Histoire Ecclésiastique/Livre 2/Chapitre 22

Traduction par Émile Grapin.
Alphonse Picard et Fils, éditeurs (1 (livres I–IV)p. 195-197).

CHAPITRE XXII

[paul envoyé de judée à rome comme prisonnier, se lave et est absous de toute accusation]

Néron envoya un successeur à Félix dans la personne de Festus ; c’est devant ce magistrat que Paul se défendit et c’est par lui qu’il fut dirigé vers Rome comme prisonnier[ws 1]. Aristarque était avec lui ; l’apôtre l’appelle à bon droit son compagnon de captivité, dans un passage de ses épitres[ws 2]. Luc, celui qui nous a transmis par écrit les Actes des Apôtres, arrête son récit à cette époque : il dit que Paul, arrivé à Rome, y demeura libre pendant deux années entières, et y prêcha sans obstacle la parole de Dieu. [2] Après avoir plaidé sa cause, l’apôtre, dit-on, partit de nouveau pour exercer son ministère évangélique ; puis il revint une seconde fois dans la ville impériale où il termina sa vie par le martyre. C’est alors que, de sa prison, il écrivit à Timothée sa seconde lettre, dans laquelle il fait allusion tout ensemble à sa première défense et à sa fin prochaine. [3] Voici, du reste, son propre témoignage : « Dans ma première défense, dit-il, personne ne m’a assisté et tous m’ont abandonné. Que cette défaillance ne leur soit pas compté. Le Seigneur a été avec moi et m’a fortifié, afin que, par moi, la prédication fût achevée, et que tous les peuples l’entendissent, et j’ai été délivré de la gueulé du lion. »[ws 3] [4] Paul établit clairement ainsi, que, la première fois, il a été arraché de la gueule du lion pour qu’il pût remplir sa mission d’apôtre : le lion dont il parle est vraisemblablement Néron ; il le désigne sous ce nom à cause de sa cruauté. Un peu plus loin, il ne dit plus rien d’analogue à « il m’arrachera de la gueule du lion », car l’Esprit lui fait voir que sa fin ne tardera guère. [5] C’est pourquoi après ces paroles : « Et je fus arraché de la gueule du lion », il ajoute : « Le Seigneur, me délivrera de toute œuvre mauvaise et me sauvera dans son céleste royaume », indiquant ainsi que son martyre était très proche. Dans le même écrit, il l’annonce plus nettement, disant : « J’ai déjà reçu la libation et le moment de ma délivrance est proche ». [6] Il déclare du reste dans cette seconde épître à Timothée que Luc seul est avec lui lorsqu’il écrit[ws 4], mais il ne parle pas de lui pour sa première défense. C’est vraisemblablement pour ce motif que celui-ci a arrêté à cette époque le récit des Actes, ne voulant faire le récit que jusque au temps où il vécut avec Paul.

[7] Je dis ceci pour qu’on ne fixe pas le martyre de l’apôtre au moment où Luc nous le montre séjournant à Rome. [8] Il est du reste à croire qu’au début de son règne, Néron étant d’un naturel plus doux, admit plus facilement la justification que Paul lui présenta de la doctrine ; mais, venu plus tard à des audaces criminelles, il en fit sentir les effets aux apôtres comme du reste à tout le monde.

  1. Voir Actes des apôtres 24:27
  2. Voir Colossiens 4:10
  3. 2 Timothée 4:16
  4. Voir 2 Timothée 4:11