Histoire de Jonvelle/Le Joyant


LE JOYANT


La famille le Joyant, de la plus ancienne noblesse du Maine, ainsi qu’un arrêt du conseil d’État l’a reconnu (30 décembre 1718), fait remonter la connaissance de ses aïeux jusqu’en 1280. A cette date, Jean Ier le Joyant était seigneur de la Joyantière et de la Ferrière, près du Mans. Au seizième siècle, Jean V le Joyant, seigneur de la Croix et de la Vacherie, prit, avec ses parents, une grande part dans la ligue des princes de la sainte Union catholique. Il était échevin du Mans, dont le duc de Guise avait fait un de ses plus grands centres d’opérations. Antoine, son second fils, capitaine d’une compagnie dans l’armée de la Ligue, entra probablement en Franche-Comté avec le prince de Lorraine, en 1587. Il trouva plusieurs Joyant ou Joyandet de sa parenté, fixés à Lavoncourt depuis longtemps, sans doute amenés en ce lieu dans le quatorzième siècle, à la suite des Grandes Compagnies. Antoine le Joyant s’établit auprès d’eux. Il était déjà marié en 1593 ; son épouse, nommée Barbe, parait avoir été de la famille des Richardot, de Morey ; du moins nous voyons François Richardot tenir à Lavoncourt, vers cette époque (1604-1614), un arrière-fief avec castel, qui passa de ses mains, sans doute par héritage, à celles d’Antoine le Joyant. Sur la fin du seizième siècle, la seigneurie de Lavoncourt, jadis à la maison de Rye, était advenue à Charles de Lorraine-Lillebonne, par son mariage avec Marguerite, fille de Léonor Chabot-Charny et de Françoise de Rye. Ce prince, l’un des chefs de la Ligue, fut enchanté d’avoir sur ses terres un gentilhomme tel que le Joyant, dont il connaissait la bravoure et la couleur politique. Celui-ci demeura fidèle aux principes de son suzerain comme au drapeau de sa nouvelle patrie. La tradition locale, qui l’appelle le commandant Joyant, nous dit que le roi d’Espagne le décora de la Clef d’or. Nous avons raconté son héroïque défense et son glorieux trépas, en juin 1637[1].

Pierre, son petit-fils, alors âgé de vingt ans, échappé presque seul au massacre de sa famille, se réfugia au village désert de Bougey, où il acquit un fief servant du château, entièrement exempt de dîmes, tailles et mainmorte. Ce domaine avait, au milieu du village, une maison forte à deux tourelles[2], isolée des autres habitations, jadis ruinée dans l’invasion de Wolfgang, puis relevée en 1589 par le tenancier du fief, Nicolas Charreton, tabellion de l’abbaye de Cherlieu. Nous croyons que la fille de celui-ci épousa le Joyant et lui transmit ainsi son héritage. Pierre II, leur petit-fils, restaura de nouveau le castel (1690), que les Français avaient brûlé de nouveau en 1644. La famille le Joyant devint la première de Bougey, après les châtelains. Sur les registres de la paroisse, ses membres principaux sont appelés, comme eux, dominus, domina, domicella, et ils avaient leur sépulture dans l’église.

Pierre II le Joyant, qui vécut prés d’un siècle (1656-1753), possédait à Bougey cinquante fauchées de pré, des vignes, des bois et deux cent quarante quartes de terre par pie. Il avait aussi la ferme des gabelles, sur la frontière du Bassigny, depuis le Fayl-Billot jusqu’à Jussey. Sa bienfaisance était si grande, que le souvenir en est resté dans une tradition populaire : une dame blanche, disait-on, conduisait chez lui les voyageurs égarés pendant la nuit, et ils y recevaient la plus généreuse hospitalité. Son fils Pierre-Antoine, et son petit-fils Claude-Antoine, docteurs en médecine, laissèrent les mêmes souvenirs de bienfaisance, l’un à Jussey et l’autre à Fresne-sur-Appance, où ils s’étaient fixés. Le premier, d’abord officier dans le régiment de Maistre-de-camp (dragons), fut pensionné par Louis XVI, sur la requête des quatre provinces de Champagne, Lorraine, Bourgogne et Franche-Comté. Sa haute réputation en médecine et des services rendus partout lui avaient mérité cette honorable intervention. Il fut inhumé dans l’église des capucins de Jussey, puis transféré dans le cimetière de Bougey (1782), et sur sa tombe on lit cet éloge : « Mort trop tôt pour sa famille et pour l’humanité. » Dom Romuald, prieur de Faverney, était son frère. Catherine, sa sœur, avait épousé Jean-François de Mandre, d’{{noir|__PAGESEPARATOR__Amance}} (1720), qui remplaça les le Joyant à Bougey.

Les armes de cette famille sont d’azur à la croix d’or alaisée et potencée, avec cette devise : Gaudens exultabo in Deo. Depuis son établissement en Franche-Comté, ses principales alliances ont été Richardot, Charreton, du Bois, de Mandre, Crapelet, seigneurs de Fresne-sur-Apance et des deux Coiffy, de Vaxoncourt (Lorraine), de Montmorency-Laval, Masson, de Vallois et de Morainville (Normandie), de Widranges et de Mahuet (Lorraine), etc.

Aujourd’hui, les représentants de la maison le Joyant, en Franche-Comté, sont M. Antoine-Nicolas le Joyant, chevalier, lieutenant-colonel d’artillerie, chevalier de Saint-Louis, officier de la Légion d’honneur, retiré à Gray, et ses fils, MM. Louis-Marie-Félix, sous-inspecteur des douanes à Binic (Côtes-du-Nord), et Henri-Charles-Jean-Baptiste, sous-inspecteur des lignes télégraphiques à Lons-le-Saunier.

  1. Page 281
  2. Aujourd’hui la maison Favret