Histoire de Jacques Bonhomme/Le Joug/Le Râtelier

Armand Le Chevalier (p. 137-155).


LE RATELIER


Chaque année Napoléon III fait savoir à ses députés de quelle somme il a besoin pour gouverner la France l’année suivante. Cependant il daigne leur en expliquer l’emploi. Cela s’appelle le budget des dépenses.


LA DETTE


En tête figure le service de la dette publique. La dette publique c’est comme qui dirait la carte à payer des gouvernements passés et des emprunts contractés par Napoléon III.

Lorsque 93 eut balayé la monarchie, la Révolution consentit à payer les dettes de l’ancien régime. Mais l’État se trouvant débiteur sous les formes les plus diverses, on ne savait trop comment se reconnaître dans ce chaos de titres de toute nature, quand un membre de la Convention eut un de ces traits de génie si fréquents dans cette grande assemblée. Toutes ces créances furent transportées sur un livre unique, qui prit le titre de Grand-Livre de la dette publique. L’État s’engagea à servir indéfiniment le revenu des sommes inscrites, sans jamais être tenu au remboursement du capital. On détacha de la souche un titre remis à l’inscrit, et ce titre fut négociable. Le premier Empire nous valut 142 millions d’inscriptions de rentes. Au 2 décembre 1851, la dette inscrite de la France était de 230 millions 700 mille francs. Elle est aujourd’hui de 375 millions. Napoléon III a donc, depuis dix-huit ans, grevé la France de 135 millions de rente perpétuelle !


Mais ce n’est pas tout ; il y a la dette viagère ; 88 millions ; la liste civile de l’Empereur et les dotations de ses grands seigneurs : 49 millions ; des capitaux remboursables a divers titres. J’abrége, — ce chapitre exige à peu près 600 millions de rente annuelle.


Avant de songer à tes petites affaires, commence donc, ami Jacques, par payer ces 600 millions de rente, sans retirer de cette grosse dépense le moindre profit direct.


MINISTÈRE DE LA MAISON DE L’EMPEREUR


Une misère, 20 millions. Avant de songer à toi, continue, Bonhomme, à contribuer pour 20 millions à l’éclat de Napoléon III.


LA GUERRE


380 millions ou à peu près. Pouvons-nous mettre ce sacrifice au rang des dépenses productives ? En quinze années, l’Empire a dépensé sept milliards et demi pour l’armée Qu’a produit tant d’argent ? Un peu de sécurité ? Non, puisqu’on a augmenté le service militaire de deux ans et demi. Un peu de gloire ? — Ah ! oui ; parlons du Mexique et de l’expédition romaine. Veux-tu, Jacques, te rendre compte par un exemple de l’utilité et du prix des dépenses guerrières ? Depuis 1825, les cinquante-six régiments de cavalerie employés en France ont coûté au moins 70 millions par an,
soit en 53 ans 3 milliards 700 millions

Intérêts de cette somme
pendant 27 ans 4 milliards 900 millions

Total. 8 milliards 600 millions
...


Or, depuis 1815, la cavalerie (j’excepte l’Afrique) n’a fait que trois charges :

Une charge à Balaclava (Crimée), un escadron ;

Une charge à Eupatoria (Crimée), deux régiments ;

Une charge à Solferino (Italie), deux régiments.

Chaque charge de cavalerie a donc coûté plus de deux milliards et demi. Rien que la dépense de la cavalerie, depuis 1825, représente les trois quarts de la dette inscrite. Avec ces milliards, on aurait pu bâtir trois millions cinq cent mille maisons ouvrières, pareilles a celle de Mulhouse ; on aurait pu défricher toute l’Afrique, émanciper tous les travailleurs de France…

Nous disons donc : l’armée 380 millions. Et la marine ? 184 environ ; ensemble, 564 millions.

Mais il faut payer les receveurs, les percepteurs, les employés ; mais il y a des non-valeurs, des primes, etc., que sais-je ? en tout cas, cela mange bien 315 millions par an, au bas mot.

Ainsi donc, voilà plus de 1,500 millions que chaque année Jacques Bonhomme débourse pour la dette, l’armée, les dotations, les frais de recouvrement de l’impôt, etc., c’est-à-dire pour des dépenses ou stériles ou excessives, et qui, dans tous les cas, n’améliorent ni son présent ni son avenir.


MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR


La bouteille à l’encre. 230 millions, et..... plus. L’administration, les préfets, sous-préfets et autres employés, les prisons, la police, les mouchards, les subventions électorales, les services départementaux. Il a rudement besoin d’être purgé, cet intérieur.


AFFAIRES ÉTRANGÈRES


Quelques 14 millions. Napoléon III ne tient pas à terrifier l’Europe, et il y réussit ; mais, en revanche, il exige que les ambassadeurs et leurs attachés paient de mine à l’étranger. Quatre millions sont affectés à leur équipement.


CULTES


87 millions aux curés. Quarante-sept mille prêtres environ, soumis à leurs curés, soumis à leurs évêques, soumis au pape. Une nation dans la nation. Tout ce monde, cependant, dépend par le picotin de Napoléon III, qui lui abandonne en outre la jouissance des églises, chapelles, presbytères, dont la rente représente bien quelques dizaines de millions. Au village, le curé est le maître véritable, par la femme, dont il surveille la conscience, par l’enfant, dont il dirige l’éducation, par la chaire, qu’il transforme en tribune politique. Les frères ignorantins, les jésuites, les congrégations religieuses, plus nombreuses et plus riches qu’avant 89, complètent l’action du clergé, et reçoivent du gouvernement de Napoléon III une protection égale. Pour eux la liberté de réunion, la liberté d’association existe entière. À l’abri de leurs écoles, de leurs couvents, ils défient l’intervention de la justice et peuvent se livrer aux plus abominables pratiques, détournements d’enfants, sévices, mauvais traitements, débauche. À peine parvient-on à découvrir un attentat sur cent. Pour eux, Napoléon III maintient l’occupation romaine ; ils doivent, en retour, mettre leur influence au service de Napoléon III. Le clergé et les corporations religieuses sont dans les élections les plus habiles et les plus féconds artisans de mensonge.


JUSTICE


33 millions que se partagent les présidents, les juges, les conseillers, les procureurs impériaux, les greffiers, etc., tous nommés par l’Empereur. Les uns jugent, les autres poursuivent — chasseurs et cuisiniers. — Le gibier, c’est toi, Jacques Bonhomme, et voici comme on t’accommode.

Dans les affaires civiles qui dépassent la compétence du juge de paix, tu es jugé par trois ou sept juges, selon que ton affaire est en instance ou en appel. Ces messieurs décident sur tout : droit, beaux-arts, commerce, philosophie, sciences, etc., etc. Les plus puissants génies frémiraient à l’idée de prononcer sur des intérêts aussi divers, mais ces braves gens les expédient sans sourciller, jugeant le fait, jugeant le droit, les trois quarts du temps sans chercher à rien y comprendre.

En matière correctionnelle ou criminelle, le procureur impérial t’arrête quand il lui plaît, te passe au juge d’instruction, lequel, moyennant une petite formalité, peut te retenir à sa fantaisie six mois, un an s’il le veut, sans se donner la peine de t’interroger. Traduit devant le juge d’instruction, tous les moyens lui sont bons pour t’arracher un aveu. Sur-le-champ, sans prévoir l’importance de sa réponse, l’inculpé doit satisfaire aux questions de son inquisiteur. Beaucoup sont ignorants, comprennent mal, se troublent. Le juge dicte pour eux leur déposition, et que ne leur fait-il pas dire ? Si la persuasion, l’intimidation, la menace échouent, en avant la torture. Oui, la torture, Jacques Bonhomme, le secret est-il autre chose ? Enfermé dans une cellule, sans air, sans jour, privé de toute communication, le prisonnier est abandonné aux terreurs, aux angoisses physiques et morales de l’isolement. Mme Doise est accusée d’avoir assassiné son père, elle proteste indignée. On la met au secret, enceinte. Le matin, le gardien enlevait sa paillasse ; le parquet, les murs suintaient une humidité glaciale. Quelques semaines passées dans ce tombeau épuisent les forces et l’énergie de la malheureuse ; la fièvre peuple son cachot de fantômes, la folie venant, Mme Doise céde. Elle avoue son crime, demande en grâce l’échafaud. À la cour d’assises, elle renouvelle ses aveux : oui, elle a tué son père ; elle précise, accumule les détails avec une sorte de rage. À une voix de majorité seulement le jury accorde des circonstances atténuantes ; elle est condamnée aux travaux forcés a perpétuité.

Deux mois après le véritable assassin est arrêté, fait des aveux complets. On revise le procès, l’innocence de Mme Doise apparaît éclatante. On lui demande/par quelle folie elle a pu s’accuser d’un crime qu’elle n’avait pas commis : « Pour sortir du secret, » répondit-elle.

Le juge d’instruction transmet l’accusé au tribunal. En cour d’assises c’est le jury, c’est-à-dire des citoyens qui prononcent, et bien que la liste des jurés soit épurée par l’administration, il peut y avoir quelquefois dans leur jugement quelque apparence d’impartialité ; mais en matière correctionnelle, tout est abandonné à trois juges. Pour peu qu’il s’agisse de politique, tu sens bien, Jacques, que ces messieurs ne donnent pas tort au gouvernement qui les nomme et dispose de leur avancement. Dans les questions ordinaires, ils sont dominés par leurs passions, leurs habitudes, leur éducation. Pressés, ils apprécient à la hâte. J’ai vu dans une audience de deux heures répartir quarante-huit mois de prison entre douze prévenus de délits différents. — Vagabondage, un mois. — Et pourquoi, M. le juge, me punissez-vous de n’avoir pas d’asile ? — Vol, six mois, huit mois, un an. — Quoi ! après cinq minutes de délibération ! mais considérez dans quelles circonstances — C’est bien, qu’on les emmène.

Et que répondraient ces bourgeois à moitié endormis sur leur siége, gros, gras et dodus, venus au monde la cuillère d’argent à la bouche, comme disent les Anglais, si quelqu’un de ces malheureux leur disait : « Vous pensez à moi aujourd’hui, messieurs les juges, et c’est pour me frapper, mais où étiez-vous pendant mon enfance livrée à la misère et aux mauvais enseignements ? Où étiez-vous aux jours de chômage, aux jours de maladie, aux heures terribles ou la vue des coquins triomphants, gonflait de passions ma poitrine ? Où étiez-vous quand, près du gouffre, un mot de pitié, un regard bienveillant, une main tendue, eussent suffi pour me retenir ? J’ai, dites-vous, une dette à la société, que m’a-t-elle donc donné ? »

Le tribunal répondrait certainement par le maximum de la peine.

Et tous ces condamnés sont enfermés pêle-mêle dans les mêmes prisons, jeunes et vieux, novices et endurcis, voleurs pour un pain et voleurs de millions. Je me trompe, ces derniers qui sont riches, capitonnent leurs cellules et se procurent toutes sortes d’agréments.

Mais, si les procureurs impériaux, si les juges d’instruction se trompent, si les tribunaux acquittent, la justice accorde-t-elle au moins une indemnité à l’innocent injustement poursuivi ? Non, Jacques. Eh quoi la honte de l’arrestation, les tortures de la prison, l’audience publique, la ruine peut-être, si, commerçant, j’ai été éloigné de mes affaires, ma femme, mon enfant séparés de moi, tout cela ne demande pas une réparation ? Non, mon ami, trop heureux de te retirer, les cheveux blanchis par tant d’angoisses, des griffes de nos magistrats.

Vois-tu, Jacques, ces gens-là, ce sont les maîtres de la France. Ils ne touchent crois-tu, que trente-trois millions de nos écus, mais ils tiennent en réalité nos vies, nos fortunes, notre sécurité entre leurs mains. Et je défie le plus honnête homme du monde d’oser regarder sans frissonner un procureur impérial à qui il a déplu.


INSTRUCTION PUBLIQUE


Voici ton budget, Jacques Bonhomme. — Vingt-huit millions ; — moins que les appointements de Napoléon III et de son auguste famille. Oui, Jacques Bonhomme, voilà ta liste civile ; grosse, dans les pays où tu règnes, aux États-Unis par exemple, où l’instruction du peuple absorbe plus de cinq cent millions, où le président de quarante millions d’hommes libres ne reçoit que cent dix mille francs par an. Mais ici, ah ! il s’agit bien de t’instruire, de te rendre fort, indépendant. On aveuglait autrefois les esclaves pour accroître le rendement de leur travail. Que ne peut-on, aujourd’hui, obscurcir encore tes ténèbres ? Seule, la Convention, vidant les tabernacles, avait voulu faire de l’école le sanctuaire de la commune ; elle décréta l’instruction une dette sociale, et la rendit obligatoire pour les garçons et pour les filles. Tes défenseurs périrent ; nul n’aura désormais pour toi leur tendresse humaine. Il n’y a plus jusqu’en 1833, de budget sérieux, pour l’instruction publique. Où nous en sommes aujourd’hui, tu le sauras d’un mol : chaque année, en France, plus de Neuf cent mille enfants ne reçoivent aucune instruction.

Sans éducation, sans instruction, c’est-à-dire sans outil, tu luttes encore avec tes ongles, toi, Jacques Bonhomme. Mais la femme, trop faible si souvent pour utiliser ses bras, qui armera sa main délicate ? À la campagne, sait-elle seulement enfiler une aiguille ? À la ville, sans apprentissage, n’est-elle pas vouée aux travaux les plus ingrats ? Une couturière ordinaire gagne 1 fr. 28 c. par Journée de dix heures pour ajuster ces toilettes que des femmes à peu près nues vont promener dans les soirées du maître, aux Tuileries ; une ouvrière en dentelle, 1 fr, 30 c. par journée de treize heures ; la fabrication des chapeaux de paille, la passementerie ne donnent jamais un salaire supérieur à 1 fr. 50 c ; celles qui s’occupent de vannerie, de sparterie, de la fabrication des couronnes d’immortelles, ne gagnent que 10 ou 12 sous par jour, Celles-là comment vivront-elles…, dites, bonapartistes, comment voulez-vous qu’elles vivent ?

Est-ce donc l’industrie qui manque à la femme ? Non, la tenue des livres, la coupe des patrons, la peinture sur porcelaine, la gravure sur bois, toutes les professions qui demandent de l’assiduité, de l’habileté, de la légèreté de main, lui tendent les bras. Que lui manque-t-il ? L’apprentissage, c’est-à-dire l’instruction.

Et quelle est l’instruction de l’école, en supposant que la misère ou la négligence paternelle ne retienne pas l’enfant au foyer ? Un peu de lecture, d’écriture, de calcul, d’histoire sainte. Et tes droits, et tes devoirs, qui te les enseigne, ô déshérité ! À partir de treize ans, l’enfant de la campagne ne touche plus un livre. La moitié des conscrits ne savent pas lire ou signer leur nom.

Et l’instituteur, courbé devant l’inspecteur, serviteur forcé du maire et du curé, presque mourant de faim, c’est lui, Jacques Bonhomme, qui a mission de t’ouvrir les portes de la vie ! Sur plus de trente-six mille instituteurs, plus de vingt-neuf mille n’ont pas mille francs d’honoraires. Six mille touchent de 4 à 600 francs ! « Après cinquante-huit ans de services, écrivait dernièrement l’un d’eux, à soixante-dix-huit ans, avec une vue très-faible et des mains tremblantes, j’ai une retraite de 74 francs par an. » Une institutrice recevait, l’an dernier, après trente-cinq ans de services, 38 francs de pension annuelle, une autre 67 francs, après quarante-cinq années !


Les employés inférieurs de l’État végètent aussi misérables. Les facteurs, qui parcourent quelquefois 30 kilomètres par jour, au soleil, à la poussière, à la pluie, touchent en moyenne 600 francs ; les employés des douanes, grelottent sur le rivage qu’ils surveillent, à raison de 2 francs 30 centimes par jour.


LES GRANDS SEIGNEURS


En revanche, les grands seigneurs font ripaille. Jacques Bonhomme a payé :

À Napoléon III seul, depuis 1852, 494 millions, qui font, avec les intérêts, sept cent cinq millions environ, sans compter la jouissance des biens de la Couronne représentant 8 ou 10 millions de rente annuelle. On aurait pu avec cette somme créer, au profit de cent cinquante mille travailleurs, quinze usines comme celles du Creuzot. Cette somme employée à faire des chemins de fer départementaux qui ne coûtent que 120,000 fr. le kilomètre, aurait suffi pour construire 5,875 kilomètres. Non-seulement tous les réseaux des chemins de fer départementaux seraient terminés, mais il resterait encore un excédant de mille kilomètres.

À l’ancien président du Sénat, Troplong, depuis 1851, trois millions huit cent quatre vingt mille francs.

Aux cinq cardinaux Bonald, Mathieu, Donnet, Billet, Bonnechose, ensemble : quatre millions huit cent quatre vingt mille francs.

Au maréchal Vaillant, trois millions huit cent soixante-seize mille francs.

À Rouher, président actuel du Sénat, deux millions cinq cent mille francs.

À Baroche qui fit autrefois voter la loi de transportation à Nouka-Hiva, deux millions quatre cent mille francs.

À Fialin, dit de Persigny, chien couchant de Napoléon III, un million six cent mille francs.

À Drouin de Lhuys, un des fabricateurs de notre Constitution, un million cinq cent mille francs.

À Magne, auteur de nos principaux emprunts, un million huit cent mille francs.

Jacques Bonhomme, tu paie chaque année :

Au maréchal Mac-Mahon, deux cent vingt cinq mille francs, — le traitement de plus de deux présidents de la République des États-Unis.

Au général Fleury, un des principaux auteurs du 2 décembre, cent quarante neuf mille francs, — plus qu’un président.

Au général Edgar Ney, cent quarante neuf mille francs — également.

Au maréchal Canrobert, héros du 2 décembre, deux cent mille francs, — deux présidents.

Au maréchal Bazaine, héros du Mexique, deux cent mille francs — également.

Au maréchal Regnauld de Saint-Jean-d’Angely, deux cent mille francs — également.

À Darboy, archevêque de Paris, cent quatre-vingt un mille francs, — plus d’un président et demi.

À la Valette, cent cinq mille francs, — presque un président.

À cinq amiraux, deux cent dix-neuf mille francs.

À Rigault de Genouilly, cent soixante-trois mille francs.

À Lawœstine, quatre vingt douze mille francs.

Soit en vingt ans de règne, avec les intérêts, QUATRE-VINGTS MILLIONS pour SEIZE personnes.

Soit au taux de 4 francs la journée, le travail de vingt millions d’hommes, de la moitié de la France pendant un jour.

Je ne cite que quelques traitements, mais il y a des centaines de fonctionnaires qui touchent 60, 50, 40, 30,000 francs par an. Ainsi tous les sénateurs reçoivent au moins 30,000 francs. Ils nous reviennent donc à 82 fr. 19 cent, par jour. Et tu as fait 89, 93, 1830, 1848, Jacques Bonhomme, pour abolir les priviléges de l’aristocratie !


En récapitulant, nous trouvons que Napoléon III demande chaque année aux députés de lui livrer deux milliards trois ou quatre cent millions sur le travail du pays. Dire qu’il les demande c’est dire qu’il les obtient, car ces gens-là n’ont rien à lui refuser.

Et quand Jacques Bonhomme a payé ce budget, mais alors seulement, quand on a proprement vidé sa bourse, les trois quarts du temps sans aucun profit réel pour lui, Napoléon III veut bien lui permettre de s’imposer encore pour défrayer les dépenses indispensables de sa commune et de son département, entretenir ses routes, paver ses rues, les éclairer, etc., etc.

Comment on parvient à soutirer tant d’argent à Jacques Bonhomme, je vais l’expliquer rapidement.