Histoire de Miss Clarisse Harlove/Lettre 270

Traduction par Abbé Prévost.
Boulé (IIp. 379-380).


M Lovelace, à Miss Clarisse Harlove.

au château de M, mercredi, à une heure du matin. Pas une ligne, ma très-chère vie, pas un mot de réponse à mes trois lettres ! Il reste si peu de tems que celle-ci est absolument la dernière que vous puissiez recevoir avant l’heure importante qui doit nous unir par des nœuds légitimes. M Belford appréhende que ses propres affaires ne lui laissent pas la liberté de vous voir assez tôt. Je regrette d’autant moins ce contre-tems, que je me suis assuré d’une autre personne dont j’espère que la visite vous sera plus agréable. C’est le capitaine Tomlinson, à qui j’avais écrit dans cette vue, avant que d’avoir reçu la réponse de M Belford. Je souhaitais particulièrement de l’engager à vous voir aujourd’hui, comme un prélude naturel de l’office qu’il doit exercer demain. Cette espérance l’obligeant de se rendre ce soir à Londres, je l’ai informé des termes où j’ai le malheur d’être avec vous ; et je l’ai supplié de me faire connaître, dans cette occasion que j’ai autant de part que votre oncle à son amitié, puisque le traité doit être rompu, s’il ne peut rien obtenir de vous en ma faveur. Il me renverra aussitôt le messager, au-devant duquel j’irai jusqu’à Slough , pour continuer ma route vers Londres avec des transports de joie ou pour retourner au château de M dans une mortelle tristesse. Je ne devrais pas, s’il m’était possible, anticiper sur le plaisir que M Tomlinson s’est réservé, de vous apprendre que, suivant toutes les apparences, votre mère entreprend de seconder les vues de votre oncle. Il lui a communiqué ses louables intentions. Elle l’en a remerciée avec un torrent de larmes ; et ses résolutions, comme celles de M Jules, dépendent du succès de demain. Ne trompez pas, je vous en conjure, pour l’intérêt de cent personnes, comme pour le mien, l’attente de ce cher oncle, de cette chère mère, dont je vous ai tant de fois entendu regretter l’affection. Il peut vous paraître difficile que j’arrive à Londres pour l’heure canonique. Mais si toute la vitesse de ma course ne répondait pas à mes désirs, la cérémonie pourrait être célébrée, avant la nuit, dans votre propre appartement ; et Monsieur Tomlinson n’assurerait pas votre oncle avec moins de vérité, que toutes ses intentions ont été remplies. Dites seulement au capitaine que vous ne me défendez pas de me jeter à vos pieds : c’est assez pour y conduire à l’instant, sur les ailes de l’amour, votre, etc. Lovelace.