Histoire de Jonvelle/Églises de Jonvelle


ÉGLISES DE JONVELLE


SAINT-PIERRE. Cette église, autrefois dédiée au prince des Apôtres, est maintenant consacrée à l’Assomption. Les différents styles d’architecture qu’elle présente, indiquent autant de reconstructions et d’additions successives. Le sanctuaire, dont le plan est rectangulaire, re-monte au commencement du quatorzième siècle. Une lourde ogive formant arc-doubleau partage la voûte en deux travées, ornées de nervures diagonales. C’est un essai de transition vers cette forme nouvelle qui allait apporter tant de charme et d’élégance dans les constructions religieuses ; et pourtant cet appareil large et carré de la voussure rappelle encore les robustes échines du plein-cintre de l’époque antérieure. Du reste, les parements latéraux et les pilastres à triples colonnes qui portent les retombées des nervures, semblent fléchir sous le poids et présentent un écartement considérable, qui est un effet voulu, sans autre soutien que de simples contreforts. Ce qui fait croire que cette partie, la plus ancienne de l’édifice, appartient à cette date, c’est qu’en même temps que l’ensemble affecte un certain air, de pesanteur, comme les ouvrages de cette époque, d’un autre côté les colonnes annelées et leurs chapiteaux maniérés témoignent déjà d’une certaine recherche dans l’ornementation, qui est étrangère à l’architecture romane.

A l’extérieur du chœur, une corniche très simple, appuyée sur des consoles, se retourne en bandeaux sous la partie triangulaire du pignon. Une fenêtre ogivale surbaissée, mesurant 4m55 de hauteur sur 3m78 de largeur, a été pratiquée en plein dans le mur de l’abside. Elle est divisée en cinq panneaux, avec couronnement et tympans trilobés, de style flamboyant. Murée après la ruine des anciennes verrières, elle a été ouverte de nouveau, dans une pensée de restauration intelligente, que l’on étendra sans doute à toute l’église, si l’on tient à lui rendre son ancienne splendeur.

La distribution intérieure est à trois nefs. Les larges piles qui servent d’appuis à la division des travées, font penser que le plafond moderne de la nef principale n’est que du provisoire, en attendant le rétablissement des choses dans leur ancien état. Le bas-côté gauche accuse, en plusieurs endroits, l’œuvre de la renaissance, par ses baies rondes, cloisonnées et rayonnées. L’extrémité de la nef est éclairée par une fenêtre latérale du quinzième siècle. On voit encore dans ses meneaux supérieurs quelques débris de vitrail, dont l’élégance et la richesse font regretter la destruction des anciennes verrières. La chapelle placée sous la tour a des soubassements sculptés en arcatures, plus anciens que les parties supérieures. Elle est éclairée par une fenêtre trilobée et fermée par une claire-voie de pierre, en style du seizième siècle, avec des colonnettes légères, une frise découpée en rinceaux ajourés et une corniche à denticules sur le larmier. La voûte à nervures repose sur des consoles en écussons non armoriés.

En avant de l’édifice, est un porche récemment restauré, qui compose une sorte de dé saillant, carré, à nervures et supporté par deux colonnes rondes, sans chapiteaux. La tour du beffroi, disposée à gauche de la façade, est couronnée par une flèche recouverte en bardeaux, et rappelle par sa forme le clocher de la ville de Gray.

A l’intérieur, sont appendues plusieurs peintures assez remarquables ; mais les plus intéressantes sont deux tableaux votifs de forme allongée et peints sur bois. Le premier représente un seigneur dans le costume du seizième siècle, vêtu de noir, avec la fraise et les moustaches, ayant les mains jointes et agenouillé devant un saint religieux. Un enfant, sans doute son fils, se tient à ses côtés, dans la même attitude. Au bas du tableau, sur la couverture d’un livre, est couché un écu d’azur, au chevron d’argent et cantonné de trois roues d’or, disposées deux en tête et une en pointe, entre les branches du chevron. Dans le sujet de vis-à-vis, figure une dame aussi agenouillée, entre ses deux jeunes filles, avec le costume de la même époque, de couleur sombre. A ses pieds, se trouve pareillement un livre armorié d’un écu losange et coupé mi-parti à dextre d’azur, au chevron d’argent cantonné de trois roues d’or ; à sénestre, d’azur, en chef au soleil d’or, coupé d’or, au bouquet composé de trois fleurs à six pétales de gueules, au bouton d’or, avec feuilles pointues de sinople, rattachées aux branchages de même. Ces peintures sont évidemment des portraits qui rappellent le souvenir de quelque famille seigneuriale ou du moins influente du pays[1].

L’église Saint-Pierre était en même temps prieurale et paroissiale. Plus tard, le maître-autel fut exclusivement réservé pour les offices du prieuré, et le service paroissial se fit hors du chœur, à un autel latéral, érigé sous le vocable de l’Assomption. Cependant les fidèles continuèrent pendant longtemps encore à honorer saint Pierre comme leur ancien et premier patron.

Le prieur[2], curé primitif de la paroisse, nommait un vicaire perpétuel pour remplir les fonctions pastorales, moyennant une pension congrue, qui a varié selon les temps et les besoins. Celui-ci était secondé dans son ministère par une communauté de prêtres familiers, tous originaires de Jonvelle et baptisés dans son église. Mais leur insubordination envers le doyen ayant détruit plusieurs fois l’harmonie nécessaire au bien spirituel des paroissiens, Ferdinand de Rye, archevêque de Besançon, dont le zèle et la vigilance s’étendaient à tous les détails de l’administration, les remplaça par des chapelains, qu’il soumit à des règlements plus sévères (34 août 1607). Cette utile réforme portait les plus heureux fruits, quand les désastres de la guerre vinrent détruire l’institution et les revenus dont elle était dotée (1636). Plus tard, la familiarité fut rétablie : ses revenus étaient de 4,300 livres en 1765. Le village de Grignoncourt, qui dépendait moitié de Jonvelle et moitié de Châtillon, était desservi par les curés de ces deux paroisses : ils alternaient chaque semaine et se partageaient les droits du bénéfice. Le prieur de Saint-Pierre avait aussi une dîme à Villars-le-Pautel, ainsi que les curés du faubourg Sainte-Croix et de Bourbévelle. Cette dîme était pour des prières à célébrer en faveur du roi[3].

Sept ou huit chapelles rayonnaient autour de l’édifice sacré, comme une glorieuse couronne. C’est là que chaque confrérie ou corporation avait son autel, dédié au saint patron qu’elle avait choisi pour modèle sur la terre et pour protecteur dans le ciel. Nommons d’abord la chapelle Saint-Georges, fondée en 1676 par Catherine Ponsot, qui en céda le patronage à Claude Jeannerot, curé du lieu. Chacun sait combien la dévotion envers cet illustre martyr était populaire dans notre pays, surtout parmi les nobles. Un grand nombre de paroisses et de châteaux, comme Jonvelle, Jussey, Châtillon, Gevigney, Raincourt, etc., avaient leur chapelle de Saint-Georges. La confrérie de ce nom, instituée en son honneur, dès l’an 1300, et rétablie après les guerres, en 1388, par Philibert de Molans, comptait parmi ses membres les premiers seigneurs de la contrée. Philippe de Jonvelle, Philibert de Bauffremont, son gendre, Guy de Cicon, seigneur de Gevigney et Demangevelle, Henri de Raincourt, Vaucher de Chauvirey, Erard du Châtelet-Chauvirey, étaient chevaliers de Saint-Georges de la première création. Ensuite on vit s’enrôler sous la sainte bannière les d’Andelot, seigneurs de Jonvelle, les sires de Demangevelle, de Richecourt, de Gevigney, de Jussey, de Raincourt, de Chauvirey, de Cemboing, de Lambrey, etc.[4]. Toujours prêts à se montrer les vaillants défenseurs de la religion et de la patrie, les confrères tenaient ordinairement leurs assemblées à Rougemont. Grâce à l’esprit de conciliation et de charité qui animait l’association, bien souvent, son intervention pacifia les familles, en arrêtant les procès, comme on le vit à Gevigney, en 1574[5].

La chapelle Saint-Nicolas fut fondée en 1534, par Antoine Daulay, prêtre, qui en transmit le patronage à la famille Gradoz, de Charriez. La chapelle Sainte-Catherine fut érigée par les PP. Carmes, selon les intentions pieuses de Claude Jeannerot, dont ils furent les héritiers (1743). La chapelle de l’Immaculée Conception et de Saint-Michel est de 1599 ; celle de Saint-Jean-Baptiste, de 1557. Celle du Saint Rosaire fut fondée par Jean Mougin en 1635, et celle de Saint-Simon en 1620, par Jean Bresson et son épouse, Jeanne Bresson. Les jésuites de Dole, en leur qualité de prieurs de Jonvelle, permirent à ces deux honorables époux d’ériger cette chapelle, destinée à leur usage, mais sous la condition de la fermer par une balustrade, d’y faire un caveau pour les sépultures et de doter un chapelain, dont la présentation fut dévolue à la famille. Les religieux du prieuré pouvaient y célébrer la messe et y confesser, et ils avaient le droit de patronage à défaut des présentateurs. Cette chapelle, qui sert aujourd’hui de sacristie, est remarquable par ses deux fenêtres ogivales, par sa voûte en arcatures rayonnantes, et par un écusson orné d’enroulements et de volutes, sur lequel sont gravées les inscriptions suivantes :

« Urbis Jovellanœ honorabilis simul ac antiquus civis consulumque sive scabinorum primus atque electus Johannes Bresson, unà cum carissimâ conjuge domina Nicolâ Bresson, sacellum hoc instruxit donavitque. Cujus conferendi jus ac dominium tàm proedictis fundatoribus quàm eorumdem posteris masculis, rectâ aut transversâ stirpium série oriundis RR. PP. Dolani collegii, societatis Jesu, pro sua prioris Jonvellani potestate, concesserunt.

ANAGRAMMA.

JOANNES BRESSONIUS : In Jesu sorbes annos.

EPIGRAMMA.

Mors, aperi fauces ; annos tu dummodò nostros

In Jesu sorbes, mortuus haud perii.

Obiit anno 1628.  »

Après Jean Bresson, les principaux membres de sa famille qui exercèrent le droit de présentation à la chapelle Saint-Simon, furent : N. Bresson, fils du précédent, commissaire général des vivres et munitions de guerre, en 1636 ; Antoine-Joseph de Bresson, seigneur de Dombasle (1707-1733), et Louis-Joseph de Bresson, écuyer, seigneur d’Ameuvelle (1760).

Comme la chapelle de Saint-Simon, celles des fonts baptismaux et de Saint-François-Xavier avaient leur caveau funèbre. A côté de celle-ci est incrustée une pierre tumulaire qui porte l’inscription suivante :

« Gist en cette chapelle le corps de fut Mre Antoine Rousselet, à son vivant procureur pour Sa Majesté Catholique, en la terre et seigneurie de Jonvelle, qui mourut le 21 juin 1597. Dieu mette son âme à repos.  »

Antoine Rousselet, né à Port-sur-Saône, procureur et bailli en la seigneurie de Jonvelle, s’appliquait à l’étude des antiquités ; c’est lui qui composa la généalogie des ducs de Lorraine, que D. Calmet cite dans son histoire[6].


SAINTE-CROIX. Le faubourg de Jonvelle, si vaste et si peuplé avant les guerres, avait aussi son église paroissiale, érigée sous le titre de Sainte-Croix, qui lui donna son nom. Voisin du château, cet édifice en partagea souvent les malheureuses destinées et fut détruit sans retour dans l’invasion de Tremblecourt. Le dernier curé de cette église fut Jean Dubois. La paroisse fut réunie à celle de Saint-Pierre de la ville, par ordonnance de Jean Doroz, de Poligny, évêque de Nicopolis, vicaire général et suffragant de Ferdinand de Rye. Ce décret d’union, rendu le 28 février 1598, après l’autorisation du recteur de Dole, patron de Sainte-Croix, réserve qu’on érigera, sur l’emplacement de l’ancienne église, un oratoire où les prêtres familiers de la paroisse Saint-Pierre célébreront une messe basse, aux jours de dimanches et de fêtes, et les offices solennels, aux fêtes de l’Invention et de l’Exaltation de la Sainte-Croix.

  1. La roue se trouve dans les armes de la maison de la Trémouille qui a donné des seigneurs à Jonvelle
  2. Parmi les prieurs de Jonvelle, on peut citer Antoine Marinier (1520) Pierre d’Andelot (1550) et Claude d’Andelot (1581).
  3. V, page 354
  4. Jean d’Andelot fut reçu chevalier de Saint-Georges en 1491, et son fils, Jean d’Andelot, en 1516 au château de Demangevelle, la confrérie compta Guy de Vy (1437), Guillaume de Cicon (1464), Nicolas du Châlelet (1545) ; à Richecourt, François, Jean et Claude de Cicon (1515, 1531 et 1569) ; à Gevigney, Jean de Vy (1432), Guillaume, Jean, Thiébaud. François de Gevigney (1461, 1497 et 1541), et Henri de Vy (1562) ; à Chauvirey, Guillaume, Léonard et Philibert de Chauvirey (1440, 1504, et 1510), et Claude d’Haraucourt (1511) ; à Cemboing, Marc, Christophe et Balthazar de Cult (vers 1560) ; à Raincourt, tous les seigneurs, depuis Vaubert (1539) jusqu’à Charles-Ignace (1773). Quelques femmes furent aussi acceptées dans l’association, telle que Jeanne de Chauvirey, épouse d’Henri d’Accolans (1413).
  5. V. la notice sur Richecourt
  6. D. PAYEN, Bibliothèque séquanaise