Histoire de Charles XII/Édition Garnier/Livre 3

Histoire de Charles XIIGarniertome 16 (p. 202-230).

LIVRE TROISIÈME.

ARGUMENT.

Stanislas Leczinski, élu roi de Pologne. Mort du cardinal primat. Belle retraite du général Schulenbourg. Exploits du czar. Fondation de Pétersbourg. Bataille de Frauenstadt. Charles entre en Saxe. Paix d’Alt-Mantstadt. Auguste abdique la couronne, et la cède à Stanislas. Le général Patkul, plénipotentiaire du czar, est roué et écartelé. Charles reçoit en Saxe des ambassadeurs de tous les princes ; il va seul à Dresde voir Auguste avant de partir.

Le jeune Stanislas Leczinski était alors député à l’assemblée de Varsovie pour aller rendre compte au roi de Suède de plusieurs différends survenus dans le temps de l’enlèvement du prince Jacques[1]. Stanislas avait une physionomie heureuse, pleine de hardiesse et de douceur, avec un air de probité et de franchise qui de tous les avantages extérieurs est le plus grand, et qui donne plus de poids aux paroles que l’éloquence même. La sagesse avec laquelle il parla du roi Auguste, de l’assemblée, du cardinal primat et des intérêts différents qui divisaient la Pologne, frappa Charles. Le roi Stanislas m’a fait l’honneur de me raconter qu’il dit en latin au roi de Suède : « Comment pourrons-nous faire une élection, si les deux princes Jacques et Constantin Sobieski sont captifs ? » et que Charles lui répondit : « Comment délivrera-t-on la république, si on ne fait pas une élection ? » Cette conversation fut l’unique brigue qui mit Stanislas sur le trône. Charles prolongea exprès la conférence, pour mieux sonder le génie du jeune député. Après l’audience, il dit tout haut qu’il n’avait jamais vu d’homme si propre à concilier tous les partis. Il ne tarda pas à s’informer du caractère du palatin Leczinski. Il sut qu’il était plein de bravoure, endurci à la fatigue ; qu’il couchait toujours sur une espèce de paillasse, n’exigeant aucun service de ses domestiques auprès de sa personne ; qu’il était d’une tempérance peu commune dans ce climat, économe, adoré de ses vassaux, et le seul seigneur peut-être en Pologne qui eût quelques amis dans un temps où l’on ne connaissait de liaisons que celles de l’intérêt et de la faction. Ce caractère, qui avait en quelques choses du rapport avec le sien, le détermina entièrement. Il dit tout haut après la conférence : « Voilà un homme qui sera toujours mon ami » ; et on s’aperçut bientôt que ces mots signifiaient : « Voilà un homme qui sera roi. »

Quand le primat de Pologne sut que Charles XII avait nommé le palatin Leczinski, à peu près comme Alexandre avait nommé Abdolonyme, il accourut auprès du roi de Suède pour tâcher de faire changer cette résolution ; il voulait faire tomber la couronne à un Lubomirski : « Mais qu’avez-vous à alléguer contre Stanislas Leczinski ? dit le conquérant, — Sire, dit le primat, il est trop jeune. » Le roi répliqua sèchement : « Il est à peu près de mon âge », tourna le dos au prélat, et aussitôt envoya le comte de Horn signifier à l’assemblée de Varsovie qu’il fallait élire un roi dans cinq jours, et qu’il fallait élire Stanislas Leczinski. Le comte de Horn arriva le 7 juillet ; il fixa le jour de l’élection au 12, comme il aurait ordonné le décampement d’un bataillon. Le cardinal primat, frustré du fruit de tant d’intrigues, retourna à l’assemblée, où il remua tout pour faire échouer une élection à laquelle il n’avait point de part. Mais le roi de Suède arriva lui-même incognito à Varsovie ; alors il fallut se taire. Tout ce que put faire le primat fut de ne point se trouver à l’élection ; il se réduisit à une neutralité inutile, ne pouvant s’opposer au vainqueur, et ne voulant pas le seconder[2].

Le samedi 12 juillet 1704, jour fixé pour l’élection, étant venu, on s’assembla à trois heures après midi au Colo, champ destiné pour cette cérémonie : l’évêque de Posnanie vint présider à l’assemblée à la place du cardinal primat. Il arriva suivi des gentilshommes du parti. Le comte de Horn et deux autres officiers généraux assistaient publiquement à cette solennité, comme ambassadeurs extraordinaires de Charles auprès de la république. La séance dura jusqu’à neuf heures du soir : l’évêque de Posnanie la finit en déclarant, au nom de la diète, Stanislas élu roi de Pologne[3]. Tous les bonnets sautèrent en l’air, et le bruit des acclamations étouffa les cris des opposants.

Il ne servit de rien au cardinal primat et à ceux qui avaient voulu demeurer neutres de s’être absentés de l’élection, il fallut que dès le lendemain ils vinssent tous rendre hommage au nouveau roi ; la plus grande mortification qu’ils eurent fut d’être obligés de le suivre au quartier du roi de Suède. Ce prince rendit au souverain qu’il venait de faire tous les honneurs dus à un roi de Pologne ; et, pour donner plus de poids à sa nouvelle dignité, on lui assigna de l’argent et des troupes[4].

Charles XII partit aussitôt de Varsovie pour aller achever la conquête de la Pologne. Il avait donné rendez-vous à son armée devant Léopol, capitale du grand palatinat de Russie, place importante par elle-même, et plus encore par les richesses dont elle était remplie. On croyait qu’elle tiendrait quinze jours, à cause des fortifications que le roi Auguste y avait faites. Le conquérant l’investit le 5 septembre, et le lendemain la prit d’assaut. Tout ce qui osa résister fut passé au fil de l’épée. Les troupes, victorieuses et maîtresses de la ville, ne se débandèrent point pour courir au pillage, malgré le bruit des trésors qui étaient dans Léopol. Elles se rangèrent en bataille dans la grande place. Là, ce qui restait de la garnison vint se rendre prisonnier de guerre. Le roi fit publier à son de trompe que tous ceux des habitants qui auraient des effets appartenant au roi Auguste ou à ses adhérents les apportassent eux-mêmes avant la fin du jour, sur peine de la vie. Les mesures furent si bien prises que peu osèrent désobéir ; on apporta au roi quatre cents caisses remplies d’or et d’argent monnayé, de vaisselle et de choses précieuses.

Ce commencement du règne de Stanislas fut marqué presque le même jour par un événement bien différent. Quelques affaires qui demandaient absolument sa présence l’avaient obligé de demeurer dans Varsovie. Il avait avec lui sa mère, sa femme et ses deux filles. Le cardinal primat, l’évêque de Posnanie, et quelques grands de Pologne, composaient sa nouvelle cour. Elle était gardée par six mille Polonais de l’armée de la couronne, depuis peu passés à son service, mais dont la fidélité n’avait point encore été éprouvée. Le général Horn, gouverneur de la ville, n’avait d’ailleurs avec lui que quinze cents Suédois. On était à Varsovie dans une tranquillité profonde, et Stanislas comptait en partir dans peu de jours pour aller à la conquête de Léopol. Tout à coup il apprend qu’une armée nombreuse approche de la ville : c’était le roi Auguste, qui, par un nouvel effort et par une des plus belles marches que jamais général ait faites, ayant donné le change au roi de Suède, venait avec vingt mille hommes fondre dans Varsovie, et enlever son rival.

Varsovie n’était pas fortifiée, et les troupes polonaises qui la défendaient, peu sûres. Auguste avait des intelligences dans la ville ; si Stanislas demeurait, il était perdu. Il renvoya sa famille en Posnanie, sous la garde des troupes polonaises auxquelles il se fiait le plus. Il crut, dans ce désordre, avoir perdu sa seconde fille, âgée d’un an. Elle fut égarée par sa nourrice : il la retrouva dans une auge d’écurie, où elle avait été abandonnée, dans un village voisin ; c’est ce que je lui ai entendu conter. Ce fut ce même enfant que la destinée, après de plus grandes vicissitudes, fit depuis reine de France[5]. Plusieurs gentilshommes prirent des chemins différents ; le nouveau roi partit lui-même pour aller trouver Charles XII, apprenant de bonne heure à souffrir des disgrâces, et forcé de quitter sa capitale six semaines après y avoir été élu souverain.

Auguste entra dans la capitale en souverain irrité et victorieux. Les habitants, déjà rançonnés par le roi de Suède, le furent encore davantage par Auguste. Le palais du cardinal et toutes les maisons des seigneurs confédérés, tous leurs biens à la ville et à la campagne, furent livrés au pillage. Ce qu’il y eut de plus étrange dans cette révolution passagère, c’est qu’un nonce du pape, qui était venu avec le roi Auguste, demanda au nom de son maître qu’on lui livrât l’évêque de Posnanie, comme justiciable de la cour de Rome, en qualité d’évêque et de fauteur d’un prince mis sur le trône par les armes d’un luthérien.

La cour de Rome, qui a toujours songé à augmenter son pouvoir temporel à la faveur du spirituel, avait depuis très-longtemps établi en Pologne une espèce de juridiction à la tête de laquelle est le nonce du pape. Ses ministres n’avaient pas manqué de profiter de toutes les conjonctures favorables pour étendre leur pouvoir, révéré par la multitude, mais toujours contesté par les plus sages. Ils s’étaient attribué le droit de juger toutes les causes des ecclésiastiques, et avaient surtout, dans les temps de troubles, usurpé beaucoup d’autres prérogatives, dans lesquelles ils se sont maintenus jusque vers l’année 1728, où l’on a retranché ces abus, qui ne sont jamais réformés que lorsqu’ils sont devenus tout à fait intolérables.

Le roi Auguste, bien aise de punir l’évêque de Posnanie avec bienséance, et de plaire à la cour de Rome, contre laquelle il se serait élevé en tout autre temps, remit le prélat polonais entre les mains du nonce. L’évêque, après avoir vu piller sa maison, fut porté par des soldats chez le ministre italien, et envoyé en Saxe, où il mourut. Le comte de Horn essuya, dans le château où il était enfermé, le feu continuel des ennemis ; enfin, la place n’étant pas tenable, il se rendit prisonnier de guerre avec ses quinze cents Suédois, Ce fut là le premier avantage qu’eut le roi Auguste, dans le torrent de sa mauvaise fortune, contre les armes victorieuses de son ennemi.

Ce dernier effort était l’éclat d’un feu qui s’éteint. Ses troupes, assemblées à la hâte, étaient des Polonais prêts à l’abandonner à la première disgrâce, des recrues de Saxons qui n’avaient point encore vu de guerres, des Cosaques vagabonds plus propres à dépouiller des vaincus qu’à vaincre : tous tremblaient au seul nom du roi de Suède,

Ce conquérant, accompagné du roi Stanislas, alla chercher son ennemi à la tête de l’élite de ses troupes. L’armée saxonne fuyait partout devant lui. Les villes lui envoyaient leurs clefs de trente milles à la ronde : il n’y avait point de jour qui ne fût signalé par quelque avantage. Les succès devenaient trop familiers à Charles. Il disait que c’était aller à la chasse plutôt que faire la guerre, et se plaignait de ne point acheter la victoire.

Auguste confia pour quelque temps le commandement de son armée au comte de Schulenbourg[6], général très-habile, et qui avait besoin de toute son expérience à la tête d’une armée découragée. Il songea plus à conserver les troupes de son maître qu’à vaincre : il faisait la guerre avec adresse, et les deux rois avec vivacité. Il leur déroba des marches, occupa des passages avantageux, sacrifia quelque cavalerie pour donner le temps à son infanterie de se retirer en sûreté. Il sauva ses troupes par des retraites glorieuses, devant un ennemi avec lequel on ne pouvait guère alors acquérir que cette espèce de gloire.

À peine arrivé dans le palatinat de Posnanie, il apprend que les deux rois, qu’il croyait à cinquante lieues de lui, avaient fait ces cinquante lieues en neuf jours. Il n’avait que huit mille fantassins et mille cavaliers ; il fallait se soutenir contre une armée supérieure, contre le nom du roi de Suède, et contre la crainte naturelle que tant de défaites inspiraient aux Saxons. Il avait toujours prétendu, malgré l’avis des généraux allemands, que l’infanterie pouvait résister en pleine campagne, même sans chevaux de frise, à la cavalerie : il en osa faire ce jour-là l’expérience contre cette cavalerie victorieuse, commandée par deux rois et par l’élite des généraux suédois. Il se posta si avantageusement qu’il ne put être entouré. Son premier rang mit le genou en terre : il était armé de piques et de fusils ; les soldats, extrêmement serrés, présentaient aux chevaux des ennemis une espèce de rempart hérissé de piques et de baïonnettes ; le second rang, un peu courbé sur les épaules du premier, tirait par-dessus ; et le troisième, debout, faisait feu en même temps derrière les deux autres. Les Suédois fondirent avec leur impétuosité ordinaire sur les Saxons, qui les attendirent sans s’ébranler : les coups de fusil, de pique et de baïonnette, effarouchèrent les chevaux, qui se cabraient au lieu d’avancer. Par ce moyen, les Suédois n’attaquèrent qu’en désordre, et les Saxons se défendirent en gardant leurs rangs.

Il en fit un bataillon carré long ; et, quoique chargé de cinq blessures, il se retira en bon ordre en cette forme, au milieu de la nuit, dans la petite ville de Gurau, à trois lieues du champ de bataille. À peine commençait-il à respirer dans cet endroit que les deux rois paraissent tout à coup derrière lui.

Au delà de Gurau, en tirant vers le fleuve de l’Oder, était un bois épais, à travers duquel le général saxon sauva son infanterie fatiguée. Les Suédois, sans se rebuter, le poursuivirent par le bois même, avançant avec difficulté dans des routes à peine praticables pour des gens de pied. Les Saxons n’eurent traversé le bois que cinq heures avant la cavalerie suédoise. Au sortir de ce bois coule la rivière de Parts, au pied d’un village nommé Rutsen. Schulenbourg avait envoyé en diligence rassembler des bateaux ; il fait passer la rivière à sa troupe, qui était déjà diminuée de moitié. Charles arrive dans le temps que Schulenbourg était à l’autre bord. Jamais vainqueur n’avait poursuivi si vivement son ennemi. La réputation de Schulenbourg dépendait d’échapper au roi de Suède ; le roi, de son côté, croyait sa gloire intéressée à prendre Schulenbourg et le reste de son armée : il ne perd point de temps ; il fait passer sa cavalerie à un gué. Les Saxons se trouvaient enfermés entre cette rivière de Parts et le grand fleuve de l’Oder, qui prend sa source dans la Silésie, et qui est déjà profond et rapide en cet endroit.

La perte de Schulenbourg paraissait inévitable ; cependant, après avoir sacrifié peu de soldats, il passa l’Oder pendant la nuit. Il sauva ainsi son armée, et Charles ne put s’empêcher de dire : « Aujourd’hui Schulenbourg nous a vaincus[7]. »

C’est ce même Schulenbourg qui fut depuis général des Vénitiens, et à qui la république a érigé une statue dans Corfou, pour avoir défendu contre les Turcs ce rempart de l’Italie. Il n’y a que les républiques qui rendent de tels honneurs[8] ; les rois ne donnent que des récompenses.

Mais ce qui faisait la gloire de Schulenbourg n’était guère utile au roi Auguste. Ce prince abandonna encore une fois la Pologne à ses ennemis ; il se retira en Saxe, et fit réparer avec précipitation les fortifications de Dresde, craignant déjà, non sans raison, pour la capitale de ses États héréditaires.

Charles XII voyait la Pologne soumise ; ses généraux, à son exemple, venaient de battre en Courlande plusieurs petits corps moscovites, qui, depuis la grande bataille de Narva, ne se montraient plus que par pelotons, et qui, dans ces quartiers, ne faisaient la guerre que comme des Tartares vagabonds, qui pillent, qui fuient, et qui reparaissent pour fuir encore.

Partout où se trouvaient les Suédois, ils se croyaient sûrs de la victoire quand ils étaient vingt contre cent. Dans de si heureuses conjonctures, Stanislas prépara son couronnement. La fortune, qui l’avait fait élire à Varsovie, et qui l’en avait chassé, l’y rappela encore aux acclamations d’une foule de noblesse que le sort des armes lui attachait. Une diète y fut convoquée ; tous les obstacles y furent aplanis ; il n’y eut que la cour de Rome seule qui le traversa.

Il était naturel qu’elle se déclarât pour le roi Auguste, qui, de protestant, s’était fait catholique pour monter sur le trône, contre Stanislas, placé sur le même trône par un grand ennemi de la religion catholique. Clément XI, alors pape, envoya des brefs à tous les prélats de Pologne, et surtout au cardinal primat, par lesquels il les menaçait de l’excommunication s’ils osaient assister au sacre de Stanislas, et attenter en rien contre les droits du roi Auguste.

Si ces brefs parvenaient aux évêques qui étaient à Varsovie, il était à craindre que quelques-uns n’obéissent par faiblesse, et que la plupart ne s’en prévalussent pour se rendre plus difficiles, à mesure qu’ils seraient plus nécessaires. On avait donc pris toutes les précautions pour empêcher que les lettres du pape ne fussent reçues dans Varsovie. Un franciscain reçut secrètement les brefs pour les délivrer en main propre aux prélats. Il en donna d’abord un au suffragant de Chelm : ce prélat, très-attaché à Stanislas, le porta au roi tout cacheté. Le roi fit venir le religieux, et lui demanda comment il avait osé se charger d’une telle pièce. Le franciscain répondit que c’était par l’ordre de son général, Stanislas lui ordonna d’écouter désormais les ordres de son roi préférablement à ceux du général des franciscains, et le fit sortir dans le moment de la ville.

Le même jour on publia un placard du roi de Suède, par lequel il était défendu à tous ecclésiastiques séculiers et réguliers dans Varsovie, sous des peines très-grièves, de se mêler des affaires d’État. Pour plus de sûreté, il fit mettre des gardes aux portes de tous les prélats, et défendit qu’aucun étranger entrât dans la ville. Il prenait sur lui ces petites sévérités, afin que Stanislas ne fût point brouillé avec le clergé à son avènement. Il disait qu’il se délassait de ses fatigues militaires en arrêtant les intrigues de la cour romaine, et qu’on se battait contre elle avec du papier, au lieu qu’il fallait attaquer les autres souverains avec des armes véritables.

Le cardinal primat était sollicité par Charles et par Stanislas de venir faire la cérémonie du couronnement. Il ne crut pas devoir quitter Dantzick pour sacrer un roi qu’il n’avait point voulu élire ; mais comme sa politique était de ne jamais rien faire sans prétexte, il voulut préparer une excuse légitime à son refus. Il fit afficher, pendant la nuit, le bref du pape à la porte de sa propre maison. Le magistrat de Dantzick, indigné, fit chercher les coupables, qu’on ne trouva point. Le primat feignait d’être irrité, et était fort content : il avait une raison pour ne point sacrer le nouveau roi, et il se ménageait en même temps avec Charles XII, Auguste, Stanislas, et le pape. Il mourut peu de jours après, laissant son pays dans une confusion affreuse, et n’ayant réussi, par toutes ses intrigues, qu’à se brouiller à la fois avec les trois rois Charles, Auguste et Stanislas, avec sa république, et avec le pape, qui lui avait ordonné de venir à Rome rendre compte de sa conduite ; mais comme les politiques mêmes ont quelquefois des remords dans leurs derniers moments, il écrivit au roi Auguste, en mourant, pour lui demander pardon.

Le sacre se fit tranquillement et avec pompe, le 4 octobre 1705, dans la ville de Varsovie, malgré l’usage où l’on est en Pologne de couronner les rois à Cracovie. Stanislas Leczinski et sa femme Charlotta Opalinska furent sacrés roi et reine de Pologne par les mains de l’archevêque de Léopol, assisté de beaucoup d’autres prélats. Charles XII vit cette cérémonie incognito : unique fruit qu’il retirait de ses conquêtes.

Tandis qu’il donnait un roi à la Pologne soumise, que le Danemark n’osait le troubler, que le roi de Prusse[9] recherchait son amitié, et que le roi Auguste se retirait dans ses États héréditaires, le czar devenait de jour en jour redoutable. Il avait faiblement secouru Auguste en Pologne, mais il avait fait de puissantes diversions en Ingrie.

Pour lui, non-seulement il commençait à être grand homme de guerre, mais même à montrer l’art à ses Moscovites : la discipline s’établissait dans ses troupes ; il avait de bons ingénieurs, une artillerie bien servie, beaucoup de bons officiers ; il savait le grand art de faire subsister des armées. Quelques-uns de ses généraux avaient appris, et à bien combattre, et, selon le besoin, à ne combattre pas ; bien plus, il avait formé une marine capable de faire tête aux Suédois dans la mer Baltique.

Fort de tous ces avantages dus à son seul génie, et de l’absence du roi de Suède, il prit Narva d’assaut, le 21 août de l’année 1704[10], après un siége régulier et après avoir empêché qu’elle ne fût secourue par mer et par terre. Les soldats, maîtres de la ville, coururent au pillage ; ils s’abandonnèrent aux barbaries les plus énormes. Le czar courait de tous côtés pour arrêter le désordre et le massacre ; il arracha lui-même des femmes des mains des soldats, qui les allaient égorger après les avoir violées. Il fut même obligé de tuer de sa main quelques Moscovites qui n’écoutaient point ses ordres. On montre encore à Narva, dans l’hôtel de ville, la table sur laquelle il posa son épée en entrant ; et on s’y ressouvient des paroles qu’il adressa aux citoyens qui s’y rassemblèrent : « Ce n’est point du sang des habitants que cette épée est teinte, mais de celui des Moscovites, que j’ai répandu pour sauver vos vies. »

Si le czar avait toujours eu cette humanité, c’était le premier des hommes. Il aspirait à plus qu’à détruire des villes ; il en fondait une alors peu loin de Narva même, au milieu de ses nouvelles conquêtes : c’était la ville de Pétersbourg, dont il fit depuis sa résidence et le centre du commerce. Elle est située entre la Finlande et l’Ingrie, dans une île marécageuse, autour de laquelle la Néva se divise en plusieurs bras avant de tomber dans le golfe de Finlande : lui-même traça le plan de la ville, de la forteresse, du port, des quais qui l’embellissent, et des forts qui en défendent l’entrée. Cette île inculte et déserte, qui n’était qu’un amas de boue pendant le court été de ces climats, et dans l’hiver qu’un étang glacé où l’on ne pouvait aborder par terre qu’à travers des forêts sans route et des marais profonds, et qui n’avait été jusqu’alors que le repaire des loups et des ours, fut remplie, en 1703, de plus de trois cent mille hommes que le czar avait rassemblés de ses États. Les paysans du royaume d’Astracan et ceux qui habitent les frontières de la Chine furent transportés à Pétersbourg. Il fallut percer des forêts, faire des chemins, sécher des marais, élever des digues, avant de jeter les fondements de la ville. La nature fut forcée partout. Le czar s’obstina à peupler un pays qui semblait n’être pas destiné pour des hommes : ni les inondations qui ruinèrent ses ouvrages, ni la stérilité du terrain, ni l’ignorance des ouvriers, ni la mortalité même, qui fit périr deux cent mille[11] hommes dans ces commencements, ne lui firent point changer de résolution[12]. La ville fut fondée parmi les obstacles que la nature, le génie des peuples et une guerre malheureuse y apportaient. Pétersbourg était déjà une ville en 1705, et son port était rempli de vaisseaux. L’empereur y attirait les étrangers par des bienfaits, distribuant des terres aux uns, donnant des maisons aux autres, et encourageant tous les arts qui venaient adoucir ce climat sauvage. Surtout il avait rendu Pétersbourg inaccessible aux efforts des ennemis. Les généraux suédois, qui battaient souvent ses troupes partout ailleurs, n’avaient pu endommager cette colonie naissante. Elle était tranquille au milieu de la guerre qui l’environnait.

Le czar, en se créant ainsi de nouveaux États, tendait toujours la main au roi Auguste, qui perdait les siens ; il lui persuada par le général Patkul, passé depuis peu au service de Moscovie, et alors ambassadeur du czar en Saxe, de venir à Grodno conférer encore une fois avec lui sur l’état malheureux de ses affaires. Le roi Auguste y vint avec quelques troupes, accompagné du général Schulenbourg, que son passage de l’Oder avait rendu illustre dans le Nord, et en qui il mettait sa dernière espérance. Le czar y arriva, faisant marcher après lui une armée de soixante et dix mille hommes. Les deux monarques firent de nouveaux plans de guerre. Le roi Auguste, détrôné, ne craignait plus d’irriter les Polonais en abandonnant leur pays aux troupes moscovites. Il fut résolu que l’armée du czar se diviserait en plusieurs corps pour arrêter le roi de Suède à chaque pas. Ce fut dans le temps de cette entrevue que le roi Auguste renouvela l’ordre de l’aigle blanc, faible ressource alors pour lui attacher quelques seigneurs polonais, plus avides d’avantages réels que d’un vain honneur qui devient ridicule quand on le tient d’un prince qui n’est roi que de nom. La conférence des deux rois finit d’une manière extraordinaire. Le czar partit soudainement, et laissa ses troupes à son allié, pour courir éteindre lui-même une rébellion dont il était menacé à Astracan. À peine était-il parti que le roi Auguste ordonna que Patkul fût arrêté à Dresde. Toute l’Europe fut surprise qu’il osât, contre le droit des gens, et en apparence contre ses intérêts, mettre en prison l’ambassadeur du seul prince qui le protégeait.

Voici le nœud secret de cet événement, selon ce que le maréchal de Saxe, fils du roi Auguste, m’a fait l’honneur de me dire. Patkul, proscrit en Suède pour avoir soutenu les priviléges de la Livonie, sa patrie, avait été général du roi Auguste ; mais son esprit vif et altier s’accommodant mal des hauteurs du général Flemming, favori du roi, plus impérieux et plus vif que lui, il avait passé au service du czar, dont il était alors général et ambassadeur auprès d’Auguste. C’était un esprit pénétrant ; il avait démêlé que les vues de Flemming et du chancelier de Saxe étaient de proposer la paix au roi de Suède à quelque prix que ce fût. Il forma aussitôt le dessein de les prévenir, et de ménager un accommodement entre le czar et la Suède. Le chancelier éventa son projet, et obtint qu’on se saisît de sa personne. Le roi Auguste dit au czar que Patkul était un perfide qui les trahissait tous deux. Il n’était pourtant coupable que d’avoir trop bien servi son nouveau maître ; mais un service rendu mal à propos est souvent puni comme une trahison.

Cependant, d’un côté, les soixante mille Russes, divisés en plusieurs petits corps, brûlaient et ravageaient les terres des partisans de Stanislas ; de l’autre, Schulenbourg s’avançait avec ses nouvelles troupes. La fortune des Suédois dissipa ces deux armées en moins de deux mois. Charles XII et Stanislas attaquèrent les corps séparés des Moscovites l’un après l’autre, mais si vivement qu’un général moscovite était battu avant qu’il sût la défaite de son compagnon.

Nul obstacle n’arrêtait le vainqueur : s’il se trouvait une rivière entre les ennemis et lui, Charles XII et ses Suédois la passaient à la nage. Un parti suédois prit le bagage d’Auguste, où il y avait deux cent mille écus d’argent monnayé. Stanislas saisit huit cent mille ducats appartenant au prince Menzikoff, général moscovite. Charles, à la tête de sa cavalerie, fit trente lieues en vingt-quatre heures, chaque cavalier menant un cheval en main pour le monter quand le sien serait rendu. Les Moscovites, épouvantés et réduits à un petit nombre, fuyaient en désordre au delà du Borysthène,

Tandis que Charles chassait devant lui les Moscovites jusqu’au fond de la Lithuanie, Schulenbourg repassa enfin l’Oder, et vint à la tête de vingt mille hommes présenter la bataille au grand maréchal Rehnsköld, qui passait pour le meilleur général de Charles XII, et que l’on appelait le Parménion de l’Alexandre du Nord. Ces deux illustres généraux, qui semblaient participer à la destinée de leurs maîtres, se rencontrèrent assez près de Punits, dans un lieu nommé Frauenstadt, territoire déjà fatal aux troupes d’Auguste. Rehnsköld n’avait que treize bataillons et vingt-deux escadrons, qui faisaient en tout près de dix mille hommes. Schulenbourg en avait une fois autant. Il est à remarquer qu’il y avait dans son armée un corps de six à sept mille Moscovites, que l’on avait longtemps disciplinés, et sur lesquels on comptait comme sur des soldats aguerris. Cette bataille de Frauenstadt se donna le 12 février 1706 ; mais ce même général Schulenbourg, qui, avec quatre mille hommes, avait en quelque façon trompé la fortune du roi de Suède, succomba sous celle du général Rehnsköld. Le combat ne dura pas un quart d’heure ; les Saxons ne résistèrent pas un moment ; les Moscovites jetèrent leurs armes dès qu’ils virent les Suédois : l’épouvante fut si subite, et le désordre si grand, que les vainqueurs trouvèrent sur le champ de bataille sept mille fusils tout chargés qu’on avait jetés à terre sans tirer. Jamais déroute ne fut plus prompte, plus complète et plus honteuse ; et cependant jamais général n’avait fait une si belle disposition que Schulenbourg, de l’aveu de tous les officiers saxons et suédois, qui virent en cette journée combien la prudence humaine est peu maîtresse des événements.

Parmi les prisonniers, il se trouva un régiment entier de Français. Ces infortunés avaient été pris par les troupes de Saxe, l’an 1704, à cette fameuse bataille de Hochstedt, si funeste à la grandeur de Louis XIV. Ils avaient passé depuis au service du roi Auguste, qui en avait fait un régiment de dragons, et en avait donné le commandement à un Français de la maison de Joyeuse. Le colonel fut tué à la première, ou plutôt à la seule charge des Suédois ; le régiment tout entier fut fait prisonnier de guerre. Dès le jour même ces Français demandèrent à servir Charles XII, et ils furent reçus à son service[13], par une destinée singulière qui les réservait à changer encore de vainqueur et de maître.

À l’égard des Moscovites, ils demandèrent la vie à genoux ; mais on les massacra inhumainement plus de six heures après le combat, pour punir sur eux les violences de leurs compatriotes, et pour se débarrasser de ces prisonniers dont on n’eût su que faire[14].

Auguste se vit alors sans ressources : il ne lui restait plus que Cracovie, où il s’était enfermé avec deux régiments de Moscovites, deux de Saxons, et quelques troupes de l’armée de la couronne, par lesquelles même il craignait d’être livré au vainqueur ; mais son malheur fut au comble quand il sut que Charles XII était enfin entré en Saxe le 1er septembre 1706.

(1706) Il avait traversé la Silésie sans daigner seulement en faire avertir la cour de Vienne. L’Allemagne était consternée ; la diète de Ratisbonne, qui représente l’empire, mais dont les résolutions sont souvent aussi infructueuses que solennelles, déclara le roi de Suède ennemi de l’empire s’il passait au delà de l’Oder avec son armée ; cela même le détermina à venir plus tôt en Allemagne.

À son approche les villages furent déserts ; les habitants fuyaient de tous côtés. Charles en usa alors comme à Copenhague ; il fit afficher partout qu’il n’était venu que pour donner la paix ; que tous ceux qui reviendraient chez eux, et qui payeraient les contributions qu’il ordonnerait, seraient traités comme ses propres sujets, et les autres poursuivis sans quartier. Cette déclaration d’un prince qu’on savait n’avoir jamais manqué à sa parole fit revenir en foule tous ceux que la peur avait écartés. Il choisit son camp à Alt-Rantstadt, près de la campagne de Lutzen, champ de bataille fameux par la victoire et par la mort de Gustave-Adolphe. Il alla voir la place où ce grand homme avait été tué. Quand on l’eut conduit sur le lieu : « J’ai tâché, dit-il, de vivre comme lui ; Dieu m’accordera peut-être un jour une mort aussi glorieuse. »

De ce camp il ordonna aux états de Saxe de s’assembler, et de lui envoyer sans délai les registres des finances de l’électorat. Dès qu’il les eut en son pouvoir, et qu’il fut informé au juste de ce que la Saxe pouvait fournir, il la taxa à six cent vingt-cinq mille rixdales par mois. Outre cette contribution, les Saxons furent obligés de fournir à chaque soldat suédois deux livres de viande, deux livres de pain, deux pots de bière, et quatre sous par jour, avec du fourrage pour la cavalerie. Les contributions ainsi réglées, le roi établit une nouvelle police pour garantir les Saxons des insultes de ses soldats : il ordonna, dans toutes les villes où il mit garnison, que chaque hôte chez qui les soldats logeraient donnerait des certificats tous les mois de leur conduite ; faute de quoi le soldat n’aurait point sa paye. De plus, des inspecteurs allaient tous les quinze jours, de maison en maison, s’informer si les Suédois n’avaient point commis de dégât. Ils avaient soin de dédommager les hôtes, et de punir les coupables.

On sait sous quelle discipline sévère vivaient les troupes de Charles XII[15] ; qu’elles ne pillaient pas les villes prises d’assaut avant d’en avoir reçu la permission ; qu’elles allaient même au pillage avec ordre, et le quittaient au premier signal. Les Suédois se vantent encore aujourd’hui de la discipline qu’ils observèrent en Saxe, et cependant les Saxons se plaignent des dégâts affreux qu’ils y commirent : contradictions qu’il serait impossible de concilier si l’on ne savait combien les hommes voient différemment les mêmes objets. Il était bien difficile que les vainqueurs n’abusassent quelquefois de leurs droits, et que les vaincus ne prissent les plus légères lésions pour des brigandages barbares. Un jour, le roi se promenant à cheval près de Leipsick, un paysan saxon vint se jeter à ses pieds pour lui demander justice d’un grenadier qui venait de lui enlever ce qui était destiné pour le dîner de sa famille. Le roi fit venir le soldat : « Est-il vrai, dit-il d’un visage sévère, que vous avez volé cet homme ? — Sire, dit le soldat, je ne lui ai pas fait tant de mal que Votre Majesté en a fait à son maître : vous lui avez ôté un royaume, et je n’ai pris à ce manant qu’un dindon. » Le roi donna dix ducats de sa main au paysan, et pardonna au soldat en faveur de la hardiesse du bon mot, en lui disant : « Souviens-toi, mon ami, que si j’ai ôté un royaume au roi Auguste, je n’en ai rien pris pour moi. »

La grande foire de Leipsick se tint comme à l’ordinaire : les marchands y vinrent avec une sûreté entière ; on ne vit pas un soldat suédois dans la foire ; on eût dit que l’armée du roi de Suède n’était en Saxe que pour veiller à la conservation du pays. Il commandait dans tout l’électorat avec un pouvoir aussi absolu et une tranquillité aussi profonde que dans Stockholm.

Le roi Auguste, errant dans la Pologne, privé à la fois de son royaume et de son électoral, écrivit enfin une lettre de sa main à Charles XII pour lui demander la paix. Il chargea en secret le baron d’Imhof d’aller porter la lettre, conjointement avec M. Fingsten, référendaire du conseil privé ; il leur donna à tous deux ses pleins pouvoirs et son blanc-signé. « Allez, leur dit-il en propres mots ; tâchez de m’obtenir des conditions raisonnables et chrétiennes. » Il était réduit à la nécessité de cacher ses démarches pour la paix, et de ne recourir à la médiation d’aucun prince : car étant alors en Pologne à la merci des Moscovites, il craignait, avec raison, que le dangereux allié qu’il abandonnait ne se vengeât sur lui de sa soumission au vainqueur. Ses deux plénipotentiaires arrivèrent de nuit au camp de Charles XII ; ils eurent une audience secrète. Le roi lut la lettre. « Messieurs, dit-il aux plénipotentiaires, vous aurez dans un moment ma réponse. » Il se retira aussitôt dans son cabinet, et fit écrire ce qui suit :


« Je consens de donner la paix aux conditions suivantes, auxquelles il ne faut pas s’attendre que je change rien.

« 1. Que le roi Auguste renonce pour jamais à la couronne de Pologne, qu’il reconnaisse Stanislas pour légitime roi, et qu’il promette de ne jamais songer à remonter sur le trône, même après la mort de Stanislas.

« 2. Qu’il renonce à tous autres traités, et particulièrement à ceux qu’il a faits avec la Moscovie.

« 3. Qu’il renvoie avec honneur en mon camp les princes Sobieski et tous les prisonniers qu’il a pu faire.

« 4. Qu’il me livre tous les déserteurs qui ont passé à son service, et nommément Jean Patkul, et qu’il cesse toute procédure contre ceux qui de son service ont passé dans le mien. »


Il donna ce papier au comte Piper, le chargeant de négocier le reste avec les plénipotentiaires du roi Auguste. Ils furent épouvantés de la dureté de ces propositions. Ils mirent en usage le peu d’art qu’on peut employer quand on est sans pouvoir, pour tâcher de fléchir la rigueur du roi de Suède. Ils eurent plusieurs conférences avec le comte Piper. Ce ministre ne répondit autre chose à toutes leurs insinuations, sinon : « Telle est la volonté du roi mon maître ; il ne change jamais ses résolutions. »

Tandis que cette paix se négociait sourdement en Saxe, la fortune sembla mettre le roi Auguste en état d’en obtenir une plus honorable, et de traiter avec son vainqueur sur un pied plus égal.

Le prince Menzikoff, généralissime des armées moscovites, vint avec trente mille hommes le trouver en Pologne dans le temps que non-seulement il ne souhaitait plus ses secours, mais que même il les craignait : il avait avec lui quelques troupes polonaises et saxonnes, qui faisaient en tout six mille hommes. Environné avec ce petit corps de l’armée du prince Menzikoff, il avait tout à redouter en cas qu’on découvrît sa négociation. Il se voyait en même temps détrôné par son ennemi, et en danger d’être arrêté prisonnier par son allié. Dans cette circonstance délicate, l’armée se trouva en présence d’un des généraux suédois, nommé Meyerfelt, qui était à la tête de dix mille hommes à Calish, près du palatinat de Posnanie, Le prince Menzikoff pressa le roi Auguste de donner bataille. Le roi, très-embarrassé, différa sous divers prétextes : car, quoique les ennemis fussent trois fois moins forts que lui, il y avait quatre mille Suédois dans l’armée de Meyerfelt, et c’en était assez pour rendre l’événement douteux. Donner bataille aux Suédois pendant les négociations, et la perdre, c’était creuser l’abîme où il était ; il prit le parti d’envoyer un homme de confiance au général ennemi pour lui donner part du secret de la paix, et l’avertir de se retirer ; mais cet avis eut un effet tout contraire à ce qu’il en attendait. Le général Meyerfelt crut qu’on lui tendait un piége pour l’intimider, et sur cela seul il se résolut à risquer le combat.

Les Russes vainquirent ce jour-là les Suédois en bataille rangée pour la première fois. Cette victoire, que le roi Auguste remporta presque malgré lui, fut complète : il entra triomphant, au milieu de sa mauvaise fortune, dans Varsovie, autrefois sa capitale, ville alors démantelée et ruinée, prête à recevoir le vainqueur, quel qu’il fût, et à reconnaître le plus fort pour son roi. Il fut tenté de saisir ce moment de prospérité et d’aller attaquer en Saxe le roi de Suède avec l’armée moscovite. Mais ayant réfléchi que Charles XII était à la tête d’une armée suédoise jusqu’alors invincible ; que les Russes l’abandonneraient au premier bruit de son traité commencé ; que la Saxe, son pays héréditaire, déjà épuisée d’argent et d’hommes, serait ravagée également par les Suédois et par les Moscovites ; que l’empire, occupé de la guerre contre la France, ne pouvait le secourir ; qu’il demeurerait sans États, sans argent, sans amis : il conçut qu’il fallait fléchir sous la loi qu’imposait le roi de Suède. Cette loi ne devint que plus dure quand Charles eut appris que le roi Auguste avait attaqué ses troupes pendant la négociation. Sa colère et le plaisir d’humilier davantage un ennemi qui venait de le vaincre le rendirent plus inflexible sur tous les articles du traité. Ainsi la victoire du roi Auguste ne servit qu’à rendre sa situation plus malheureuse ; ce qui peut-être n’était jamais arrivé qu’à lui.

Il venait de faire chanter le Te Deum dans Varsovie, lorsque Fingsten, l’un de ses plénipotentiaires, arriva de Saxe avec ce traité de paix qui lui ôtait la couronne. Auguste hésita, mais il signa, et partit pour la Saxe dans la vaine espérance que sa présence pourrait fléchir le roi de Suède, et que son ennemi se souviendrait peut-être des anciennes alliances de leurs maisons, et du sang qui les unissait.

Ces deux princes se virent, pour la première fois, dans un lieu nommé Gutersdorf, au quartier du comte Piper, sans aucune cérémonie. Charles XII était en grosses bottes, ayant pour cravate un taffetas noir qui lui serrait le cou : son habit était, comme à l’ordinaire, d’un gros drap bleu, avec des boutons de cuivre doré. Il portait au côté une longue épée qui lui avait servi à la bataille de Narva, et sur le pommeau de laquelle il s’appuyait souvent. La conversation ne roula que sur ses grosses bottes. Charles XII dit au roi Auguste qu’il ne les avait quittées depuis six ans que pour se coucher. Ces bagatelles furent le seul entretien de deux rois dont l’un ôtait une couronne à l’autre. Auguste surtout parlait avec un air de complaisance et de satisfaction que les princes et les hommes accoutumés aux grandes affaires savent prendre au milieu des mortifications les plus cruelles. Les deux rois dînèrent deux fois ensemble. Charles XII affecta toujours de donner la droite au roi Auguste ; mais bien loin de rien relâcher de ses demandes, il en fit encore de plus dures. C’était déjà beaucoup qu’un souverain fût forcé à livrer un général d’armée, un ministre public : c’était un grand abaissement d’être obligé d’envoyer à son successeur Stanislas les pierreries et les archives de la couronne ; mais ce fut le comble à cet abaissement d’être réduit enfin à féliciter de son avènement au trône celui qui allait s’y asseoir à sa place. Charles exigea une lettre d’Auguste à Stanislas : le roi détrôné se le fit dire plus d’une fois ; mais Charles voulait cette lettre, et il fallait l’écrire. La voici telle que je l’ai vue depuis peu, copiée fidèlement sur l’original que le roi Stanislas garde encore[16] :

« Monsieur et frère,

Nous avions jugé qu’il n’était pas nécessaire d’entrer dans un commerce particulier de lettres avec Votre Majesté ; cependant, pour faire plaisir à Sa Majesté suédoise, et afin qu’on ne nous impute pas que nous faisons difficulté de satisfaire à son désir, nous vous félicitons par celle-ci de votre avènement à la couronne, et vous souhaitons que vous trouviez dans votre patrie des sujets plus fidèles que ceux que nous y avons laissés. Tout le monde nous fera la justice de croire que nous n’avons été payés que d’ingratitude pour tous nos bienfaits, et que la plupart de nos sujets ne se sont appliqués qu’à avancer notre ruine. Nous souhaitons que vous ne soyez pas exposé à de pareils malheurs, vous remettant à la protection de Dieu.

À Dresde, le 8 avril 1707,

Votre frère et voisin,
AUGUSTE, roi. »


Il fallut qu’Auguste ordonnât lui-même à tous ses officiers de magistrature de ne plus le qualifier de roi de Pologne, et qu’il fît effacer des prières publiques ce titre auquel il renonçait. Il eut moins de peine à élargir les Sobieski : ces princes, au sortir de leur prison, refusèrent de le voir ; mais le sacrifice de Patkul fut ce qui dut lui coûter davantage. D’un côté, le czar le redemandait hautement comme son ambassadeur ; de l’autre, le roi de Suède exigeait, en menaçant, qu’on le lui livrât. Patkul était alors enfermé dans le château de Koënigstein en Saxe. Le roi Auguste crut pouvoir satisfaire Charles XII et son honneur en même temps. Il envoya des gardes pour livrer ce malheureux aux troupes suédoises ; mais auparavant il envoya au gouverneur de Koënigstein un ordre secret de laisser échapper son prisonnier. La mauvaise fortune de Patkul l’emporta sur le soin qu’on prenait de le sauver. Le gouverneur, sachant que Patkul était très-riche, voulut lui faire acheter sa liberté. Le prisonnier, comptant encore sur le droit des gens et informé des intentions du roi Auguste, refusa de payer ce qu’il pensait devoir obtenir pour rien. Pendant cet intervalle les gardes commandés pour saisir le prisonnier arrivèrent, et le livrèrent immédiatement à quatre capitaines suédois, qui l’emmenèrent d’abord au quartier général d’Alt-Rantstadt, où il demeura trois mois attaché à un poteau avec une grosse chaîne de fer. De là il fut conduit à Casimir.

Charles XII, oubliant que Patkul était ambassadeur du czar, et se souvenant seulement qu’il était né son sujet, ordonna au conseil de guerre de le juger avec la dernière rigueur. Il fut condamné à être rompu vif, et à être mis en quartiers. Un chapelain vint lui annoncer qu’il fallait mourir, sans lui apprendre le genre du supplice. Alors cet homme, qui avait bravé la mort dans tant de batailles, se trouvant seul avec un prêtre, et son courage n’étant plus soutenu par la gloire ni par la colère, sources de l’intrépidité des hommes, répandit amèrement des larmes dans le sein du chapelain. Il était fiancé avec une dame saxonne nommée Mme  d’Einsiedel, qui avait de la naissance, du mérite et de la beauté, et qu’il avait compté d’épouser à peu près dans le temps même qu’on le livra au supplice. Il recommanda au chapelain d’aller la trouver pour la consoler, et de l’assurer qu’il mourait plein de tendresse pour elle. Quand on l’eut conduit au lieu du supplice, et qu’il vit les roues et les pieux dressés, il tomba dans des convulsions de frayeur, et se rejeta dans les bras du ministre, qui l’embrassa en le couvrant de son manteau et en pleurant. Alors un officier suédois lut à haute voix un papier dans lequel étaient ces paroles :

« On fait savoir que l’ordre très-exprès de Sa Majesté, notre seigneur très-clément, est que cet homme, qui est traître à la patrie, soit roué et écartelé pour réparation de ses crimes, et pour l’exemple des autres. Que chacun se donne de garde de la trahison, et serve son roi fidèlement. » À ces mots de prince très-clément : « Quelle clémence ! » dit Patkul ; et à ceux de traître à la patrie : « Hélas ! dit-il, je l’ai trop bien servie.» Il reçut seize coups, et souffrit le supplice le plus long et le plus affreux qu’on puisse imaginer. Ainsi périt l’infortuné Jean Réginold Patkul, ambassadeur et général de l’empereur de Russie.

Ceux qui ne voyaient en lui qu’un sujet révolté contre son roi disaient qu’il avait mérité la mort ; ceux qui le regardaient comme un Livonien, né dans une province laquelle avait des priviléges à défendre, et qui se souvenaient qu’il n’était sorti de la Livonie que pour en avoir soutenu les droits, l’appelaient le martyr de la liberté de son pays. Tous convenaient d’ailleurs que le titre d’ambassadeur du czar devait rendre sa personne sacrée. Le seul roi de Suède, élevé dans les principes du despotisme, crut n’avoir fait qu’un acte de justice, tandis que toute l’Europe condamnait sa cruauté.

Ses membres, coupés en quartiers, restèrent exposés sur des poteaux jusqu’en 1713, qu’Auguste étant remonté sur son trône fit rassembler ces témoignages de la nécessité où il avait été réduit à Alt-Rantstadt : on les lui apporta à Varsovie, dans une cassette, en présence de Buzenval, envoyé de France. Le roi de Pologne, montrant la cassette à ce ministre : « Voilà, lui dit-il simplement, les membres de Patkul », sans rien ajouter pour blâmer ou pour plaindre sa mémoire, et sans que personne de ceux qui étaient présents osât parler sur un sujet si délicat et si triste.

Environ ce temps-là, un Livonien nommé Paykul, officier dans les troupes saxonnes, fait prisonnier les armes à la main, venait d’être jugé à mort à Stockholm par arrêt du sénat ; mais il n’avait été condamné qu’à perdre la tête. Cette différence de supplice dans le même cas faisait trop voir que Charles, en faisant périr Patkul d’une mort si cruelle, avait plus songé à se venger qu’à punir. Quoi qu’il en soit, Paykul, après sa condamnation, fit proposer au sénat de donner au roi le secret de faire de l’or, si on voulait lui pardonner : il fit faire l’expérience de son secret dans la prison, en présence du colonel Hamilton et des magistrats de la ville, et soit qu’il eût en effet découvert quelque art utile, soit qu’il n’eût que celui de tromper habilement, ce qui est beaucoup plus vraisemblable, on porta à la Monnaie de Stockholm l’or qui se trouva dans le creuset à la fin de l’expérience, et on en fit au sénat un rapport si juridique, et qui parut si important, que la reine aïeule de Charles ordonna de suspendre l’exécution jusqu’à ce que le roi, informé de cette singularité, envoyât ses ordres à Stockholm.

Le roi répondit qu’il avait refusé à ses amis la grâce du criminel, et qu’il n’accorderait jamais à l’intérêt ce qu’il n’avait pas donné à l’amitié. Cette inflexibilité eut quelque chose d’héroïque dans un prince qui d’ailleurs croyait le secret possible. Le roi Auguste, qui en fut informé, dit : « Je ne m’étonne pas que le roi de Suède ait tant d’indifférence pour la pierre philosophale ; il l’a trouvée en Saxe. »

Quand le czar eut appris l’étrange paix que le roi Auguste, malgré leurs traités, avait conclue à Alt-Rantstadt, et que Patkul, son ambassadeur plénipotentiaire, avait été livré au roi de Suède, au mépris des lois des nations, il fit éclater ses plaintes dans toutes les cours de l’Europe : il écrivit à l’empereur d’Allemagne, à la reine d’Angleterre, aux états généraux des Provinces-Unies : il appelait lâcheté et perfidie la nécessité douloureuse sous laquelle Auguste avait succombé ; il conjura toutes ces puissances d’interposer leur médiation pour lui faire rendre son ambassadeur, et pour prévenir l’affront qu’on allait faire en sa personne à toutes les têtes couronnées ; il les pressa, par le motif de leur honneur, de ne pas s’avilir jusqu’à donner de la paix d’Alt-Rantstadt une garantie que Charles XII leur arrachait en menaçant. Ces lettres n’eurent d’autre effet que de mieux faire voir la puissance du roi de Suède. L’empereur, l’Angleterre et la Hollande, avaient alors à soutenir contre la France une guerre ruineuse : ils ne jugèrent pas à propos d’irriter Charles XII par le refus de la vaine cérémonie de la garantie d’un traité. À l’égard du malheureux Patkul, il n’y eut pas une puissance qui interposât ses bons offices en sa faveur, et qui ne fît voir combien peu un sujet doit compter sur des rois, et combien tous les rois alors craignaient celui de Suède.

On proposa dans le conseil du czar d’user de représailles envers les officiers suédois, prisonniers à Moscou. Le czar ne voulut point consentir à une barbarie qui eût eu des suites si funestes : il y avait plus de Moscovites prisonniers en Suède que de Suédois en Moscovie.

Il chercha une vengeance plus utile. La grande armée de son ennemi était en Saxe sans agir. Levenhaupt, général du roi de Suède, qui était resté en Pologne à la tête d’environ vingt mille hommes, ne pouvait garder les passages dans un pays sans forteresses et plein de factions. Stanislas était au camp de Charles XII. L’empereur moscovite saisit cette conjoncture, et rentre en Pologne avec plus de soixante mille hommes : il les sépare en plusieurs corps, et marche avec un camp volant jusqu’à Léopol, où il n’y avait point de garnison suédoise. Toutes les villes de Pologne sont à celui qui se présente à leurs portes avec des troupes. Il fit convoquer une assemblée à Léopol, telle à peu près que celle qui avait détrôné Auguste à Varsovie.

La Pologne avait alors deux primats, aussi bien que deux rois, l’un de la nomination d’Auguste, l’autre de celle de Stanislas. Le primat nommé par Auguste convoqua l’assemblée de Léopol, où se rendirent tous ceux que ce prince avait abandonnés par la paix d’Alt-Rantstadt, et ceux que l’argent du czar avait gagnés. On y proposa d’élire un nouveau souverain. Il s’en fallut peu que la Pologne n’eût alors trois rois, sans qu’on eût pu dire quel était le véritable.

Pendant les conférences de Léopol, le czar, lié d’intérêt avec l’empereur d’Allemagne, par la crainte commune où ils étaient du roi de Suède, obtint secrètement qu’on lui envoyât beaucoup d’officiers allemands. Ceux-ci venaient de jour en jour augmenter considérablement ses forces, en apportant avec eux la discipline et l’expérience. Il les engageait à son service par des libéralités ; et pour mieux encourager ses propres troupes, il donna son portrait enrichi de diamants aux officiers généraux et aux colonels qui avaient combattu à la bataille de Calish : les officiers subalternes eurent des médailles d’or ; les simples soldats en eurent d’argent. Ces monuments de la victoire de Calish furent tous frappés dans sa nouvelle ville de Petersbourg, où les arts florissaient à mesure qu’il apprenait à ses troupes à connaître l’émulation et la gloire.

La confusion, la multiplicité des factions, les ravages continuels en Pologne, empêchèrent la diète de Léopol de prendre aucune résolution. Le czar la fit transférer à Lublin. Le changement de lieu ne diminua rien des troubles et de l’incertitude où tout le monde était : l’assemblée se contenta de ne reconnaître ni Auguste, qui avait abdiqué, ni Stanislas, élu malgré eux ; mais ils ne furent ni assez unis ni assez hardis pour nommer un roi. Pendant ces délibérations inutiles, le parti des princes Sapieha, celui d’Oginski, ceux qui tenaient en secret pour le roi Auguste, les nouveaux sujets de Stanislas, se faisaient tous la guerre, pillaient les terres les uns des autres, et achevaient la ruine de leur pays. Les troupes suédoises, commandées par Levenhaupt, dont une partie était en Livonie, une autre en Lithuanie, une autre en Pologne, cherchaient toutes les troupes moscovites. Elles brûlaient tout ce qui était ennemi de Stanislas. Les Russes ruinaient également amis et ennemis ; on ne voyait que des villes en cendres et des troupes errantes de Polonais dépouillés de tout, qui détestaient également et leurs deux rois, et Charles XII, et le czar.

Le roi Stanislas partit d’Alt-Rantstadt, le 15 juillet de l’année 1707, avec le général Rehnsköld, seize régiments suédois et beaucoup d’argent, pour apaiser tous ces troubles en Pologne, et se faire reconnaître paisiblement. Il fut reconnu partout où il passa : la discipline de ses troupes, qui faisait mieux sentir la barbarie des Moscovites, lui gagna les esprits ; son extrême affabilité lui réunit presque toutes les factions, à mesure qu’elle fut connue ; son argent lui donna la plus grande partie de l’armée de la couronne. Le czar, craignant de manquer de vivres dans un pays que ses troupes avaient désolé, se retira en Lithuanie, où était le rendez-vous de ses corps d’armée, et où il devait établir des magasins. Cette retraite laissa le roi Stanislas paisible souverain de presque toute la Pologne.

Le seul qui le troublât alors dans ses États était le comte Siniawski, grand-général de la couronne, de la nomination du roi Auguste. Cet homme, qui avait d’assez grands talents et beaucoup d’ambition, était à la tête d’un tiers parti : il ne reconnaissait ni Auguste ni Stanislas ; et après avoir tout tenté pour se faire élire lui-même, il se contentait d’être chef de parti, ne pouvant pas être roi. Les troupes de la couronne, qui étaient demeurées sous ses ordres, n’avaient guère d’autre solde que la liberté de piller impunément leur propre pays. Tous ceux qui craignaient ces brigandages, ou qui en souffraient, se donnèrent bientôt à Stanislas, dont la puissance s’affermissait de jour en jour.

Le roi de Suède recevait alors dans son camp d’Alt-Rantstadt les ambassadeurs de presque tous les princes de la chrétienté. Les uns venaient le supplier de quitter les terres de l’empire ; les autres eussent bien voulu qu’il eût tourné ses armes contre l’empereur ; le bruit même s’était répandu partout qu’il devait se joindre à la France pour accabler la maison d’Autriche. Parmi tous ces ambassadeurs vint le fameux Jean, duc de Marlborough, de la part d’Anne, reine de la Grande-Bretagne. Cet homme, qui n’a jamais assiégé de ville qu’il n’ait prise, ni donné de bataille qu’il n’ait gagnée, était à Saint-James un adroit courtisan, dans le parlement un chef de parti, dans les pays étrangers le plus habile négociateur de son siècle. Il avait fait autant de mal à la France par son esprit que par ses armes. On a entendu dire au secrétaire des États-Généraux, M. Fagel, homme d’un très-grand mérite, que plus d’une fois les États-Généraux ayant résolu de s’opposer à ce que le duc de Marlborough devait leur proposer, le duc arrivait, leur parlait en français, langue dans laquelle il s’exprimait très-mal, et les persuadait tous. C’est ce que le lord Bolingbroke m’a confirmé.

Il soutenait avec le prince Eugène, compagnon de ses victoires, et avec Heinsius, grand-pensionnaire de Hollande, tout le poids des entreprises des alliés contre la France. Il savait que Charles était aigri contre l’empire et contre l’empereur, qu’il était sollicité secrètement par les Français, et que si ce conquérant embrassait le parti de Louis XIV les alliés seraient opprimés.

Il est vrai que Charles avait donné sa parole, en 1700, de ne se mêler en rien de la guerre de Louis XIV contre les alliés ; mais le duc de Marlborough ne croyait pas qu’il y eût un prince assez esclave de sa parole pour ne pas la sacrifier à sa grandeur et à son intérêt[17]. Il partit donc de la Haye dans le dessein d’aller sonder les intentions du roi de Suède. M. Fabrice, qui était alors auprès de Charles XII, m’a assuré que le duc de Marlborough, en arrivant, s’adressa secrètement, non pas au comte Piper, premier ministre, mais au baron de Gortz[18], qui commençait à partager avec Piper la confiance du roi. Il arriva même dans le carrosse de ce baron au quartier de Charles XII, et il y eut des froideurs marquées entre lui et le chancelier Piper. Présenté ensuite par Piper, avec Robinson, ministre d’Angleterre, il parla au roi en français ; il lui dit qu’il s’estimerait heureux de pouvoir apprendre sous ses ordres ce qu’il ignorait de l’art de la guerre. Le roi ne répondit à ce compliment par aucune civilité, et parut oublier que c’était Marlborough qui lui parlait. Je sais même qu’il trouva que ce grand homme était vêtu d’une manière trop recherchée, et avait l’air trop peu guerrier. La conversation fut fatigante et générale, Charles XII s’exprimant en suédois, et Robinson servant d’interprète. Marlborough, qui ne se hâtait jamais de faire ses propositions, et qui avait, par une longue habitude, acquis l’art de démêler les hommes et de pénétrer les rapports qui sont entre leurs plus secrètes pensées, et leurs actions, leurs gestes, leurs discours, étudia attentivement le roi. En lui parlant de guerre en général, il crut apercevoir dans Charles XII une aversion naturelle pour la France ; il remarqua qu’il se plaisait à parler des conquêtes des alliés. Il lui prononça le nom du czar, et vit que les yeux du roi s’allumaient toujours à ce nom, malgré la modération de cette conférence. Il aperçut de plus, sur une table, une carte de Moscovie. Il ne lui en fallait pas davantage pour juger que le véritable dessein du roi de Suède et sa seule ambition était de détrôner le czar après le roi de Pologne. Il comprit que si ce prince restait en Saxe, c’était pour imposer quelques conditions un peu dures à l’empereur d’Allemagne. Il savait bien que l’empereur ne résisterait pas, et qu’ainsi les affaires se termineraient aisément. Il laissa Charles XII à son penchant naturel ; et, satisfait de l’avoir pénétré, il ne lui fit aucune proposition. Ces particularités m’ont été confirmées par Mme  la duchesse de Marlborough, sa veuve, encore vivante[19].

Comme peu de négociations s’achèvent sans argent, et qu’on voit quelquefois des ministres qui vendent la haine ou la faveur de leur maître, on crut dans toute l’Europe que le duc de Marlborough n’avait réussi auprès du roi de Suède qu’en donnant à propos une grosse somme au comte Piper ; et la mémoire de ce Suédois en est restée flétrie jusqu’aujourd’hui. Pour moi, qui ai remonté, autant qu’il m’a été possible, à la source de ce bruit, j’ai su que Piper avait reçu un présent médiocre de l’empereur par les mains du comte de Wratislau, avec le consentement du roi son maître, et rien du duc de Marlborough. Il est certain que Charles était inflexible dans le dessein d’aller détrôner l’empereur des Russes, qu’il ne recevait alors conseil de personne, et qu’il n’avait pas besoin des avis du comte Piper pour prendre de Pierre Alexiowitz une vengeance qu’il cherchait depuis si longtemps.

Enfin ce qui achève de justifier ce ministre, c’est l’honneur rendu longtemps après à sa mémoire par Charles XII, qui, ayant appris que Piper était mort en Russie[20], fit transporter son corps à Stockholm, et lui ordonna à ses dépens des obsèques magnifiques.

Le roi, qui n’avait point encore éprouvé de revers, ni même de retardement dans ses succès, croyait qu’une année lui suffirait pour détrôner le czar, et qu’il pourrait ensuite revenir sur ses pas, s’ériger en arbitre de l’Europe ; mais il voulait auparavant humilier l’empereur d’Allemagne.

Le baron de Strålheim, envoyé de Suède à Vienne, avait eu dans un repas une querelle avec le comte de Zobor, chambellan de l’empereur : celui-ci ayant refusé de boire à la santé de Charles XII, et ayant dit durement que ce prince en usait trop mal avec son maître, Strålheim lui avait donné un démenti et un soufflet, et avait osé, après cette insulte, demander réparation à la cour impériale. La crainte de déplaire au roi de Suède avait forcé l’empereur à bannir son sujet, qu’il devait venger. Charles XII ne fut pas satisfait ; il voulut qu’on lui livrât le comte de Zobor. La fierté de la cour de Vienne fut obligée de fléchir ; on mit le comte entre les mains du roi, qui le renvoya, après l’avoir gardé quelque temps prisonnier à Stetin.

Il demanda de plus, contre toutes les lois des nations, qu’on lui livrât quinze cents malheureux Moscovites qui, ayant échappé à ses armes, avaient fui jusque sur les terres de l’empire. Il fallut encore que la cour de Vienne consentît à cette étrange demande ; et si l’envoyé moscovite à Vienne n’avait adroitement fait évader ces malheureux par divers chemins, ils étaient tous livrés à leurs ennemis.

La troisième et la dernière de ses demandes fut la plus forte. Il se déclara le protecteur des sujets protestants de l’empereur en Silésie, province appartenante à la maison d’Autriche, non à l’empire ; il voulut que l’empereur leur accordât des libertés et des priviléges, établis, à la vérité, par les traités de Vestphalie, mais éteints, ou du moins éludés par ceux de Rysvick. L’empereur, qui ne cherchait qu’à éloigner un voisin si dangereux, plia encore, et accorda tout ce qu’on voulut. Les luthériens de Silésie eurent plus de cent églises que les catholiques furent obligés de leur céder par ce traité ; mais beaucoup de ces concessions, que leur assurait la fortune du roi de Suède, leur furent ravies dès qu’il ne fut plus en état d’imposer des lois.

L’empereur qui fit ces concessions forcées, et qui plia en tout sous la volonté de Charles XII, s’appelait Joseph ; il était fils aîné de Léopold, et frère de Charles VI, qui lui succéda depuis. L’internonce du pape, qui résidait alors auprès de Joseph, lui fit des reproches fort vifs de ce qu’un empereur catholique comme lui avait fait céder l’intérêt de sa propre religion à ceux des hérétiques. « Vous êtes bien heureux, lui répondit l’empereur en riant, que le roi de Suède ne m’ait pas proposé de me faire luthérien ; car, s’il l’avait voulu, je ne sais pas ce que j’aurais fait. »

Le comte de Wratislau, son ambassadeur auprès de Charles XII, apporta à Leipsick le traité en faveur des Silésiens, signé de la main de son maître. Alors Charles dit qu’il était le meilleur ami de l’empereur ; cependant il ne vit pas sans dépit que Rome l’eût traversé autant qu’elle l’avait pu. Il regardait avec mépris la faiblesse de cette cour, qui, ayant aujourd’hui la moitié de l’Europe pour ennemie irréconciliable, est toujours en défiance de l’autre, et ne soutient son crédit que par l’habileté des négociations ; cependant il songeait à se venger d’elle. Il dit au comte de Wratislau que les Suédois avaient autrefois subjugué Rome, et qu’ils n’avaient pas dégénéré comme elle. Il fit avertir le pape qu’il lui redemanderait un jour les effets que la reine Christine avait laissés à Rome. On ne sait jusqu’où ce jeune conquérant eût porté ses ressentiments et ses armes si la fortune eût secondé ses desseins. Rien ne lui paraissait alors impossible : il avait même envoyé secrètement plusieurs officiers en Asie, et jusque dans l’Égypte, pour lever le plan des villes, et l’informer des forces de ces États. Il est certain que si quelqu’un eût pu renverser l’empire des Persans et des Turcs, et passer ensuite en Italie, c’était Charles XII[21]. Il était aussi jeune qu’Alexandre, aussi guerrier, aussi entreprenant, plus infatigable, plus robuste et plus tempérant, et les Suédois valaient peut-être mieux que les Macédoniens ; mais de pareils projets, qui sont traités de divins quand ils réussissent, ne sont regardés que comme des chimères quand on est malheureux.

Enfin toutes les difficultés étant aplanies, toutes ses volontés exécutées, après avoir humilié l’empereur, donné la loi dans l’empire, avoir protégé sa religion luthérienne au milieu des catholiques, détrôné un roi, couronné un autre, se voyant la terreur de tous les princes, il se prépara à partir. Les délices de la Saxe, où il était resté oisif une année, n’avaient en rien adouci sa manière de vivre. Il montait à cheval trois fois par jour, se levait à quatre heures du matin, s’habillait seul, ne buvait point de vin, ne restait à table qu’un quart d’heure, exerçait ses troupes tous les jours, et ne connaissait d’autre plaisir que celui de faire trembler l’Europe.

Les Suédois ne savaient point encore où le roi voulait les mener. On se doutait seulement, dans l’armée, que Charles pourrait aller à Moscou. Il ordonna, quelques jours avant son départ, à son grand maréchal des logis de lui donner par écrit la route depuis Leipsick... Il s’arrêta un moment à ce mot ; et de peur que le maréchal des logis ne pût rien deviner de ses projets, il ajouta en riant : « Jusqu’à toutes les capitales de l’Europe. » Le maréchal lui apporta une liste de toutes ces routes, à la tête desquelles il avait affecté de mettre en grosses lettres : Route de Leipsick à Stockholm. La plupart des Suédois n’aspiraient qu’à y retourner ; mais le roi était bien éloigné de songer à leur faire revoir leur patrie. « Monsieur le maréchal, dit-il, je vois bien où vous voudriez me mener ; mais nous ne retournerons pas à Stockholm sitôt. »

L’armée était déjà en marche, et passait auprès de Dresde : Charles était à la tête, courant toujours, selon sa coutume, deux ou trois cents pas devant ses gardes. On le perdit tout d’un coup de vue : quelques officiers s’avancèrent à bride abattue pour savoir où il pouvait être ; on courut de tous côtés, on ne le trouva point : l’alarme est en un moment dans toute l’armée ; on fait halte ; les généraux s’assemblent ; on était déjà dans la consternation ; on apprit enfin d’un Saxon qui passait ce qu’était devenu le roi.

L’envie lui avait pris, en passant si près de Dresde, d’aller rendre une visite au roi Auguste : il était entré à cheval dans la ville, suivi de trois ou quatre officiers généraux ; on leur demanda leur nom à la barrière : Charles dit qu’il s’appelait Carl, et qu’il était draban ; chacun prit un nom supposé. Le comte Flemming, les voyant passer dans la place, n’eut que le temps de courir avertir son maître. Tout ce qu’on pouvait faire dans une occasion pareille s’était déjà présenté à l’idée du ministre : il en parlait à Auguste ; mais Charles entra tout botté dans la chambre, avant qu’Auguste eût eu même le temps de revenir de sa surprise. Il était malade alors, et en robe de chambre : il s’habilla en hâte, Charles déjeuna avec lui comme un voyageur qui vient prendre congé de son ami ; ensuite il voulut voir les fortifications. Pendant le peu de temps qu’il employa à les parcourir, un Livonien proscrit en Suède, qui servait dans les troupes de Saxe, crut que jamais il ne s’offrirait une occasion plus favorable d’obtenir sa grâce ; il conjura le roi Auguste de la demander à Charles, bien sûr que ce roi ne refuserait pas cette légère condescendance à un prince à qui il venait d’ôter une couronne, et entre les mains duquel il était dans ce moment. Auguste se chargea aisément de cette affaire. Il était un peu éloigné du roi de Suède, et s’entretenait avec Hord, général suédois. « Je crois, lui dit-il en souriant, que votre maître ne me refusera pas. — Vous ne le connaissez pas, repartit le général Hord ; il vous refusera plutôt ici que partout ailleurs. » Auguste ne laissa pas de demander au roi en termes pressants la grâce du Livonien. Charles la refusa d’une manière à ne se la pas faire demander une seconde fois. Après avoir passé quelques heures dans cette étrange visite, il embrassa le roi Auguste, et partit. Il trouva, en rejoignant son armée, tous ses généraux encore en alarmes : ils lui dirent qu’ils comptaient assiéger Dresde, en cas qu’on eût retenu Sa Majesté prisonnière, « Bon, dit le roi, on n’oserait. » Le lendemain, sur la nouvelle qu’on reçut que le roi Auguste tenait conseil extraordinaire à Dresde : « Vous verrez, dit le baron de Strålheim, qu’ils délibèrent sur ce qu’ils devaient faire hier[22]. » À quelques jours de là, Rehnsköld, étant venu trouver le roi, lui parla avec étonnement de ce voyage de Dresde. « Je me suis fié, dit Charles, sur ma bonne fortune : j’ai vu cependant un moment qui n’était pas bien net ; Flemming n’avait nulle envie que je sortisse de Dresde sitôt. »

FIN DU LIVRE TROISIÈME.
  1. Sobieski.
  2. Variante : « Se ménageant encore entre Auguste et Stanislas, et attendant l’occasion de nuire à tous deux. »
  3. Variante : « Charles XII, mêlé dans la foule, fut le premier à crier : Vivat ! »
  4. Variante : « Le nom de roi ne changea rien dans les mœurs de Stanislas : il ne fit seulement que tourner ses talents du côté de la guerre ; un orage venait de le mettre sur le trône ; un autre orage pouvait l’en faire tomber. Il avait à conquérir la moitié de son nouveau royaume, et à s’affermir dans l’autre : traité de souverain à Varsovie, et de rebelle à Sandomir, il se prépara à se faire reconnaître de tout le monde par la force des armes. »
  5. Marie Leczinska, née en 1703, qui épousa Louis XV en 1725, et mourut en 1768. — Voyez, sur les circonstances qui amenèrent son mariage, tome XV, pages 172-174.
  6. À qui Voltaire a écrit la lettre du 15 sept. 1740 ; voyez dans la Correspondance.
  7. Montesquieu admirait ce récit. Voltaire a beaucoup retranché de la première version.
  8. Tout cet alinéa fut ajouté en 1756. Quelques années auparavant, le sénat de la république de Gênes avait décerné une statue au maréchal de Richelieu, pour sa défense de Gênes en 1747. (B.) — Voyez, tome X, page 353, l’épître de Voltaire à ce sujet, datée du 18 novembre 1748.
  9. C’était Frédéric Ier ; voyez une note sur les rois de Prusse, tome XV, p. 195.
  10. Dans l’Histoire de Russie, chapitre XIII de la première partie, Voltaire dit le 20 auguste.
  11. Voyez une note ajoutée aux Anecdotes sur le czar Pierre le Grand.
  12. Variante : « Il est difficile de prévoir si cette colonie subsistera longtemps. »
  13. Le Mercure de janvier 1746 contient une lettre signée d’un sieur Popinet, qui annonce avoir fait partie du régiment français pris à Hochstedt en 1704, puis à Frauenstadt en 1706. Popinet relève ici quelques inexactitudes. À la bataille d’Hochstedt ce régiment fut pris par les Anglais ; et, dans le partage qui fut fait de tous les prisonniers, il resta dans le Virtemberg, la Souabe et la Franconie. Auguste, roi de Pologne, ayant obtenu de l’empereur la permission de lever huit cents hommes parmi ces prisonniers, en forma un régiment de grenadiers, dont il fit ses gardes à pied. Le colonel Joyeuse, voyant son régiment passer du côté de Charles XII, prit un drapeau qu’il voulait sauver. Poursuivi par une vingtaine de cavaliers suédois, il feignit de le vouloir remettre à un officier, auquel à l’instant il coupa la tête. Cette mort fut vengée sur-le-champ par celle de Joyeuse, qui reçut vingt coups de pistolet. Le régiment avait quitté l’armée saxonne parce que Charles XII avait fait circuler dans ses rangs des billets où il promettait de le faire passer en France. Mais dès le lendemain le monarque suédois, oubliant sa promesse, le prit à son service. (B.)
  14. C’est trois jours après la bataille qu’on accomplit ce massacre, et sur l’ordre de Charles XII.

    — Voltaire reparle de cette circonstance dans son Histoire de Russie sous Pierre le Grand, chapitre XV de la première partie ; et encore dans sa lettre à Schulenbourg, du 15 septembre 1740. Dans les éditions de 1731 à 1751 on lisait ici :

    « Le roi, en revenant de Lithuanie, apprit cette nouvelle victoire ; mais la satisfaction qu’il en reçut fut troublée par un peu de jalousie ; il ne put s’empêcher de dire : Rehnsköld ne voudra plus faire comparaison avec moi. »

    Cet alinéa fut supprimé en 1752. (B.)

  15. Voyez page 170.
  16. Ces derniers mots furent ajoutes parce que la première version de cette lettre, donnée par Voltaire, avait été trouvée fausse par Nordberg.
  17. Charles XII ayant appris l’inquiétude du duc de Marlborough sur ce qu’il ne pouvait pas démêler si les intentions du roi étaient de s’unir à la France, lui fit dire par le baron de Gortz qu’il se ressouvenait de sa parole donnée en 1700, et que son temps n’était pas encore expiré, pour se mêler de leur guerre. (P.)
  18. Ce ne peut être ce baron, qui ne fut au service de Charles XII qu’après Bonder. (G. A.) — Voltaire écrivait Goertz, et, dans une note de son Histoire de Russie, deuxième partie, chapitre IV, il dit que nous prononçons Gueurtz. (B.)
  19. L’auteur écrivait en 1727. On voit par d’autres dates que l’ouvrage a été retouché depuis à plusieurs reprises. (Note de Voltaire.)
  20. La Motraye dit que ce fut à Slutelbourg, autrefois nommé Noteborg. (B.)
  21. Tout cela rappelle les idées de Bonaparte à ses débuts. (G. A.)
  22. L’anecdote qui suit n’est pas dans les premières éditions.