent de la capitale et de la France, emportant avec eux les valeurs qui sont nécessaires à leur patrie. Qu’ils se rassurent, ces hommes qui peuvent aider à rétablir le crédit et nos finances ! que nos actes de dévouement inspirent des sentiments d’honneur à ceux qui voudraient suivre l’exemple de l’émigration, que nous regardons comme une lâcheté ! Qu’ils se rassurent, tous ceux qui pourraient croire au retour des scènes sanglantes qui sont tracées dans notre histoire ! Qu’ils se rassurent ni la guerre civile, ni la guerre de l’étranger ne viendront déchirer les entrailles de notre belle France ! Qu’ils se rassurent aussi sur notre assemblée nationale, car il n’y aura ni montagnards ni girondins ! Oui, qu’ils se rassurent enfin, et qu’ils aident à donner à l’Europe un coup d’œil magique qu’ils aident à faire voir à l’univers qu’en France il n’y a pas eu de violence dans la révolution, qu’il n’y a eu qu’un changement de système que l’honneur a succédé au système de la corruption ; que la souveraineté du peuple et de l’équité a succédé à un despotisme odieux ; qu’à la faiblesse ont succédé la force et l’ordre ; qu’aux castes a succédé l’union ; qu’à la tyrannie a succédé cette devise sublime Liberté, Égalité, Fraternité, progrès, civilisation, bonheur pour tous, et,tous pour le bonheur.

Nous saisissons cette occasion pour demander au gouvernement provisoire ou à l’Assemblée nationale, lorsqu’elle sera convoquée, pour tous nos frères de toute la France, que la durée de leur travail soit fixée à dix heures par jour, comme pour nous. Nous le demandons, parce que le mot égalité se trouve dans la devise républicaine. Puisqu’on a aboli les priviléges, est-il juste qu’il y ait des priviléges dans notre République ?

Nos frères des départements se plaignent de ce que leur temps est absorbé par le travail, sans cependant qu’il leur soit à charge. Ils voudraient aussi rendre leurs facultés intellectuelles, en les cultivant, dignes de notre ère nouvelle ; eux aussi ils méritent d’avoir une heure au moins, une heure pour vivre de la vie intelligente et du cœur et de l’âme.

Mais, disons-nous à nos frères, prenons patience, ne soyons pas trop exigeants à la fois ; demandons graduellement, avec prudence, avec ordre, dans toute la voie de la justice et de l’humanité, et nous obtiendrons. Le gouvernement veille sur nous, il se sacrifie pour nous on ne peut pas être heureux du jour au lendemain. Nous avons beaucoup souffert sous un despotisme cruel eh bien souffrons encore un peu pour la liberté. Le moment de la récolte n’est pas encore arrivé ; labourons le champ de la liberté, semons l’égalité, et nous recueillerons la fraternité, qui nous donnera infailliblement le bonheur intellectuel ou moral. Du courage donc, du courage, de l’énergie, et gardons nos armes. Si toutefois quelques ambitieux voulaient tourner la Révolution à l’égoïsme, nous leur dirions ; Il est trop tard ; de même que nous avons dit aux tyrans : Assez ! il est trop tard !

Constituons la République, grande, pure, forte, dans toute son extension, telle qu’elle a été proclamée ; faisons-la digne des hommes actuels et du siècle. L’Europe a les yeux sur nous ; elle compte nos mouvements ; elle aspire à notre émancipation ; mais servons de modèle à tous les peuples.

Recevez, citoyens membres du gouvernement provisoire, nos vœux et nos sympathies républicaines, ainsi que nos salutations fraternelles. Vive le gouvernement provisoire ! Vive la République !


Proclamation du gouvernement provisoire.


Citoyens,

Les dons patriotiques affluent à l’Hôtel de Ville. Chaque jour, tous les corps d’état rivalisent d’abnégation et de générosité. Des ouvriers qui peuvent à peine, par de trop rares travaux, nourrir leurs familles, savent encore prélever de civiques offrandes sur un salaire insuffisant. La pauvreté même, oubliant ses besoins, se fait un devoir et un bonheur d’une privation nouvelle, quand il s’agit de subvenir aux besoins de la République, notre mère commune.

Vous aurez donné au monde un sublime exemple ! L’Hôtel de Ville, ce palais du peuple, en est tous les jours le silencieux témoin, mais si votre modestie veut cacher ces héroïques vertus, le gouvernement provisoire doit les révéler à la France et à l’Europe qui vous contemplent

La monarchie brisée par vous en Février avait corrompu bien des âmes mais le mal n’a point encore pénétré jusqu’au cœur de la nation vous le prouvez tous les jours. Il est beau de combattre et de vaincre pour la liberté ; il est encore plus beau de fonder la liberté sur l’inébranlable base d’un désintéressement et d’un patriotisme que ne découragent point tes épreuves les plus poignantes.

Le gouvernement provisoire doit le proclamer hautement : la France est fière de vous ; et la République, appuyée sur des cœurs tels que les vôtres, peut regarder sans crainte son avenir.

Au nom de la patrie, au nom de la France, au nom de l’humanité, le gouvernement provisoire vous remercie.

30 mars 1848.


XV


Considérations sur l'abolition de la contrainte par corps et de l'exposition publique.


République Française.


Liberté, Égalité, Faternité

Le gouvernement provisoire de la République ;

Sur le rapport du ministre de la justice ;

Considérant que la contrainte par corps, ancien débris de la législation romaine, qui mettait les personnes au rang des choses, est incompatible avec notre nouveau droit public ;

Considérant que, si les droits des créanciers méritent la protection de la loi, ils ne sauraient être protégés par des moyens que repoussent la raison et l’humanité ; que la mauvaise foi et la fraude ont leur répression dans la loi pénale qu’il y a violation de la dignité humaine dans cette appréciation qui fait de la liberté des citoyens un équivalent légitime d’une lettre pécuniaire ; Décrète :

Dans tous les cas où la loi autorise la contrainte par corps, comme moyen pour le créancier d’obtenir le payement d’une dette pécuniaire cette mesure cessera d’être appliquée jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait définitivement statué sur la contrainte par corps.

Fait à Paris, le 9 mars 1848.

Les membres du gouvernement provisoire,

Dupont (de l'Eure), Lamartine, Marrast, Garnier-Pagès, Albert, Marie, Ledru-Rollin, Flocon, Crémieux, Louis Blanc, Arago.
Le secrétaire général du gouvernement provisoire,
Pagnerre.
République Française.
Liberté, Égalité, Fraternité.
Au nom du peuple français.

Le gouvernement provisoire ;

Sur le rapport du ministre de la justice ;

Vu l’article 22 du Code pénal ainsi conçu :

« Quiconque aura été condamné à l’une des peines des travaux forcés à perpétuité, des travaux forcés à temps, ou de la réclusion, avant de subir sa peine, sera attaché au carcan sur la place publique ; il y demeurera exposé aux regards du peuple durant une heure ; au-dessus de sa tête sera placé un écriteau portant, en caractères gros et lisibles, ses noms, sa profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation. »

Considérant que la peine de l’exposition publique dégrade la dignité humaine, flétrit à jamais le condamné et lui ôte, par le sentiment de son infamie, la possibilité de la réhabilitation ;

Considérant que cette peine est empreinte d’une odieuse inégalité, en ce qu’elle touche à peine le criminel endurci, tandis qu’elle frappe d’une atteinte irréparable le condamné repentant ;

Considérant, enfin, que le spectacle des expositions publiques éteint le sentiment de la pitié et familiarise avec la vue du crime ;

Décrète :

La peine de l’exposition publique est abolie.

Fait en séance du gouvernement provisoire, le 12 avril 1848.

Les membres du gouvernement provisoire,
Dupont (de l'Eure), Lamartine, Ledru-Rollin, Garnier-Pagès, Louis Blanc, Albert, Arago, Flocon, Armand Marrast, Crémieux, Marie.
Le secrétaire général du gouvernement provisoire,
Pagnerre.


XVI


proclamation de m. émile thomas.


république française
ATELIERS NATIONAUX. — ORDRE DU JOUR.
Aux ouvriers du bureau central des ateliers nationaux.

Le gouvernement provisoire fait des sacrifices énormes pour procurer des moyens d’existence aux ouvriers sans travail ; vous comprendrez facilement qu’il doit ménager ses ressources, s’il veut continuer à vous venir en aide.

En conséquence, à partir de demain vendredi, 17 de ce mois, les journées des ouvriers non travaillant seront réduites à 1 fr. au lieu de 1 fr. 50 c.

Le directeur peut affirmer aux ouvriers, qu’à partir de ce jour, ils seront occupés au moins de deux jours l’un ; dans ce cas leur paye sera de 2 francs.

Les ouvriers comprendront la sollicitude du gouvernement provisoire pour eux, et la République compte sur leur sagesse et leur patriotisme.

Qu’ils sachent, qu’ils comprennent tous que les fonds qui nous sont alloués, que nous leur distribuons, sont le pain des pauvres, leur pain quotidien ; qu’ils nous aident à le leur dispenser, qu’ils n’admettent dans leurs rangs que ceux qui véritablement ont droit à un secours parce qu’ils en ont besoin.

Le Commissaire de la République,
directeur du bureau central.
Émile Thomas.

Paris, le 16 mars 1848.

XVII.


lettre de m. delessert à m. caussidière.


Londres, le 29 avril 1848.

Monsieur le Préfet,

Je viens d’apprendre, par mes amis de Paris, la bienveillance avec laquelle vous vous êtes exprimé au sujet du très-petit séjour que madame Delessert a été faire à Passy, et le regret que vous avez témoigné de ce qu’elle ne s’était pas adressée à vous. Permettez-moi de vous offrir mes remercîments.

Je le fais avec d’autant plus d’empressement, que c’est pour moi une occasion de vous dire combien j’ai été sensible à tous les bons procédés dont vous avez usé envers nous, en permettant, avec tant de bonne grâce, la sortie de la Préfecture de Police des effets, chevaux et autres objets qui nous appartenaient personnellement, à ma femme et à moi ; je suis heureux, monsieur le Préfet, de vous exprimer ma gratitude bien franche et bien cordiale.

J’ai l’honneur de vous prier de recevoir mes sentiments de haute considération.

Gabriel Delessert.


fin des documents historiques