Histoire de l’empire de Russie/Tome XI/Chapitre III

CHAPITRE III.
Règne de Fédor Borissovitche-Godounoff.
1605.

1605. Les Russes déposèrent encore avec honneur les dépouilles mortelles de Boris, dans l’église de Saint-Michel, parmi les tombeaux de leurs souverains de la dynastie Varègue. Le Clergé le flattait encore, même dans la tombe ; les Évêques, dans leurs circulaires aux Couvens, disaient que son âme juste et pure, s’était paisiblement élevée vers l’Éternel (221). Tous encore, depuis le Patriarche et les Boyards, jusqu’aux bourgeois et aux laboureurs, avec une apparence de dévoûment, Serment prêté à Fédor. prêtèrent serment à la Tsarine Marie et à ses enfans, le tsar Fédor et Xenie (222) : « s’engageant à ne point les trahir, à ne point attenter à leur vie, à ne point accepter pour souverain, ni l’aveugle Siméon, jadis grand-duc de Tver, ni le scélérat qui prenait le nom de Dmitri ; à ne point fuir le service du Tsar, et à braver pour lui les fatigues et la mort ». Godounoff, quoique parvenu au trône, par un crime, était pourtant un souverain légal. Son fils héritait naturellement de ses droits confirmés par un double serment (223), et il semblait leur donner une nouvelle force par les charmes de son innocence, de sa jeunesse, de sa mâle beauté, et par son âme à la fois douce et ferme. Qualités du jeune Tsar. Il réunissait en lui l’esprit de son père et les vertus de sa mère ; à seize ans, il étonnait les Seigneurs, par son éloquence et par des connaissances peu ordinaires à cette époque : premier fruit de l’éducation européenne en Russie ! Admis au conseil dès son enfance, il avait appris de bonne heure l’art de gouverner, et toujours employé, par son père, comme médiateur entre la loi et la grâce ; il avait également appris à connaître les charmes de la bienfaisance : que ne devait pas attendre l’Empire d’un pareil Souverain ? Mais l’ombre de Boris, avec d’horribles souvenirs, jetait des ténèbres sinistres, sur le trône de Fédor. La haine qu’on avait portée au père, empêchait d’aimer le fils. Les Russes n’attendaient que des malheurs d’une race, à leurs yeux, réprouvée du ciel ; et, craignant de devenir victimes de la colère divine contre Godounoff, ils ne craignirent pas de la mériter par leur propre forfait, par une trahison criminelle devant Dieu et devant les hommes.

Fédor, encore si jeune, avait besoin de conseillers : sa mère ne brillait que par les modestes vertus de son sexe. On ordonna immédiatement aux trois plus illustres Boyards : les princes Mstislafsky, Vassili et Dmitri-Schouisky, de quitter l’armée et de se rendre à Moscou, pour siéger au conseil. On rendit la liberté, l’honneur et la fortune au célèbre Belsky, afin de profiter, également dans le conseil, de son esprit et de ses lumières. Mais ce qu’il y avait de plus important, c’était le choix d’un chef pour l’armée. Nomination de Basmanoff au commandement de l’Armée. On chercha, non le plus ancien, mais le plus capable, et l’on nomma Basmanoff, car on ne pouvait douter, ni de son mérite militaire, ni de sa fidélité, dont il avait donné des preuves par tant d’actions éclatantes. Le jeune Fédor, en présence de sa mère, lui dit avec attendrissement : « Sers nous, comme tu as servi mon père ». Et cet homme ambitieux, qui paraissait animé du plus pur devoûment, jura de mourir pour le Tsar et la Tsarine. On donna pour collègue à Basmanoff, un des plus illustres Boyards, le prince Michel Katireff-Rostovsky, homme bon de cœur, mais faible de caractère, et on envoya avec lui, Isidore, Métropolitain de Novgorod, afin que l’armée, en sa présence, baisât la Croix au nom de Fédor. La Capitale fut quelques jours tranquille. La Cour et le peuple priaient solennellement pour l’âme du défunt ; mais les vrais amis de la Patrie, prévoyant la tempête, adressaient plus sincèrement encore leurs prières au ciel pour le salut de l’Empire. On attendait avec impatience des nouvelles du camp de Kromy ; et les premiers rapports des nouveaux Voïévodes, parurent encore favorables.

Serment des troupes. Basmanoff, tenant invisiblement entre ses mains le sort de la Patrie, arriva au camp, le 17 avril (224), et n’y trouva plus ni Mstislafsky, ni les Schouisky. Il appela tous les dignitaires et les soldats sous leurs drapeaux, les informa de l’avénement de Fédor, et leur lut ses lettres pleines de bienveillance. Le jeune Monarque promettait, à l’armée fidèle et dévouée, des récompenses inouies, après les quarante jours de deuil pour Boris. À cette lecture, une violente émotion se peignit sur les visages : les uns pleuraient le Tsar défunt, craignant pour la Russie ; d’autres ne cherchaient point à cacher leur maligne joie. Cependant l’armée, à l’exemple de Moscou, prêta serment à Fédor, et le métropolitain Isidore retourna dans la Capitale, avec cette nouvelle : Basmanoff, lui-même, en faisait le rapport ; et quelques jours après, on apprit sa trahison !

Trahison de Basmanoff. L’action de Basmanoff, après avoir étonné les contemporains, étonne également la postérité. Cet homme avait de la force d’âme, comme nous le verrons au dernier moment de sa vie ; il ne croyait pas à l’Imposteur, qu’il avait démasqué avec tant de zèle, et si vaillamment combattu sous les murs de Novgorod-Seversky ; il avait été comblé des faveurs de Boris, et possédait l’entière confiance de Fédor ; appelé à être le sauveur du Tsar et de l’Empire, avec des droits à leur reconnaissance sans bornes, et l’espoir de laisser un nom éclatant dans nos Annales, il tomba aux pieds du Moine défroqué ! Expliquerons-nous une action aussi incompréhensible par le mauvais esprit de l’armée ? Dirons-nous que Basmanoff, prévoyant le triomphe inévitable de l’Imposteur, voulut, en hâtant la trahison, se sauver une humiliation honteuse : qu’il aimât mieux livrer l’armée et l’Empire à l’Imposteur, que de lui être livré par les rebelles ? Mais les troupes venaient encore de jurer, sur l’Évangile, d’être fidèles à Fédor. De quelle nouvelle ardeur aurait pu les animer l’illustre Voïévode, en réprimant les séditieux par la force de la loi et de son caractère ! Non, il faut croire à l’Annaliste, qui affirme que ce ne fut point la trahison générale qui entraîna Basmanoff, mais Basmanoff qui entraîna l’armée à la trahison. Cet orgueilleux, sans principes d’honneur, et avide des jouissances que donne la faveur, croyait probablement que jamais les fiers et envieux parens de Fédor, ne lui céderaient la place la plus rapprochée du trône : tandis que l’Imposteur, sans famille, conduit, par lui Basmanoff, au souverain pouvoir, serait naturellement attaché, par la reconnaissance et par ses propres intérêts, à l’auteur de sa fortune ; leurs destinées devenaient inséparables : et qui pouvait, par ses qualités personnelles, effacer Basmanoff ? Il connaissait les autres Boyards, et lui-même ; il ignorait seulement que les forts d’esprit tombent, comme des enfans, sur le chemin de l’iniquité ! Il est probable que Basmanoff n’aurait pas osé trahir Boris qui imposait à l’imagination, et par un long commandement et par l’éclat de son génie politique : mais Fédor, faible, par son extrême jeunesse et la nouveauté de son règne, enhardissait le traitre, qui s’armait de sophismes, pour appaiser sa conscience : il pouvait croire que par sa défection il sauvait la Russie de l’oligarchie détestée des Godounoff, en remettant le sceptre à celui qu’il savait être un aventurier de basse extraction, mais qui possédait des qualités brillantes et du courage ; qui était l’ami de l’illustre Souverain de Pologne, et qui semblait choisi par le sort pour accomplir une juste vengeance, sur la famille du meurtrier de Dmitri. Il pouvait se flatter de guider l’Imposteur dans la voie du bien, et, après avoir trompé la Russie, justifier cette supercherie, par le bonheur de l’Empire !

Il est possible que Basmanoff, en quittant la Capitale, fut encore indécis, disposé seulement à agir, selon les circonstances qui pourraient favoriser son ambition ; peut-être aussi ne se détermina-t-il à la trahison, que lorsqu’il vit les dispositions des Voïévodes et de l’armée, en faveur du faux Dmitri. Tous prêtèrent serment, sur la Croix, à Fédor, car personne n’osa, le premier, se montrer rebelle ; mais la plupart avec répugnance, ou avec découragement : et ceux qui, jusque-là, n’avaient pas cru au prétendu Dmitri, commencèrent à y ajouter foi, frappés par la mort subite de Godounoff ; y trouvant une nouvelle preuve que ce n’était point un imposteur, mais véritablement l’héritier d’Ivan, qui venait réclamer sa propriété légitime ; car l’Éternel, disaient-ils (225), le protégeait et le conduisait visiblement au trône, dont il avait précipité l’Usurpateur. On remarqua que dans le serment qu’on avait prêté à Fédor, l’Imposteur n’était point nommé Otrépieff. On y avait mis, probablement sans intention, ces seuls mots : « Nous jurons de ne point nous joindre à celui qui prend le nom de Dmitri (226). Par conséquent, ajoutait-on, l’histoire du Diacre fugitif de Tchoudoff, se trouve solennellement déclarée n’être qu’une fable. Qui donc est ce Dmitri, si ce n’est le véritable » ? Cependant, les plus fidèles prévoyaient avec douleur que Fédor ne conserverait pas le trône. C’est ainsi que la disposition des cœurs et des esprits promettait une réussite facile à la trahison. Basmanoff observa, se détermina, et s’étant sans doute assuré, par des négociations secrètes, de la reconnaissance de l’Imposteur, il se prépara à lui faire don de la Russie.

L’Imposteur se renforce. Le faux Dmitri, laissé en liberté à Poutivle, s’était occupé pendant trois mois à fortifier ses villes et à armer ses partisans ; il écrivit à Mnichek qu’il comptait plus que jamais sur son étoile. Dans l’espoir de conclure une alliance avec le Khan, il lui envoya des présens ; il attendait aussi de nouveaux auxiliaires de la Galicie, et il fut renforcé par un corps de cavalerie que lui amena Michel Ratomsky, l’assurant qu’il était suivi par le voïévode de Sendomir, à la tête des troupes du Roi (227). Mais il n’y avait que la mort de Boris et la trahison des Voïévodes du Tsar, qui pussent réaliser le téméraire espoir de l’Imposteur : il fut instruit de la première, à la fin d’avril par un transfuge, le gentilhomme Bachmétieff (228) ; et de la seconde, au commencement de mai, probablement par Basmanoff lui-même. Depuis ce moment, il fut informé de tout ce qui se passait dans le camp de Kromy.

Basmanoff, ayant sacrifié l’honneur d’un homme d’État et la gloire d’un illustre Général aux charmes d’une grandeur exclusive sous le sceptre d’un aventurier, et, assuré de cette récompense, la promit aussi à d’autres vils ambitieux : le boyard prince Vassili Trahison de Galitzin et de Soltikoff. Galitzin, son frère le prince Ivan et Michel Soltikoff (229) qui, comme lui n’ayant ni conscience ni pudeur, voulurent être favoris sous le nouveau règne. Mais les scélérats même cherchent des prétextes plausibles dans leurs trames ; se trompant mutuellement, ils feignaient de reconnaître dans le faux Dmitri les témoignages de sa haute naissance (230), les vertus souveraines et les qualités d’une âme élevée. Ils s’étonnaient de sa destinée miraculeuse signalée par le doigt de Dieu ; ils ravalaient le règne des Godounoff, comme résultat de la ruse et du crime ; ils déploraient les maux d’une guerre intestine et sanglante, qui était inévitable pour conserver la couronne sur la tête du jeune Fédor ; ils voyaient enfin dans le triomphe de l’Imposteur, l’avantage, la tranquillité et le bonheur de la Russie. Ils convinrent de la trahison et se hâtèrent de l’accomplir. Pendant quelques jours ils conspirèrent encore en secret, cherchant à augmenter le nombre de leurs complices actifs, parmi lesquels se distinguaient par leur zèle, les enfans Boyards des villes de Rézan (231), Toula, Kachir et Alexin. Ils appaisaient les consciences des gens crédules et bornés, en répétant que le seul serment sacré pour les Russes était celui qu’ils avaient prêté à Ivan et à ses enfans ; que celui que leur avaient arraché Boris et Fédor, n’était que le fruit de la supercherie, et qu’il était nul, puisque le fils d’Ivan n’était point mort et les appelait à Poutivle.

Trahison de l’Armée. Enfin, le 7 mai (232) le complot éclata ; on sonna l’allarme, Basmanoff monta à cheval et proclama à haute voix Dmitri, Tsar de Moscou. Des milliers de voix, et les Rézanais les premiers, s’écrièrent : « Vive donc notre père, le Souverain Dmitri, fils d’Ivan » ! D’autres, gardaient encore le silence de l’étonnement. Ce fut seulement alors que se réveillèrent les Voïévodes fidèles trompés par la perfidie de Basmanoff, les princes Michel Katireff-Rostovsky, André Téliatevsky et Ivan Godounoff ; mais il était trop tard : voyant le petit nombre de ceux qui étaient dévoués à Fédor, ils s’enfuirent vers Moscou avec quelques Officiers et soldats Russes et étrangers (233). Ils furent poursuivis et maltraités. On atteignit Ivan-Godounoff et on l’amena enchaîné au camp, où l’armée, dans son malheureux égarement, célébrait la trahison, comme la fête de la patrie. Personne n’osa plus témoigner le moindre doute, lorsqu’on vit le principal ennemi de l’Imposteur, le héros de Novgorod-Seversky reconnaître en lui le fils d’Ivan ; et la joie de revoir sur le trône l’antique dynastie des Tsars, étouffait les reproches de la conscience dans ces hommes aveuglés et séduits !… Ce jour mémorable, où Basmanoff se signala dans l’iniquité, vit également un autre traître se signaler par une lâche hypocrisie : le prince Vassili Galitzin se fit garrotter pour persuader à la Russie, en cas d’un changement de circonstances, que c’était forcément qu’il se livrait à l’Imposteur (234).

L’Armée après avoir trahi son serment à Fédor, s’engagea par un autre, et avec les témoignages du dévoûment le plus vif, à être fidèle au prétendu Dmitri. Elle fit savoir à l’Hetman Korella qu’ils servaient maintenant le même Souverain. La guerre cessa ; les défenseurs de Kromy sortirent de leurs tanières, et embrassèrent fraternellement sur les remparts de la forteresse ceux qui avaient été leurs ennemis ; le prince Ivan Galitzin se hâta de se rendre à Poutivle, non plus auprès du Tsarévitche, mais auprès du Tsar (235) avec la soumission de l’Armée et le prisonnier Ivan Godounoff comme un otage de fidélité.

Le faux Dmitri eut besoin d’une force d’âme surnaturelle pour cacher l’excès de sa joie ; il était assis fièrement et avec dignité sur le trône, lorsque Galitzin, accompagné d’une quantité de fonctionnaires et de nobles (236), se prosterna humblement devant lui, et avec l’air d’un profond respect, lui dit : « Fils d’Ivan, l’armée te remet le sceptre de Russie et compte sur ta clémence ; séduits par Boris, nous nous sommes long-temps opposés à notre Souverain légitime, mais ayant maintenant appris la vérité, nous t’avons prêté serment à l’unanimité. Monte sur le trône de ton père, règne avec bonheur et long-temps ; tes ennemis, les créatures de Boris, sont dans les fers. Si Moscou ose être rebelle, nous la réduirons. Viens avec nous dans la Capitale, pour t’y faire couronner ». Dans ce même instant, au dire de l’Annaliste, quelques nobles de Moscou, en fixant le faux Dmitri, reconnurent en lui le diacre Otrépieff : ils en frémirent, mais n’osèrent parler, et gémirent en secret. Jouant avec adresse le rôle d’un Monarque généreux, touché du repentir de ses coupables sujets, l’heureux Imposteur ne remercia pas l’armée, mais il lui pardonna, lui enjoignit de marcher contre Orel (237) ; et lui-même sortit de Poutivle, Marche sur Moscou. le 19 mai, pour la rejoindre, à la tête de six cents Polonais, de Cosaques du Don et de ses Russes, qui les premiers avaient donné le signal de la trahison. Il voulut voir les ruines de Kromy, illustrées par le courage de ses défenseurs ; il examina la place incendiée, le rempart, les casemates des Cosaques et le vaste camp fortifié où, pendant six semaines, plus de quatre-vingt mille soldats, protégés par soixante dix pièces de canon, s’étaient tenus dans l’inaction ; il en témoigna son étonnement, et se glorifia du miracle qu’avait opéré, en sa faveur, la bonté divine. En avançant il fut reçu par les voïévodes Michel Soltikoff, le prince Vassili-Galitzin, Schérémétieff, et le chef de la trahison, Basmanoff.… Ce dernier renouvelant le serment sincère de mourir pour celui auquel il avait sacrifié sa conscience et sa malheureuse Patrie ! Le faux Dmitri, reçu unanimement par l’armée, comme un Souverain chéri, congédia, pour un mois, une partie des troupes, afin qu’elle prît du repos ; l’autre eut l’ordre de marcher contre Moscou, et lui-même la suivit de loin, à la tête de deux ou trois mille de ses compagnons les plus dévoués.

Partout le peuple et les militaires le recevaient avec des présens ; les forteresses et les villes lui ouvraient leurs portes ; et même, d’Astrakhan qui était si éloignée, on lui amena, chargé de chaînes, le voïévode Michel Sabouroff, proche parent de Fédor. À Orel seulement, quelques citoyens généreux ne voulurent point trahir leur serment. Ces dignes enfans de la Russie, dont malheureusement les noms sont ignorés de l’Histoire, furent précipités dans un cachot ; tous les autres tombaient à genoux et louaient Dieu et Dmitri, comme on l’avait fait naguère pour le Héros du Don, ou pour le conquérant de Kazan. Dans les rues et sur les routes, la foule se pressait autour de son cheval, pour baiser les pieds de l’Imposteur. Tout était dans le délire, non de la terreur, mais de la joie. La trahison avait rompu la digue que lui opposait la honte et la crainte, et se précipitait, comme un torrent, sur Moscou, apportant avec elle, la perte du Tsar et de l’honneur national. La première annonce du malheur y avait été l’arrivée des Voïévodes fugitifs du camp, Katireff-Rostovsky et Téliatevsky, avec leurs compagnons. Fédor, jouissant encore du pouvoir souverain, leur témoigna la reconnaissance de la Patrie, par des récompenses solennelles, et sembla attendre tranquillement, sur son funeste trône le sort qui lui était réservé. Il voyait autour de lui un petit nombre seulement d’amis sincères ; partout le désespoir, le doute, la feinte ; et dans le peuple, une tranquillité menaçante : tout paraissait se préparer à un grand changement, désiré secrètement par les cœurs.

Consternation dans la Capitale. Peut-être quelques-uns des membres du conseil, favorables à l’Imposteur, cherchaient, avec perfidie, à endormir la victime, à la veille du sacrifice, et trompaient Fédor, sa mère et ses proches, en leur diminuant le danger, ou en proposant des moyens inefficaces, pour le prévenir. Le pouvoir suprême sommeillait dans le palais du Kremlin, lorsqu’Otrépieff marchait contre la Capitale, lorsque le nom de Dmitri retentissait sur les bords de l’Oka, et que déjà, sur la grande place, le peuple se pressait en foule, pour recueillir avidement les nouvelles de ses succès. Cependant il restait encore des Voïévodes et des guerriers fidèles. Le jeune Monarque, sous les traits d’un ange de beauté et d’innocence, aurait encore pu marcher hardiment contre des parjures aveuglés, conduits par un vil aventurier. Une cause légitime renferme en elle une force toute particulière, incompréhensible et redoutable à l’iniquité. Mais si ce n’était la perfidie, c’était un étrange engourdissement des esprits, qui livrait Moscou sans défense, en proie à l’Imposteur. Le bruit des armes, et le mouvement militaire, auraient pu donner du courage aux désespérés et de la crainte aux traitres ; mais une trompeuse et mortelle tranquillité régnait dans la Capitale, et laissait le loisir nécessaire pour tramer des complots. Le gouvernement ne montrait de l’activité que pour intercepter les courriers, porteurs des dépêches de l’armée et de l’Imposteur, aux habitans de Moscou. Les manifestes étaient brûlés, les courriers mis en prison ; mais enfin, on manqua de vigilance, et dans une heure tout fut accompli !

Trahison des Moscovites. Le faux Dmitri, devinant que ses lettres ne parvenaient pas à Moscou, choisit deux dignitaires hardis et entreprenans, Plestchéeff et Pouchkin ; il leur donna une proclamation, et les fit partir pour Krasnoé-Sélo, afin d’y soulever les habitans, et par eux la Capitale. Ce qu’il avait prévu arriva : les marchands et les artisans de Krasnoé-Sélo, séduits par la confiance du prétendu Dmitri, lui prêtèrent serment avec zèle ; et, le 1er. juin, menèrent en triomphe ses envoyés dans la Capitale, ouverte et sans défense ; car les soldats envoyés par le Tsar, pour appaiser ces rebelles, avaient fui devant eux, sans tirer le glaive, et les habitans de Krasnoé-Sélo, en proclamant Dmitri, trouvèrent bien des complices dans Moscou, parmi les bourgeois et les troupes ; les autres furent entraînés de force, et quelques-uns ne se joignirent à eux que par curiosité. Cette foule turbulente se précipita vers la grande place ; là, à un signal donné, tout rentra dans le silence pour entendre la lettre du faux Dmitri, adressée au conseil, aux nobles, aux dignitaires, aux employés civils et militaires, aux marchands et aux gens des classes moyennes et inférieures. « Vous avez juré à mon père, écrivait l’Imposteur, de ne jamais trahir ses enfans et sa postérité, et cependant vous avez accepté Godounoff pour Tsar ; je ne vous le reproche pas ; vous avez cru que Boris m’avait fait mourir dans mon enfance ; vous ne connaissiez point son hypocrisie, et vous n’avez pas osé résister à un homme qui s’était déjà rendu tout-puissant même sous le règne de Fédor, et qui dispensait, au gré de ses caprices, les faveurs et les châtimens. Séduits par lui, vous n’avez pas cru que, sauvé par l’Éternel, je venais près de vous avec amour et clémence. Un sang précieux a coulé, je le regrette, mais sans ressentiment ; votre ignorance, vos craintes vous excusent. Le sort en est jeté, les villes et l’armée sont à moi ; oserez-vous allumer une guerre intestine, pour complaire à Marie Godounoff et à son fils ? Ils n’ont point pitié de la Russie : ce qu’ils possèdent ne leur appartient pas ; ils ont abreuvé de sang le pays de Seversk, et veulent la destruction de Moscou. Rappelez-vous ce que vous avez eu à souffrir de Godounoff ; vous Boyards, Voïévodes et Citoyens illustres, que de disgrâces, que d’humiliations, n’avez-vous point endurées ? Et vous, nobles et enfans Boyards, que n’avez-vous point souffert dans un service pénible et dans l’exil ? Et vous, marchands et étrangers, combien n’avez-vous pas été opprimés dans votre commerce, et accablés d’impôts exhorbitans ? Nous, au contraire, nous voulons vous accorder de grâces jusqu’ici sans exemple : aux Boyards et aux Dignitaires, de nouveaux honneurs et de nouveaux domaines ; aux Nobles et aux Employés, notre faveur souveraine ; aux Étrangers et aux Marchands, de nombreux priviléges ; et vous bénirez tous notre règne paisible et heureux. Oserez-vous demeurer inflexibles ? Mais vous n’échapperez point à notre puissance souveraine. Je viens remonter sur le trône de mon père ; je marche à la tête d’une nombreuse armée de Russes et de Lithuaniens ; car, non seulement mes sujets, mais encore les étrangers sacrifient volontairement leur vie pour moi ; même les Nogaïs infidèles voulaient me suivre : mais, épargnant la Russie, je leur ai ordonné de rester dans leurs stèpes. Redoutez les peines temporelles et éternelles ; redoutez le compte que vous aurez à rendre au jour du jugement dernier ! Humiliez-vous, et que tout fléchisse devant mon pouvoir suprême. Métropolitains, Archevêques, Membres du conseil ; et vous, Grands, Nobles, Soldats et Commerçans, venez saluer votre Souverain ! venez rendre hommage à votre Tsar légitime » ! Le peuple de Moscou écouta avec un respect religieux, cet audacieux manifeste, et raisonna ainsi (238). « L’armée et les Boyards ne se sont certainement pas soumis à un faux Dmitri. Celui-ci s’approche de Moscou, avec qui résisterons-nous à ses forces ? Est-ce avec une poignée de fuyards de Kromy ? Est-ce avec nos vieillards, nos femmes et nos enfans en bas âge ? Et pour qui ? Pour les odieux Godounoff, usurpateurs du pouvoir souverain ; pour leur salut, livrerons-nous Moscou aux flammes et à la destruction ? Et encore, par une résistance inutile, ne sauverions-nous ni eux, ni nous-mêmes. Il n’est donc plus question de réfléchir, il faut avoir recours à la clémence de Dmitri ».

Tandis que cette assemblée illégale du peuple disposait ainsi de l’empire, les principaux conseillers du trône tremblaient dans le Kremlin. Le Patriarche conjurait les Boyards d’agir ; et lui-même, troublé par la terreur, ne songeait pas à se montrer sur la grande place, revêtu de ses habits pontificaux et la Croix à la main, pour bénir les fidèles et maudire les traitres ; il se contenta de répandre des larmes (239). Les principaux Boyards, Mstislafsky et Vassili Schouisky, Belsky et d’autres membres du conseil, sortirent enfin du Kremlin et se montrèrent aux citoyens. Ils leur dirent quelques mots d’exhortation, et voulurent se saisir des envoyés du faux Dmitri ; mais le peuple refusa de les livrer, et on s’écria de toutes parts : « Le temps des Godounoff est passé ; avec eux nous étions dans les ténèbres ; le soleil se lève sur la Russie : Vive le Tsar Dmitri ! Anathême à la mémoire de Boris ! Périsse la race des Godounoff » ! Et à ces cris, la foule se précipite dans le Kremlin. Les soldats et les gardes du corps avaient disparu en même temps que les amis de Fédor ; on ne voyait plus que des rebelles forcenés. Ils enfoncent les portes du Palais, et lèvent une main audacieuse sur celui à qui ils venaient de prêter serment de fidélité. On arrache le jeune Tsar du trône, sur lequel il avait cherché un refuge ; sa mère infortunée, tombe aux pieds des rebelles, et les conjure, en fondant en larmes, de conserver, non l’Empire, mais la vie à son fils bien aimé. Cependant ces hommes reculaient encore devant le crime : ils ne firent point de mal à Fédor, se contentant de le conduire avec sa mère et sa sœur, hors du palais, dans une maison appartenant à la famille de Boris, située dans le Kremlin, où ils leur donnèrent une garde. On enferma tous les parens du Tsar, les Godounoff, les Sabouroff, les Véliaminoff ; leurs trésors furent pillés et leurs maisons abattues. On dévasta également l’habitation des médecins étrangers, anciens favoris de Boris ; on voulut enfoncer les caves du Palais, mais on s’arrêta lorsque Belsky rappela que tout ce qui appartenait à la Couronne, était déjà la propriété de Dmitri. Ce tuteur du fils cadet d’Ivan, paraissait tout à coup comme le principal conseiller du peuple, comme le plus cruel ennemi de Godounoff, et, conjointement avec d’autres Boyards pusillanimes ou traîtres, il chercha à arrêter le désordre au nom du nouveau souverain.

Serment prêté au faux Dmitri. Tous prêtèrent serment à Dmitri ; et le 3 juin, les princes Ivan Vorotinsky, André Téliatevsky, Pierre Schérémétieff, le diak Vlassieff et d’autres fonctionnaires distingués, les nobles et les citoyens allèrent, avec soumission, au devant de l’Imposteur, jusqu’à Toula. Un exprès envoyé par Plestchéeff et Pouchkin, les y avait devancés. Le faux Dmitri était déjà informé de tout ce qui s’était passé à Moscou, et pourtant, il n’était pas encore tranquille. Il y avait envoyé le prince Vassili Galitzin, Massalsky et le diak Soutoupoff avec des instructions secrètes, et Pierre Basmanoff avec un détachement de troupes, afin de couronner, par un crime affreux, le triomphe de l’iniquité.

Ces dignes serviteurs d’Otrépieff, reçus à Moscou, comme chargés des pleins pouvoirs du Souverain, commencèrent leur mission criminelle par le Patriarche. Ce Pontife avait perdu la confiance du peuple, par la faiblesse avec laquelle il s’était prêté aux intrigues de Boris ; n’ayant pas le courage de mourir pour la vérité et pour Fédor, et cédant à une lâche terreur, on assure, qu’avec d’autres évêques, il avait écrit une lettre de soumission à l’Imposteur (240). Était-ce dans l’espérance de jouir auprès de lui d’une faveur honteuse ? Mais le faux Dmitri ne pouvait croire que Job eût la basse condescendance de poser, avec l’air de la vénération, la couronne de Monomaque sur la tête de son diacre fugitif. Les envoyés de l’Imposteur déclarèrent au peuple de Moscou, que l’esclave des Godounoff ne devait point rester à la tête de l’Église. Après avoir renversé son Tsar du trône, le peuple, dans ces jours d’iniquité, n’hésita pas à renverser son Patriarche (241).

Le Patriarche et les Godounoff sont mis en prison. Job célébrait la messe dans l’église de l’Assomption ; tout à coup des rebelles impies, armés de piques, se précipitent dans le sanctuaire ; et sans être arrêtés par les chants sacrés, ils courent vers l’Autel, saisissent, entraînent le Patriarche et le dépouillent de ses habits pontificaux. Dans cette circonstance le malheureux Job témoigna de la résignation et une sorte de fermeté. Après s’être dépouillé de l’image qu’il portait à son cou, et l’avoir déposée auprès de celle de la Sainte-Vierge de Vladimir ; Il dit à haute voix : « C’est ici que, devant cette sainte Image, j’ai été élevé à la dignité d’Archevêque : pendant dix-neuf ans, j’ai conservé l’unité de la foi ; maintenant je vois les malheurs de l’Église et le triomphe du mensonge et de l’hérésie. Mère de Dieu, sauve l’orthodoxie »…! On le revêtit d’un manteau noir ; il fut traîné, insulté dans le temple et sur la place, et on l’emmena sur un charriot, hors de la ville, afin de l’enfermer dans le couvent de Staritza. Après avoir éloigné celui qui aurait pu être un témoin redoutable de la vérité contre l’Imposteur, on décida du sort des Godounoff, des Sabouroff et des Véliaminoff (242). On les envoya enchaînés, dans des villes éloignées de la Russie orientale et de la Sibérie ; Siméon Godounoff, chargé de l’animadversion publique, fut étranglé à Péreslave.

Régicides. On régla de suite le sort de la famille souveraine. Le jeune Fédor, Marie et Xénie, gardés dans la maison même d’où l’ambition de Boris les avait entraînés sur le théâtre d’une funeste grandeur, pressentaient leur destinée. Le peuple respectait encore en eux la sainteté du rang suprême et peut-être celle de l’innocence ; peut-être même, jusque dans l’effervescence de la rébellion, il eut désiré que le prétendu Dmitri montrât de la générosité, et que, en s’emparant de la Couronne, il laissât du moins la vie à ces infortunés, ne fût-ce que dans la solitude de quelque cloître isolé. Mais en cette occasion, la clémence n’entrait point dans la politique du faux Dmitri. Plus le Tsar légitime, qu’il venait de détrôner, avait de qualités personnelles, plus il devait paraître dangereux à un usurpateur, parvenu au trône par le crime de quelques-uns et l’erreur d’un grand nombre. Le triomphe d’une trahison en prépare toujours une autre, et aucun désert n’aurait caché le jeune Souverain à l’attendrissement des Russes. Telle était aussi sans doute l’opinion de Basmanoff ; toutefois, il ne voulut point participer ostensiblement à un attentat aussi horrible : le bien et le mal ont leurs degrés ! D’autres furent plus hardis, les princes Galitzin et Massalsky, les dignitaires Moltchanoff et Schéréfédinoff, ayant pris avec eux trois féroces streletz, se rendirent, le 10 juin, dans la maison de Boris ; là ils trouvèrent Fédor et Xénie, assis tranquillement auprès de leur mère, attendant avec résignation l’arrêt de Dieu. Ils arrachèrent ces tendres enfans des bras de la Tsarine, les firent entrer dans des chambres séparées, et ordonnèrent aux streletz d’agir : Aussitôt ils étranglèrent la tsarine Marie ; mais le jeune Fédor, doué par la nature d’une force extraordinaire, lutta long-temps contre quatre assassins, qui à peine purent venir à bout de l’étouffer (243). Xénie fut plus malheureuse que son frère et sa mère ; on lui laissa la vie : l’infâme Usurpateur avait entendu parler de ses charmes ; il ordonna au prince Massalsky de la prendre dans sa maison. On annonça à Moscou que Marie et son fils s’étaient empoisonnés eux-mêmes. Mais leurs corps, impudemment exposés à l’insulte et aux outrages, portaient les marques certaines de leur mort violente. Le peuple se pressait autour des misérables cercueils où étaient renfermées les deux victimes couronnées, l’épouse et le fils de l’ambitieux qui les avait adorés et perdus, en leur donnant un trône où ils ne trouvèrent que la terreur et la mort la plus cruelle ! « Le sang sacré de Dmitri, disent les Annalistes, demandait un sang pur en réparation ; et les innocens tombèrent pour le coupable. Que les scélérats tremblent donc pour leurs proches, le moment des vengeances et des représailles doit tôt ou tard arriver » !

Un grand nombre de citoyens ne regardèrent ce spectacle qu’avec curiosité ; mais beaucoup aussi avec attendrissement. On plaignait Marie, se rappelant que, fille d’un des plus odieux bourreaux du règne d’Ivan, et femme d’un meurtrier sacrilége, elle n’avait vécu que pour répandre des bienfaits, et que Boris n’avait jamais osé lui communiquer ses projets criminels (244). On plaignait encore d’avantage ce jeune Fédor, brillant de vertus et d’espérances, qui possédait déjà, et promettait encore tant de qualités propres à faire le bonheur de la Russie, si telle avait été la volonté du Destin ! On alla jusqu’à troubler la paix des tombeaux. Le corps de Boris fut exhumé de l’église de Saint-Michel, et, après l’avoir mis dans un cercueil de bois, on le transporta dans le couvent de Saint-Varsonofée, sur la Srétenka (245), où on l’enterra avec ceux de Fédor et de Marie.

Ainsi s’accomplit la punition céleste sur l’assassin du véritable Dmitri, et commença celle de la Russie, sous la domination de l’Imposteur.


(221) V. La lettre du Métropolitain de Rostof à l’Archimandrite du couvent d’Oussolsk.

(222) V. La collection des Actes de l’Empire, II, 192-202.

(223) C’est-à-dire, qu’on prêta le serment à Fédor comme au successeur du trône et comme au Tsar. — V. La Chronique (le Koubassoff dans les Mémoires Russes, I, 174.

(224) V. Margeret, 122. — La date dont il parle est du nouveau style. — Annales de Nikon, 65. — Chronographes. — Ce que dit Margeret mérite le plus de foi.

(225) V. The Russian Impostor, p. 61, et la Chronique de Piassetzky de 1605.

(226) V. dans la collection des Actes de l’Empire, II, 196 ; la lettre d’Otrépieff à Mnichek, du 24 (14) mai.

(227) V. Niemcewicz, tom. II, 531. — Les lettres du faux Dmitri à Mnichek, du 1.er mai. — Affaires de Pologne, no. 27, f. 93. — Margeret, 113.

(228) V. Abraham Bachmétieff. — Niemcewicz, II, 529.

(229) V. Annales de Nikon, 65, et les réponses des Ambassadeurs Lithuaniens. — Margeret se trompe sans doute en disant que Soltikoff se trouvait parmi les Voïévodes fidèles.

(230) V. Peyerlé.

(231) V. Annales de Nikon et autres. — Les Chronographes et le manuscrit des Notices sur Grichka Otrépieff.

(232) V. Bär et Margeret. — Les notices portent la date du 9 mai. — Peyerlé. — Les notices sur Grichka Otrépieff semblent être plus exactes.

(233) V. Bär. — Peyerlé soutient que Rosen se joignit aux traîtres.

(234) V. Annales de Nikon, 66.

(235) Le faux Dmitri, dans sa lettre à Mnichek, du 1er. mai, signe encore comme Tsarévitche, et, dans celle du 14. mai, déjà comme Tsar. — V. Niemcewicz, II, 529.

(236) Il en avait avec lui jusqu’à mille, comme il est dit dans les réponses des ambassadeurs Lithuaniens. — V. aussi Pétréjus, 308. — Et dans la collection des actes de l’Empire, II, 196 ; la lettre d’Otrépieff à Mnichek

(237) V. La lettre d’Otrépieff dans la collection des actes de l’Empire, II, 196. — Margeret, 123. — Grévenbrouk, 23. — Bär. — Et les réponses des ambassad. Lithuaniens.

(238) V. Bär. — Pétréjus raconte la fable que le peuple de Moscou s’étant rassemblé sur la place des exécutions, avait envoyé une dépulation auprès de Schouisky, pour lui demander s’il avait réellement enterré à Ouglitche, le fils d’Ivan ; que Schouisky répondit « que Dmitri avait su se soustraire au dessein criminel de Boris, que l’on avait assassiné à sa place le fils d’un prêtre, et que le vrai Dmitri s’approchait de Moscou avec une armée ». Les Ambassadeurs ne se seraient pas tus sur cette circonstance qui pouvait leur être utile, comme une preuve donnée par les Russes même pour croire au faux Dmitri. Ces ambassadeurs n’épargnaient pas Schouisky, malgré qu’Otrépieff fut déjà Tsar. Lors de la réunion du peuple, Schouisky se trouva au Kremlin avec le Patriarche et d’autres Boyards auprès du Tsar.

(239) V. Annales de Nikon. — Margeret, 124. et Bär.

(240) V. Les lettres du faux Dmitri aux Russes, du 11 juin. — La collection des Actes de l’Empire, 200.

(241) V. Job dans sa lettre au peuple, lors de l’avénement au trône de Schouisky. — Annales de Nikon, 68.

(242) V. Annales de Nikon. — Bär. — The Russian Impostor. — Chronique de Rostof.

(243) Pétréjus a vu de ses propres yeux les traces de l’assassinat sur leurs corps. — V. la Chronique, 314. — Notices sur Boris Godounoff et le Moine défroqué. — Bär. — Chronique de Morosoff.

(244) Ce fait est rapporté dans une des Chronographies, et avec plus de détails encore.

(245) V. Annales de Nikon. — Morosoff dit dans sa Chronique, que le cadavre de Godounoff fut maltraité ; mais tous les autres récits n’en font pas mention.