Histoire d’une grande dame au XVIIIe siècle, La comtesse Hélène Potocka/15

Calmann Lévy (2p. 388-404).


XV


Voyage à Vienne. — La comtesse de Brionne. — Madame de Staël : Agar au désert. — Arrivée des jeunes mariés à Paris. — Hélène et Sidonie.



Les jeunes époux quittèrent Tœplitz à la fin de septembre et, avant de se mettre en route pour Paris, ils se rendirent à Vienne. On a vu que la princesse mère n’avait pas assisté au mariage de sa petite-fille. Voulant éviter de rencontrer sa belle-fille, elle déclara d’avance que sa santé lui interdisait de quitter Vienne ; il ne lui fut plus possible de se dédire lorsqu’elle apprit qu’Hélène ne viendrait pas à Tœplitz. Sidonie jugea avec beaucoup de tact que son premier devoir était de présenter à sa grand’mère le comte François, et quel que fut son ardent désir d’arriver à Paris, elle préféra subir un retard et passer par Vienne.

La princesse fut satisfaite de cette marque de déférence et accueillit le jeune couple à merveille. Voici le portrait que trace d’elle le comte François à son arrivée.

« La princesse de Ligne, née princesse de Lichtenstein, a été très belle : mariée de bonne heure au prince de Ligne, elle a eu de lui successivement le prince Charles, Christine, princesse Clary, le prince Louis, la comtesse Jean Palfy et la princesse Flore qui doit, dit-on épouser le baron de Spiegel, officier estimé. La princesse de Ligne s’est accoutumée aux infidélités de son mari et s’est laissée entraîner à aimer aussi. Mais on ne lui connaît qu’une seule inclination et à laquelle les sens n’ont jamais eu part. Le prince de Ligne aime le comte de *** et le traite comme son meilleur ami, certain qu’il est de la parfaite innocence de ses relations avec sa femme. »

Les jeunes époux retrouvèrent à l’hôtel de Ligne le comte Roger de Damas, qui était fixé à Vienne. « Si l’âge nuit à certaines gens, dit le comte François, ni l’esprit ni les manières de M. de Damas ne s’en ressentent, et sauf les traces que l’âge et les combats ont laissées sur son visage, il est tout à fait comme l’a dépeint le prince de Ligne pendant la guerre contre les Turcs : »

Un autre émigré français, M. de Bonnay, que nous avons déjà vu, ne quittait pas l’hôtel de Ligne.

« M. de Bonnay a de l’esprit, mais un ton de suffisance et une manière d’être partout comme s’il était chez lui, qui me sont insupportables. Il est l’oracle de beaucoup de monde ici ; il n’a pas, comme M. de Damas, conservé l’amour de la France et de tout ce qui est français. Destiné à n’être rien, sous l’ancien régime, il fait ici le quelqu’un. »

La société habituelle du prince de Ligne se composait de quelques grands seigneurs de Pays-Bas, comme lui fixés à Vienne, entre autres le prince de Stahremberg, son ami de cœur, avec lequel il faisait et disait cent folies, et de quelques émigrés français de haute volée, tels que le prince de Lorraine[1] et sa mère la comtesse de Brionne, que nous connaissons de longue date[2]. Le jeune comte Ouvaroff arriva à Vienne précisément en même temps que Sidonie et son mari, il était impatient de connaître le prince de Ligne.

« J’avais si souvent entendu prononcer son nom dit-il, je l’avais trouvé à toutes les pages du xviiie siècle, entre Voltaire, Louis XV, Frédéric, Catherine et l’empereur Joseph ! Un homme qui faisait parler de lui depuis si longtemps me semblait devoir être une sorte de Nestor en caducité ! Jugez de mon étonnement, quand je trouvai qu’à soixante-douze ans le prince conservait toute la vigueur de l’âge mûr ? D’une taille élancée, se tenant fort droit, ayant gardé la vue, l’ouïe, et un excellent estomac ; empressé auprès des femmes et tout resplendissant de son élégante frivolité, le prince traitait les jeunes gens en camarades et l’on peut s’imaginer avee quel empressement je me trouvai admis dans le nombre. »

François et Ouvaroff se lièrent dès l’abord, ils ne quittaient pas le prince, dont la société les charmait, heureux d’étudier de près ce modèle du siècle passé.

« La stature du prince, dit François, est grande et forte, sa figure majestueuse, ses manières nobles et pleines d’aisance. Ses cheveux blancs, bouclés et légèrement poudrés encadrent son beau visage à peine ridé. Un sourire charmant, une expression de bonté mélangée de finesse et de malice comme sa physionomie.

» Sa bouche est grande et gracieuse, son large front intelligent respire la sérénité. Son regard est vif, parfois ses yeux semblent lancer du feu ; tout en lui exprime la franchise. Il est non pas aimé, mais adoré de ses amis, sa famille à pour lui un véritable culte ; personne n’échappe à la séduction de sa personne et de son esprit. Il porte toujours l’uniforme de capitaine de trabans[3] dont il vient de recevoir le grade : sur sa poitrine sont enlacés le cordon de Marie-Thérèse et l’ordre de la Toison d’Or. »

Le prince conduisit ses deux jeunes amis chez ses belles-sœurs, les princesses de Lichtenstein, derniers débris de la société du Belvéder de Joseph II, puis il les présenta à la comtesse de Brionne, qu’on nommait à Vienne la princesse de Lorraine.

La comtesse, qui fut sans contredit une des plus belles femmes de la cour de Louis XV, conserva jusqu’à la fin, par un rare privilège, sa majestueuse beauté. Elle vivait à Vienne d’une modeste pension de douze mille florins que lui faisait l’empereur, comme princesse de Lorraine, supportant avec une résignation fière et courageuse cette existence modeste, sans témoigner un regret de la perte de ses richesses et de ses grandeurs passées. Son salon était le rendez-vous des émigrés français appartenant à la noblesse ; ce fut dans ce cercle que le prince de Ligne introduisit son petit-fils et le comte Ouvaroff qui se préparaient à regarder de tous leurs yeux et à écouter de toutes leurs oreilles.

Le son de voix de la comtesse, son beau profil régulier, son regard doux et imposant, formaient un contraste parfait avec la vivacité impétueuse, le feu du regard et la gaieté du prince de Ligne. La conversation tomba, comme on le pense, sur l’ancienne France. Par un coup de baguette on rétrograda de cinquante ans et l’on fut de plein saut à l’Œil-de-Bœuf ou dans les petits appartements. Ce passé évanoui redevint le présent et l’ancien Versailles reparut « pimpant, coquet et joyeux ». Les deux octogénaires se prirent à parler comme si la vieille monarchie française eût été là, vivante à leurs yeux : chacun se tut et écouta.

Louis XV était le roi de cette étonnante féerie : amoureux de madame de Brionne, il n’obtint d’elle qu’une tendre amitié, mais quel souvenir elle en avait gardé ! Comment ne pas pardonner quelques faiblesses au héros de Fontenoy, si beau, si séduisant ! Elle lui passait la duchesse de Chateauroux, peut-être même la Pompadour : quant à la Du Barry, le prince osait à peine articuler son nom avec une nuance d’embarras très marqué[4].

La comtesse ne manqua pas de rappeler le coup de panier donné par la duchesse de Grammont à madame Du Barry. Puis ils parlèrent de Chanteloup et du duc de Choiseul, comme s’ils y eussent soupé la veille. Il fut décidé que si le duc n’eût pas été chassé par la cabale du duc de la Vauguyon, qui faisait croire au roi que M. de Choiseul avait empoisonné le dauphin, il serait encore à la tête des affaires et la Révolution avortait…

« Quelle merveilleuse manière à lui, dit la comtesse, de porter son cordon bleu ! cela consistait à placer sa main d’une certaine façon dans sa veste entr’ouverte ; et quelle fierté dédaigneuse quand il disait de ses adversaires : « Eh ! que m’importe à moi que M. de Maupeou et M. de la Vauguyon se mangent le jaune des yeux ! »

Vint ensuite le tour du maréchal de Richelieu, ce type accompli du grand seigneur si parfaitement aimable ; il n’avait qu’un défaut. Ici chacun attendait avec une certaine curiosité cet unique défaut du maréchal, auquel on croyait en connaître quelques-uns. « Pourquoi affectait-il de garder seul à la cour les talons rouges et les formules complimenteuses de la cour de Louis XIV ?… »

« Tout ce qu’il y avait de plus huppé à Versailles, les grandes dames avec leurs paniers, leurs robes traînantes, leur rouge et leurs mouches, tous les beaux jeunes gens, poudrés, parfumés et en habits brodés venaient s’asseoir près de nous dans ce modeste salon, dit le comte Ouvaroff ; c’était quelque chose de fascinateur et d’éblouissant qui ressemblait à l’acte de Robert le Diable où les morts sortent de leurs tombeaux et dansent avec les vivants… À la lettre, la tête en tournait[5]. »

La présence de madame de Staël vint ajouter encore à l’animation de l’hôtel de Ligne. Exilée de Paris par l’empereur, elle arriva à l’automne de 1807, amenant son fils aîné à Vienne pour apprendre l’allemand et achever son éducation. Son premier soin fut de le présenter au prince de Ligne : « Prince, lui dit-elle, je viens chez vous mettre mon fils à l’école du génie. — IL y était en naissant, madame, » répondit galamment le prince.

Malgré cette réponse courtoise, nous devons avouer que le prince était médiocrement prévenu en faveur de l’auteur de Corinne. Son exaltation, ses gestes dramatiques, la tournure tout à fait moderne de son esprit lui étaient antipathiques. Il avait vu madame Necker à Paris avant la Révolution et l’avait peu goûtée ; M. Necker l’avait prodigieusement ennuyé et l’ambassadrice de Suède ne lui avait laissé d’autre souvenir « que celui d’une femme laide faisant des phrases et de la politique ». Il fallut toute l’aménité de son caractère et sa parfaite politesse pour n’en rien faire voir. Cependant il ne put s’empêcher de laisser percer une imperceptible pointe d’ironie dont il était difficile de se fâcher. Il s’empressa de lui rendre sa visite, et madame de Staël s’excusant en termes recherchés de la petitesse de l’appartement dans lequel elle recevait le prince. « Comment donc, madame, interrompit celui-ci, mais, avec vous, on est toujours sur le Parnasse ! » La baronne, en femme d’esprit, feignit de prendre cette phrase pour un compliment.

À ces petites hostilités succéda bientôt de part et d’autre une affection véritable. Oubliant les légers travers de sa nouvelle amie, le prince ne tarda pas à rendre justice aux éminentes qualités de cette nature d’élite.

À peine le jeune couple fut-il arrivé qu’on organisa une représentation théâtrale, car madame de Staël partageait la passion du prince pour la comédie de société. On monta les Femmes savantes ; nous ne voudrions pas jurer qu’il n’entrât un grain de malice dans ce choix fait par le prince. Madame de Staël, sans paraître s’en apercevoir, joua Philaminte de fort bonne grâce et avec beaucoup d’esprit, le comte de Cobentzel joua Chrysale avec une verve et un talent consommés. François Potocki et le comte Ouvaroff, affublés d’énormes perruques et grimés de la bonne façon, représentèrent très bien Vadius et Trissotin : le prince de Ligne comptait jouer Chrysale, mais on parvint à l’en dissuader. Son talent n’avait pas grandi depuis Bel-Œil, il brouillait tout et ne se rappelait jamais un mot de son rôle.

La princesse Clary et Tiline remplissaient les autres rôles. Aux Femmes savantes succéda une pièce de madame de Staël : Agar dans le désert. L’auteur jouait le rôle d’Agar, mais son costume et sa coiffure lui seyaient fort mal. Cette fois-ci le prince de Ligne ne jouait pas, ce dont il était un peu vexé. Son « petit-gendre » le comte François et le comte Ouvaroll étaient assis auprès de lui. Tout à coup, se retournant vers eux : « Comment s’appelle donc la pièce ? demanda-t-il.

Agar dans le désert, mon prince, répondit Ouvaroff.

— Non, non, dit le prince, je me souviens maintenant, c’est la justification d’Abraham ? » Les deux jeunes gens ne purent retenir un éclat de rire, mais le comte François écrit à ce sujet Ja réflexion suivante : « Le caractère de mon grand-père est original, plein de gaieté, de sensibilité, souvent de profondeur, c’est comme sa personne ; joignez à cela beaucoup de mémoire et d’érudition. Je ne parle pas de son esprit, de ses connaissances, de sa bravoure, tous ces avantages qu’il possède au plus haut degré sont trop connus : Qu’il est fâcheux que, pour un bon mot, il sacrifie celui dont il vient de dire et dont il pense même beaucoup de bien ! »

Par un compromis de bon goût, jamais un mot sur la politique ne fut échangé entre madame de Staël et le prince de Ligne, ils n’auraient point pu s’entendre sur un fait quelconque touchant la Révolution. Cetle simple liaison ne tarda pas à devenir une amitié sérieuse, dont madame de Staël donna les preuves peu de temps après. Elle publia deux volumes extraits des œuvres trop volumineuses du prince. Ce choix fait avec un goùt parfait, réveilla en France le souvenir de celui qui avait fait si longtemps l’agrément de la ville et de la cour, et obtint un grand succès. Madame de Staël disait du prince : « C’est le seul étranger qui, dans le genre français, soit devenu modèle au lieu d’être imitateur. »

Le comte et la comtesse François passèrent trois semaines à Vienne. Malgré l’excellent accueil qu’ils y reçurent et la sympathie particulière marquée par la princesse de Ligne à son petit-gendre, Sidonie mourait d’envie de partir et de voir enfin sa mère dont l’impatience égalait la sienne. Ils quittèrent les Ligne vers le milieu de novembre.

Le 23 au matin, la comtesse Hélène, appuyée à une fenêtre de son hôtel de la rue Caumartin, prêtait l’oreille au moindre bruit : elle attendait sa fille. Mille pensées tristes et douces l’occupaient ; elle allait revoir cette enfant pour laquelle, pendant dix-huit ans, elle n’avait été qu’une étrangère ; cette enfant, abandonnée sans regret et sans remords, lui pardonnerait-elle son indifférence, son oubli ?… et quels souvenirs évoqueraient sa présence ! comment échapper à l’image du prince Charles ? « Elle passait sans cesse devant mes yeux, écrit-elle, une voix me disait : « Tu ne lui as pas donné une larme et il était le père de ton enfant ! » Cette pensée me bouleversait et j’avais peur de ma fille. »

Enfin une chaise de poste s’arrêta devant la porte de l’hôtel. Le comte descendit pour offrir sa main à sa belle-fille au sortir de la voiture ; Hélène, oublieuse de l’étiquette, s’élança et reçut sa fille dans ses bras, au bas de l’escalier. Elle la pressa étroitement sans pouvoir proférer une parole, les larmes l’aveuglaient et l’empêchaient de regarder la jeune femme. Elle l’entraina rapidement dans l’appartement qui lui était destiné, l’attira sur ses genoux comme elle eût fait d’un bébé et la couvrit de baisers. « Il y a si longtemps… si longtemps !… » disait-elle d’une voix entrecoupée par les sanglots, sans pouvoir ajouter autre chose. Quand l’émotion du premier moment fut calmée, elle éloigna tout à coup sa fille d’elle, en la prenant par les deux mains, puis lui ôtant vivement sa pelisse, son chapeau et jusqu’à son peigne, elle fit tomber ses longs cheveux blonds sur les épaules et la fit marcher, tourner et retourner en tout sens. Sidonie se prêta de la meilleure grâce du monde à cet examen et lui dit en souriant : « À présent, maman, c’est à vous de faire de moi votre vraie fille, il faut m’aider à acquérir tout ce qui me manque. » Puis elle ajouta : « Voyez, maman, j’ai appris à faire la révérence à la française. Est-ce bien comme cela ? » et elle fit une profonde révérence. « Oui, mon enfant, mon unique enfant, vous êtes ce que j’aime le plus au monde, — dit Hélène en l’embrassant tendrement, puis elle ajouta gaiement, — après mon mari, cependant, car je dois-vous donner le bon exemple. »

Pendant ce temps, les yeux de Sidonie se promenaient avec curiosité sur quantité de cartons de toutes dimensions qui encombraient les meubles, sa mère s’en aperçut : « Ces chiffons vous sont destinés, mon cœur, il faudra ouvrir tout cela », lui dit la comtesse et çommcFrançois entrait dans la chambre elle les laissa.

Aidée de son mari qui vint la rejoindre, la jeune femme n’eut rien de plus pressé que d’examiner les bienheureux cartons, ils contenaient tous les colifichets qu’une élégante pouvait désirer, plumes, rubans, dentelles, éventails, châles de l’Inde, bijoux de fantaisie, parures de corail, d’ambre, d’acier, et enfin dans un cabinet attenant à la chambre à coucher étaient accrochés six habits de grande parure et de charmants déshabillés du matin.

À la vue de ces trésors, la joie de Sidonie éclata en transports d’enfant, son mari souriait, heureux de son bonheur.

À quatre heures un dîner exquis réunissait parents et enfants qui, pour la première fois de leur vie, se trouvèrent assis à la même table : la comtesse n’avait invité personne à cette réunion intime.

Sidonie, intimidée au commencement du repas, ne disait mot ; peu à peu, enhardie par les prévenances de son beau-père et la gaieté de sa mère qui avait passé des pleurs à la joie, elle se mit à conter très drôlement leur séjour à Vienne et la représentation d’Agar au désert. Hélène buvait ses paroles et, reportant ses yeux de sa fille à son mari, elle lisait avec bonheur sur la physionomie de celui-ci le plaisir qu’il prenait au récit de Sidonie.

Après le dîner, le jeune couple remonta dans son appartement. Hélène fit compliment au comte de la distinction et de l’aimable physionomie de François. I] répondit : — Cela est vrai, mais je trouve notre fille délicieuse. « Là-dessus, je lui ai sauté au cou ! » écrit Hélène.

Le lendemain la comtesse eut voulu montrer sa fille à tous ses amis à la fois, mais il faut dire qu’avant même l’arrivée de Sidonie, la première personne à laquelle elle pensa fut sa bonne, la vieille Bathilde Toutevoix : « J’avais fait engager d’avance ma bonne à déjeuner pour lui montrer ma fille dès le lendemain de son arrivée. »

On pense bien que l’admiration de Bathilde pour la fille d’Hélène s’exprima dans des termes qui ne laissèrent rien à désirer.

Quelques semaines après, la comtesse écrivait à son amie madame d’Andlau :


« Ma chère comtesse,


» M. d’Andlau est venu passer hier la soirée avec nous, car je reste souvent en famille le soir. Nous avons causé, raconté des histoires, et ri comme de bonnes gens. Ma fille est charmante ; elle est bonne, c’est bon, mais elle est amusante comme le prince de Ligne, qu’elle me rappelle souvent, ce qui fait qu’on ne s’ennuie point avec elle. Comme nous sommes modestes, nous nous étonnons toujours, quand il nous arrive de nous trouver seules, de nous avoir été si agréables l’une à l’autre !…

» Pour passer le temps j’ai fait la musique d’une romance que je vous envoie, il y en à trois exemplaires ; faites-moi le plaisir d’en donner un à madame d’Orglandes et l’autre à madame de Rosambeau[6]. J’attache un grand prix à leur souvenir et je me complais à penser que mon nom sera prononcé dans le salon de Voré. »

  1. Charles-Eugène de Lambesc, grand écuyer de France, né le 25 septembre 1751, fils du comte Charles-Louis de Lorraine, comte de Brionne, et de Julie de Rohan Rochefort. Le prince de Lambesc avait émigré avec tout son régiment en juillet 1789 à la cour de Vienne où il fut accueilli avec empressement, ainsi que son frère, le prince de Vaudemont, ancien prétendant d’Hélène. Ils eurent le rang de princes lorrains et prirent aussitôt du service dans l’armée des alliés. Le prince se distingua au siège de Valenciennes, il était d’une bravoure à toute épreuve et de la plus jolie figure du monde ; c’est lui qui était fiancé à mademoiselle de Montmorency, morte à Genève.
  2. Voir notre premier volume, p. 191 et 198.
  3. La compagnie de trabans dont le prince de Ligne fut nommé chef en 1807, était la garde habituelle du palais de l’empereur : c’était un poste fort élevé.
  4. Le prince, après la retraite de la Du Barry à Luciennes, avait été fort avant dans ses bonnes grâces.
  5. Notes du comte François Potocki, et Études de philologie du comte Ouvaroff.
  6. Ces deux dames étaient les filles de madame d’Andlau.