Histoire de Monsieur le Marquis de Cressy

Histoire de Monsieur le Marquis de Cressy
Tome I
Œuvres complètesFoucault, Libraire.

HISTOIRE
DU MARQUIS
DE CRESSY.




Monsieur le duc de Vendôme ayant glorieusement terminé la guerre d’Espagne, revint à la Cour, suivi d’une brillante jeunesse ; victorieuse sous ses étendarts, elle partageoit avec lui l’honneur de ses triomphes.

Parmi ceux qui s’étoient distingués dans la dernière campagne, le marquis de Cressy, par une attention particulière du Prince qui l’aimoit, avoit eu occasion de montrer ce que peuvent le zèle, le courage et la fermeté dans le cœur d’un Français ; heureux si des qualités si nobles eussent pris leur source dans l’amour de la patrie, et dans cette généreuse émulation naturelle aux belles ames, plutôt que dans un désir ardent de s’avancer, d’effacer les autres, et de parvenir à la plus haute fortune.

Le Marquis entroit dans sa vingt-huitième année, lorsqu’il reparut à la Cour après six ans d’absence. Il étoit maître de lui-même ; assez riche, si ses désirs eussent été modérés ; mais dominé par l’ambition, le bien de ses pères ne pouvoit suffire à l’état qu’il avoit pris ; il songea à le soutenir, même à l’augmenter ; une grande naissance, une figure charmante, mille talens, une humeur complaisante, l’air doux, le cœur faux, beaucoup de finesse dans l’esprit, l’art de cacher ses vices, et de connoître le foible d’autrui, fondoient ses espérances : elles ne furent point déçues. Un tel caractère réussit presque toujours. L’apparence des vertus est bien plus séduisante que les vertus mêmes ; et celui qui feint de les avoir, a bien de l’avantage sur celui qui les possède.

Le marquis de Cressy devint en peu de temps l’admiration des deux sexes. Les hommes recherchèrent son amitié, et les femmes désirèrent sa tendresse ; mais celles qui tentèrent de l’engager, trouvèrent dans son cœur une barrière difficile à forcer. De toutes les passions, l’intérêt est celle qui cède le moins aux attaques du plaisir.

Le Marquis résista long-temps aux douceurs qui lui étoient offertes, même à sa vanité. Le titre envié d’homme à bonne fortune, le toucha bien moins que l’espoir d’une alliance, qu’une conduite sage pouvoit lui procurer. Sans pénétrer ses desseins, on vit son indifférence, et le peu de succès ayant rebuté les femmes qui ne vouloient que plaire, la difficulté anima celles dont l’ame tendre, les désirs timides et réglés par la décence, sembloient dignes de vaincre la résistance d’un homme si capable, en apparence, de rendre heureuse celle qui parviendroit à toucher son cœur.

Madame la comtesse de Raisel et mademoiselle du Bugei, furent de ces dernières. La Comtesse, veuve depuis deux ans d’un mari qu’elle n’aimoit pas, dont l’âge avancé et l’humeur fâcheuse ne lui avoient fait connoître le mariage que par ses dégoûts, sembloit s’être destinée à vivre libre ; elle entroit dans sa vingt-sixième année ; sa taille étoit haute, majestueuse, ses yeux pleins d’esprit et de feu ; une physionomie ouverte annonçoit la noblesse et la candeur de son ame ; la bonté, la douceur et la générosité formoient le fond de son caractère ; incapable de feindre, elle l’étoit aussi de concevoir la plus légère défiance : on lui inspiroit difficilement de l’amitié, mais quand elle aimoit, elle aimoit si bien qu’il falloit mériter sa haine pour la ramener à l’indifférence. Une naissance illustre, une fortune immense, étoient les moindres avantages qu’une femme telle que madame de Raisel pût offrir à l’heureux époux qu’elle daigneroit choisir.

Adélaïde du Bugei n’avoit guère plus de seize ans ; tout ce que la jeunesse peut donner de fraîcheur et d’agrément, étoit répandu dans ses traits et sur toute sa personne ; à un esprit naturellement vif et perçant, elle joignoit ce charme inexprimable que donnent l’innocence et l’ingénuité. Elle n’avoit plus de mère. M. du Bugei venoit de la retirer de l’abbaye de Chelles dans le dessein de la marier. La fortune d’Adélaïde n’étoit pas considérable, la plus grande partie de celle de son père consistoit en bienfaits du Roi. Mais l’ancienneté de sa maison, les services de ses aïeux, son mérite et sa beauté, lui promettoient un sort bien différent de celui dont l’intérêt et l’amour la rendirent la triste victime.

Telles étoient les deux personnes dont M. de Cressy fit naître les premiers sentimens. Elles étoient alliées, et l’amitié les unissoit ; mais la différence de leur âge n’admettoit point entre elles cette intimité qui bannit toute réserve. La Comtesse gardoit son secret par prudence, et mademoiselle du Bugei ignoroit qu’elle en eût un à confier.

M. de Cressy se trouvoit plus souvent avec Adélaïde, qu’avec la Comtesse. Il alloit presque tous les jours dans une maison où elle étoit familière. Il s’aperçut du désordre où la jetoit sa présence, et connut le penchant de son cœur. Il sentoit un plaisir secret en observant l’impression qu’il faisoit sur ce cœur simple et vrai ; mais comme il étoit fort éloigné de borner son ambition à la fortune qu’elle pouvoit lui apporter, il rejeta d’abord toute idée de profiter des dispositions d’Adélaïde : mais le temps, la vanité, le désir, l’amour peut-être, détruisirent cette sage résolution, et lui présentèrent un moyen d’entretenir le goût que mademoiselle du Bugei lui laissoit voir, sans rien changer au plan déjà formé pour son élévation.

Ainsi, cachant à tous les yeux les nouveaux sentimens dont il étoit occupé, il affecta de ne lui marquer aucun égard qui pût les dévoiler, et s’attacha à lui rendre des soins dont elle seule pût s’apercevoir. Cette conduite adroite fit l’effet qu’il en avoit attendu : Adélaïde se crut aimée ; son cœur, prévenu par une forte inclination, s’enflamma peu à peu, et sa passion devint si puissante sur son ame, que l’ingratitude et la perfidie du Marquis ne purent dans la suite ni l’éteindre, ni la lui rendre moins chère.

Madame de Gersai, chez laquelle Adélaïde et le Marquis se rencontroient si souvent, étoit sœur du Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/15 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/16 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/17 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/18 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/19 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/20 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/21 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/22 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/23 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/24 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/25 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/26 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/27 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/28 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/29 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/30 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/31 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/32 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/33 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/34 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/35 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/36 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/37 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/38 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/39 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/40 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/41 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/42 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/43 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/44 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/45 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/46 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/47 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/48 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/49 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/50 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/51 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/52 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/53 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/54 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/55 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/56 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/57 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/58 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/59 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/60 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/61 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/62 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/63 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/64 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/65 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/66 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/67 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/68 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/69 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/70 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/71 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/72 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/73 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/74 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/75 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/76 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/77 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/78 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/79 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/80 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/81 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/82 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/83 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/84 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/85 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/86 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/87 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/88 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/89 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/90 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/91 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/92 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/93 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/94 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/95 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/96 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/97 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/98 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/99 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/100 Page:Riccoboni - Œuvres complètes, Tome 1, 1818.djvu/101 retourna dans sa retraite pleurer une amie qu’elle regretta toujours, et des fautes qu’elle ne put se pardonner.

M. de Cressy ne put se consoler ; Adélaïde sacrifiée pour lui, madame de Raisel morte dans ses bras, formèrent un tableau qui, se représentant sans cesse à son idée, empoisonna le reste de ses jours.

Il fut grand, il fut distingué ; il obtint tous les titres, tous les honneurs qu’il avoit désirés ; il fut riche, il fut élevé : mais il ne fut point heureux.

FIN DE L’HISTOIRE DU MARQUIS DE CRESSY.