Histoire de l’abbaye d’Hautecombe en Savoie/II-CHAPITRE XIV

CHAPITRE XIV


Glorieux règne d’Amédée V le Grand. — Édouard le Libéral lui succède ; — il règle les droits de juridiction attachés au fief de Montagny ; — mort à Gentilly, il est inhumé à Hautecombe.

A l’entrée de la basilique royale d’Hautecombe, s’élèvent deux mausolées majestueux ; sur l’un, se dresse un guerrier drapé à l’antique ; sur l’autre, un homme dans l’attitude du commandement. Ce sont les deux plus illustres capitaines de la Maison de Savoie : Amédée V et Amédée VI.

Amédée V, surnommé le Grand, que l’on fait naître généralement au château du Bourget[1], vit le jour le 4 septembre 1249. Après une jeunesse assombrie par deux captivités successives et la perte de son père Thomas (II), comte de Flandre, il fut entouré de l’affection de son oncle Philippe, alors archevêque de Lyon, qui le garda auprès de lui et le maria, en 1272, à Sibylle de Baugé, héritière de la Bresse, union qui fit passer dans le patrimoine de sa famille cette vaste province[2]. Plus tard, Philippe ayant quitté la carrière ecclésiastique pour monter sur le trône de Savoie, il l’institua pour héritier de sa couronne, au préjudice des enfants du frère aîné d’Amédée.

D’après la loi salique, c’était en effet Philippe, fils aîné de Thomas (III), qui devait lui succéder. Mais les règles de la succession au trône n’étaient point encore bien fixées dans la Maison de Savoie. Amédée avait été associé au gouvernement par son oncle et avait montré les grandes qualités qui le rendaient digne du trône ; aussi, la nation confirma, dans ses États-Généraux, cette dérogation aux usages de la monarchie, et ce fut la dernière.

Cependant les membres de sa famille, jaloux de cette préférence, lui suscitaient des difficultés. Il les apaisa en donnant en apanage à son frère Louis le pays de Vaud, et à son neveu Philippe, le Piémont, qui fut ainsi séparé des États de Savoie jusqu’en 1418, et forma un fief soumis seulement à l’hommage envers le comte de Savoie.

Libre de ces préoccupations successorales, Amédée continua à affermir de plus en plus sa puissance. L’emploi des censures ecclésiastiques, de la part des évêques et des abbés, était devenu tellement fréquent, que, même pour des choses minimes, elles étaient fulminées. Le comte de Savoie s’adressa au pape pour le prier de renouveler en sa faveur le privilège accordé par Grégoire X, en 1272, à son oncle Philippe, en vertu duquel aucune excommunication ne serait publiée dans les États de Savoie sans une permission spéciale du Souverain Pontife. Boniface VIII le lui accorda par bulle du 23 novembre 1294[3].

L’année suivante, il acheta, de François de La Rochette et de sa nièce Béatrix, le château de Chambéry et ses dépendances, qui n’avaient pas été compris dans la vente du bourg de Chambéry, faite à Thomas Ier en 1232. Par cette nouvelle acquisition, toute l’agglomération qui composait la ville de Chambéry, sauf quelques propriétés particulières, fit partie des possessions des comtes de Savoie et devint ensuite le siège officiel de leur gouvernement. Leur résidence avait d’abord été Montmélian, Chillon et Voiron ; elle était alors plus habituellement au Bourget[4].

L’abandon du Piémont, apanage à Philippe d’Achaïe, avait, en quelque sorte, exilé Amédée V de l’Italie. Il se tourna vers la France et se mêla aux querelles de Philippe le Bel contre le roi d’Angleterre. Guy, comte de Flandre, ayant donné sa fille en mariage à ce dernier, attira sur lui le courroux de son puissant voisin, le roi de France. Amédée V, après avoir en vain travaillé à la réconciliation de ces deux souverains, prit le parti de Philippe, lui conduisit de vaillantes troupes à plusieurs reprises, et figura surtout à la bataille de Mons-en-Puelle[5] (18 août 1304), avec son fils Edouard, dont la bravoure fut signalée. Il eut ensuite l’honneur de contribuer grandement à la paix qui s’ensuivit[6], sa parenté avec les deux belligérants lui rendant cette tâche plus facile.

Mais ce fut surtout contre ses voisins immédiats qu’il eut mainte occasion de faire preuve de sa supériorité dans les combats. L’enchevêtrement de ses possessions avec celles du comte de Genevois, du dauphin de Viennois, baron de Faucigny, les prétentions de ce dernier à l’hérédité du comté de Savoie, au nom de sa mère Béatrix, firent naître fréquemment des discussions qui, grâce aux usages de l’époque et à l’humeur guerroyante des contestants, ne se vidaient que les armes à la main. Aussi, pendant les trente-huit années de ce long règne, eu trouve-t-on à peine six écoulées dans la paix. Une chronique contemporaine fait assister Amédée en personne à trente-cinq sièges.

L’arrivée d’Henri VII en Italie interrompit ces combats incessants. Le comte de Savoie, son beau-frère[7], lui avait conseillé cette promenade militaire pour apaiser les nombreuses factions qui déchiraient cette contrée. Il alla le recevoir à Soleure, l’accompagna à Lausanne, à Genève, à Chambéry, où eurent lieu des fêtes magnifiques ; descendit avec lui en Italie et assista à son couronnement, dans la basilique de Latran, le 19 juillet 1312. Conseiller de l’empereur, il eut, par sa prudence et ses grandes qualités politiques, une large part dans l’œuvre de pacification entreprise. Henri VII le nomma vicaire général de l’empire, préfet d’Italie. Après lui avoir témoigné publiquement sa reconnaissance pour ses bons services et l’avoir comblé d’honneurs en différentes circonstances, il lui céda Turin, Asti et le comté qui en dépendait, et l’appela, dans un langage figuré que la postérité a recueilli : Astre éclatant dont les rayons rejaillissent sur le trône impérial. La mort de l’empereur, arrivée le 24 août 1313, dans un couvent des environs de Sienne, mit fin à cette phase glorieuse du règne d’Amédée.

Néanmoins ses États étaient trop peu étendus pour occuper sa vaste intelligence et mettre en œuvre ses grandes qualités politiques. Il tourna de nouveau ses regards vers la France, et, sous le gouvernement de Louis X, son influence à la cour de ce prince fut telle, qu’au dire de ses biographes, il ne s’y faisait rien d’important en dehors de ses inspirations. Philippe le Long ayant été appelé au trône par la mort de son frère Louis et de son neveu Jean, qui ne vécut que cinq jours, Amédée et la comtesse de Savoie se rendirent à leur manoir de Gentilly, dans le courant de l’automne 1316, pour aller, de là, prendre part au couronnement. Le nouveau roi conserva pour Amédée la même vénération et la même déférence que ses prédécesseurs ; il lui fit même donation de la terre de Maulevrier, en Normandie. On disait alors : « Amédée gouverne le roi ; mais ce prince se montre constamment bon Français. »

De retour en Savoie, il dut continuer à guerroyer avec ses voisins remuants, malgré l’intervention du pape et du roi de France.

Bien qu’avancé en âge et souffrant, il se laissa gagner à l’idée de se rendre à Avignon, auprès de Jean XXII, pour traiter en personne ses différends avec le dauphin et d’autres affaires relatives à la paix générale. Se défiant de son ennemi, il passa par le Piémont, Nice et la Provence, et rejoignit Avignon, le 4 février 1323, entouré d’un splendide cortège d’environ deux cents personnes. Le pape le reçut en grande pompe. Pendant quelques mois, les négociations s’alternèrent avec les fêtes et n’amenèrent pas grand résultat. Après avoir séjourné tout l’été à Avignon, Amédée tomba malade au retour de l’automne et mourut le 16 octobre dans la maison du cardinal Luc Fieschi, où il habitait depuis quatre mois[8].

Un écuyer vint au Bourget apporter la triste nouvelle au prince Édouard, fils aîné du défunt. Il chargea, par ses lettres du 23 du même mois, Antoine de Barge et Pierre de Clermont de se rendre à Avignon pour ramener à Hautecombe le corps de son père. Le pape, de son côté, députa pour l’accompagner le prévôt de Sainte-Marie d’Avignon.

Les obsèques furent dignes de l’illustre personnage, et la foule des assistants était nombreuse, à en juger par les dépenses faites à cette occasion[9].

Ce prince, à qui la postérité a donné le nom de Grand, brilla autant par ses qualités politiques que par sa valeur guerrière ; il introduisit différentes améliorations dans les lois de la Monarchie, répara, par de nouvelles acquisitions, les démembrements causés par les apanages, et mérita cet éloge de la Chronique d’Hautecombe qui rappelle homme illustre et formidable à ses ennemis.

Sa taille était élevée, son visage noble et guerrier, son jugement sûr et prompt. Il donna toujours l’exemple d’une piété solide et éclairée, et, suivant un usage de cette époque, il récitait tous les jours le psautier.

Il est le premier prince de Savoie dont on suppose avoir retrouvé les traits, conservés par une peinture découverte dans une ancienne chapelle de Pignerol[10].

Son successeur, appelé Édouard, du nom du roi d’Angleterre, son parrain, était né le 8 février 1284[11], à Baugé, alors capitale de la Bresse ; aussi, avant de monter sur le trône, il portait le titre de seigneur de Baugé et de Bresse. Héritier de la valeur martiale de son père, il se fit remarquer au combat de Mons-en-Puelle (1304), où il sauva la vie au roi de France par un acte de bravoure. Ce qui lui valut d’être fait chevalier sur le champ de bataille, de la main même de Philippe IV.

Trois ans plus tard, il épousait Blanche de Bourgogne, petite-fille de saint Louis, et cimentait ainsi de plus en plus l’union de France et de Savoie.

Pendant les premières années du règne d’Amédée le Grand, il prit part aux luttes qui troublèrent si souvent cette période, puis remplit les fonctions de régent pendant que son père accompagnait l’empereur à Rome ; et, lorsque ce dernier mourut, Édouard arriva au trône avec une expérience des affaires, qui a laissé de nombreuses traces dans les institutions de la monarchie (1323).

Son premier acte fut de recevoir, au château de Chambéry, la foi et l’hommage de ses conseillers et de ses vassaux. Semblant faire trêve avec son passé belliqueux, il se consacre à l’administration de ses États ; il confirme diverses chartes de franchises octroyées précédemment, jure avec son frère Aymon d’observer les règles prescrites par leur père pour la succession au trône, c’est-à-dire, le droit de primogéniture et l’exclusion des femmes, qui seront toujours dotées en argent. Ces règles, dont il fit ensuite jurer l’observation par les principaux barons de Savoie et de Piémont, assuraient d’une manière définitive la succession au trône et n’ont jamais été enfreintes dans la suite. Il tint plusieurs parlements généraux, où le prince rendait la justice en personne, entouré de ses prélats et barons et de quelques jurisconsultes.

Le 13 mai 1325, en présence du prince Aymon, de l’archevêque de Tarentaise, de l’abbé d’Hautecombe et d’un grand nombre d’autres personnages, il publie des lois générales, obligatoires dans toutes les provinces, par lesquelles furent abolies les lettres de sauvegarde, les compositions pécuniaires qui permettaient aux personnes fortunées de ne point être traduites en jugement, et d’autres abus admis par l’usage. Ce fut le second exemple de statuts généraux pour toute la monarchie[12].

L’animosité inextinguible des dauphins de Viennois contre les comtes de Savoie vint cependant troubler cette ère de réformes intérieures. Dès 1324, ces sentiments avaient fait explosion. L’année suivante, l’ardeur impétueuse d’Édouard, plus généreuse que réfléchie, amena la grande défaite de Varey (7 août 1325), l’une des plus funestes qui ait affligé la monarchie. Fait prisonnier, il ne put être délivré qu’à grand peine par quelques-uns de ses chevaliers. Une grande partie de la noblesse de ses États resta sur le champ de bataille ou tomba entre les mains de l’ennemi, et sa rançon amena l’épuisement du trésor et la levée de lourdes contributions.

Cette cruelle journée ne l’abattit point. Dans les premiers jours de l’année suivante, nous le voyons reprendre les armes et guerroyer jusqu’à ce que l’intervention du roi de France eût amené une trêve qui, plusieurs fois renouvelée, se prolongea jusqu’à sa mort.

Deux unions flatteuses pour lui, celle de sa sœur Jeanne avec l’empereur d’Orient, Andronic Paléologue III, et celle de sa sœur Béatrix avec le duc de Carinthie, précédemment roi de Bohême ; — une descente solennelle dans la vallée d’Aoste, où il reçut l’hommage des seigneurs, tint parlement et accorda de nouveaux privilèges ; — le règlement de nombreux conflits de juridictions et de droits que le régime féodal divisait et enchevêtrait à l’infini, signalèrent les dernières années à peu près paisibles de son régne. Il montra néanmoins aux Flamands, dans la bataille de Cassel (4328), où il combattait avec Philippe VI, que sa valeur n’avait point dégénéré depuis Mons-en-Puelle.

Vers cette époque, il eut à définir l’étendue des droits de justice que l’abbaye d’Hautecombe avait pu transmettre à Viviand Veillet, de Chambéry, en lui cédant le fief de Montagny.

Le monastère avait acquis, sous la prélature de Conrad, comme nous l’avons vu précédemment, le village de Montagny, avec les hommes, les servitudes et les autres droits appartenant au vendeur Jacquemet Chaboud, de Chambéry[13]. Jacques, abbé, pendant le règne d’Édouard, avait cédé à son tour cette terre, comme fief noble, à un nommé Viriand Veillet, habitant de Chambéry, clerc attaché à la Maison du comte de Savoie, et, en même temps, il avait cédé les droits de juridiction, tels qu’il les avait reçus de son vendeur. Mais il paraît que ces droits n’avaient point été définis dans les deux actes de vente successive et que des contestations surgirent ; car Barthélémy Taberne, procureur du comte en Savoie, et Viviand Veillet durent faire appel au juge de Savoie, Jacques Runore. A la suite de ces démarches, qui n’amenèrent point la solution des contestations, Viviand Veillet sollicita plusieurs fois le comte de vouloir lui-même préciser l’étendue de ses droits de juridiction et que justice lui fut rendue. Édouard examine l’affaire avec ses conseillers, consulte les titres, interroge des témoins, s’entoure de tous les éléments propres à découvrir la vérité et déclare, par voie de transaction, que Viviand possédera les droits de juridiction cédés par l’abbaye, c’est-à-dire : le mère et le mixte empire et la juridiction omnimode sur toute l’étendue du territoire de Montagny, dont les limites sont indiquées dans l’acte de cession[14]. Mais Viviand s’engage à remettre au comte les auteurs des délits commis sur le territoire de Montagny lorsque, d’après les preuves ou au moins les vraisemblances établies, l’acte entraînerait la peine du dernier supplice ou la mutilation d’un membre. Toutefois, la somme d’argent qui, d’après la loi ou l’usage, pourrait revenir de ces délits, appartiendra de plein droit audit Viviand.

Cette décision du souverain, obligatoire pour les contractants et pour leurs successeurs, se termine par une formule semblable à celle que nous retrouvons cinq siècles et demi plus tard au bas des sentences de nos tribunaux : « Mandons et ordonnons, par la teneur des présentes, à tous nos juges, baillis, châtelains et autres officiers, de veiller à son exécution.

« Donné et fait à Chambéry, le 13 mai 1327. »

Nous avons là un nouvel exemple de l’enchevêtrement des droits qui couvraient la société au moyen-âge d’un réseau inextricable, ouvraient la porte à des querelles incessantes, obligeaient les possesseurs de terres ou de privilèges à les défendre souvent par la force des armes. Quoi de plus naturel que cette transaction donna lieu à de nouveaux conflits entre le comte de Savoie et le maître du fief de Montagny ! Un officier du comte prétendra qu’un méfait punissable d’un châtiment corporel aura été commis à Montagny. Le seigneur du lieu répondra que cet acte n’entraîne qu’une peine pécuniaire et que, dés lors, le coupable ne doit point être livré à la justice du comte. Ou bien, ce sera le comte qui aura fait infliger au malfaiteur une peine corporelle et le seigneur de Montagny se plaindra qu’aucune amende n’ait été prononcée en sa faveur. De là des démêlés qui, en l’absence de quelque médiateur obligeant, amenaient une prise d’armes, une incursion sur les terres de son ennemi, la dévastation de ses récoltes ou la prise d’un château.

Il ressort, en outre, de cette sentence, une nouvelle preuve que « fief et justice n’ont rien de commun. » Ainsi, l’abbaye possédait tous les droits de juridiction sur le fief de Méry, sur ses terres de Clarafond et autres terres voisines, concédées par Thomas Ier, moins cependant le droit d’y élever des fourches patibulaires. Sur le fief de Montagny, faisant suite à ces possessions, elle n’avait eu qu’un droit de juslire restreint, comme nous venons de le voir ; tandis que sur ses propriétés situées dans les Beauges, elle n’avait point le droit de justice, puisqu’elle s’adressait au juge du comte de Savoie pour punir les auteurs des voies de fait et pour faire définir ses droits, en un mot, tant pour le criminel que pour le civil.

Dans les premiers jours de novembre 1329, Édouard se trouvait dans un de ses manoirs favoris, près de Paris. Cette ville était déjà, à cette époque, la capitale du monde pour les sciences, les lettres et la mode ; nos princes y faisaient de fréquents voyages, avaient des propriétés aux alentours : à Arcueil, à Yvry, à la porte de Saint-Marcel et à Gentilly. Dans cette dernière localité, s’élevait un château qu’Amédée V avait fait agrandir et peindre par des artistes italiens, et où descendait habituellement son fils Édouard. Âgé seulement de 45 ans, ce comte y rendait le dernier soupir, contristé du malheureux succès de ses armes et de la triste situation financière dans laquelle il laissait ses États.

« Quant le roy le sceust, disent les chroniques de Servion, il fust sy mal contans que ce fust merveillies ; sy ly fist fayre son obsequye moult honorablement à Notre-Dame de Paris et puis ses gens lembaucemerent et confirent en espices et puis le mirent en une tombe de plomb bien sauldce et len firent porter à Hauttecombe, ou il fust ensevellis aveques ses pères l’an de grâce mcccxiix. Et pour ce quil morust sans enfans, fust ballie lanel saint Mauris aulx signieurs et barons du pays, lesquelx leurent en garde jusques au renouellement de laultre conte, qui fust son frère, le conte Ame[15]. )>

Son inhumation eut lieu, en effet, le jour de la fête de sainte Cécile (22 novembre) de l’année 1329. Ce récit des chroniques nous montre également l’importance de la possession de l’anneau de saint Maurice, véritable signe de l’investiture des États de Savoie.

Ce prince reçut le nom de Libéral, et il le fut même à l’excès. Chevalier brave et généreux, il n’eut pas toute la prudence que réclame l’exercice de la souveraineté et laissa une succession bien obérée à son frère Aymon. Ses belles qualités ne furent pas assez reconnues et ses bienfaits trop vite oubliés, suivant son appréciation personnelle ; aussi, il prit pour emblème un singe sur un châtaigner, avec cette devise : Pro munere vulnus, voulant témoigner à la postérité, par ces armoiries singulières, qu’il n’avait reçu que des injures pour des bienfaits.

  1. Voir, suprà, p. 147, note 1.
  2. Philippe avait déjà obtenu, par héritage, d’Alexandre de Baugé, la terre de Bourg. Amédée, en épousant la fille unique de Guy, seigneur de Baugé et de la Bresse, incorpora à ses États le reste de la Bresse. — Baugé, aujourd’hui Bagé-le-Châtel, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Bourg (Ain), peuplé de 800 habitants, était autrefois la capitale de la Bresse, jusqu’à ce qu’Amédée V eût transféré le siège du gouvernement de cette province à Bourg, situé à 30 kilomètres sut-est de Bagé.
  3. Cibrario, Storia della Monarchia di Savoia, t. II, p. 329.
  4. Cibrario, Specc. cron., p. 73.
  5. Aujourd’hui, village de 1,800 habitants, dans le département du Nord, à 20 kilomètres sud de Lille.
  6. L’abbé Boissat, Hist. de la Maison de Savoie.
  7. Par son second mariage avec Marie de Brabant. L’empereur avait épousé, vers 1291, Marguerite, sœur aînée de cette princesse ; elles étaient filles de Jean Ier, duc de Brabant, surmommé le Victorieux. (Moreri, Diction. Histor.)
  8. Cibrario, Savoie, t. II.
  9. Les comptes d’Antoine de Clermont attestent qu’il fut dépensé 116 livres viennoises pour acheter 103 moutons. [Archives de la Chambre des Comptes.)
  10. Cibrario, Specc. cron., p. 92.
    Son expédition en Orient, où il aurait ainsi défendu Rhodes contre les Turcs, et aurait ainsi donné origine à l’énigme FERT, est une pure invention des chroniqueurs. Les comptes de sa maison, examinés par M. Cibrario, prouvent que toutes les années de sa vie furent occupées par d’autres événements que la prétendue défense de Rhodes.
  11. Guichenon. — Di San Tommaso, Tavole genealogiche della Real Casa di Savoia.
  12. Specc. cron., p. 94.
  13. Suprà, p. 175.
  14. Voir Documents, n° 14.
    Voici un spécimen du latin macaronique de sa rédaction. Le territoire de Montagny, est-il dit dans le préambule, s’étend ab aqua que descendit de Clusa in marescum subtus Sonnaz, per anticum cursum,….. et protendo in largum a fine feudi quod tenet dominus de Sonnaz usque ad rigolam Petridru. Et protendendo ab ipsa rigola per terraillium quod est inter ipsam rigolam et terras et prata et lescherias hominum de Montaigniaco, etc.
    Ce cours d’eau est le même qui descend aujourd’hui encore de la Cluse y soit gorge de Saint-Saturnin, s’étend dans les marais de Sonnaz et en ressort pour former le Tillet, ruisseau se jetant dans le lac du Bourget, vers l’extrémité nord de la colline de Tresserves.
  15. Mon. Hist. patr., t. III, p. 249.