Histoire d’Eugénie Bedford/Texte entier

Thomas Hookham, Libraire & Veuve Duchesne, Libraire (1p. --284).



HISTOIRE


D’EUGÉNIE BEDFORD.


PREMIÈRE PARTIE.
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TABLE

Des noms des principaux
Perſonnages.



Milord Bedford, veuf.

Edward, ſon fils.

Eugénie, ſa fille.

Miſſ Wills, ſa belle-ſœeur, tante d’Edward & d’Eugénie.

Patty, femme-de-chambre d’Eugénie.


Milord Williams veuf, connu enſuite ſous le nom de Williamſon.

James, ſon fils.

Clarice, ſa fille.

Simpſon, valet-de-chambre de Milord Williams.

Miſtreſſ Simpſon, femme de Simpſon.

Bell, leur fille.

Monſieur Godow, Miniſtre attaché à Milord Williams.

Jacſon, Fermier.

Charlotte, ſa fille, maîtreſſe de Milord Williams.

Auguſtin.

Tom.

Milady Briſtool, veuve.

Eliſe, ſa fille, connue enſuite ſous le nom d’Amélie.

Le Chevalier Norfolk.

Le Lord Croydon, ſon neveu.

Elder, Muſicien.

Honora, femme du Concierge de Culverine.

Homely, valet-de-chambre d’Auguſtin.

Sir Arthur.

Moniteur Raynold, ami de Sir Arthur.

Madame de Valcourt, Américaine, jeune veuve.

Madame Darcy, ſa mere, veuve auſſi, & habitante de l’Amérique.

Narbek, Corſaire Algérien.

Zulma, ſa femme.

Alzire, ſa fille.

Rebecca, Eſclave de Zulma.

Aly, autre Corſaire Algérien, frere de Narbek.




Perſonnages principaux du premier
Épifode.

Monfieur Raynold.

Sally Seraple, ſa maîtreſſe.

Miftreſſ Bink, Marchande de modes

Perſonnages principaux du ſecond Épiſode.

Monſieur de Valbois, Maréchal de Camp.

Madame de Valbois.

Charles de Valbois, leur fils, Conſeiller au Parlement de Paris.

Adélaïde de Cerdamont.

M. le Préſident de Cerdamont, pere d’Adélaïde.

Madame la Préfidente, mere d’Adélaïde.

Mirza, femme-de-chambre d’Adélaïde.

Dupuis, domeſtique de M. de Valbois le fils.

Le Comte d’Albin, héritier du Préfident de Cerdamont.

Verlingue, figurante de l’Opéra de Paris, maîtreſſe de M. de Valbois le fils.

Madame Daſtin, amoureuſe de M. de Valbois le fils.

Monſieur Naderman, Banquier d’Amſterdam.

Madame Naderman, ſa femme.

Le Baron de Werbeck, Gentilhomme Suiſſe.

Bordier.



Perſonnages principaux du troiſieme Épifode.


Roſalie d’Angerville.

Meſſieurs d’Angerville, pere & oncle de Roſalie.

Monſieur Saint-Ange, Négociant de Lyon.

Madame Saint-Ange, ſa femme.

Le jeune Saint-Ange, leur fils.

Le Comte de Terſſnot, avanturier fripon, eſcroc, &c…

La Comteſſe, ſa femme.

Monſieur Richaume, uſurier, tenant des chambres garnies.

Meſſieurs Dambrefort, hommes comme il y en a tant.


Perſonnages principaux du quatrième Épiſode.

Miſſ Nancy Bagshot.

Monſieur Bagshot, vicaire, pere de Nancy.

Milady Gardon, grand’mere de Nancy, qu’elle ne veut pas reconnoître.

Milord Stancey, neveu de Milady Gardon.

Sophie, femme-de-chambre de Milady Gardon.

Sir Arthur.

Dona Eléonore, Eſpagnole.




Milord Bedford jouiſſoit d’une immenſe fortune ; mais comme il n’avoit pas toujours été dans une paſſe auſſi brillante, il étoit compatiſſant & bien-faiſant : les malheureux ne trouvoient jamais ſa porte fermée, il obligeoit avec grâce & ſans bruit ; tout ce qui l’entouroit étoit heureux. Depuis ſix ans qu’il avoit perdu ſa femme qu’il adoroit, il s’étoit conſacré à ſuivre avec ſoin l’éducation de deux enfans, fideles portraits de ſon eſtimable moitié. Eugénie, belle, douce comme ſa mere, avoit auſſi ſa ſenſibilité : Edward eût été parfait, ſi une trop grande vivacité ne l’avoit rendu ſouvent entreprenant & même téméraire. Son cœur étoit excellent ; il joignoit à cette qualité beaucoup d’eſprit & de délicateſſe. À la mort de Milady Bedford, Miſſ Wills ſa ſœeur s’étoit établie dans la maiſon de ſon beau-frere : la tendre amitié qu’elle avoit priſe pour Eugénie dès ſon enfance, lui avoit fait refuſer nombre de partis conſidérables qui s’étoient préſentés pour l’épouſer. Je ne veux pas, diſoit cette bonne Miſſ, que ma chere niece ait à partager ma fortune & mon cœur ; l’une & l’autre ſont entièrement à elle. D’après cette façon de penſer, on ne fera pas étonné de voir Miſſ Wills remplir auprès d’Eugénie les fonctions d’une mere tendre & d’une gouvernante ſoigneuſe ; la jeune perſonne fut toujours reconnoiſſante envers ſa tante, qu’elle ne ceſſa jamais d’aimer & de reſpecter, Miſſ Wills avoit reçu une excellente éducation ; ce qui la mit à portée de bien élever ſa pupille, dont le caractere docile & doux ſe prêta ſans peine à tout ce que ſa tante exigeoit d’elle : ſon eſprit ne fut pas plus négligé que ſes graces ; on forma l’un, en développant les autres ; on l’inſtruiſoit, ſans la fatiguer ; ſes leçons ſe prenoient en jouant. Cette manière m’a toujours ſemblé la meilleure ; quand le terrible mot de devoir ſe fait entendre à l’oreille d’un enfant, il ne le remplit qu’en pleurant ; ce que la crainte fait apprendre, s’oublie vite, & il ne reſte que du dégoût pour l’étude. Miſſ Wills ſuivit une autre méthode, & elle fit bien ; ſon éleve, en peu de temps, poſſéda les talens les plus agréables, & les ciences les plus utiles ; à ſeize ans, Miſſ Bedford paſſoit pour un prodige. Milord, ſon pere, s’étoit repoſé ſur ſa belle-ſœur, de l’éducation de ſa fille ; nais il voulut ſe charger lui-même de celle de ſon fils. Le caractere d’Edward, quoique doux, comme je l’ai déjà dit, n’étoit pas auſſi facile à gouverner que celui d’Eugénie : ſon pere eut plus de peine que Miſſ Wills, mais ſa patience lui fit ſurmonter les difficultés. Edward, à l’âge de ſa ſœur, devint auſſi un très-bon ſujet.

Vers ce temps. Milord fut obligé d’aller dans une de ſes terres : comme il ſe diſpoſoit à partir, ſon fils & ſa fille vinrent le ſupplier de permettre qu’ils l’accompagnaſſent. — Mes enſans, leur répondit-il, le lieu où je vais eſt fort triſte, l’ennui y ſuivroit bientôt nos pas. — Pouvez-vous le ſuppoſer, firent-ils enſemble ? n’y ſerons-nous pas avec vous ? Miſſ Wills parut en cet inſtant ; elle approuva la démarche des jeunes gens, & appuya leur demande, qui fut accordée avec joie. En effet, eſt-il rien de plus flatteur pour un bon pere, que de voir combien il eſt chéri de ſes enſans ? Le voyage fut fixé à trois jours ; il en fallut pluſieurs pour arriver à Nark-NeJJ] Ce lieu, à la vérité, ne promettait j>as de grands plaiſirs ; la nature ſembloit l’avoir créé dans un moment d’humeur : ſa pofition n’étoit rien mois qu’agréable ; point de vue, une humidité continuelle, des jardins immenſes, mais mal diſtribués, une bâtiſſe antique, des meubles délabrés, tout annonçoit la plus grande vétuſté. En quittant une belle Ville, où l’on occupoit un ſuperbe hôtel, il eſt tout ſimple d’être ſurpris déſagréablement, à l’aſpect d’une telle habitation. Nos jeunes gens ne purent donc diſſimuler l’impreſſion peu flatteuſe qu’ils éprouvèrent au premier coup d’œil : la réflexion & la compagnie de leurs chers parons leur rendit bientôt la gaité. Les affaires qui avoient appelle Milord dans ce lieu, étoient d’une nature à ne pouvoir ſe terminer qu’au bout d’un temps allez long : le printemps ne faiſoit que commencer ; on chercha à ſe procurer les choſes les plus néceſſaires ; il ne falloit pas ſonger tout de ſuite à celles d’agrémens ; enfin chacun ſe trouva logé tant bien que mal. Peu de temps après, à l’aide d’un nombre conſidérable d’ouvriers, le château fut muni de tout ce qu’on pouvoit déſirer.

Edward ſe livra au plaiſir de la chaſſe ; Nark-Neſſ étoit très-peuplé en gibier. Tous les jours le jeune Lord apportoit des preuves de ſon adreſſe. Eugenie paſſoit ſon temps avec ſa tante ; la muſique, la lecture, un peu de travail & de fréquentes promenades ne leur laiſſoient pas un inſtant de libre. Un mois s’écoula ſans ennui, le départ étoit encore éloigné, les affaires de Mylord ne finiſſoient point ; il eſt vrai que l’on ne ſe plaignoit pas de leur lenteur.

Le ſoir d’une chaude & ſuperbe journée, nos campagnards ſe propoſerent de faire une promenade qu’ils pouſſerent plus loin qu’à l’ordinaire ; inſenſiblement ils gagnèrent les murs d’un parc qui leur étoit inconnu. Mylord Bedford avoit hérité, depuis peu, de Nark-Neſſ, & comme il n’y étoit jamais venu, il ne connoiſſoit aucun de ſes voiſins. La vue de ce parc excita la curioſité d’Edward, — Sachons, dit-il à ſon pere, à qui il appartient. Eugenie avoit le même deſir, mais elle n’oſoit le témoigner. La demande de ſon frere l’enhardit : — je vois venir un homme de qui papa pourroit l’apprendre ; c’étoit un payſan qui paſſoit. Mylord lui en fit la queſtion. — Ô Mylord ! que vous êtes heureux de ne pas connoître le monſtre qui habite ce château, c’eſt le plus barbare & le plus inhumain des hommes. À ce début, la famille ſe regarda, & parut ſouhaiter que le payſan s’expliquât mieux. — Ou votre Seigneur eſt en effet bien méchant, ou vous êtes, mon ami, un grand miſérable d’en parler auſſi mal ? — Hélas ! je ne ſuis point un calomniateur, & ce que je viens de dire, vous ſera confirmé par tous les habitans de cette contrée ; il n’en eſt pas un qui ne maudiſſe ſon exiſtence ; chaque jour voit naître de nouvelles injuſtices de la part de Mylord Williams ; il eſt riche, nous ſommes pauvres ; il peut tout, nous ne pouvons rien ; & avec les moyens de faire tant de bien, il ne s’occupe qu’à faire du mal ; il eſt craint de ſes enſans, abhorré de ſes domeſtiques, & maudit par ſes vaſſaux : hier encore, il a fait arrêter un malheureux jeune homme, le fils de ſon jardinier, pour avoir dit-il, braconné ſur la terre ; le fait eſt vrai, mais bien excuſable : ſa mere eſt groſſe depuis un mois, elle témoigne le deſir de manger un lievre. — Je mourrai, diſoit-elle à ſon fils, ſi tu ne me ſatisfais pas : le jeune garçon oſa en parler à Mylord, qui le traita avec la derniere dureté ; à cette nouvelle, ſa mere ſe trouva mal. Déſolé du peu de ſuccès de ſa démarche & de l’état de ſa mere, il a eu l’imprudence d’aller chaſſer : Mylord s’en doutoit, il l’a fait guetter, & l’on a pris ce pauvre garçon, lorſqu’il revenoit bien ſatisfait du plaiſir qu’il alloit cauſer à ſa mere. Le lievre qu’on lui trouva dépoſoit aſſez contre lui : ſur le champ, Mylord l’a fait conduire pour quinze jours à la priſon du château. — Et ſa mere, dit Eugenie les larmes aux yeux, n’a donc pas eu le lievre ? — Non, certainement, Miſſ ; & Mylord l’a menacé de la chaſſer, ſi elle continuoit à avoir des deſirs. — Suivez nous, mon ami, dit le jeune Lord au payſan, vous rapporterez à cette femme pluſieurs pièces de gibier. — Oh que nenni, Mylord, je m’en garderai bien ; Mylord Willams croiroit que j’ai chaſſé ſur ſa terre, & je ſerois arrêté comme Francis. — Eh bien, je porterai le tout moi-même : va trouver la jardinière, & dis lui que demain matin elle ſera contente. — J’y cours, Mylord… Quelle bonté !… Mon Dieu, quelle différence ! Pourquoi tous les hommes ne vous reſſemblent ils pas ?

Mylord & Miſſ Wills ne diſoient mot, mais ils étoient comblés de la conduite d’Edward. — C’eſt fort bien, mon fils ; cette action eſt digne de toi ; penſe, agi toujours de même, & tu ſeras heureux. Eugenie pleuroit encore. — Que je plains les enſans de ce barbare, s’écria-t-elle en ſanglotant : tous furent du même avis, & l’on regagna le château de Nark-Neſſ en raiſonnant ſur ce que l’on venoit d’entendre. Edward ſe leva le lendemain de grand matin ; il ſe fit ſuivre par ſon valet de-chambre qu’il chargea de gibier, & ils prirent le chemin de Wall-Tree (nom de la terre de Mylord Williams). Arrivés au château, un nombreux domeſtique ſe préſente pour leur dire que Mylord Williams n’étoit pas encore levé, mais que les enſans ſe promenoient dans les jardins. — Je demande le logement du jardinier, dit Edward, c’eſt à lui que je veux parler ; un laquais l’y conduiſit. La pauvre femme étoit inſtruite de la viſite qu’elle devoit recevoir, & elle l’attendoit avec impatience. Le valet-de-chambre ſe débarraſſa de ſon fardeau. — Voilà ma bonne, dit Edward, ce que l’on m’a aſſuré que vous déſiriez ardemment. — Un lievre ! s’écria-t-elle, à Mylord ! que je vous ai d’obligations !… Toute ma vie… ma reconnoiſſance… En ce moment le jardinier entra, il joignit ſes remercîmens à ceux de ſa femme ; le jeune homme avoit beau dire : — mais cela n’en vaut pas la peine, vous vous moquez, ces gens ne ceſſoient d’élever juſqu’aux nues ſon action généreuſe.

Pour mettre fin à des éloges qui bleſſoient ſa modeſtie, Edward fit au jardinier des queſtions ſur ſes jardins. — Ils ſont magniſiques ; ſi Mylord veut y ſaire un tour, je ſuis sûr qu’il en ſera content. Mylord Williams ne ſe leve qu’à dix heures ; d’ici à ce temps, nous aurons celui de parcourir une partie du parc, & puis Mylord pourra s’en retourner par une petite porte qui donne dans la campagne, ce qui abrégéra ſon chemin. Edward y conſentit, la bonne femme le reconduifit, en le comblant de bénédictions.

Il fut enchanté de la tenue des jardins, & il en faiſoit ſon compliment au jardinier, lorſqu’il apperçut au détour d’une allée deux cavaliers & une jeune perſonne de la plus charmante tournure. Ô ciel, s’écria le jardinier ! Auguſtin, le fils aîné de Mylord, eſt de retour ! je le croyois encore à Londres. Je ſuis perdu ; il dira à ſon pere que j’ai fait entrer un étranger dans ſon parc, & je ſerai chaſſé. — Cet Auguſtin eſt donc bien méchant ? — C’eſt tout le portrait de Mylord Williams. — Je vais le joindre, j’eſpere que le malheur que vous craignez n’arrivera pas. En effet, il alla au devant des jeunes gens ? Miſſ Williams voulut ſe retirer, mais le jeune homme qui lui donnoit le bras la retint. — Le quel eſt Auguſtin, demanda Edward ? — C’eſt celui que vous voyez ſe promener un peu ſéparé des deux autres. Quant à Miſſ Clarice & James, ſon ſecond frere, ce ſont les plus aimables enfans… Mais chut, ils pourroient nous entendre. — Timothy, dit alors Auguſtin avec hauteur, quel eſt cet homme qui vous accompagne ? Mon pere ne vous a-t-il pas défendu de ſatisfaire les curieux ? Ce jardin n’eſt pas public. — Je n’ai pas cru, répondit Timothy en tremblant, devoir refuſer au fils de Mylord Bedford d’admirer un inſtant ces boſquets. — Vous avez fort bien fait, reprit Auguſtin, en radouciſſant la voix, Mylord Bedford eſt bien le maître, ainſi que tout ce qui lui appartient, de ſe promener ici ; j’ignorois que ce fût lui… Pardonnez, Mylord, les ordres de mon pere ne pouvoient vous regarder ; mais vous conviendrez qu’il ſeroit déſagréable que tout le monde vînt nous importuner, ſous le prétexte d’admiter. — Je ſuis très-ſenſible à la diſtinction que vous voulez bien faire en ma ſaveur, dit Edward, en ſaluant avec grace la belle Miſſ & ſes deux freres.

Le jardinier eut ordre de ſe retirer, & la compagnie continua de ſe promener. Pour la première fois de ſa vie, Edward ſe trouvoit embarraſſé, ſes eux ſe fixoient ſans ceſſe ſur l’aimable Clarice qui rougiſſoit chaque fois qu’elle s’en appercevoit. La certitude de ne voir que ſes freres lui avoit fait négliger ſa toilette : mais combien ce négligé étoit favorable à ſa beauté ! Jamais rien de ſi charmant ne s’étoit encore offert aux yeux d’Edward. Qu’elle eſt belle, diſoit il tout bas ! & ſon cœur battoit avec force. Il fut auſſi très-enchanté de la douceur & de l’eſprit de James. Ce jeune homme joignoit à une figure ſéduiſante, un caractere excellent ; il aimoit inſiniment ſa ſœur, qui lui étoit tendrement attachée. Auguſtin déplut à Edward dès le premier inſtant : un ton haut, des manieres bruſques, un enſemble rebutant ne prévenoient pas en ſa faveur. — Quand on eut fait voir au fils de Mylord Bedford les choſes les plus curieuſes, Auguſtin lui propoſa de venir déjeuner au château. — Mon pere, ajouta-t-il, vous verra ſûrement avec plaiſir. Edward s’excuſa ſur la crainte d’inquiéter ſes parens. — Cette raiſon, dit James, impoſe ſilence au déſir que nous avions de vous voir plus long temps. On le conduiſit à la petite porte du parc, & l’on ſe ſépara, avec promeſſe de ſe voir quelqueſois. Edward, en regardant Clarice, aſſura que ce ſeroit toujours de ſon côté avec un très-grand plaiſir. Il ne put quitter cette porte, ſans tourner pluſieurs fois la tête, & un ſoupir lui échappa. L’état où il ſe trouvoit lui étoit inconnu : que ſignifie, ſe diſoit-il, l’agitation où je ſuis ? Puis il réfléchiſſoit. James eſt bien aimable, & Miſſ Williams eſt bien jolie : que de nobleſſe dans ſes traits, & en même temps que de délicateſſe ! Il fit enſuite l’énumération des charmes de cette jeune Miſſ ; de ſorte que le chemin lui parut fort court. Son pere l’attendoit, il ſe hâta de lui rendre compte de ce qui lui étoit arrivé, & malgré l’attention qu’il eut de ménager les éloges de Clarice, ce fut d’elle dont il parla le plus. — Je voudrois bien la connoître, dit Eugenie avec empreſſement ; perſonne ne répondit pour des raiſons différentes. Mylord & ſa belle-ſœur étoient trop prévenues contre Mylord Williams, pour déſirer faire ſa connoiſſance, & Edward n’oſoit en parler, dans la crainte qu’on ne devinât ſes véritables ſentimens.

Le déjeûner étoit prêt, & l’on commençoit déjà à entourer la table, lorſque l’on entendit une voiture entrer dans la cour. C’étoit Myladi Briſtool, ſa fille, le Chevalier Norſolk & M. Elder. Il eſt à propos, je penſe, de donner au Lecteur une idée de ces nouveaux perſonnages.

Lady Briſtool étoit veuve depuis quatre ans d’un très-grand Seigneur, & Pair du Royaume. Dans ſa jeuneſſe, elle avoit été fort coquette, & quoi qu’elle eût paſſé l’âge de plaire, elle en conſervoit toujours le déſir. Son caractere impérieux & jaloux la rendoit peu propre à l’agrément d’une ſociété. Mylord Bedford avoit été très-lié avec ſon mari, qui, en mourant, lui recommanda de veiller ſur ſa fille, attendu qu’il comptoir peu ſur les ſoins de ſa mere, dont il connoiſſoit l’eſprit diſſipé.

Eliſe, cette fille ſi tendrement chérie de ſon reſpectabſe pere, le méritoit à tous égards ; ſon caractere répondoit exactenent à ſa figure qui étoit charmante. L’amitié qui régnoit entre leurs parens avoit fait naître une grande intimité entre les enfans… Eliſe & Eugenie n’avoient rien de caché l’une pour l’autre, Edward ſe regardoit comme leur frere, & à ce titre, les aimoit également.

Le Chevalier Norſolk étoit un des adorateurs de Myladi Briſtool : c’étoit préciſément ce que l’on appelle un homme ſans caractere, mal élevé, brutal, écoutant & donnant toujours raiſon au dernier qui lui parloit : il eût volontiers fait le mal, & c’étoit ſon inclination ; naturellement lâche, la crainte des ſuites fâcheuſes mettoit ſeule un frein à ſes mauvais deſſeins ; il n’avait pas de bien, mais il comptoit qu’un jour il ameneroit Myladi Briſtool à lui oſſrir ſa main : il avoit un neveu, grand nigaud, plus bête & auſſi intéreſſé que ſon oncle, qu’il prétendoit faire épouſer à Eliſe ; ces projets n’étoient encore formés qu’entr’eux deux ; ils attendoient un inſtant favorable pour les mettre au grand jour.

M. Elder étoit le maître de muſique d’Eliſe ; ce jeune homme auroit été aſſez aimable, s’il n’avoit pas voulu le paroître trop. Il avoit beaucoup de fatuité, ce qui le rendoit ſouvent inſuportable ; du reſte, il poſſédoit des talens, ce qui le faiſoit rechercher des Grands.

Les nouveaux venus furent parſaitement accueillis ; Myladi Briſtool dit qu’elle venoit paſſer quinze jours à Nark-Neſſ ; on lui en fut gré, & chacun parut content

On aura été ſurpris, ſans doute, de voir Auguſtin Williams paſſer tout d’un coup d’une grande brutalité à une douceur ſi éloignée de ſon véritable caractère : il eſt néceſſaire d’en faire connoître la cauſe.

Millord Williams vivoit depuis quinze ans, époque de la mort de ſa femme, dans ſa terre de Wall-Tree ; ſes enfans faiſoient toute ſa compagnie, il étoit fui & haï de ſes voiſins ; il aimoit aſſez ſes trois enfans ; mais Auguſtin qui étoit l’aîné, avoit la préférence. La raiſon en eſt bien ſimple ; il étoit auſſi malfaiſant que lui. Ce jeune homme gouvernoit abſolument ſon pere : le déſir de voir Londres lui étoit venu ſix mois avant l’arrivée de Milord Bedford à Nark-Neſſ. Milord Williams n’eut garde de s’y oppoſer. Pendant le ſéjour qu’il y fit, il donna dans tous les travers ; le vin, le jeu, les femmes, rien ne fut ménagé ; ſa bourſe ſe vuidoit ſouvent, mais il couroit la remplir chez le Banquier de ſon pere, qui avoit ordre de le ſatisfaire.

Un jour qu’il étoit trop malade pour ſe livrer à ſa débauche accoutumée, il fut, par déſœuvrement, à Covent-Garden [1]. Le ſpectacle n’étoit pas encore commencé ; il ſe plaça à l’amphi-théâtre. À peine étoit-il aſſis, qu’il vit ouvrir une loge dans laquelle entrèrent une dame âgée, un cavalier & deux jeunes Miſſ extrêmement jolies ; une ſur-tout lui parut divine. Il fut quelques inſtans dans l’admiration que lui inſpiroit cette merveilleuſe beauté : revenu de ce premier mouvement de ſurpriſe, il courut s’informer à l’ouvreuſe du nom des perſonnes qu’elle venoit de placer. Cette femme ne put rien lui apprendre. Il revint donc à ſa première place, auſſi peu inſtruit qu’auparavant. Ni la piece, ni ſes amis qui vinrent cauſer avec lui, ne purent diſtraire ſon attention ; ſes yeux furent continuellement fixés ſur la loge qui renfermoit ce qu’il avoit jamais vu de plus beau. Le cavalier qui accompagnoit les dames qu’il conſidéroit, fut ſalué par le Comte de Clare : il fut le joindre à l’inſtant, & lui demanda le nom de la perſonne qu’il venoit de ſaluer. — C’eſt Milord Bedford & ſa fille. — Mais elles ſont trois femmes. — c’eſt l’ancienne Milady Briſtool & ſon aimable Eliſe. — Milord eſt, ſans doute, à côté de Miſſ Bedford. — Non, ſa fille eſt celle qui eſt blonde. — Elles ſont bien jolies toutes deux, mais la brune me paroît mieux. (Il n’en penſoit pas un mot ; il vouloit ſeulement ſonder le Comte de Clare, qu’il ſoupçonnoit amoureux d’une des deux). — Je ſuis de votre avis ; la brune a plus d’éclat, & je la préſere. Tant mieux, dit tout bas Auguſtin, l’autre me plaît davantage. Il quitta le Comte, & fut ſe mettre à deux pas de la loge de Milady Briſtool. À la fin de la comédie, il ſe hâta de ſortir pour ſuivre les jolies Miſſ ; la foule étoit conſidérable, & malgré toutes les peines qu’il ſe donna, il perdit de vue Milord Bedford & ſa compagnie. Il revint le lendemain à Covent-Garden, dans l’eſpérance d’y rencontrer la perſonne qui avoit fait une ſi vive impreſſion ſur ſon cœur : ſon attente fut vaine. Pendant deux mois, il ne s’occupa que du ſoin de revoir Miſſ Bedford ; déſolé de n’y pas réuſſir, il fut chez le Comte de Clare ; il venoit de partir pour aller paſſer ſix mois à la campagne. Que faire ? à qui s’adreſſer pour ſavoir où logeoit Milady Briſtool ? Enfin il l’apprit par un domeſtique nouvellement ſorti de chez elle, qui vint s’offrir à lui pour remplacer un de ſes gens qu’il avoit renvoyé. Il ſut par ce même valet, que Milord Bedford étoit parti depuis un mois avec toute ſa famille pour aller dans une terre nommée Nark-Neſſ, dans le Comté de Surrey. — Seroit-il poſſible, s’écria-t-il ? C’eſt à trois milles de Wall-tree. Vîte une chaiſe, des chevaux, je veux partir dans une heure. Il arriva préciſément à Wall-tree, le matin du jour où Edward Bedford y fut. Il eſt aiſé de concevoir, d’après ce qu’on vient de lire, le plaiſir que reſſentit Auguſtin, lorſqu’un haſard heureux lui procura la connoiſſance du frere de Miſſ Bedford. Il ſe propoſa dans l’inſtant de ſe lier avec Edward ; & ſur-tout d’engager Milord Williams à faire une viſite à Nark-Neſſ. Son pere eut beau lui repréſenter qu’il n’étoit pas décent de prévenir de nouveaux arrivés, que ce n’étoit pas à lui à faire la premiere viſite, Auguſtin inſiſta, bouda, eut de l’humeur, & ſinit par obtenir ce qu’il déſiroit. Il fut donc décidé qu’on iroit le lendemain chez Milord Bedford.

Accoutumée à ne voir que des payſans, la préſence d’Edward flatta agréablement Clarice Williams ; elle ne put fermer l’œil de la nuit, le ſouvenir de cet aimable jeune homme lui ôta le repos ; elle le comparoit à ſon frere James ; c’eſt la même douceur, ſe diſoit-elle, les mêmes agrémens ; mais par quel haſard Auguſtin l’a-t-il ſi bien accueilli ? Il eſt ordinairement ſi bruſque ; probablement ſon ſéjour à Londres l’aura rendu poli : plut à Dieu ! il nous rendroit plus heureux.

Enfin l’heure d’aller à Nark-Neſſ arriva ; Auguſtin ne voulut pas que ſon frere fût de la viſite, il partit avec ſon pere. On ne les attendoit aſſurément pas ; les hommes étoient à la chaſſe, Milady Briſtool dormoit ; ils ne trouvèrent que les deux jeunes Miſſ, & la belle-ſœur de Milord Bedford, qui les reçut avec honnêteté. Cependant elle étoit fort ſurpriſe de cette prévenance, après tout ce qu’on lui avoit dit du caractère de Milord Williams. Auguſtin ne put cacher le plaiſir qu’il éprouva en revoyant la charmante Eugenie, qui le remarqua & n’en fut pas flattée. Milord Williams, malgré ſon âge, devint à cette première entrevue amoureux de Miſſ Briſtool : le temps que doit durer une viſite étoit plus qu’écoulé, & le pere & le fils ne ſongeoient pas à s’en aller. Miſſ Wills les en fit appercevoir par un il eſt tard, je crois ; Milord Williams craignit d’être indiſcret, & prit congé des dames. — N’eſt-il pas vrai, Milord, qu’Eugenie eſt bien jolie ? — Eliſe m’a parû céleſte, répondoit l’amoureux ſuranné, & les éloges des deux Miſſ ne finirent qu’en arrivant à Wall-tree. Auguſtin fut trouver ſon frere pour lui parler d’Eugenie, & Milord Williams monta chez ſa fille pour l’entretenir d’Eliſe. — C’eſt donc ainſi, Milord, que ſe nomme la ſœur du jeune Lord Bedford ? — Eh ! non ; c’eſt la fille de Milady Briſtool. Mais, papa, n’étiez-vous pas allé à Nark-Neſſ ? — Sans doute. — Ce n’eſt donc pas Milord Bedford qui l’habite ? — Mon dieu, Clarice, que vous êtes ſotte ! je vous dis depuis deux heures qu’Eliſe eſt la fille de Milady Briſtool, amie de Milord Bedford, & qu’elle eſt venue le voir à Nark-Neſſ. — Mais le jeune Lord que nous avons vu a, dit-il, une ſœur ? — Vous avez raiſon. — C’eſt elle que je voudrois bien connoître, elle doit être chaſmante. — Pourquoi ? — C’eſt que… c’eſt que… mais je n’en ſais rien. Les deux freres qui parurent dans l’inſtant, firent ceſſer une converſation qui embarraſſoit furieuſement Clarice.

Nos chaſſeurs à leur retour furent fort ſurpris d’apprendre la viſite des Lords Williams. — C’eſt une politeſſe à laquelle je n’aurois pas dû m’attendre, diſoit avec raiſon Milord Bedford.

Avant que de ſe mettre à table, on fit un peu de muſique : Eugenie avoit la voix belle & chantoit à merveille, elle jouoit auſſi de la harpe : Eliſe chantoit un peu ; Milady Briſtool touchoit miraculeuſement du clavecin ; Edward jouoit de la flûte, ſon pere du violon, & M. Elder excelloit ſur tous les inſtrumens. Le concert fut charmant : Eugenie admira les talens du muſicien avec la candeur & la ſincérité qui lui étoient naturelles. Elder, comme je l’ai déjà dit, étoit extrêmement fat ; il oſa ſe flatter d’avoir plû à Miſſ Bedford. Plein de cette ridicule idée, il devint attentif auprès d’elle : ne ſe doutant pas du motif qui le faiſoit agir ; Eugenie n’eut aucun ſoupçon, & elle continua ſes éloges, qui parurent à Elder la confirmation de l’amour qu’il crut avoir inſpiré. Il attendit avec impatience l’inſtant de ſe trouver ſeul avec Eugenie, pour lui dire qu’il avoit deviné ſon ſecret, & que ſa tendreſſe avoit prévenu la ſienne. L’occaſion s’en préſenta le lendemain ; elle s’étoit levée aſſez matin, tout le monde repoſoit encore ; en attendant l’heure du déjeuner, elle deſcendit faire un tour de jardin : Elder l’apperçut de ſa fenêtre, & ſe hâta de l’aller joindre : il l’aborda avec la confiance que donne la certitude d’être bien reçu, & ne différa pas d’un inſtant ſa déclaration, Eugenie lui impoſa ſilence, & le traita avec le mépris qu’il méritoit. — Il ſaut convenir, diſoit-il, que les femmes ſont bien capricieuſes ; car vous m’aimez, Miſſ, j’en ſuis sûr, ceſſez donc de feindre. Il la prit alors dans ſes bras avec violence. Eugenie crioit & ſe débattoit vivement, lorſqu’un bras nerveux ſaiſit Elder par les cheveux, & le jetta aſſez rudement ſur la terre. Eugenie tournant la tête pour voir à qui elle étoit redevable de la fuite du muſicien, apperçut Auguſtin Williams qui la raſſura de ſon mieux, & l’aida à gagner le château, où elle raconta l’action de l’inſolent Elder, & le ſervice que venoit de lui rendre Auguſtin. Il fut remercié & fêté par tout le monde. On chercha vainement le muſicien pour le corriger ; il avoit pris ſagement le parti de ſe retirer.

Cet incident fit grand plaiſir à Auguſtin. — Elle me doit déjà de la reconnoiſſance, ſe diſoit-il ; mes ſoins & le temps feront naître l’amour. Cet arrangement fait avec lui-même ne fut pas ratifié par celle de qui en dépendoit ſeule le ſuccès. Cependant Auguſtin fut prié à dîner, & l’on projetta de le reconduire le ſoir en allant faire une viſite à Milord Williams. Effectivement Milord Bedford, ſon fils, ſa fille & Auguſtin, monterent en carroſſe ſur les ſix heures du ſoir : Miſſ Wills reſta à Nark-Neſſ pour faire compagnie aux étrangers. L’arrivée de Milord Bedford & de ſa famille cauſa la plus grande joie à Milord Williams. Il eut quelque chagrin de ne point voir Eliſe ; mais il ne put ſe diſſimuler qu’il n’auroit point été ſéant qu’elle vînt chez lui, ne le connoiſſant pas. Clarice reçut parfaitement bien Eugenie, elle ſe mouroit d’envie de la connoître : Miſſ Bedford avoit le même déſir ; ainſi l’amitié lia bientôt ces deux aimables perſonnes. James qui, juſques-là, ne s’étoit pas douté qu’il eût un cœur fait pour aimer, James ne put voir la charmante Eugenie, ſans reſſentir un trouble qui eſt ſi délicieux le premier jour qu’on aime. Milord Williams pria Milord Bedford à dîner pour le ſur-lendemain, & l’engagea inſtamment à lui amener Miſſ Wills, Milady Briſtool, ſa fille & le Chevalier Norſolk. Milord Bedford le promit, & l’on ſe ſépara. Les deux Miſſ ſe jurèrent un attachement éternel : James fit tout bas le même ſerment, & n’y manqua pas.

Edward, à la ſeconde vue, ſentit ſon amour pour la belle Clarice prendre de nouvelles forces. Sa timidité l’empêcha de ſe livrer, comme il l’auroit déſiré, au plaiſir de la contempler. Deux ou trois fois il avoit rencontré les yeux de Miſſ Williams, & dans l’inſtant il s’étoit hâté de baiſſer les ſiens, ce qui l’avoit privé du plaiſir charmant de remarquer la rougeur & l’émotion de Clarice. Ces deux êtres ſenſibles ſe quitterent, en ſe promettant, au fond de leur cœur, de s’aimer toujours.

Le jour pris pour le dîner étant arrivé, tous les habitans du château de Nark-Neſſ ſe mirent en route. Milord Williams vint au-devant d’eux : la préſence d’Eliſe le mit de la meilleure humeur poſſible ; le dîner fut ſplendide ; tout le monde paroiſſoit content. Edward fut placé à côté de Clarice ; Eugenie étoit entre les deux freres, Auguſtin & James ; Milord Williams ſéparoit Milady Briſtool & ſa fille : le reſte des convives ne dut qu’au haſard les places qu’ils occupèrent.

En ſortant de table, on ſe mit au jeu ; les parties finirent à l’heure de la promenade. Milord Williams, par politeſſe, fut obligé de donner la main à Milady Briſtool : par le même motif, Auguſtin préſenta la ſienne à Miſſ Wills : ſon frere offrit, en tremblant, à Eugenie de l’aider à deſcendre. Edward n’oſoit ſe préſenter ; ſon pere lui dit : — Ne voyez-vous pas, mon fils, que Miſſ Williams eſt ſans cavalier, & pour un pareil office, le fils vaut mieux que le pere. Edward rougit, & courut s’emparer de la main de Clarice.

La compagnie gagna un joli boſquet ; mais avant d’y arriver, l’on étoit abſolument ſéparé. Les jeunes gens, ſans s’en appercevoir, avoient ralenti leur marche : ils ne ſe diſoient mot ; mais de fréquens ſoupirs & un tremblement continuel, annonçoient aſſez leurs agitations. Aucun d’eux n’en devina le motif. Heureux âge ! âge de l’innocence ! Les plaiſirs de l’amour vous ſont encore inconnus, mais vous n’en reſſentez pas les peines : bientôt : vous regretterez votre ignorance : dans tous les temps, l’épine s’eſt toujours trouvée attachée à la roſe.

Enfin chacun ſe réunit dans une rotonde où aboutiſſoient pluſieurs allées ; elle étoit entourée de ſiéges. Par les ſoins d’Auguſtin, on y trouva une ſuperbe colation. Son Pere, qui ne s’en doutoit pas, lui en fut gré. La ſoirée ſe paſſa fort agréablement. Avant de ſe ſéparer, on convint de ſe voir ſouvent. Les jeunes gens ſe quittèrent plus épris que jamais ; leurs yeux furent les ſeuls interprètes de leurs cœurs ; mais ce langage, pour de vrais amans, n’eſt-il pas le plus éloquent ?

Pendant le ſéjour que fit Milady Briſtool à Nark-Neſſ, on vit beaucoup Milord Williams & ſa famille. Eliſe fut vivement importunée par ſon amant ſuranné. Tout le monde s’apperçut de ſa folle paſſion. Milady fut la première à en rire. Le Chevalier Norfolk jura dès ce moment une haine invincible à Milord Williams. J’ai dit plus haut qu’il avoit des vues ſur Eliſe pour ſon neveu : ceci dérangeoit ſon projet ; la fortune & la naiſſance de Milord Williams le rendoient un parti conſidérable, & il craignoit l’avarice de Milady.

Le départ de Milady Briſtool chagrina beaucoup Milord Williams, il deſira moins la ſociété de Nark-Neſſ ; ſes vifites furent plus rares, ce qui fit une grande peine à ſes enfans. Auguſtin, naturellement hardi, ne vit pas dans la retraite de ſon pere des raiſons de ſe priver du plaiſir de voir Eugenie ; il ne la quittoit preſque pas ; à la vérité, ſon amour étoit encore un myſtere pour celle qui l’avoit fait naître ; mais il réſolut de rompre le ſilence ; il ſe flattoit de n’être pas indifférent. Son erreur ceſſa, & le rendit furieux. Eugenie lui dit, avec la candeur qui lui étoit naturelle, qu’elle ne connoiſſoit l’amour que parce qu’elle en avoit entendu dire, & qu’ainſi elle pouvoit lui aſſurer qu’elle n’en avoit point du tout pour lui. — Comptez, ajouta t-elle, ſur mon amitié ; je vous dois trop de reconnoiſſance pour n’être pas toujours votre amie, mais ne me demandez pas un ſentiment plus tendre, je ſens que je ne pourrois pas vous l’accorder.

Auguſtin rentra chez lui très-piqué contre Eugenie. L’ingrate, diſoit-il, en aime ſûrement un autre ; mais malheur à celui qu’elle préfere, il ne périra que de ma main. Avec quelle froideur elle m’a aſſuré de ſon indifférence ! Son amitié ! Quelle offre ! Je la refuſe ; ſon amant, ſon époux, ou ſon implacable ennemi.

Il ſe flattoit enſuite que la réflexion la rendroit plus traitable : elle rendra juſtice à mon mérite, ſe diſoit-il ; elle ſentira ce que je vaux. Si elle continue à me rebuter, ma haine prendra la place de mon amour, je deviendrai ſon tyran.

Il dormit peu ; dans la journée, il ne fut pas plus tranquile. Il ſe propoſa d’aller le lendemain matin à Nark-Neſſ eſpérant de fléchir Eugenie.

Le changement de conduite de Milord Williams n’en avoir point apporté dans le cœur de ſes enfans ; Clarice s’occupoit ſans ceſſe d’Edward, & James ne ſongeoit qu’à la belle Eugénie. Depuis pluſieurs jours il combattoit le déſir de l’aller voir ; la crainte de paroître importun l’arrêta. Cependant il ne put réſiſter à l’envie de revoir le lieu qu’elle habitoit. Il ſe leva de grand matin, & ſe rendit à Nark-Neſſ : il n’oſa ſe préſenter au château, & ſe contenta de le contempler de loin ; il fit le tour du parc. Il étoit près d’une grille, lorſqu’il apperçut un des gens de Milord Bedford ſortir & ne faire que pouſſer la porte.

Le déſir de ſe rapprocher d’Eugenie l’engagea à entrer dans le parc ; il guida ſes pas vers un petit labyrinthe, promenade favorite de ſon amante. À peine y fut-il arrivé, qu’il entendit un léger bruit. Un buiſſon aſſez touffu lui ſervit de cachette. Dieu ! quelle fut ſa joie en appercevant Eugenie ! elle tenoit un livre. — Je ne puis dormir, dit-elle à demi-haut, voyons ſi je pourrai lire. James n’étoit qu’à deux pas, il put l’admirer à ſon aiſe. Qu’il ſe trouvoit heureux ! Au bout d’un inſtant le livre tomba des mains de Mijſ Bedford : — Oh ! pour le coup, dit-elle avec un peu d’humeur, je n’y ſaurais tenir. Quoi ! je ne puis m’occuper de rien ! toujours le même objet vient troubler mon repos ! James ! ajouta-t-elle en ſoupirant, le ſommeil répand en ce moment ſes pavots ſur toi ; tu ne ſonges pas à celle que rien ne peut diſtraire de ton aimable image. — Seroit-il poſſible, s’écria James en courant ſe jetter aux pieds d’Eugenie ? puis-je croire ce que je viens d’entendre ? Un foible cri fut toute la réponſe d’Eugenie : le plaiſir de voir ſon amant, la honte d’avoir trahi ſon ſecret, l’avoient rendue interdite. James, l’heureux James, étoit ivre d’amour & de joie. — Moment à jamais fortuné ! je ſuis aimé de la plus belle des femmes, de celle que j’adore : aimable Eugenie ! ne baiſſez pas ces yeux charmans, que j’y liſe la confirmation de mon bonheur. Elle m’aime, répétoit il avec tranſport ; ô Dieu ! quelle félicité !

Un peu revenue de ſa ſurpriſe, la tendre Miſſ fixa James avec timidité. — Vous avez entendu l’aveu de ma foibleſſe, que me ſerviroit à préſent de n’en pas convenir ? Oui, James, vous m’êtes cher, & puiſque vous m’aimez, je ſuis heureuſe ; mais évitez moi déſormais une ſemblable converſation ; jurez moi de ne pas chercher l’occaſion de m’entretenir en particulier : ſongez que juſqu’à l’inſtant où mon pere l’approuvera, notre attachement doit être un ſecret pour tout le monde. — Il n’en ſera pas un pour moi, dit Auguſtin en ſe montrant ; puis s’adreſſant à ſon frere : malheureux, vous oſez aller ſur mes briſées ! je ſaurai vous en punir. Il ſe tourna enſuite vers Eugenie : voilà donc, Miſſ, les raiſons de votre indifférence ; de l’amitié pour moi, & l’amour le plus tendre pour un autre : tremblez audacieux amans, redoutez tout de ma vengeance ; ne pouvant me faire aimer, je ſaurai du moins me faire craindre. Il s’éloigna en finiſſant ces mots.

— Pardon, pardon, s’écria James en tombant à genoux ; ô Miſſ ! pardonnez-moi ; je vais vous rendre malheureuſe ; c’eſt mon amour qui cauſera vos maux : puiſſe, grand Dieu, la colere de mon frere ne tomber que ſur moi ! — Ce ſouhait m’offenſe, répondit Eugenie ; ſi c’eſt une faute d’aimer, je la partage avec vous ; parlez à Milord Williams, voyez enſuite mon pere. Si, comme je dois le croire, vos vœux tendent à obtenir ma main, & que nous trouvions des obſtacles, la confiance notre reſpect envers nos parens nous les feront ſans doute ſurmonter ; ſéparons-nous, & ne me revoyez qu’en préſence de ma famille. Juſqu’ici nous ne ſommes pas coupables, il ne faut pas le devenir, — Femme divine ! vous ſerez obéie, vos volontés ſeront toujours mes loix ; que je vous voye, que je ſâche que vous m’aimez, & mon ſort ſera digne d’envie. En ſe ſéparant, une larme s’échappa des longues paupières d’Eugenie ; ces pauvres enfans ne ſe quittèrent qu’avec la plus grande peine ; ils étoient loin l’un de l’autre, & ils ſe regardoient encore.

En approchant de Wall-tree, James fut agité ; mais il ſe raſſura bientôt. — Elle m’aime, ſe diſoit-il ; que puis-je avoir à craindre ? Cette agréable certitude me donnera du courage pour ſupporter tous les événemens. En montant dans ſa chambre, il apperçut ſon frere qui lui lança un regard foudroyant. Au bout de deux heures, Clarice vint le trouver. — Bon Dieu ! mon frere, qu’eſt-il arrivé ? Auguſtin eſt furieux ; il étoit ſorti ce matin de bonne heure ; en rentrant, il juroit comme un forcené ; au moment du lever de Milord, il eſt entré chez lui ; ma chambre, comme vous ſavez, eſt au-deſſus de celle de mon pere ; j’ai entendu Auguſtin qui diſoit : — Je veux me venger, duſſai-je y perdre la vie. — Calme-toi, lui répondoit Milord, tu ſeras ſatisfait ; tu ſais combien je t’aime, tes chagrins me ſont perſonnels. Peu d’inſtans après, j’ai vu Auguſtin dans le jardin qui ſe ſrappoit le front, & murmuroit quelque choſe que je ne pouvois entendre. — Eh bien, ma chere Clarice, c’eſt de moi qu’ Auguſtin veut ſe venger ; & il lui raconta ce qui venoit de ſe paſſer. Il aimoit beaucoup ſa ſœur, & n’avoit rien de caché pour elle. La ſenſible Clarice pleuroit ſur le ſort de James, & lui conſeilla de ſe défier des manœuvres, ſourdes d’Auguſtin. — Il peut tout ſur l’eſprit de mon pere ; il eſt vindicatif, ſoyez ſur vos gardes. Après en avoir obtenu la parole, elle le quitta pour ne donner aucun ſoupçon, & afin qu’elle pût veiller à ſes intérêts.

À l’heure du dîner, Milord ne dit mot à James ; ſon frere le rudoya à tous propos ; ce jeune homme étoit naturellement très-doux, cependant il ne put ſupporter les manieres impérieuſes d’Auguſtin. En ſortant de table, il lui dit avec modération, que le ton qu’il prenoit ne pouvoit être ſouſſert que dans un pere. — Vous aurez pour agréable de le ſouffrir de moi, ou… Il oſa faire un geſte ; James fut outré, & ſans doute la ſcène eût été vive, ſi Clarice ne ſe fût hâtée de les ſéparer.

Pluſieurs jours ſe paſſerent ſans aucun changement dans les eſprits. La froideur extrême de Milord Williams affligeoit ſenſiblement James. Il chériſſoit ſon pere, & ne pouvoit pardonner à Auguſtin de l’avoir indiſpoſé contre lui.

En quittant James, Miſſ Bedford fut ſe renſermer dans ſa chambre ; les réflexions l’y ſuivirent. Mon cœur, ſe diſoit-elle, ne me reproche rien ; j’ai laiſſé voir toute ma tendreſſe à James, mais il la mérite ; ce jeune homme eſt eſtimable, ainſi la raiſon ne blâme pas mon choix. La ſeule crainte d’avoir déplu à ſon pere lui faiſoit de la peine ; elle fut tentée pluſieurs fois de ſe confier à ſa tante, ſa timidité l’arrêta ; elle vouloit auſſi informer ſon frere de la ſcène du matin, mais elle craignit qu’Edward, ne témoignât ſon mécontentement à Auguſtin ; par prudence, elle aima mieux garder ſon ſecret.

À quelques jours de-là, Milord Bedford propoſa à ſa famille d’aller à Wall-tree : perſonne ne s’aviſa de le contrarier. Milord Williams étoit abſent avec Auguſtin ; Clarice & James furent recevoir la compagnie. Avec quelle joie ces jeunes amans ſe revirent ! James ne put dire qu’un mot à ſa chere Eugenie, ce fut pour lui jurer qu’il l’aimeroit toujours ; les yeux d’Edward en dirent autant à Clarice. Milord Bedford ne jugea pas à propos d’attendre le retour de Milord Williams ; il prit congé de ces aimables enfans, & retourna chez lui.

En rentrant, Milord Williams s’enferma dans ſon cabinet ; Auguſtin ne parut pas. Suivant leur coutume, Clarice & James deſcendirent au jardin ; ils y étoient depuis fort peu de temps, lorſqu’on vint dire à James qu’on le demandoit dans la cour. Deux hommes ſe préſenterent, & lui ſigniſierent l’ordre qu’ils avoient de l’emmener. Il pria inutilement qu’on lui laiſſât voir ſon pere & ſa ſœur ; les barbares furent ſourds à ſes inſtances, & ſur le champ ils le firent monter dans une chaiſe qui étoit à la porte. Un des hommes prit place à côté de lui, l’autre ſuivit le carroſſe à cheval : l’on courut la nuit & le jour ſuivant ; il faiſoit tout-à-fait nuit, lorſque la chaiſe s’arrêta. On baiſſa un pont-levis pour la laiſſer entrer dans une cour ſpacieuſe. James deſcendit, & fut conduit dans une ſalle baſſe où on l’enſerma. Dès qu’il fut ſeul, les réflexions les plus ameres vinrent aſſaillir ſon imagination. Cruel Auguſtin, s’écria-t-il avec douleur ! te voilà bien vengé ! Je ne reverrai plus Eugenie ; cette priſon ſera mon tombeau.

Il ſe parloit encore, lorſqu’on vint lui apporter à ſouper. Il mangea peu, malgré les inſtances d’une vieille femme qui lui dit être chargée de le ſervir. — Vos ſoins empreſſés, Miſtreſſ, me ſont à charge ; en ce moment j’ai beſoin de repos, laiſſez-moi ſeul. Elle lui montra ſon lit, & ſe retira.

James ſe coucha ſans eſpoir de pouvoir dormir ; cependant le ſommeil trompa ſon attente : il étoit ſi ſatigué qu’il s’endormit tout de ſuite, & ne ſe réveilla que fort tard : la vieille étoit déjà venue pluſieurs fois pour ſavoir s’il avoit beſoin de quelque choſe. — Votre déjeûner eſt prêt, Monſieur, déſirez-vous que je l’apporte ? — Ne puis-je aller le prendre dans votre ſalle ? — Hélas ! il m’eſt expreſſément défendu de vous laiſſer ſortir d’ici. Si j’étois ſeule dans le chateau, vous y ſeriez le maître ; mais mon mari, qui en eſt concierge, eſt extrêmement rigide, & le jardinier veille en outre à ce que les ordres que nous avons reçus ſoient ponctuellement exécutés. — Mais, ma bonne, qui vous a donné ces ordres ? — Le maître du château, que je n’ai pas la permiſſion de vous nommer. — Vous faites votre devoir, je ne puis m’en plaindre ; mais je ſuis bien malheureux. — C’eſt ce que je vois, & ce qui m’afflige : beau jeune homme, le bonheur devroit ſuivre vos pas ; prenez patience, mon enfant, le temps eſt un grand maître, il changera peut-être le cœur de vos ennemis ; en attendant, je ferai mon poſſible pour adoucir votre captivité.

L’enlevement de James fut bientôt ſçu par tous les habitans de Wall-tree. Un vieillard vint, à la tête d’une troupe de payſans, trouver Milord Williams ; en l’abordant, ils ſe jetterent tous à genoux. — Qu’a-t-il fait, ce cher Seigneur, s’écria le vieillard ? Pardonnez-lui, Milord, c’eſt le roi des cœurs ; depuis trois ans il nourrit mes deux petits-enfans ; j’étois ſi vieux & ſi caſſé à la mort de ma femme, que je ne pouvois pas gagner du pain pour ces petits infortunés ; ma fille & mon gendre ſont morts depuis cinq ans ; les deux orphelins auroient péris de faim & de miſere ſans la compaſſion de M. James. — Il a payé le médecin qui a guéri ma femme, dit un autre ; ſans lui je n’aurois pas été en état de lui procurer des ſecours, & je l’aurois perdue. : — Pendant une longue maladie que j’eus l’année derniere, dit une vieille femme en s’approchant, il venoit me voir tous les jours, &, grâce à ſes ſoins, je n’ai jamais manqué des choſes néceſſaires. — Sans lui, ajouta un autre payſan, j’aurois été en priſon pour une amende à laquelle Milord m’avoit condamné ; je n’avois pas d’argent ; M. James m’apporta celui qu’on exigeoit. — Rendez lui la liberté & vos bonnes grâces, s’écrièrent ils tous enſemble ; on vous en a impoſé, Milord, ſi l’on vous en a dit du mal ; c’eſt le meilleur des hommes. — Qu’on me chaſſe cette canaille, dit Milord en colere : ſortez, malheureux ; ſuis je fait pour recevoir vos conſeils ? ſortez vite, ou craignez mon courroux.

Ils s’en allèrent déſolés du peu de ſuccès de leurs démarches, & ſe promettant bien de tâcher de découvrir le lieu qui renfermoit leur bienfaiteur.

Eugenie apprit, avec le plus grand déſeſpoir, le départ de James ; on ne diſoit pas où il étoit : Milord Williams faiſoit courir le bruit qu’il s’étoit enfui avec une payſanne dont il étoit amoureux : perſonne n’en crut rien ; la juſtice qu’on rendoit à ce jeune homme ne laiſſoit aucun doute ſur la bonté de ſes mœurs ; cependant on ignoroit ce qu’il étoit devenu. D’après les menaces d’Auguſtin, Eugenie ne douta pas que ce ne fût une ſuite de ſa vengeance. Elle s’affligea d’être la cauſe du malheur de James ; mais elle ne ſe reprocha pas un moment de l’aimer.

Auguſtin n’avoit pas paru à Nark-Neſſ depuis le jour où il avoit ſurpris ſon frere aux genoux d’Eugenie ; il eut la barbarie d’y venir, après ſon départ, pour jouir de la douleur d’Eugenie. Milord Bedford qui ne connoiſſoit pas la noirceur de ſon caractere le reçut fort bien, & l’engagea même à reſter pour prendre le thé. Eugenie prétexta une migraine, & ſe diſpenſa de paroître : Auguſtin en fut outré. — Du mépris ! ſe diſoit-il, miſérable James ! c’eſt toi qui m’en fera raiſon.

Le déſir de revoir Eliſe, décida Milord Williams à aller à Londres ; d’ailleurs, il étoit ſans ceſſe importuné par les prières de ſes vaſſaux. La veille de ſon départ, il fut prendre congé de Milord Bedford, qui ſe diſpoſoit auſſi à quitter Nark-Neſſ ; ſes affaires venoient de ſe terminer. Auguſtin avoit réſolu de reſter à Wall-tree ; mais quand il apprit qu’Eugenie retournoit à Londres, il changea d’avis, & partit avec ſon pere & ſa ſœur. Milord Williams loua un ſuperbe hôtel, qu’il fit meubler magnifiquement ; il vouloit ſéduire, par ſon faſte, la mere d’Eliſe, & obtenir la main de ſa maîtreſſe par force, ſi elle ne la lui accordoit pas de bon gré. Dès que ſa maiſon fut en état, il fit une viſite à Milady Briſtool, qui fut enchanté de le voir, Eliſe & le Chevalier Norſolk, pour des raiſons différentes, eurent du chagrin de ſon arrivée. Clarice s’apperçut de l’impreſſion déſagréable que ſon pere faiſoit ſur l’eſprit d’Eliſe : elle vit bien à cette première viſite que Milord Williams n’étoit pas plus heureux en amour qu’Auguſtin.

Milord Bedford arriva peu de jours après, & fut chez Milord Williams, accompagné de ſa belle-ſœur & de ſes enfans. Eugenie & Clarice ſe revirent avec grand plaiſir, & ſe le témoignèrent mutuellement ; Auguſtin fit quelques plaiſanteries ironiques à Miſſ Bedford ſur l’abſence de James ; il eut même l’audace de lui dire à l’oreille que ſon frere ne méritoit pas le bonheur d’être aimé d’elle, puiſqu’il lui préféroit une petite payſanne. Un regard d’indignation fut toute la réponſe d’Eugenie. Cette mortification aigrit de plus en plus Auguſtin, qui fut obligé de ſortir pour cacher la ſureur où il étoit. Clarice alors s’approcha de ſon amie. — Sortons un inſtant, lui dit-elle, j’aurois quelque choſe à vous dire. Leur abſence inquiéta Edward, qui avoit remarqué le trouble de ſa ſœur & l’humeur d’Auguſtin ; cependant il fit en ſorte que perſonne ne s’en apperçût. Pluſieurs vifites arrivèrent : on propoſa de jouer. Edward fit la partie d’une femme âgée, parente de Milord Williams.

Eugenie ſuivit Clarice dans ſon appartement. — Mon amie, lui dit celle-ci, vous avez des peines, & je vous ſuis trop attachée pour ne pas les partager : confiez-moi ce qui vous afflige… Vous rougiſſez : ah ! Eugenie, vous vous défiez de moi : la ſœur d’Auguſtin vous cauſe des craintes ; mais la ſœur de James devroit vous raſſurer. Les yeux d’une amie ſont clair-voyans : les miens ont ſçû démêler votre haine pour Auguſtin, & votre amour pour James. Le voilà ce ſecret que mon amitié vous reproche de garder avec moi. — Oui, ma chere Clarice, vous avez lu dans mon cœur auſſi bien que moi-même. Alors elle raconta à ſon amie la ſcêne du labyrinthe, & les ſuites funeſtes qu’elle avoit eues ; car, ajouta-t-elle, le départ de votre frere eſt ſurnaturel : nul autre qu’Auguſtin ne l’a néceſſité. — Je ne conçois pas ce qu’il peut être devenu : j’ai vainement queſtionné les gens de mon pere pour en être inſtruite ; le valet qui eſt venu dire à James qu’on le demandoit, appartient à mon frere aîné : je n’en ai pu rien tirer : un je ne ſais pas, Miſſ, m’a toujours fermé la bouche.

Après avoir encore raiſonné long-temps ſur ce ſujet ſans en être plus inſtruites, les deux Miſſ rentrèrent. Eugenie ſe trouvoit allégée par la confidence qu’elle venoit de faire, & Clarice étoit contente d’avoir une preuve de l’attachement de ſon amie.

Edward venoit de finir ſa partie : il s’approcha de ſa ſœur, pour pouvoir entretenir Clarice. Il ne lui parla que de choſes indifférentes ; mais il la voyoit, touchoit ſa robe, l’entendoit, & étoit content. La plus légère faveur eſt du plus grand prix aux yeux d’un tendre amant. Eugenie, pour la première fois, s’apperçut de l’inclination de ſon frere ; elle remarqua auſſi que Clarice ne le voyoit pas avec indifférence : elle n’envioit pas le bonheur de ſon amie ; mais elle auroit déſiré que la préſence de James lui en procurât un ſemblable.

Il ſe faiſoit tard ; on ſe ſépara. Avant de ſe quitter, Clarice promit à Eugenie de l’aller voir un matin, afin de pouvoir cauſer plus long-temps, & plus à leur aiſe.

Auguſtin s’étoit retiré dans ſa chambre pour méditer ſur la vengeance qu’il vouloit tirer d’Eugenie. Après avoir ſondé les replis de ſon barbare cœur, il y vit moins d’envie de devenir ſon époux, que le déſir de l’avoir pour maîtreſſe, & de rendre ſon frere éternellement malheureux. Il imagina de changer abſolument de conduite. Pour cet effet, il partit pour aller trouver ſon frere. Le château qu’il habitoit n’étant pas fort éloigné de Londres, il arriva le lendemain. Il ſe montra ſi repentant aux yeux de James, que celui-ci lui promit d’oublier ſes torts, & de l’aimer plus que jamais. Auguſtin lui jura qu’il étoit abſolument guéri de ſon amour pour Eugenie, & qu’il vouloit lui-même travailler à la lui faire épouſer. James, au comble de la joie, ne ſavoit comment témoigner ſa reconnoiſſance à ſon ſrere. Ils partirent enſemble pour revenir à Londres. Auguſtin ſe chargea de le raccommoder avec ſon pere : effectivement, dès le même ſoir, il le lui préſenta, & la paix ſe fit. Milord Williams ne concevoit rien à la conduite de ſon fils aîné ; mais comme il l’aimoit au delà de toute expreſſion, ſes déſirs étoient des loix pour lui.

Le retour de James répandit la joie dans la maiſon ; il étoit adoré des domeſtiques ; il ne leur avoit jamais fait que du bien. Clarice ne ſe laſſoit pas d’embraſſer ſon frere ; ſa ſatisſaction ſe manifeſtoit à tout inſtant. Chaque preuve d’attachement qu’on donnoit à James, étoit un coup de poignard pour Auguſtin.

Clarice ſe hâta d’aller voir Eugenie pour lui faire part de l’arrivée de James & du changement d’Auguſtin. Elle la trouva avec Eliſe, & toutes deux avoient les yeux rouges. Clarice voulut ſe retirer, craignant d’être importune. Demeurez, chere amie, lui dit Eliſe ; vous ne pouvez être de trop : venez me conſoler, & cherchons entre nous trois s’il eſt un moyen pour éviter le malheur dont je ſuis menacée.

Depuis notre retour de Nark-Neſſ, le Chevalier Norfolk a préſenté à Milady Briſtool un de ſes neveux, qui arrive de ſes voyages. Milord Croydon (c’eſt ſon nom) eſt l’être le plus ſot & le plus impudent qui exiſte. Il réunit en lui tous les ridicules ; & je vous proteſte que ce portrait n’eſt point outré. Avant-hier, il vint avec ſon oncle à l’iſſue du dîné : ils eurent avec ma mere une longue converſation qui ſe termina par me faire appeller. Je n’avois pas le plus léger preſſentiment que j’euſſe été le ſujet de leur entretien ; & cependant un frémiſſement dont je ne fus pas maîtreſſe, s’empara de moi. — Approchez, ma fille, me dit Milady, & remerciez le Chevalier du vif intérêt qu’il prend à ce qui vous regarde.

J’attendois impatiemment le réſultat de ce vif intérêt.

Milord Croydon étoit décidé à ne jamais ſe marier : ſon oncle lui a fait changer d’avis en votre faveur : il ſera un jour le plus riche Seigneur de l’Angleterre ; il ne faut pour cela que la mort d’un oncle, couſin du Chevalier Norfolk, homme âgé, & jouiſſant d’une immenſe fortune.

Milady avoit ceſſé de parler depuis quelques minutes, & ma réponſe ne venoit pas. — Eh bien ! Miſſ, m’avez-vous entendue ? — Parfaitement, Milady. — Que ſignifie ce ſilence ? — Pardonnez, ma mere, mais je ne ſonge point encore à me marier. J’y ſonge pour vous, & cela eſt dans l’ordre. — Miſſ peut s’en rapporter à ſa reſpectable mere pour le choix d’un époux, dit alors le mauſſade Chevalier : elle ne ſera jamais dans le cas de s’en repentir. — En voilà aſſez, Chevalier, ma fille eſt trop bien élevée pour ne pas ſuivre mes volontés. Eliſe, vous pouvez vous retirer.

Avant cette déclaration des ſentimens du Lord Croydon, j’avois pour lui la plus parfaite indifférence ; mais de ce moment la haine la plus forte s’eſt emparée de mon cœur, & je ne connois pas de ſort que je ne préféraſſe à celui de me voir ſa femme.

Voilà, mes amies, ma pofition : conſeillez-moi. Que faut-il que je faſſe ?

L’avis des deux Miſſ fut qu’Eliſe demandât à Milady Briſtool un délai convenable pour ſe décider à former un engagement auſſi ſérieux, & d’en profiter pour la gagner à force de prières, de reſpect & de tendreſſe.

Les conſolations de l’amitié abrégent la durée du jour : ce ne fut qu’à ſa chûte entière qu’Eliſe s’appercevant qu’il étoit déjà tard, prit congé de ſes deux amies.

Clarice qui ne pouvoit reſter plus long-temps, apprit en deux mots à Eugenie le retour de James & les diſpofitions favorables d’Auguſtin. Ces événemens imprévus cauſerent le plus grand plaiſir à Miſſ Bedford. Dans ſon premier mouvement, elle courut en faire part à ſon frere, ſans ſonger qu’elle ne lui en avoit pas encore parlé. Edward ſourit, & embraſſa ſa ſœur. — Depuis long-temps, chere Eugenie, j’avois deviné vos ſentimens, mais j’attendois que vous me cruſſiez digne de vôtre conſiance. Ce petit reproche fit rougir Eugenie ; elle s’excuſa ſur ſa timidité. Son pardon lui fut accordé, mais à condition que déſormais elle ne cacheroit plus rien à ſon frere.

James ne concevoir rien à la conduite d’Auguſtin ; il ne lui avoit jamais tant fait d’amitié ; il fut la premier à lui parler des démarches qu’il devoit faire pour obtenir la main de Miſſ Bedford. — Parlez à mon pere, j’appuierai vos inſtances ; Eugenie eſt un bon parti, ne doutez pas du conſentement de Milord Williams. Quant au pere de votre maîtreſſe, il ſe gardera de vous refuſer ; naiſſance fortune, amabilité, tous les avantages ſe réuniſient en vous. — Ah mon frere ! que ne vous dois-je pas ? Vos bontés paſient mon eſpérance ; croyez que toute ma vie le ſouvenir de ce ſervice… Votre amitié me ſuffit, dit Auguſtin, en interrompant James ; paſſons chez mon pere. Il faut hâter nos affaires quand elles doivent nous conduire au bonheur.

Milord Williams ne fut pas médiocrement ſurpris de la demande d’Auguſtin, à qui il promit de voir Milord Bedford le même jour. Il n’y manqua pas : La propofition tut accueillie. Cependant Mylord Bedford voulut, avant de rien conclure, ſavoir ſi l’inclination de ſa fille étoit d’accord avec ſes déſirs ; il promit une réponſe pofitive ſous trois jours, avoit déjà dix-neuf ans, Eugenie dix-ſept : L’âge étoit proportionné, la fortune étoit à-peu-près égale, ainſi que la naiſſance. — La convenance s’y trouve, diſoit ce bon pere à Mijſ Wills, ſâchez, ma chere ſœur, ſi ma fille n’a nulle objedion à faire pour l’érabliſſement propoſé ; je voudrois quelle fut heureuſe.

Miſſ Wills monta chez ſa niece. — Je ſuis chargée, ma chere Eugenie, lui dit elle en entrant, de vous faire des propofitions de mariage. — À moi, ma tante ! je ſuis encore bien jeune. — Le mari qu’on vous propoſe, a le même déſaut ; du reſte, il eſt aimable, & je crois que vous penſez de même que moi ſur ſon compte i en un mot, il s’agit du fils de Milord Williams. Eugenie ſrémit, & fut prête à ſe trouver mal. — Au nom de Dieu ! ma chere tante, ne ſouſſrea pas qu’on ſacriſie ainſi votre nièce, je ne puis être heureuſe avec lui. — Calmez vous, mon enfant, votre pere n’a pas encore donné ſa parole ; il vouloit vous conſulter avant ; mais puiſque vous avez une ſi forte anthipatie pour James, il n’en ſera plus parlé. — Quoi ! ma tante, dit Eugenie avec timidité, c’eſt de James dont il eſt queſtion ? : — Sans doute. — Je croyois…,. Mais qu’allez-vous penſer de moi, ô ma chere tante ? Je reſuſois ce que je déſire le plus au monde, & je n’oſois eſpérer… Vous m’aviez parlé du fils de Milord Williams, & j’ai cru que c’étoit Auguſtin. — Ah ! Mijſ Bedford, vous vous aviſez donc d’aimer ſans l’aveu de vos parens ? Va, mon Eugenie, je te pardonne, ton choix eſt ton excuſe. Je puis doncaſſurer ton pere que tes déſirs l’ont conformes aux ſiens. — Oh ! oui, ma tante, ménagez ſeulementüna délicateſſe, Milord peut ignorer que… — que ton cœur s’étoit donné ſans ſa permiſſion. Laiſſe-moi faire je ne dirai que ce qu’il ſaudra dire.

D’après la réponſe de Milord Bedford, Milord Williams conduiſit ſon fils chez ſon beau-pere futur. James çut la liberté d’entretenir un inſtant la belle Eugenie. On devine aiſément ce que peuvent ſe dire deux tendres amans qui ſont à la veille d’être unis.

Le mariage fut fixé à quinze jours ; ce délai parut auſſi long à Auguſtin, qu’aux jeunes amans. Il avoit ſes projets, & il lui tardoit de les mettre à exécution.

Edward & Clarice avoient plus d’une raiſon pour ſe réjouir ; le bonheur de ce qu’ils aimoient, étoit preſque la certitude d’un bonheur ſemblable pour eux ; ce mariage fait, le leur pouvoit, & devoit ſuivre.

Le jour tant déſiré arriva. Milady Briſtool, à la ſollicitation d’Auguſtin, propoſa une jolie maiſon qu’elle avoit a trois milles de Londres, pour y faire la cérémonie. Tout le monde accepta avec joie, pour éviter les embarras & la cohue. On ſe rendit le matin à Pent-Houſe (nom de la maiſon que prêtoit Lady Briſtool). Le mariage ſe fit avec pompe ; le dîner fut magnifique. Vers les ſept heures du ſoir, Miſſ Wills ſe ſentit incommodée & ſe coucha ; un ſommeil profond s’empara de ſes ſens ; on l’attribua à la fatigue qu’elle avoit eue les jours précédens.

Cependant l’heure de ſe retirer arriva j les Lords Bedford & Williams conduifirent les deux époux dans la chambre qui leur étoit deſtinée, & ſe retirèrent. James paſſa dans une autre pour laiſſer à Eugenie la liberté de ſe déshabiller.

Patty, femme-de-chambre de la nouvelle épouſe, reſta ſeule avec ſa jeune maîtreſſe, qui paroiſſToit fort agitée. — Vous êtes tremblante, Madame ? — Je l’avoue, & n’en ſais pas la couſe. — Oh ! je la ſais bien, moi ; vous craignez, & vous déſirez l’arrivée de votre époux ; cependant, Madame, tâchez de lui cacher une émotion qui pourroit l’affliger, s’il alloit croire que des regrets… — Il ſeroit bien injuſte de Je penſer, répondit Eugenie, — Il ſeroit poſſible de lui éviter ce doute : ſi Madame veut, j’emporterai les lumières, & je dirai à M. Williams de n’en point avoir pour rentre/ ; par ce moyen, il n’appercevra pas l’altération répandue iur votre viſage. — Tu as r§iſon, ma çhere Patty t cet expédient eſt bon, & je l’approuve.

L’oſſicieuſe chambrière ſortit. Peu tl’inſtans après, Eugenie entendit ouvrir ſa porte, ſon agitation redoubla, & ſur le champ elle imagina de faire *la dormeuſe. On ſe gliſſa doucement à côté d’elle, & les plus tendres embraſſemens éloignèrent tout-à-fait ſes craintes.

Elle dormoit encore, lorſque Patey vin ? tirer ſes rideaux. — Eh bien ! ma belle maîtrelſe ne ſonge-t-elle pas à ſe lever ? Depuis une heure, tout le monde ſe promene, & l’on m’envoie vous chercher. — Quoi ! mon pere, ma tante & James … — Ils ſontauſſi dans le jardin.

La nouvelle mariée ſe hâta de paſſer une robe, & ſuivit Patty.

Ls chambre d’Eugenie donnoit dans un petit corridor qui conduiſoit au jardin : Patty donna le bras à ſa maî- treſſe, dont elle preſſa la marche. À peine ſont-elles arrivées ſous le grand berceau, que quatre hetmmes ſe préſentent, la ſaiſiſſent, & la traînent, malgré ſes efforts, hors d’une porte qui répondoit dans la campagne. Un mouchoir qu’on lui poſa ſur la bouche, étouſſa ſes cris : Une chaiſe étoit prête, un des hommes s’y mit à côté d’elle, & la voiture partit. ;

Patty retourna vite à la maiſon, & gagna ſa chambre ſans être apperçue : il’ étoit ſi matin, que tout le monde dormoit encore. A huit heures, elle deſcendit à l’oſſice, prépara le déjeûner, & monta enſuite à l’appartement de Miſſ Wills. — Je ne conçois rien à mon ſommeil d’hier. Eh ! tîte, Patty, paſſez-moi ma robe, que j’aille éveiller nos nouveaux mariés. Milord Bedford entra en ce moment ; la toi- lette de Mijſ Wills fut bientôt faite, & tous deux s’acheminèrent vers la chambre d ’Eugenie, — Déjà levés ! déjà ſortis ! Allons les trouver au jardin. On le parcourt ſans rencontrer Miſtreſſ Williams ; mais on apperçût lames aſſis ſur un banc, & réfléchiſſant triſtement. Milord Bedford l’appelle, il s’approche. — Quoi ! tout ſeul ? Où eſt donc votre femme ? — Je ne ſais… Sûrement dans ſon lit. — Comment vous ne ſavez : parbleu mon gendre, vous avez l’air bien chagrin & bien indifférent pour un lendemain de noces ? Y a-t-il déjà quelque brouille ? Venez, venez, je veux vous raccommoder, vous êtes deux enfans. Il prend James par le bras, & le conduit à la maiſon. Toute la compagnie étoit dans la ſalle balle. — Arrivez donc, s’écria Milady Briſtool, on vous attend pour déjeuner : où donc eſt Mijlrejſ Williams ? On va encore dans ſa chambre, on parcourt toute la maiſon, elle n’eſt nulle part ; chacun ſe regarde ; James, s’afflige ; Eliſe, Edward & Clarice, continuent à la chercher ; Deux heures ſe paſſenc en recherches vaines ; James montre une lettre que Patty lui a apportée la veille de la part d’Eugenie, au moment qu’il alloit palier dans ſa chambre, pour ſe mettre au lit avec elle. En voici le contenu :

« J’oſe eſpérer, mon cher mari, que vous ne me reſuſerez pas la grâce que je vais vous demander. Il m’eſt impoſſible de vaincre ma timidité, laiſſez-moi ſeule cette nuit, demain nous paſſerons la journée enſemble, peut-être le ſoir n’éprouverai-je pas la même agitation. Ma priere ne doit pas vous ſâcher, vous êtes sûr que ma tendreſſe ne finira qu’avec ma vie ».

Milord Bedford reconnut l’écriture de ſa fille ; mais ſa conduite lui ſembla fort extraordinaire. On fit venir Patty ; elle dit qu’elle avoit reçu la lettre des mains de MiſtreJJ Williams, lorſqu’Æle ſe mettoit au lit. — Voilà une aventure bien étrange, dit alors Auguſtin, qui, juſques-là, n’avoit pas parlé, & s’ap- prochant de Jamesi étiez- vous bien sûr de Ton amour ? D’après cette lettre, j’ai lieu de croire qu’elle s’eſt évadée.

Quelle idée ! dit Miſſ WilLs, en l’interrompant, ma nièce eſt incapable d’une pareille adion. — Cependant, reprit Milord Williams, elle a diſparu, & cette lettre annonce un dégoût…,— Que ma ſœur n’a pas, dit avec humeur Edward. 11 y a dans tout ceci, ajouta- t-il, un myſtere qu’il éſt diſſicile de pénétrer ; le temps, peut-être, le dé- couvrira ; cependant je vais monter à cheval, & la chercher dans les environs. James fut de même avis ; Auguſtin voulut auſſi parcourir la campagne 3 Milord Bedford partit un des premiers.

Milord Williams reſta avec les femmes qui ſe déſoloient ; Claricè & EHJe queſtionnoient ſans ceſſie Patty t qui aſſirmoit ne rien ſavoir, & qui ſe déſoloit de la diſparition de ſa chere maîtreſſe.

Il eſt temps de découvrir au Ledeur l’auteur de la trame odieuſe que l’on avoit ourdie avec tant de ſuccès. Au- gujlin avoit ſçu gagner Patty. Cette malheureuſe avoit l’art de contrefaire toutes ſortes d’écritures : dès ſa plus tendre jeuneſſe, elle s’étoit appliquée à ce genre d’imitation ; la lettre qu’on a Jue étoit faite par Auguſtin, & copiée par Patty. L’on a vu de quelle ſaçon cette miſérable s’y étoit priſe pour amener à ſes ſins la trop crédule. Eu- génie. A la faveur des ténèbres, Au- guſtin avoit pris la place de ſon frere : à cinq heures du matin, il s’étoit levé pour laiſïer à‘ Patty le temps d’entrer chez ſa maîtreiïe, à qui elle avoit fait croire qu’il étoit tard ; on. étoit dans les grands jours, & le temps couvert empêchoit que la hauteur du ſoleil n’in- diquât l’heure qu’il pouvoit être. Le reſte réuſſit, comme on l’a vu.

L’inſortunée MiJîreJJ Williams perdit toute connoiſſance dès qu’on l’eut dépo» ſée dans la chaiſe. Elle fut, ſans doute, bien du temps dans ce cruel état ; car en revenant à elle, elle ſe trouva ſur un lit ; une femme âgée «herchoit à lui procurer des ſecours. — Dieu ſoit loué, MîJlrtJJ’i puiſque vous n’êtes pas morte ! Je l’ai craint i car depuis une heure que l’on vous a apportée ici, vous n’avez donné aucun ſigne de vie. Com- ment vous trouvez-vous ? — A (ſez mal ; où ſuis-je ?… Qui m’a conduite icir*… Pourquoi mon époux m’a-til quittée ? — Hélas ! MijîrejJ, je n !en ſais rien ; mais tranquilliſez-vous, vous êtes en sûreté ; comptez ſur mes ſoins. Je ſerai donc toujours dans le cas d’en rendre à des inſortunés ! Chere perſonne ! permettez que je vous ôte cette robe, vous ſerez mieux. J’irai enſuite vous chercher un bouillon. Eugenie, ſans ſorce, ſe IailTà déshabiller ſans dire un .ſeul mot. De temps en temps elle ſoupiroit. Les dis- cours de la vieille, ſeS attentions, lui donnoient la meilleure idée de la bonté de ſon cœur ; ſes larmes enfin ſe firent lin paſſage. Elle ſe rappella la violence qu’on lui avoit faite : la conduite de Patty lui parut ſuſpeéie ; cependant elle ne pouvoit ſixer ſes ſoupçons. — — Que prétend-t-on ? Pourquoi me ſé- parer de mon époux le lendemain de mon mariage ? Je ſuis bien malheu- . reuſp, ô mà Jbonne ! Que vais-je de- venir ? Ne plus voir James ! Voilà le comble de mes maux. La vieille eſſaya vainement de conſoler la triſte Eugenie.


L’on revint a la maiſon de Milady Briſtool ■, ſans aucune nouvelle ſatis- ſailante. Milord Bedford & James avoient fait plus de dix milles ; la courſe d’ Auguſtin s’étoit bornée au cabaret voiſin. Il eut le ſoin de reparoître le dernier, & ſembla vivement aſſe&é de l’inutilité de ſes recherches.

La nuit qui ſuivit ce malheureux jour, fut plus cruelle encore : des réflexions ameres poursuivirent l’inſortuné James ; il n’oſoit accuſer Eugenie ; cependant cette lettre, ce départ, étoient une grande préemption.

< Milord Bedford, ſa belle - ſœur ; Edward, Clarice & Eliſe ne repoſe- rent pas mieux ; Milord Williams, le modèle des égoiſtes, oublia le mal- Leur de ſon fils, pour ne s’occuper que des charmes de Mijſ Briſtool, & des moyens de s’en rendre poſi’eſſeur. Cette jeune perſonne, plus clairvoyante que les autres, eut de violens ſoupçons ſur Auguſiin ; mais elle n’oſa en faire part à perſonne.

Le lendemain, l’on quitta Vent - Houſe, pour revenir à Londres « Chacun y porta ſes diſſérens ſentimens : ceux de la plu$ affreuſe triſteſſe, n’abandon-nerent pas la maiſon de Milord Bed- ſord. James y occupa l’appartement qui lui étoit deſtiné ; mais qu’il lui parut douloureux de l’habiter ſeul ! Edward cherchoit vainement à calmer ſa douleur.

Quelques jours après cette terrible cataſtrophe, Auguſtin ſuppoſa un. voyage indiſpenſable en ÈcoJJe, & partit avec l’apparence d’un homme affligé. Se*s adieux à*ſon frere furent touchans ; il lui promit de faire ſon poſſible pour découvrir ce qu’étoit devenue ſon épouſe. Son voyage ne fut pas long ; il en fixa le terme à Culverine ; (c’eſt le nom du château où il avoit fait conduire Eugenie) il en avoit fait l’achat pour y renſermer ſon frere. Milord Williams même, ignoroit qu’il en fût poſſeiïeur. À ſon arrivée, il s’informa au concierge de ce que faiſoit la jeune perſonne qu’il lui avoit envoyée. — Je ne l’ai pas vue, Milord ; mais ma femme en a le plus grand ſoin. Votre valet-de-chambre peut vous en rendre compte. Homely parut, & aſſura a ſon maître que Miſtreſſ Williams,… — Elle s’appelle Eugenie, & je ne prérends pas qu’elle porte une autre nom. Au ſurplus, je veux la voir ; mais avant, qu’on me faſſe venir la concierge.

Honnora vint recevoir les ordres de ſon maître. — Conduiſez - moi chez Eugenie. — Ô Milord ! Ne la voyez pas encore, elle eſt ſi foible qu’elle ne pourroit pas ſupporter votre préſence. Si Milord vouloit attendre un. jour ou deux, — Honnora, je donne des conſeils, mais je n’en reçois jamais ; ainſi, que cela ſoit dit une fois pour toutes, allez prévenir Eugenie que je veux la voir. — Je viens, dit Honnora à la jeune priſonniere, vous annoncer une viſite, qui peut-être ne vous ſera pas agréable, puiſque vous déſirez la ſolitude. — Une viſite ! Eh ! Qui peut ſavoir que je ſuis ici ? Le fils aîné de Milord Williams, à qui appartient ce Château. — Bon Dieu ! Voilà donc cet affreux ſecret découvert. Pourquoi juſqu’ici me l’avoir caché ? — J’avois des ordres abſolus pour me taire. — Que me veut-il ? Non, je ne puis le revoir ; dites lui que je préférerois la mort à ſa préſence. — Tout doux, la belle, dit Auguſtin, en ſe montrant, ‘vous ne mourrez pas, & j’aurai le plaiſir de contempler vos charmes, dont je ſuis idolâtre. — Vous venez pour jouir de ma juſte douleur ; mais que vous ai-je fait, monſtre abominable, pour vouloir être l’inſtrument de ma perte ? — En honneur, Eugenie, votre petite colere vous rend charmante, joli lutin ! Il ſera diſſicile, mais bien flatteur, de vous apprivoiſer. — Ton effronterie me confond ; quelle tranquillité, après l’action la plus noire ! — Petite maſque, vous n’avez pas toujours été auſſi revêche. — Je t’ai déteſté depuis l’inſtant que je te connois. Qu’as tu fais de mon époux ? — Un moment, s’il vous plaît. Honnora, ſortez. Eh bien ! Vous délirez donc ſavoir des nouvelles de celui qui a paſſé une ſi heureuſe nuit avec vous ? Vous rougiſſez, ah ! ſi la choſe étoit poſſible, combien cette rougeur vous embelliroit… Sachez, divine Eugenie, que ce mortel fortuné eſt à préſent à vos genoux. — Toi, miſérable, quelle calomnie ! — Vous ne me croyez pas, il faut donc vous rappeller certaines circonſtances. Alors il ne laiſſa aucun doute à la malheureuſe Eugenie . — Ô Dieu ! s’écria-t-elle, je n’ai plus qu’à mourir. Eſſectivement, elle ſe trouva ſi mal, qu’Auguſtin croyant qu’elle alloit expirer, fut obligé de rappeller ſa vieille. — Secourez cette mijaurée ; & ſi elle eſt rendue à la vie » tâchez de lui inſpirer plus de bontés pour moi : il ſortit, en achevant ces mots. — Quelle barbarie ! diſoit la ſenſible Honnora, en volant à la jeune inſortunée. Elle parvint à lui faire ouvrir les yeux. Eugenie les fixa avec ſrayeur autour d’elle, puis les ramenant vers Honnora ſ elle ſe précip^a dans ſon ſein ; tout-à-coup elle le revele, court dans la chambre, en ſe tordant les bras, gémit avec ſorce, ſans pouvoir articuler rien de diſtind ; enfin elle recouvre la parole pour demander la mort. — Si je vous inſpire quelque pitié, débarraſſez-moi de la vie, c’eſt un ſardeau que je ne puis plus ſupporter : je dételle, j’abhore l’univers, & moi, plus que tout Je monde enſemble.

Le miſérable Auguſtin lui avoit aſſuré que James étoirde moitié dans la ſupercherie : elle le croyoit, & cette certitude augmentoit ſon déſeſpoir. Dieu ! Dieu ! Sur qui donc doit-on compter ? Tant de candeur en apparence, & tant de fauſſeté dans l’ame ! Je ſuis donc la victime de ces monſtres affreux. Où fuir, où me cacher ? Ma honte doit-être écrite ſur mon front. Ô mon pere ! ô ma tante ! combien vous allez me mépriſer ; la vie ſera pour moi un ſupplice éternel. Ma bonne ! j’embraſſe vos genoux, délivrez-moi de tous mes maux encore une fois, donnez-moi la mort ; je la demande comme une grâce. Déſhonorée, mépriſée, que puis-je faire au monde ?

La pauvre Honnora ne ſavoit que répondre, la douleur d’Eugenie lui paroiſſoit légitime, & elle la plaignoit de tout ſon cœur. Après avoir-obtenu que du moins elle n’attenteroit pas à ſes jours, elle la laiſſa repoſer.

Auguſtin joignit Honnora lorſqu’elle ſortoit de la chambre d’Eugenie, Eh bien, comment va la belle malade ? — Ô Milord ! l’inſortunée verſe des larmes de ſang. Je ne ſais pas de quelle nature ſont ſes peines ; mais il eſt aiſé de voir qu’elle ſe croit bien malheureuſe. — Bon ! C’eſt un enfant, le temps calmera ſon chagrin. — Ah, Milord ! je le deſire bien ; cette jeune perſonne eſt ſi intéreſſante, ſi douce. — Douce, par ma foi je ne m’en ſerois pas douté ; au reſte, je veux que vous en ayez tous les ſoins poſſibles. — Il n’eſt pas beſoin de me le recommander, j’y ſuis portée d’inclination. — N’allez-pas cependant préférer ſes intérêts aux miens ; ſongez Honnora que vous m’en répondez ſur votre tête ; cela ſuffit, éloignez-vous.

Milord Williams apprit par voie indirecte le projet du Chevalier Norſolk, & les vues qu’il avoit ſur Éliſe pour ſou neveu. Dès ce moment il ſe décida à propoſer ſa main à Miſſ Briſtool ; il s’adreſſa directement à Milady, qui n’héſita pas à lui ſacriſier Milord Croydon ; celui-ci eſt plus riche, dit-elle, il n’y a pas à balancer ; d’ailleurs, il ne s’agit pas de dot. Si-tôt après le départ de Milord Williams, Milady fit venir ſa fille. — Il m’a paru Miſſ, que la recherche du neveu du Chevalier ne vous étoit point agréable, ainſi qu’il n’en ſoit plus queſtion. — Ô ma mere… vos bontés… que ne vous dois-je pas ? — Il ſepréſénte un bien meilleur parti ; Milord Williams. — Milord Williams eſt celui… Seroit-il poſſible ? — Rien n’eſt plus certain, & je lui ai donné ma parole. — Mais, Milady, iſ y a tant de diſproportion entre ſon âge & le mien ; d’ailleurs, on le dit ſi méchant. — L’âge ne fait rien, il ſe porte bien & eſt encore frais : quant à la méchanceté, c’eſt une calomnie inventée par ſes ennemis. — Mais, ma mere, il eſt déteſté de tous ſes vaſſaux ; vous en avez été témoin. — Mais, mais, Miſſ, vos objections m’ennuyent, ma volonté doit-être une loi pour vous. J’ai promis, c’eſt à vous d’obéir.

Éliſe ſe retira déſolée. Clarice l’atendoit dans ſon appartement : rien ne la ſurprit autant que le deſlèin de ſon pere. Malgré le reſpeſt qu elle lui devoit, elle ne put s’empêcher de plaindre ſon amie, ſi elle devenoit un jour ſa belle-mere. — J’aimerois mieux mourir, s’écrioit de temps en temps Éliſe. Que je ſuis malheureuſe ! Il ſe préſente deux époux, & tous deux ſont faits pour m’inſpirer la plus forte averſion. Pardonnez, ma chere Clarice, je devrois uſer de plus de ménagement en ſongeant que l’un eſt votre pere. Par quelle fatalité veut-il être mon époux ? — Calmez-vous, mon amie, ce n’eſt pas une choie faite ; oppoſez de la fermeté, vos refus ſont raiſonnables, perſonne ne vous déſapprouvera. Éliſe ſe laiſſa perſuader par ſon amie ; en s’en ſcparant elle étoit moins affligée.

Milord Williams ne tarda pas à s’appercevoir que ſa propofition avoit déplue à Miſſ Briſtool ; il s’en plaignit à Milady qui le raſſura. — Ma fille eſt un enfant, je la réduirai ſans peine.

Milord vit parfaitement qu’il ne de- yoit pas à l’amour, la main de ſa maîtreſſe ; mais il ctoit trop peu délicat pour s’arrêter à cet obltacle ; il vou-*- loit poſſéder Êliſe, n’importe par quel moyen. Il continua donc de faire ſa copr à Milady, comme la ſeule voie qui pût le conduire à ſon but.

L’expulſion du %Lord Croydan, & les a (Viduités de Milord Williams y ne lait ſerent aucun doute ſur les intentions de Milady, Le Chevalier Norſolk étoit ſurieux ; mais, ſélon ſon ordinaire, ſes menaces ne paſſoient pas ſon cabinet, ſa crainte naturelle en arrêtoit l’effet. Son neveu, ſoit par excellence, étoit brave par tempérament ; il jura touç haut de ſe venger de ſon rival.

Milord Bedford repréſenta vainc» ment à Milady Briſtool, le ridicule de l’himen projette : elle ne tint aucun çompte des conſeils de ſon ami. Celui» çi aſſura Êliſe qu’elle ne ſeroit jamais qu’à celui que ſon coeur auroit choiſi.— Votre pere en mourant ma chargé de veiller à votre bonheur, je ne trom- perai pas ſon attente ; j’ai perdu uné fille chérie, ajouta-t-il en ſoupirant, que je la retrouve en vous.

L’amour d’Edward pour Clarice, prenoit tous les jours de nouvelles ſor- ces ; cependant il n’avoit point encore oſé lui en faire l’aveu. Il eſt vrai que ſes yeux le lui avoient dit cent fois ; mais ceux de Clarice ne ſembloient pas les comprendre. Depuis l’abſence d ’Eu- génie, Edward s’étoit livré à la ^>Ius proſonde triſteſle ; la # préſence de Cla- rice faiſoit ſeule diverſion à ſon cha- grin. A peine ceſſoit-il de la voir qu’il retomboit dans ſon premier état ; il ne quittoit guere James, & tous deux paſ- ſoient les journées à regretter le meme ^objet. L’inſortuné James dépériſloit à vue d’ccil ; il prit enfin le parti de voyager, eſpérant retrouver ſa chere Eugenie, ou mourir à la peine. Les

Î jrieres de ſes amis, de ſes parens, de à ſœur même, ne purent l’arrêter. Son départ affligea tout le monde. Edward & Clarice ne purent le quitter ſans vcrſer des larmes > il leur promit de ſes’ nouvelles, & partit avec un ſeul valet- de-chambre.

Quelques jours après le départ de James, Edward que l’amour tenoit toujours éveillé, entendit diſtin&ement pendant la nuit ſoupirer dans la cham- bre de Ton pere, qui étoit voiſine de la ſienne ; il craignit que Milord ne ſe fût trouvé mal, & ſe hâta d’aller à ſon ſecours ; en approchant de la porte, il écouta poui^s’aſîurer s’il ne s’étoit pas trompé, afin de ne pas troub’er mal -à- propos le repos de ſon pere. Il devina bientôt que Milord avoit le coeur & l’eſprit plus malades que le corps ; mais qu’elle fut la douleur d ’Ed* ward, en apprenant que ſon pere «étoit ſon rival. « Quoi ! diloit-il, à mon âge » devenir amoureux d’un enfant ! Que 39 je ſuis malheureux ! C’eſt en vain que 30 j’appelle la raiſon à mon ſecours ; la 3o certitude même de ne jamais polTéder 39.1’objet de ma tendreſſè ne peut étouſſer 3o ma ſolle paſſion. Si mes amis ſa- 3» voient combien je ſuis extravagant, 30 je perdrois leur eſtime ; cependant 3o en voyant la belle Clarice on pour- 3* roit m’excuſer. Ô, amour ! amour ! » Quel tourment me jeſervois tu ? Milord ceſſa de parler & Edward re- gagna ſon lit, non pour y goûter du repos, ce qu’il venoit d’apprendre le lui ôtoit pour jamais. Ce vertueux jeune homme réſolut dès ce moment de ſacriſier Ton amour à ſon pere. / Combien il ſe ſélicita alors de n’avoir pas fait à Clarice l’aveu de ſa ten- drelîe ! « Ô mon pere, vous jouirez » de la ſupréme ſélicité, vous poſle- » derez la plus belle de ? femmes, vous » ſerez heureux, n’importe à quel prix ;

» je mourrai, ſans doute, oh ! oui, a» je mourrai, mais j’aurai fait mon » devoir ».

Depuis ce jour, non - ſeulement Edward ne cherchoit plus à voir ſa chere Clarice ; mais il tâcha d’obtenir la conſiance de Milord ; il encoura- geoit indirectement ſa p^llion. Bientôt on lui fit une demi-conſidence ; il ne reſtoit qu’à nommer l’objet de ce vio- lent amour, lorſque Milord oppoſoic la dilproportion des âges. — Eh bien ! lui diſoit Edward y vous ſerez ſon guide, ſon ami. — Ô mon fils ! tes diſcours me ſéduiſent, je ſuispreſque perſuadé ; mais ſi ma tendreſſe alloit déplaire à celle., — Cela n’eſt pas poſſible, rendez-vous ſous donc plus de juſtice < la con-* verſation fut interrompue, & Milord n’avoit encore oſé nommer Clarice.

Milord Williams continuoit àpreſlèr Milady Briſtool de hâter ſon mariage avec ſa fille ; mais comme Eliſe avoit aſſiiré à ſa mere avec reſpeét & ſermeté, que jamais elle ne conſentiroit à cette odieuſe union, Milady engageoit Mi- lord à patienter. Dans cet intervalle le Lord Croydon tenta de ramener Mi- lady : de ſon côté le Chevalier Nor- ſolk, joignit ſes inſtances à celles de ſon neveu, mais ils n’obtinrent rien,■ la fortune de Milord Williams l’avoit entièrement ſéduite. Le ſurieux Croy- don, ne conſultant alors que ſon déſeſi* poir, fut trouver Milord Williams, l’explication ſe termina par un rendez- vous pour le lendemain matin, du cota de Chelſea : ( * ) l’un & l’autre furent exaſts à s’y trouver ; le combat ne dura pas long -temps, Croydon reçut urï coup d’épée qui lui ôta la vie. Milord Williams regagna promptement ſa mai- ſon, fit part à ſa fille de l’accident qui


(*) Village ſitué aux portes de Londres. venoit de lui arriver & de la néceſſité où il étoit de s’abſenter ; il lui recommanda ſa maiſon, donna des ordres pour ſon départ, écrivit à Milady Briſtool, & partit.

Le Chevalier Norfolk n’avoit pas voulu accompagner le Lord Cray don, mais il l’avoit fait ſuivre par un de ſes gens qui vint lui apprendre la triſte fin du combat. Le Chevalier jura avec ſerment de venger ſon neveu. Il .fut en effet trouver ſes parens & ſes amis.

La famille du mort pourſuivit juridiquement Milord Williams ; il n’étoit pas aimé ; tout le monde le blâma. Son duel fut préſenté d’un mauvais côté. Le peu d’amis qu’il avoit, tout ſervit à le faire regarder comme le plus coupable des hommes ; on alla même juſqu’à dire que Croydon avoit été aſſaſſiné. Perſonne ne déſendoit la cauſe de Milord Williams, l’abſence d’Auguſtin & de James mirent le comble à ſon malheur. La pauvre Clarice avoit beau ſolliciter les juges, ſes prières, ſes larmes, ne furent point écoutées. Milord Bedford s’intéreſla vivement en ſa faveur, mais il ne put réuſſir. Milady Briſtool reſta neutre ; on parloit de conſiſquer les biens de Milord Williams ; Ton alliance, alors, ne lui parut plus déſirable.

La procédure ne fut pas longue : toute la fortune de Milord Williams fut eſſectivement conſiſquée, une partie en . faveur du Chevalier Norſolk ; la juſtice s’empara du reſte. Clarice fut réduite à la plus proſonde miſere ; Miſſ Wills lui oſſrit un aſyle dans ſa maiſon qu’elle accepta avec reconnoiſſance. Elle ignoroit abſolument la route que ſon pere avoit priſe ; le ſort de ſes deux freres lui étoit également inconnu. Quelle aſſreuſe pofition pour une jeune perſonne élevée dans l’opulence !

En quittant Auguſtin, Honnora avoit été rejoindre Eugenie qu’elle trouva dans le délire, & avec une ſievre ardente. Cette nouvelle affligea Auguſtin, non par Inimanité, mais parce que cet accident reculoit l’exécution de ſes exécrables projets. On envoya chercher un médecin dans la ville la plus prochaine ; Auguſtin l’entretint en particulier avant de le laiſſer entrer auprès de la malade. — Voilà, dit- il après avoir examiné Eugenie, une jeune perſonne dans un ſâcheux état. Cependant il ordonna des remédes qui reſterent ſans nul effet. Le danger augmentent conſidérablement, & pendant quinze jours on déſeſpéra de la ſauver. Enfin, ſa jeuneſſe & la bonté de ſon tempérament lui rendirent la vie. Sa convaleſcence fut longue ; le chagrin qui la dévoroit reculoit ſon entière guériſon. Cette jeune inſortunée étoit d’une maigreur effrayante ; ſa figure étoit abſolument changée : on remarquoit bien encore quelques traits de beauté, mais les lys & les roſes avoient fait place à une pâleur mortelle. Ses joues creuſées par l’amertume des larmes qu’elle répandoit ſans ceſſe, & ſes yeux ternis par la douleur, Ja rendoient plutôt un objet de pitié que d’amour.

La paſſion d’Auguſtin diſparut avec les charmes d’Eugenie. Il regretta alors de s’en ctre embarraſſé ; mais comme il ne pouvoit lui rendre la liberté ſans expoſer la ſienne, puiſque l’on ſeroit ïnſiruit par elle de ſon crime, il réſolut de la recommander plus que jamais au concierge de Culverine, & quitta ce ſéjour, qui commençoit à l’ennuyer, pour revenir à Londres.

On devine aiſément quel fut ſon déſeſpoir en apprenant le déſaſtre de ſa maiſon. Le ſort de ſon pere & celui de ſa ſœur ne l’affligeoit nullement, il ne plaignoit que lui. Il voulut tenter de revenir ſur le jugement du procès ; mais ce fut en vain.

Pendant l’abſence d’Auguſtin, on accorda beaucoup plus de liberté à Eugenie ; il eſt vrai que dans ſes promenades, Honnora l’accompagnoit toujours : mais la préſence de cette bonne femme étoit une conſolation pour elle. Sa ſanté revint peu-à-peu : on ne négligeoit rien pour lui procurer tout ce qui lui étoit néceſfaire pour la recouvrer.

Un jour qu’Eugenie étoit deſcendue dans le jardin avec Honnora, on vint dire à celle-ci que ſon mari s’étoit laiſſe tomber de cheval, & qu’il avoit la tête ſracalſée. La ſenſible Eugenie courut avec Honnora pour porter du ſecours à ce malheureux. Elles arriverent comme il expiroit. Quoiqu’Honnora ne perdît, dans ſon époux, qu’un maître dur & méchant, elle ſe livra cependant à un excès de douleur qui annonçoit la bonté de ſon cœur. Eugenie l’éloigna de cet aſſreux ſpe&acle, & la conduiſit dans ſa chambre : elle employa, pour la conſoler, tous les moyens que lui préſenterent la religion & la raiſon, & parvint, à ſorce de ſoins, à calmer ſon chagrin.

Au bout de quelques jours, on apprit la ruine totale de Milord Williams, & le deſlein qu’Auguſtin avoit formé de vendre Culverine. Eugenie vit que l’instant étoit ſavorable, & propoſa à Honnora de partir avec elle. Pendant que ſon mari vivoit, la choſe étoit impoſſible : elle n’avoit pas même pu faire parvenir à Londres une lettre d’ Eugenie ; mais elle étoit beaucoup plus libre, depuis que l’on ſavoit l’accident arrivé à la maiſon Williams, Le jardinier négligeoit ſouvent de lever les ponts-levis. Eugenie & Honnora profitèrent d’un de ſes momens, ſortirent ſans être apperçues, & gagnèrent, ſans mauvaile rencontre, une petite ville à ſix milles de Culverine. Eugenie avoit cinquante guinées dans ſa bourſe quand on l’enleva : elles y étoient reſtées, & lui furent d’un grand ſecours dans cette circonſtance. Elles ſe rendirent à la poſie : une chaiſe leur fut bientôt préparée ; elles y montrent, & prirent la route de Londres, où elles arrivèrent le lendemain.

Eugenie ne voulut pas deſcendre chez Ton pere, dans la crainte de lui cauſer une trop ſorte révolution. Elle ſe fit conduire dans une auberge, & envoya Honnora prévenir ſa tante & ſon frere de ſon arrivée. Miſſ Wills étoit avec Clarice, On lui annonça une inconnue, qu’elle fit entrer ſur le champ. La pauvre Honnora ne ſavoit comment s’y prendre pour s’acquitter de ſa commiſſion, Eugenie lui avoit recommandé d’uſer de précaution : elle ne ſe reſſouvint de rien, excepté de la bonne nouvelle qu’elle alloit apprendre. — La fille de Milord Bedjord eſt : arrivée à Londres : voilà tout ce qu’il lui fut poſſible d’articuler. — Ma nièce ! — Eugenie ! s’écrièrent enſemble Miſſ Wills & Clarice, — Où eſt-elle ? Ah ! vite, conduiſez-nous où elle eſt.

On fait mettre les chevaux : Edward paroît comme on alloit monter en car- roſie. — Mon neveu, venez avec nous : je vous promets un grand bonheur pour votre compta iſance. Edward ne ſe fit pas prier : ſa tante le prévint qu’il alloit voir quelqu’un pour qui il avoit la plus tendre amitié. — Oh ! c’eſt ma ſœur, c’eſt Eugenie ! Dites-moi que ç’eſt elle. — Eh ! mon dieu, oui, c’eſt elle, dit Honnora, les larmes aux yeux : je vois avec bien du *plaiſir que cette chere perſonne eſt aimée autant qu’elle mérite de l’être. On arrive : Honnora conduit la compagnie dans la chambre qu’occupoit Eugenie, qui, le coude appuyé ſur une table, attendoit avec impatience le retour de ſa meiïagere. Elle tournoit le dos à la porte, de ſorte qu’elle ſe trouva dans les bras de ſa tante, de ſon frere & de ſon amie, avant de les’avoir apperçus. — Dieu ! s’écria Miſſ, comme tu es changée ! — Elle nous eſt enfin rendue, cette ſœur ſi tendrement chérie ! — Ma tante, mon frere, mon amie, que je ſuis aiſe de vous revoir ! Mais, pourquoi le plaiſir que je reſlens en ce moment n’eſt-il pas parfait ? Pourquoi ?… Je trouble la joie que vous me laiſiez voir. Dites-moi des nouvelles de mon pere : m’aime- 1 il toujours ? Oh ! oui ; il connoît le cœur de ſa fille ; il n’aura Purement pas eu des ſoupçons défavorables ſur elle. Ô mes bons, mes véritables amis, je ſuis bien malheureuſe ! — Non, non, tu ne l’es plus, ma chere niece ; ne ſens-tu pas que tu es dans nos bras ? Viens rendre la joie à ton pere : lui ! ſoupçonner ſon Eugenie. d’une mauvaiſe aétion H . Eugenie cou- pable ! il n’en eſt pas un de nous à qui cette idée ſoit venue. — Allons, ma tante, allons trouver mon pere.

Milord venoit de rentrer : il entendit une voiture dans ſa cour, & croyant que c’étoit ſa belle-ſœur, ^1 deſeendit pour lui donner la main. La vue d’iiu- getùe penſa lui devenir ſuneſte, car il ſe trouva mal, en s’écriant, ma fille l Edward, qui étoit deſeendu de carrolſs le premier, ſe trouva ſort heureuſement à portée de ſoutenir ſon pere. Eugenie - ſe jetta à ſes pieds, & quoiqu’on em- portât Milord dans une ſalle balle, elle ne quitta pas cette même pofition, & ſuivit ſon pere en ſe traînant ſur ſes genoux. Milord revint enfin ; des cris de joie l’annoncerent à Eugenie, qui pleuroit ſur une de ſes mains : il palſa ſes deux bras autour du col de ſa fille, en ſe ſélicitant de l’avoir retrouvée. Toute la journée ſe palſa ſans qu’on ſît la moindre queſtion à Eugenie, Lorſ- qu’elle ſe retira dans ſa chambre,, ſon pere & ſa tante l’y ſuivirent, & lui demandèrent les details de ce qui lui droit arrivé. Eugenie n’en omit aucun. Milord & Miſſ Wills ſrémirent de la conduite atroce d’Auguſtin ; ils lui rendirent compte enſuite de tout ce qui s’étoit paſſé. Eugenie, qui ſavoit que Fatty avoit pluſieurs fois imité ſon écriture, éclaircit la circonſtance de la lettre rendue le jour de ſon mariage. En apprenant le départ de James, elle ſentir redoubler ſon chagrin. — Il eſt parti en me croyant coupable, ô mon pere ! cette idée met le comble à mes maux. — Non, ma fille, jamais il ne t’a accuſée. L’eſpoir de te retrouver a Caulc ſon abſence ; hélas ! il ignore que tu ne peux plus être à lui.

Eugenie témoigna à ſes parens le déſir qu’elle avoit de Ce ſouſtraire à la vue de tout le monde. — Je crois, diſoit- elle, qu’il eſt impoſſible de me voir, ſans lire ſur mon viſage ma honte & mon déſeſpoir. Ils eurent beau lui repréſenter que perſonne ne ſeroit instruit de ſon malheur, elle perſiſta dans ſa réſolution : elle les pria auſſi de ne pas nommera ſon frere l’auteur de ſon enlevement : — Il eſt prompt, rempli d’honneur ; il ſe croiroit obligé de laver notre offenſe dans le ſang du coupable. Milord convint qu’elle avoit raiſon ; ils ſe promirent de ne parler de rien à Clarice, pour lui éviter le chagrin que lui cauſeroit la connoiſſance des crimes de ſon frere.

En quittant ſa fille, Milord ſe propoſa de tirer une vengeance complette du barbare Auguſtin ; il n’oublia pas non plus la miſérable Patty. (On l’avoit envoyée à Nark-Neſſ pour garder le château). Avant de ſe coucher, il fit relever un de ſes gens, & lui donna des ordres pour ramener Patty avec ſecret & diligence. Il paſſa une partie de la nuit à écrire deux lettres, l’une à ſa fille, l’autre à Clarice, Avant huit heures du matin, il étoit à la porte de l’ami chez qui logeoit Auguſtin, qu’il fit prier de deſcendre. — Je voudrois avoir avec vous un moment d’entretien ; habillez vous, & prenez vos piſtolets, je vais vous attendre à Kinſington[2]. Auguſtin ſe hâta de terminer ſa toilette, & vint rejoindre Milord Bedford . Tous deux ſe joignent, & vont gagner un endroit iſolé. Leurs piſtolets armés, Milord, ſans ſortir de ſa place, laiſîe à Auguſtin la ſaculté de tirer le premier, — Lâche, lui dit-il, tu as déshonoré ma fille, arrache, ſi tu le peux, la vie à ſon pere ; mais ſi ton adreſſe te ſert mal, compte que la mienne ne trompera pas mon bras. La cauſe d’un ſcélérat ne ſauroit être protégée par le Ciel. À peine a-t-il achevé, qu’Auguſtin s’avance, tire ſon coup, & étend Milord Jïedſord à ſes pieds. Son premier mouvement fut de fuir, ſans ſavoir ſi ſon ennemi pouvoit avoir beſoin de ſon ſecours ; mais par l’effet du haſard ſon propre jardinier, qui venoit de Culverine pour lui annoncer l’évaſion de la jeune perſonne qu’il avoit conſiée à ſes ſoins, le reconnut. Cet homme étoit avec deux payſans de Kinſington, qui venoient à Londres. — Voilà, leur dit-il, le Gentilhomme que je viens trouver ; c’eſt : le fils aîné de Milord Williams . — Mais, dit un des payſans, il ſe ſauve comme s’il avoit fait un mauvais coup. — - Je ne m’en étonne pas, s’écria l’autre ; c’eſt ſûrement lui qui vient de lâcher le coup de piſtolet que nous venons d’entendre, & l’homme que voilà étendu par terre en a été la victime. Ils n’étoient plus qu’à vingt pas de Milord Bedford ; ils s’en approchèrent, & voyant qu’il reſpiroit encore, ils bandèrent ſa plaie avec leurs mouchoirs, & le portèrent dans la maiſon la plus voiſine. Le chirurgien de Kinſington fut appelle ; il jugea la bleſſure mortelle : cependant il fit revenir Milord, qui témoigna le plus grand déſir qu’on le portât chez lui ; ce qui fut exécuté.

Quel ſpe&acle pour des enfans chéris & ſenſibles ! La maiſon retentit dans l’inſtant de gémiſlemens & d’imprécations contre l’auteur de ce cruel accident. Les payſans qui accompagnoient le moribond, dirent que c’étoit Milord Williams[3] : à ce nom Clarice ſe trouva mal, Eugenie & Mijſ Wiüs pleuroient ſur le corps de Milord, qui ne donnoit plus aucun ſigne de vie. Edward, dont la douleur, quoique concentrée, n’en étoit que plus ſorte, fit venir un habile chirurgien, qui lui aſſura que Ton pere n’étoit pas mort, & qu’il alloic viliter ſa bleſlure & y mettre le premier appareil. L’opération finie, Milord reprit l’uſage de ſes ſens ; on le ſaigna pluſieurs fois, la bleſlure n’étoit que dangereuſe ; on eſpéra ſauver le malade ; mais on recommanda d’obſerver avec lui le plus grand ſilence. Edward dont la fureur étoit au comble, profita du moment où ſa ſœur & ſa tante gardoient ſon pere, pour aller chercher Auguſtin qu’il ne trouva pas ; on lui dit qu’il étoit pari en porte deux heures auparavant. — Ma juſte vengeance reſtera donc ſans effet, diſoit Edward en regagnant triſtement ſa maiſon. Il trouva Milord dans le même état où il l’avoit laiſſe ; Eugenie à genoux au pieds de ſon lit, n’oſoit preſque reſpirer ; on voyoit ſes yeux remplis de pleurs, qu’elle s’eſſorçoit de retenir ; ſa tante ſixoit avec une vive douleur & la fille & le pere.

Edward ſe rappella en ce moment que Clarice s’étoit trouvée mal : il vola dans ſor» appartement ; la femme de chambre l’empêcha d’entrer. — laiſſez-la repoſer, lui dit - elle ; ma chere maîtreſſe a eû des convulſions violentes ; depuis un inſtant elle s’eſt aſſoupie, il ne faut pas la troubler. Ô Ciel ! dit tout bas Edward en repayant chez Milord, luis je aſſez malheureux ? Un pere chéri, une amante adorée, tous deux en danger de perdre la vie ; mais, ajoutoit-il, elle eſt ſœur du meurtrier de mon pere, je devrois la haïr… la haïr ! Elle n’eſt pas coupable : mon pere, j’en ſuis certain, n’accule pas Clarice des fautes de ſon frere.

La nuit ſe paſſa ſans que maîtres ni valets ſongeaſſent à goûter aucun repos. Milord dormit un peu ſur les trois heurs du matin. Vers ce temps, Clarice voulut abſolument ſe lever, pour veiller avec Ion amie, & Miſſ Wills, Ou eut beau lui repréſenter qu’elle avoit la ſièvre, on ne put lui perſuader de reſter dans ſa chambre ; elle entra doucement daos celle de Milord t & fut ſe placer à côté de Miſſ Wills qui n’oſoit parler, mais qui voyant ſon abattement, lui faiſoit ligné de s’en aller. Edward ſe mit à genoux, & joignit les mains pour la conjurer de retourner dans ſon lit. Pour ne rien voir de tous ces lignes, elle ſe tourna du côté du malade, & le fixa ſans interruption.

Le chirurgien vint de bonne heure ; à la levée du premier appareil, il parut conſterné : Milord le remarqua, & lui dit avec ſermeté. — Monſieur, ne me cachez pas mon état, ne faut-il pas que je le ſâche : un peu plus tôt, un peu plus tard, cela revient au* même pour l’article des regrets, & ſouvent il eſt de la plus grande importance d’être inſtruit que l’on n’en peut revenir. Le chirurgien balbutia le mot d’eſpoir. — Vous me trompez, Monſieur, votre premier mouvement ma mieux inſtruit que tout ce que vous pourriez dire, aiaſi évirez-moi les douleurs d’une opération inutile. Je voudrois dans ces derniers inſtans être ſeul avec ma famille ; puis ſe tournant vers Edward : mon fils, faites ſavoir à Milady Briſtool, que je deſire la voir avant ma mort, ainſi qu’Éliſe, & qu’il, faut ſe preſſer.

Edward ſortit avec le chirurgien, qui lui aſſura que ſon pere ne paſſeroit pas la journée. — On m’a appelle trop tard, tout l’art humain n’y pourroit rien ; il ſaudroit un miracle, que raiſonnablement on ne peut eſpérer. Edward écouta cette cruelle ſentence ſans proférer un mot ; il étoit anéanti s cependant il exécuta les ordres de ſon Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/101 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/102 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/103 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/104 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/105 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/106 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/107 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/108 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/109 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/110 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/111 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/112 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/113 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/114 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/115 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t1.pdf/116 Page:Bournon - 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HISTOIRE

D’EUGÉNIE BEDFORD.

SECONDE PARTIE.
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LE MARIAGE
CRU IMPOSSIBLE.



HISTOIRE De M. DANGERVILLE, & de Rosalie, ſa Fille.


Mon Pere eſt de cette Ville. Sa Famille eſt une des plus anciennes du Pays. Mon grand Pere étoit aſſez riche, & n’avoit que deux Enfants, mon Pere & un autre Fils, ſon aîné. Jamais deux Freres n’ont eu un caractere ſi différent. Mon Pere, doux, humain, complaiſant, & honnête avec ſes égaux, affable & bienfaiſant avec Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/10 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/11 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/12 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/13 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/14 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/15 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/16 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/17 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/18 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/19 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/20 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/21 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/22 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/23 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/24 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/25 Page:Bournon - Histoire d Eugenie Bedford - t2.pdf/26 Page:Bournon - 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Leur union n’éprouva aucun refroidiſſement : la conformité de caracteres les rendit toujours unis. Le Ciel bénit leurs hymens, en leur accordant les plus aimables enfants. Milord Williams Pere mourut dans un âge très-avancé, & répara par ſes belles actions les erreurs de ſa conduite paſſée : tant if eſt vrai que l’exemple de la vertu manque rarement de faire des proſélytes.


FIN.


Ouvrages du même Auteur.


Lettres de Milady Lindſey, ou l’Épouſe pacifique, 2 parties, 2 liv.

Mémoires de Clarence Weldonne, ou le Pouvoir de la Vertu, 2 parties, 2 liv.

Anna Roſe-Trée, Hiſtoire Anglaiſe, 2 vol. Il ne reſte plus de ce dernier Ouvrage qu’en papier fin. La nouvelle édition eſt ſous preſſe.

  1. Salle de ſpectacle de Londres.
  2. Maiſon Royale fituée aux portes de Londres. Elle a été bâtie par le Roi Guillaume.
  3. Depuis l’évaſion de ſon pere, Auguſtin portait le titre & le nom de ſa maiſon.