Histoire de France (Jules Michelet)/édition 1893/Henri IV/Chapitre 20


Œuvres complètes de J. Michelet
(Histoire de Francep. 310-311).

CHAPITRE XX

Le roi se rapproche des protestants, leur accorde le temple de Charenton. (1604-1606.)


Richelieu nous a tracé de main de maître le portrait du créateur originaire de sa fortune, qui fut son prédécesseur dans les affections de Marie de Médicis, du signore de Concini. Concini succédait lui-même à ces cousins de la reine, les Orsini, ses premiers cavaliers servants. Il rendit au roi le service de les supplanter. Un homme de sa condition était moins embarrassant, et pouvait servir la reine avec moins d’éclat et de bruit.

Concini était né en pleine cour, fils du ministre dirigeant de Côme de Médicis, mais cadet, troisième cadet, d’une maison qui n’était pas riche. Il avait eu force aventures, prison, fuite et bannissement. Il avait été domestique du cardinal de Lorraine ; mais c’était un homme charmant, un rieur, un beau joueur, un élégant cavalier. La triste Léonora, si disgraciée de la nature, avait cependant osé regarder le brillant jeune homme. A leur départ de Florence, elle l’aida de quelque argent ; et l’usage qu’il en fit, ce fut d’acheter un cheval de deux mille ducats, qu’il eut l’impertinence de donner à Henri IV.

Ce petit fait peint l’homme de la tête aux pieds. Il n’était que vanité, folie, insolence. Il passait tout le jour au jeu comme un grand seigneur. Il plut d’autant plus à la reine, qui le maria à sa Léonora, afin de le pouvoir garder. Avec cet arrangement, Marie de Médicis put être sévère à son aise, jalouse de son mari, inexorable et terrible pour la régularité de sa maison. Une de ses filles ayant, la nuit, reçu un amant qui se sauva en chemise, la reine exigea que le roi le fît condamner à mort (par contumace heureusement).

Léonora, modeste et sage, n’aurait visé qu’à l’argent. Mais Concini, un fat, un fou, avec ses goûts de grandeur, ne pouvait manquer de suivre le vent de la cour, qui était tout à l’Espagne. Le grand-duc de Florence, son maître, s’était refait espagnol. Marie de Médicis ne rêvait que le double mariage espagnol, qui était aussi toute la politique de l’ancien ligueur Villeroy.

Un commis de Villeroy, qui déchiffrait les dépêches, en donnait copie à Madrid. Concini communiquait par une voie plus détournée, par l’ambassadeur du grand-duc auprès de Philippe III ; ses lettres passaient par Florence pour être envoyées à Madrid.

Le roi avait ainsi l’Espagne tout autour de lui, chez lui. En avril 1605, il apprit l’affaire du commis, que


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