Histoire de la Révolution de 1848/Chapitre 19
CHAPITRE XIX
Ministère de la guerre et de la marine. — M. Arago. — Le général Cavaignac.
Le gouvernement provisoire ne voulait pas la guerre extérieure.
Cependant il prenait à cœur l’état de l’armée,
parce que, prévoyant à l’intérieur de grands troubles, il
sentait la nécessité d’opposer aux factions une force régulière.
À cet égard, celui des ministres qui passait pour le
plus révolutionnaire se montrait le plus résolu. M. Ledru-Rollin,
dès sa première entrevue, le 25 février au soir,
avec le général Bedeau, s’était formellement engagé à le
soutenir dans toutes les mesures nécessaires pour rétablir
la discipline et relever l’amour-propre humilié du soldat.
Le général avait obtenu sur l’heure que tous les colonels
resteraient à la tête de leurs régiments et qu’aucune dénonciation
des inférieurs contre les supérieurs ne serait écoutée.
il avait pu s’assurer par cet entretien que la rentrée
des troupes dans Paris était aussi vivement désirée par le
ministre de l’intérieur, dans l’intérêt de la République,
qu’il la pouvait souhaiter lui-même à son point de vue purement
militaire.
La pensée d’un grand désarmement ne se présenta point à l’esprit du gouvernement provisoire. Cette pensée, émanée des écoles socialistes et soutenue avec beaucoup de force avant la fin du règne de Louis-Philippe par le journal la Presse, avait trouvé très-peu d’écho dans le parti républicain proprement dit. La rédaction du National, dont l’esprit influa sensiblement sur la conduite des affaires pendant toute la durée du gouvernement provisoire, avait toujours affecté, jusque dans la question si impopulaire des fortifications de Paris, les allures les plus belliqueuses. Quant à l’opinion publique, bien que favorable à la paix, elle n’aurait pas vu sans déplaisir le licenciement d’une partie des troupes. Tout le monde réclamait des économies, mais personne n’osait se dire, tant la coutume l’emporte chez nous sur le besoin d’innover, que la seule modification considérable dans l’ensemble de notre économie sociale serait la réduction du chiffre affecté à l’armée. Une initiative aussi hardie ne pouvait s’attendre d’un pouvoir aussi peu d’accord avec lui-même que le gouvernement provisoire. Aussi ne fut-elle pas mise en délibération. M. Ledru-Rollin suivait, en cela comme en toute autre chose, la tradition révolutionnaire ; M. Louis Blanc s’absorbait dans sa tâche spéciale ; M. de Lamartine avait hâte d’accentuer par le son belliqueux du clairon et du tambour sur nos frontières le langage un peu vague de son manifeste.
Tout le souci du gouvernement fut donc de remettre aux mains d’un homme bien à lui le soin de constituer la force publique. Nous avons vu que l’embarras n’avait pas été médiocre de trouver sur-le-champ un ministre de la guerre républicain et de le faire agréer par les officiers supérieurs de l’armée. À peine le général Subervie était-il entré en fonctions, qu’il s’était vu en butte aux hostilités de la commission de défense. Cette commission, composée des officiers les plus distingués de chaque arme, des généraux Oudinot, Pelet, Pailhoux, Vaillant, Bedeau, Lamoricière, de l’intendant militaire Deniée, du chef de bataillon Charras, affecta d’abord de délibérer en l’absence du ministre et d’adresser directement ses rapports au conseil. Puis elle engagea l’attaque dans le National. On reprocha au général Subervie son inertie et les influences fâcheuses qu’il subissait[1]. Peu versé dans les intrigues de la politique, le général se défendit loyalement, mais faiblement, contre des adversaires impatients de l’éconduire ; bientôt, dans une séance du gouvernement provisoire à laquelle n’assistaient ni M. de Lamartine, ni MM. Ledru-Rollin et Louis Blanc, il fut brusquement destitué. Dans la même séance le général Eugène Cavaignac fut nommé ministre de la guerre.
Cette élévation subite d’un officier assez peu connu surprit beaucoup. Le nom du général Cavaignac qui devait, à quatre mois de là, retentir avec un si grand éclat par toute l’Europe, avait été rarement prononcé dans la presse et n’attirait pas l’attention. Sa personne, même dans le parti républicain, était moins connue que sa parenté. Soit faute d’occasions, soit absence de don naturel, Eugène Cavaignac, tout en s’étant fait généralement estimer dans l’armée par la noblesse de son caractère et la parfaite dignité de sa vie, n’avait su inspirer ni une sympathie très-vive aux officiers, ni l’enthousiasme aux soldats qui s’étaient trouvés sous ses ordres.
Originaire d’une ancienne famille du Rouergue anoblie par Henri IV, le général Eugène Cavaignac, second fils de Jean-Baptiste Cavaignac, député à la Convention, naquit à Paris, le 15 octobre 1802. Après de bonnes études au collége Sainte-Barbe, il fut admis à l’École polytechnique, d’où il passa à l’École d’application de Metz, comme sous-lieutenant du génie. En 1828, il fit la campagne de Morée et devint capitaine en 1829. À son retour il fut envoyé à Metz. Là, l’esprit républicain qu’il avait hérité de son père lui valut une disgrâce momentanée. Pour avoir signé un projet d’association qui fut considéré comme un acte d’opposition au gouvernement, on le mit en non-activité pendant une année. Rappelé au service, il commanda en 1836, en Algérie, la garnison de Tlemcen. Cette garnison très-faible, isolée au milieu des tribus kabyles, dénuée de tout, dut sa conservation au talent d’organisation, à l’activité, à la constance, à l’infatigable dévouement de Cavaignac. Cependant, au lieu d’une récompense signalée à laquelle il avait droit, il reçut à la fin de la campagne sa nomination au grade de chef de bataillon des zouaves qui le plaçait sous les ordres du lieutenant-colonel Lamoricière. Cette mortification lui parut insupportable et, dans un premier mouvement de dépit, il demanda sa mise en non-activité temporaire et rentra en France[2].
En 1859, comme il se trouvait à Perpignan au moment où M. le duc d’Orléans y passait, le prince eut connaissance de cette situation qui pour être régulière n’en était pas moins défavorable à l’avancement. Tenté par l’idée de protéger un nom républicain, le duc d’Orléans obtint du ministre de la guerre que Cavaignac serait immédiatement employé comme chef de corps. On lui donna, en effet, le commandement d’un des trois bataillons de chasseurs à pied connus en Afrique sous le sobriquet de Zéphyrs et composés entièrement de soldats qui, pour des fautes graves contre la discipline, ont passé devant des conseils de guerre. Dans ce nouveau poste, Cavaignac, forcé de sévir fréquemment contre des hommes difficiles à conduire, contracta des habitudes de rigueur et une certaine dureté de langage dont il ne sut plus se défaire et qui nuisirent singulièrement à sa popularité. Peu de temps après, il fut nommé lieutenant-colonel des zouaves. Venu en congé, à Paris, vers le milieu de l’aimée 1840, il se vit de la part du duc d’Orléans, et bien qu’il n’eût pas voulu se présenter aux Tuileries, l’objet d’une constante bienveillance et reçut pendant son congé même le brevet de colonel. À partir de cette époque, le général Cavaignac ne quitta plus l’Algérie qu’à de rares et courts intervalles. Le désir de rendre des soins à sa mère, qui vivait fort retirée depuis la mort de ses deux autres enfants, l’attirait seul à Paris. Madame Cavaignac chérissait son fils et recevait de lui tous les respects de la piété antique. C’était à cause d’elle et par son entremise uniquement qu’il entretenait des rapports avec le parti républicain, n’ayant personnellement aucun goût ni pour le journalisme, ni pour la vie parlementaire. À son dernier voyage, en 1847, il indisposa même fortement quelques-uns des principaux rédacteurs du National en repoussant l’offre qu’ils lui faisaient, au nom du parti républicain, de le rendre éligible. Sa fierté de soldat ne comprenait pas ces sortes de compromis politiques et s’en offensait. Il fondait, d’ailleurs, un médiocre espoir dans cette campagne des banquets qu’il voyait s’ouvrir par une alliance ambiguë antipathique à sa droiture les difficultés extrêmes qui chaque jour menaçaient l’existence de la Réforme le confirmaient dans la pensée que la République comptait trop peu de partisans pour ne pas être absolument impossible en France.
Quand la révolution de Février éclata, Eugène Cavaignac était maréchal de camp et commandait en Algérie la subdivision de Tlemcen[3]. Le gouvernement provisoire n’eut garde d’oublier un officier de ce nom et de ce mérite. L’un de ses premiers décrets éleva Cavaignac au grade de général de division et le nomma gouverneur général de l’Algérie[4]. C’était dans les circonstances critiques où l’on se trouvait une marque de confiance signalée. L’on n’était pas à Paris sans quelque doute sur la soumission de la colonie.
Un homme d’un talent militaire que de brillants succès avaient mis en évidence, le général Changarnier, esprit ambitieux, capable de résolution, commandait à Alger, sous les ordres du duc d’Aumale, soixante-seize mille hommes d’excellentes troupes françaises et huit mille indigènes répartis sur les points importants du territoire. Ces forces, secondées par une escadre que la présence et l’action du prince de Joinville pouvaient entraîner peut-être à ne pas reconnaître le gouvernement révolutionnaire de Paris, seraient devenues, en faisant appel à tous les mécontents de la mère patrie, le noyau d’une résistance embarrassante. Il n’était pas très-difficile à la duchesse d’Orléans de gagner avec son fils la côte d’Afrique. La tentative timide qui avait échoué devant la froideur politique du parlement français aurait pris sur cette terre lointaine un caractère d’audace propre à frapper l’esprit des soldats. L’apparition dans le camp africain de la royale fugitive, deux jeunes princes très-braves et très-populaires à ses côtés, un brillant capitaine tirant l’épée pour venger son humiliation et lui rendre un trône, c’étaient là, sous les ardeurs d’un ciel qui fait le sang plus généreux et l’imagination plus vive, des prestiges puissants. Et si le drapeau monarchique se relevait en Algérie, qui sait ce que les partisans de la dynastie d’Orléans pouvaient encore tenter en France ! Heureusement, ces appréhensions du gouvernement provisoire ne furent pas de longue durée. On ne tarda pas à apprendre que le général Cavaignac était entré paisiblement en possession de son commandement, le prince de Joinville et le duc d’Aumale ayant très-noblement repoussé, en les qualifiant de rébellion, toutes les propositions de résistance qui leur furent faites.
Les deux dépêches par lesquelles M. Arago et l’amiral Baudin annonçaient aux princes les événements de Paris étaient arrivées à Alger le 2 mars. Afin sans doute d’atténuer le premier choc d’une nouvelle aussi inattendue, M. Arago n’insistait pas sur le caractère définitif du gouvernement républicain ; laissant même entrevoir comme un retour possible de l’opinion par la voie des élections générales, il faisait appel au patriotisme des princes et les exhortait à accepter d’avance l’arrêt, quel qu’il dût être, de la volonté nationale.
Soit donc que le jour douteux où ce langage plaçait toutes choses ôtât aux princes l’audace qu’inspirent les situations extrêmes, soit plutôt que leurs tendances naturelles et leur éducation les portassent à reconnaître le droit révolutionnaire et la souveraineté du peuple, toujours est-il qu’ils ne conçurent l’un et l’autre que des pensées d’obéissance et de résignation. Ils quittèrent sans effort apparent le rôle de princes pour parler et agir en citoyens. On vit à plusieurs reprises le duc d’Aumale descendre dans la cour de son palais et communiquer lui-même, sans en rien dissimuler, aux soldats et au peuple les revers de sa famille. Il contenait son émotion, réprimait avec douceur l’enthousiasme qu’inspirait sa conduite et, faisant taire les vivat qui s’adressaient à lui, il demandait qu’à son exemple on ne criât plus que : Vive la France[5] ! Le 5 mars, les deux frères s’embarquèrent avec leurs jeunes femmes et leurs enfants à bord du bateau à vapeur le Solon et firent voile sur Gibraltar, où ils se proposaient d’attendre des nouvelles de Paris. On dit qu’en prenant congé de la foule qui l’accompagnait en pleurant jusqu’au rivage, le prince de Joinville, vivement touche de ces témoignages d’affection, s’écria : « Bientôt, mes amis, vous aurez la guerre. L’Océan et la Méditerranée se couvriront de vaisseaux ennemis. Vous verrez alors arriver à l’improviste un schooner américain commandé par un jeune homme. Vous entendrez dire que ce jeune homme est le capitaine Joinville, et vous reconnaîtrez s’il est bon Français aux boulets que lancera son petit navire sur les vaisseaux des ennemis de la France. »
Après le départ des princes, le général Changarnier resta seul chargé du commandement jusqu’à l’arrivée du général Cavaignac. La République ne convenait guère à son humeur. Elle venait, d’ailleurs, l’arrêter brusquement au moment où il touchait au but de ses ambitions. Aussi son dépit extrême se trahissait-il dans tous ses propos. Une partie de la population s’étant portée vers sa demeure pour lui demander de reconnaître la République et d’organiser une garde nationale, il s’y refusa ; et, de peur qu’on ne s’armât malgré lui, il fit secrètement enlever par la troupe les armes du dépôt de la milice. Quand le général Cavaignac arriva à Alger, le général Changarnier affecta de ne pas se rendre à sa rencontre.
Le nouveau gouverneur général, en prenant possession de son commandement, adressa aux soldats et à la population deux proclamations dans lesquelles, comme pour expliquer la faveur dont il se voyait l’objet, il rappelait la mémoire de son frère : « Soldats, disait-il dans la première, le gouvernement provisoire m’a appelé à votre tête. Je ne m’y trompe pas si la nation n’avait eu besoin que d’un homme dévoué, son gouvernement pouvait presque jeter au hasard parmi vous le bâton de commandement. Le gouvernement a voulu autre chose : il a voulu répondre à la pensée du pays tout entier. En me désignant, il a voulu honorer, au nom de la nation ; la mémoire d’un citoyen vertueux, d’un martyr de la liberté. » Dans la seconde, il s’exprimait ainsi : « La mémoire de mon noble frère est vivante parmi les grands citoyens qui m’ont choisi, En me désignant, ils ont voulu faire comprendre que la nation entend que le gouvernement de cette colonie soit établi sur des bases dignes de la République. »
On voit, par ces premières paroles du général Cavaignac à son entrée dans les fonctions de la vie publique, combien il est pénétré de ses souvenirs de famille. Nous retrouverons perpétuellement dans la suite cette préoccupation honnête, mais un peu étroite, de l’honneur de son nom attaché au mot de république elle absorbe sa pensée et lui imprime une sorte de fixité qui contraste avec l’indécision générale de son esprit que ne gouverne pas toujours une conviction personnellement acquise. Fixité du soldat et du citoyen dans la volonté de servir la République ; indécision de l’homme politique dans l’idée même qu’il doit se former de l’institution républicaine, telle est l’origine principale des contradictions dont la carrière du général Cavaignac nous offrira plus d’un exemple et des accusations opposées auxquelles nous le verrons si souvent en butte. Ce point d’honneur de famille qui l’engage à suivre opiniâtrement la tradition révolutionnaire est, d’ailleurs, en lutte constante avec son caractère formé pour la grandeur, mais où dominent la superstition de l’autorité absolue et le respect aveugle du commandement[6]. Dans l’histoire de nos révolutions, on compterait peu d’hommes aussi visiblement combattus qu’il le fut à tous les moments graves de sa vie politique par ce qu’on pourrait appeler sa conscience traditionnelle et sa conscience individuelle ; peut-être n’y en eut-il jamais aucun à qui le sort imposa un rôle aussi peu conforme à sa nature.
Le général Cavaignac était à peine arrivé à Alger, que les hésitations de son esprit parurent en deux circonstances assez importantes et compromirent singulièrement son autorité. Par une inspiration regrettable où se trahit déjà cette étroitesse de l’idée républicaine dont je viens de parler, le nouveau gouverneur, malgré la réserve particulière que lui commandait le souvenir de ses rapports personnels avec le duc d’Orléans, donna l’ordre de faire enlever de la place publique la statue du prince. À cette nouvelle, la population s’émeut. On se rassemble en foule autour du piédestal, on en défend l’approche ; le tumulte prend un caractère assez grave pour que le général Cavaignac croie devoir céder et fasse annoncer au peuple que la statue du duc d’Orléans restera en place. À quelque temps de là, il donne de son indécision une preuve nouvelle et plus fâcheuse encore. Une partie de la population vient le chercher pour assister à la plantation d’un arbre de la liberté qu’on avait couronné d’un bonnet phrygien. Le général Cavaignac ne fait aucune difficulté de présider officiellement à la cérémonie, en présence de toute la troupe et des autorités constituées. Mais, le lendemain, une autre partie de la population, ayant pris ombrage de l’emblème révolutionnaire, exige à son tour qu’il soit enlevé, et le gouverneur préside encore, sans faire plus de difficulté que la veille, à cette seconde cérémonie. À coup sûr, et il fut sincère en le déclarant plus tard, le général Cavaignac ne pouvait pas attacher de l’importance à ce que le bonnet phrygien fût ou non suspendu à l’arbre de la liberté. Pour les esprits sérieux, les emblèmes ne sont plus aujourd’hui que des puérilités ou des anachronismes ; mais il n’ignorait pas, sans doute, l’effet moral de ces contradictions de l’autorité et sa conscience de soldat n’était pas sans en souffrir.
Cependant le ministre de la marine, qui avait pris par intérim, en attendant l’arrivée à Paris du général Cavaignac, le portefeuille de la guerre, s’occupait activement d’arrêter dans l’armée le mouvement de désorganisation dont la victoire populaire avait été le signal. Cela ne fut ni long ni difficile. Dès le 26, par ordre du gouvernement, l’École militaire, Vincennes et tous les autres forts avaient été remis à la garde nationale. Quelques séditions fomentées dans les régiments de cavalerie et d artillerie par les sous-officiers furent promptement apaisées et punies avec rigueur. Les soldats revenaient d’eux-mêmes sous le drapeau ; la discipline s’y rétablissait d’un accord spontané. Il ne se passa qu’un fait grave ce fut la rébellion des invalides contre leur commandant, le général Petit. Voici quelle en fut l’occasion. Les invalides avaient reçu très-récemment un legs de six mille francs environ, et le conseil d’administration avait jugé convenable de leur en faire individuellement la distribution à raison d’un franc par mois. Une cupidité naturelle, excitée encore par l’oisiveté, par un usage plus fréquent de boisson en ces jours de désordre, les pousse à réclamer avec insolence la distribution intégrale et immédiate de ce petit capital. Comme on différait d’obtempérer à leur requête, ils s’emportent en plaintes, en accusations de toute nature. À les entendre, le général Petit, l’un des plus honorables militaires de la vieille armée, détourne à son profit la somme en question. Pour intéresser dans leur ignoble rébellion les ouvriers des ateliers nationaux occupés dans le voisinage aux terrassements du champ de Mars, ils prétendent que le général conspire contre la République et vont jusqu’à soutenir qu’ils l’ont vu traîner dans la boue le drapeau national. Un certain nombre d’ouvriers crédules à ces calomnies grossit l’émeute. Armés de pelles, de pioches, drapeau et tambour en tête, deux à trois mille hommes se portent sur l’Hôtel des Invalides en poussant des vociférations épouvantables. Le général Petit vient à leur rencontre. Mais ni son âge ni son attitude courageuse n’imposent à la brutalité de ces furieux. Le vieillard, saisi au collet, garrotté, jeté dans une voiture de place découverte qu’entoure en se répandant en injures la troupe mutinée, est traîné dans la direction de l’Hôtel de Ville, où l’on prétend aller demander justice au gouvernement provisoire. Quelques hommes bien intentionnés qui s’étaient joints à la foule, redoutant ce long trajet au bord de la rivière, s’écrient qu’il faut conduire le général à l’état-major de la place du Carrousel. En même temps ils font avertir le colonel de Courtais des dangers que court le gouverneur des Invalides. Quand on traverse le pont Royal, des cris : À l’eau ! se font entendre. Mais les bons citoyens, qui ont pris à cœur de sauver le général, pressent le pas et bientôt on arrive devant l’état-major, où le colonel de CourtLais et son chef d’état-major, M. Guinard, attendaient avec anxiéte cet ignominieux cortège. Dès qu’ils l’aperçoivent, ils courent au-devant du général Petit, l’enlèvent à l’émeute ; le colonel de Courtais, haranguant la foule, lui fait honte d’avoir pu accuser et insulter le brave guerrier chargé d’années (le général Petit comptait alors soixante-seize ans) qui, depuis 92 jusqu’à 1815, n’a cessé de combattre pour son pays, qui a reçu à Fontainebleau les dernières paroles et la dernière accolade de l’Empereur.
Les ouvriers, ouvrant les yeux sur l’énormité de leur faute, se dissipent aussitôt. Abandonnés par eux, les invalides se voient contraints de rentrer dans l’hôtel. Le lendemain, le colonel de Courtais, après s’être assuré du concours de la population dans le quartier des Invalides et avoir fait connaitre aux soldats qu’une enquête sévère serait ouverte pour découvrir les vrais coupables, annonça qu’à onze heures précises le général Petit serait solennellement ramené et réintégré dans son commandement. En effet, la réintégration se fit en grande pompe. M. Arago, au nom du gouvernement provisoire, l’état-major, une députation considérable des écoles, un peloton de la garde nationale, prirent la tête d’un cortège qui fut reçu dans la cour des invalides par le ministre de la guerre (c’était encore le général Subervie) et par une masse de 10 000 ouvriers environ, dont les acclamations arrachèrent des larmes d’attendrissement au vieillard si cruellement outragé la veille. Les instigateurs de l’émeute furent saisis en présence de leurs camarades et jetés en prison ; mais, pour détruire dans les imaginations populaires jusqu’à l’ombre d’un doute, le gouvernement décida que les scellés seraient apposés sur toutes les pièces de l’hôtel où pouvaient se trouver des documents propres à éclairer la justice et que l’enquête suivrait son cours. L’ordre du jour du général Petit ne décèle pas moins que ne le faisait cette condescendance du gouvernement l’extrême faiblesse d’un pouvoir qui, à cette heure encore, n’avait pour faire respecter ses décrets d’autres armes que la persuasion, d’autre appui que l’adhésion des masses populaires. « Nous avons éprouvé un grand malheur, » dit le général Petit en s’adressant, le 25 mars, aux soldats invalides ; puis, il prend à tache de leur démontrer qu’il ne saurait jamais avoir conçu la pensée du détournement de fonds dont on l’a accusé. « Faisons donc cesser, continue-t-il, ces bruits mensongers rentrons dans l’ordre accoutumé, et soyez assurés que le gouvernement provisoire a constamment les yeux ouverts sur vous, ce qui sera prouvé, d’ailleurs, par les deux enquêtes qui vont avoir lieu. » Ces enquêtes, comme on pense, n’eurent et ne pouvaient avoir aucun résultat. Si j’ai insisté sur une affaire peu importante en apparence, c’est qu’elle montre d’une manière frappante les embarras que le gouvernement voyait chaque jour surgir. En détournant sur des incidents déplorables l’application qu’il devait tenir attachée aux grandes affaires ; ces misères entravaient une marche qu’il eût fallu si rapide et si sûre.
Selon le rapport du comité de défense nationale, l’état de l’armée, telle que la laissait le gouvernement de Louis-Philippe, ne permettait pas de songer à la guerre. L’effectif, dans tous les corps, était si faible que les régiments d’infanterie, en réunissant tous les hommes disponibles, arrivaient à peine à fournir deux bataillons de guerre de 500 hommes chacun. Dans la cavalerie, chaque régiment ne pouvait former que quatre escadrons de guerre, comptant ensemble 525 chevaux[7]. Les régiments d’artillerie, à moins de désorganiser les dépôts et d’arrêter ainsi l’instruction des recrues, ne pouvaient mettre chacun qu’une batterie sur le pied de guerre. Les services administratifs manquaient presque complètement de moyens de transport. Dans la situation la plus précaire où se soit jamais trouvé un gouvernement, sans argent, sans crédit, avec la volonté bien arrêtée de ne point faire appel aux passions révolutionnaires, il fallait parer tout à coup aux éventualités d’une guerre de coalition monarchique ; il fallait garnir nos côtes et nos frontières sans affaiblir l’Algérie ; nous tenir prêts, au premier signal des Lombards ou des Polonais, à franchir le Rhin ou les Alpes, sans toutefois abandonner le cœur du pays, où l’on redoutait les menées des partis royalistes et les insurrections ultra-révolutionnaires. Le ministre des affaires étrangères ne demandait pas moins de 215 000 hommes pour soutenir la politique pacifique du manifeste ; 150 000 hommes sur le Rhin, 50 000 au pied des Alpes, 15 000 à la frontière des Pyrénées, étaient, selon lui, nécessaires. Ces exigences, combinées avec la sûreté de l’Algérie, que le comité de défense et le ministre ne voulaient en aucune façon compromettre, et avec les besoins du service intérieur, portaient à 514 000 hommes le chiffre des troupes à mettre sur pied. La dépense supputée pour atteindre ce résultat montait à 114 millions. Or les caisses de l’État étaient à peu près vides et, selon le rapport de la commission de défense, on ne pouvait pas compter sur plus de 101 000 hommes immédiatement disponibles.
L’activité de M. Arago et son intelligence organisatrice surmontèrent tous les obstacles. Arraché à des travaux scientifiques qui avaient illustré sa jeunesse, à un professorat qui avait porté son nom au niveau des plus grands noms contemporains, mais qui ne semblaient pas devoir le préparer à cette application aux détails administratifs, à cette aptitude spéciale qu’exigeait sa situation nouvelle, M. Arago, entré déjà dans l’âge où, chez la plupart des hommes le besoin de repos domine toutes les passions, retrouva dans son ambition républicaine la verdeur de la jeunesse. Aidé d’un officier de grand mérite ; le lientenant-colonel Charras, ancien élève de l’école polytechnique, qu’il avait attaché à son ministère en qualité de sous-secrétaire d’État, il mit en deux mois l’armée sur le pied de guerre.
L’appel des classes arriérées ; depuis 1842 jusqu’à 1846, le rappel des militaires en congé, les engagements volontaires pour deux ans, l’achat de près de 50 000 chevaux de selle et de trait comblèrent les premiers vides. L’armée des Alpes, portée à 31 000 hommes, occupa les vallées de l’Isère, de la Saône et du Rhône[8]. Une réserve de 12 000 hommes de troupes aguerries, rappelées d’Afrique, fût concentrée dans la vallée de la Durance. On les remplaça par des hommes prélevés sur les contingents arriérés de 1843 et 1844, de manière que l’armée d’Afrique ne se trouvât point diminuée. Les gardes nationales furent armées. On leur délivra, au ministère de la guerre, pendant le mois de mars, 446 689 fusils, dont 150 000 pour la seule ville de Paris. Une réserve de 200 bataillons de gardes nationaux mobiles fut formée. Huit escadrons de guides furent créés pour les états-majors et pour le service de la correspondance. Cependant des économies considérables effectuées par la réduction des cadres de l’état-major, par la diminution des divisions et subdivisions militaires, par le licenciement de la garde municipale et par d’autres réformes opérées sur différents services permirent au ministre, lorsqu’il présenta à l’Assemblée constituante le compte rendu de son administration, d’annoncer, sur le budget de 1848, une économie totale de plus de 16 millions.
L’organisation de la garde mobile, confiée au général Duvivier, marchait aussi avec une rapidité extrême. La première idée de ce corps, tiré des combattants de février, avait été jetée en avant, dès le 24, à l’Hôtel de Ville, par un M. Dubourg qui, en 1850, avait organisé les volontaires de la Charte et qui depuis ce temps s’était adjugé le titre de général. Accouru à l’Hôtel de Ville dans le premier tumulte, il y resta sans désemparer pendant trente-six heures, demandant avec beaucoup d’instance, et comme une récompense qui lui était due, le ministère de la guerre. On parvint à l’éloigner ; mais M. de Lamartine retint son idée et la formula aussitôt en un décret qui portait création, par engagements volontaires, de 20 000 hommes de garde nationale mobile. Les listes d’enrôlement ouvertes dans les mairies furent remplies en peu de jours. Une solde privilégiée de 1 fr. 50 c. (le soldat de la ligne ne reçoit que 25 c.) était un grand appât pour la jeunesse parisienne que son instinct de tous les temps, l’enivrement des jours révolutionnaires, la tradition du petit caporal devenu de rien empereur, l’amour du bruit, du mouvement, de l’uniforme et aussi l’absence de toute autre ressource, attiraient sous les drapeaux. Le général Duvivier prit aussitôt, sur cette jeunesse turbulente, un grand ascendant. Esprit ambitieux, caractère énergique, imagination vive et d’une richesse orientale[9], comprenant toutes les ardeurs de la jeunesse parce qu’il les avait connues toutes, il exerça sur ces enfants indisciplinés, moqueurs, déjà dépravés pour la plupart par le vagabondage des grandes villes, une autorité paternelle. Bientôt, par la rivalité du point d’honneur qu’il sut éveiller dans les rangs, on vit ces bandits de la veille, portant fièrement leurs haillons, l’arme au bras, attentifs au commandement, parcourir en patrouilles serrées les rues de la ville, dissiper les rassemblements, faire taire les cris, les pétards, les chants nocturnes qui troublaient le repos public, aussi zélés au rétablissement de l’ordre qu’on les avait vus jusque-là prompts au tapage et à la mutinerie.
Les soins donnés à la réorganisation de l’armée de terre ne détournaient pas M. Arago de l’attention particulière que réclamait l’état de notre marine. À la vérité, la réduction immédiate de son budget, fixé de 10 millions à 5, ne lui permettait pas de songer à augmenter nos forces navales, et il dut se borner à rallier, dans le port de Toulon, une belle escadre d’évolution, destinée à montrer le pavillon de la République sur les côtes de la Méditerranée[10]. Mais l’état moral et matériel de l’armée de mer appelait de notables réformes ; M. Arago en prit avec bonheur l’initiative. Malgré le Conseil de l’Amirauté qui jugeait toute discipline perdue si l’on se relâchait de l’ancienne rigueur, M. Arago, dés son entrée au ministère, fit décréter l’abolition des châtiments corporels à bord des bâtiments de l’État, effaçant ainsi de notre code maritime un système de répression qui n’était plus depuis longtemps en harmonie avec l’ensemble de notre pénalité. En même temps il s’occupait d’améliorer l’existence des marins à bord de la flotte. Des plaintes légitimes s’étaient élevées à ce sujet. Les marins recevaient des vivres de qualité défectueuse, en quantité insuffisante. Souvent on voyait les matelots descendre à terre pour acheter du pain. Sous un gouvernement qu’on disait paternel, quand un prince du sang était amiral, de telles rigueurs, jointes à une négligence si coupable n’avaient point d’excuses. Ce fut un honneur pour le gouvernement provisoire d’avoir, sur ce point comme sur tous les autres, au plus fort de la crise révolutionnaire, rétabli les droits de l’humanité et, quand tout menaçait sa propre existence, d’avoir relevé ces existences lointaines et obscures qu’une royauté prospère avait laissées dans l’oubli. Le Conseil de l’Amirauté reçut aussi, par l’initiative de M. Arago, des modifications importantes. Des officiers de tout grade, jusqu’à celui de lieutenant de vaisseau inclusivement, furent appelés à en faire partie. Ce Conseil, devenu ainsi plus apte à représenter tous les intérêts de l’armée navale, on le chargea de former un état d’avancement des officiers par ordre de mérite avec un tableau particulier de ceux que l’on jugeait capables d’être appelés au commandement des bâtiments de l’État, le gouvernement républicain ne devant plus rien accorder au privilège.
Non content de ces réformes partielles, M. Arago voulut encore attacher son nom à un grand acte historique de justice et d’humanité. Il appuya avec force dans le conseil du gouvernement provisoire les instances de M. Ledru-Rollin et obtint la création d’une commission chargée de préparer, dans le plus bref délai, l’acte d’émancipation des noirs et les mesures nécessaires pour en assurer le succès. La présidence de cette commission fut donnée à M. Victor Schœlcher, l’un des rédacteurs de la Réforme, démocrate convaincu, dévoué, qui, depuis bien des années déjà, poursuivait avec ardeur, en y consacrant son temps, sa fortune, ses études et ses travaux, l’extension à la race nègre des principes de liberté et d’égalité proclamés, à la face du genre humain, par la Révolution française. M. Schœlcher avait eu la plus grande part à la détermination de M. Arago qui désirait l’émancipation immédiate des noirs, mais sans la croire possible. Nommé sous-secrétaire d’État au département de la marine et des colonies, il s’adjoignit M. Mestro, directeur des colonies, M. Perrinon, officier de marine, M. Gatine, avocat aux conseils, M. Gaumont, ouvrier horloger, MM. Henri Wallon et L. Percin, auxquels il présenta le 6 mars, jour de la première séance de la commission, un projet de décret dont le premier article était ainsi conçu :
« L’esclavage sera entièrement aboli dans les colonies et possessions de la France six semaines après la promulgation du présent décret dans chacune d’elles. Tous les affranchis deviennent citoyens français. »
La commission poussa ses travaux avec zèle. Le 11 avril, elle avait achevé sa tâche et remettait à M. Arago un ensemble de décrets qui abolissaient immédiatement l’esclavage, en renvoyant à l’Assemblée nationale le soin de fixer l’indemnité demandée par les colons, étendaient aux colonies le droit de représentation à l’Assemblée nationale, supprimaient les conseils coloniaux, confiaient leurs pouvoirs aux commissaires de la République, organisaient l’instruction publique, gratuite et obligatoire, instituaient la liberté de la presse, le jury, les ateliers nationaux, etc. Ces décrets, malgré les représentations et les sollicitations des colons, auxquels M. Marrast prêta son appui dans le gouvernement, furent signés en conseil et insérés au Moniteur du 27 avril. La politique généreuse l’emporta cette fois sur la politique circonspecte, l’esprit novateur fit taire la prudence conservatrice[11]. Il serait difficile d’en bien établir la raison. La circonstance déterminait souvent comme au, hasard l’adoption de l’une ou de l’autre de ces politiques. Il n’était pas rare que le même ministre se trouvât solidaire des mesures les plus contradictoires ; qu’il eût à faire passer dans les faits les inspirations les plus hardies de la Révolution et à rétablir des systèmes et des routines incompatibles avec le génie des institutions démocratiques. Plus nous avancerons dans le récit des événements, plus nous deviendra sensible cette duplicité involontaire, dont aucun des membres du gouvernement n’était en particulier responsable, mais qui résultait nécessairement des concessions mutuelles qu’ils croyaient tous devoir se faire dans l’intérêt de la paix publique.
Une extrême faiblesse au dehors, un trouble malfaisant dans la conscience du pays, furent les résultats de ces contradictions. Le peuple surtout en souffrit ; sa simplicité, sa droiture n’y purent rien comprendre ; il se crut trompé, s’irrita, entra en défiance et finit, comme nous le verrons bientôt, par porter à la République qu’il chérissait et à lui-même des atteintes funestes.
- ↑ On le croyait, mais à tort, bonapartiste.
- ↑ La mise en non-activité temporaire pour cause d’infirmités momentanée constitue dans l’armée une situation régulière qui peut se prolonger trois ans.
- ↑ On raconte que, en apprenant a Oran la nouvelle de la proclamation de la République, apportée par un bâtiment espagnol, le général Cavaignac s’écria : « La République ! c’est à six mois d’ici l’entrée à Paris d’Henri V ! »
- ↑ Les titres de général de division et de général de brigade avaient été rétablis par le gouvernement provisoire, vu « les glorieux souvenirs que rappelaient au peuple français et à l’armée les dénominations données sous la République et l’empire aux officiers généraux. »
- ↑ Voir aux Documents historiques à la fin du volume, n° 13.
- ↑ On raconte de la première enfance d’Eugène Cavaignac un trait où paraît, dans sa naïveté, cette croyance innée chez lui à la toute-puissance du commandement militaire. Cette anecdote, bien que puérile, me semble assez caractéristique pour que je la rapporte ici. Un des oncles d’Eugène Cavaignac lui avait donné pour le jour de sa fête (il comptait alors cinq ou six ans) un petit sabre de dragon. L’enfant, tout fier et tout ravi, se mit à courir par le jardin en brandissant contre tout ce qu’il rencontrait sur son chemin une arme qu’il supposait fort redoutable. Oiseaux, papillons, insectes, arbustes, il menaçait tout, il poursuivait tout ; enfin, arrivé à l’extrémité du jardin, au bord d’un bassin d’où s’échappait une eau courante, il prit gravement à tâche d’arrêter le cours de l’eau en le tranchant du fil de son sabre. On le trouva au bout d’un quart d’heure encore très-appliqué à son entreprise et s’écriant avec une énergie de commandement que l’insuccès n’avait pas découragée : « Eau, je te défends de couler ! Eau, je te défends de couler !… »
- ↑ Voir le rapport de M. Arago à l’Assemblée nationale, séance du 8 mai 1848.
- ↑ Le général de division Oudinot fut nommé commandant en chef de cette armée. Les événements qui ont tristement illustré son nom donnent de l’intérêt à la proclamation adressée par lui aux soldats, à son arrivée à Grenoble. J’y lis le passage suivant : « La République est amie de tous les peuples ; elle a surtout de profondes sympathies pour les populations de l’Italie. Les soldats de ces belles contrées ont souvent partagé, sur d’immortels champs de bataille, nos dangers et notre gloire ; peut-être de nouveaux liens ressortiront-ils bientôt d’une fraternité d’armes si chère à nos souvenirs. »
- ↑ Le général Duvivier avait rêvé un grand rôle en Orient. On assure même que, dans des vues secrètes d’ambition, il avait embrassé la religion musulmane.
- ↑ Six vaisseaux de haut bord, une frégate à voiles, plusieurs frégates à vapeur.
- ↑ On est heureux aujourd’hui (1862) de pouvoir constater que la politique généreuse n’apas eu les résultats funestes que prédisait la politique circonspecte, loin de là. Dans son livre de l’Abolition de l’esclavage, M. Cochin reconnait que depuis l’émancipation la population a augmenté dans nos colonies ; que le nombre dés mariages y est beaucoup plus considérable ; que, si l’étendue des cultures a diminué, la production s’est accrue ; que les écoles se multiplient, etc.