Histoire romaine (Mommsen)/208

Traduction par Charles Alfred Alexandre.
Albert L. Herold (p. 254-291).

· ‘ . CHAPITRE VIII ' · · LE Dnorr 5 LA rtpmeiowg 1,’on0AN1sArioN 1mi;rrAim:; i ‘ l.’lÃCON0lllIE l*0LiTiQUE ET LA NA'l`l0N.-\'I,l’l‘Ii. _ 1,em·tm. I Au milieu du mouvement des institutions juridiques , ~ appartenant à l'époque dont nous venons de raconter l'liistoire, l’innovatio`n la plus considérable à Bomc est ` ·' sans contredit Yorganisation singulière du contrôle des rating, mœurs, exerce par la cité elle-même,_et1par ses n1anda— _ " · taires au-dessous d’elle, sur. les citoyensct les pa1·ticu· _ I · _ liers.Ilfaut (l’(1lll€l.1l'S en reclierclier l`origine, bien moins — · - dans la pratique des condamnations religieuses, qui i . dans les temps anciens avaient prêté leur sanction aux i 4 _ V règlements de police (I, p. 237 et s.), que dans la mis- I sion ,impartie au magistrat de punir d'une amende _ I — · · (multe) , toutes lesinlractions à l’ordre établi (I, p. 205). ‘L’amende allait·elle an delà de deux brebis, ou de trente ` 430 ¤v· J··C· bœufs (p. 30)‘? ou encore, après qu’une loi de l’an 324 __ . _ eut converti la peine en nature on une peinc pécuniaire, _ celle-ci excédait-elle la somme de 3,020 as (210 thalers, ou 809 Fr. 80 c.) ? La décision dans ce cas put être déféree désormais au peuple parla voie de l’appel Qzrovocatio, ° p. 40). Les rois avaient été chassés depuis peu, lion s’en souvient. Par I'eH`et de cette révolution, la proce-` ‘ LE DROIT ET LA .li.îS'l`lCIC ` 2555 ' ‘ ` ·· dure criminelle revêtit une importance jusque-là in- ‘ · connue. On fitentrer tout ce qu’on voulut sous la vague ‘ ' rubrique d’infractions à |’ordre établi u; et, par l’écl1elle ' · plus forte des peines pécuniaires, on atteignit tout 'co qu’on voulut atteindrei Il n’est_même pas jusqu’aux atténuations imaginées pa1· le législateur qui n'attestent I . la gravité et les dangers de ce système, bien plus · qu'elles ne lesavaient écartés : quoi qu’il en soit et pour y parer,_il fut ordonné que là ou l'amende légale- i ment indéterminée deméurerait arbitraire, elle ne pour- · 4 1·ait plus excéder la rnoité des biens du condamné, A ` la eatégoriedont nous nous occupons appartiennent ` les lois cle police, incroyablementYnombreuses dès lesz plus anciens temps de Rome : les 'prescriptions des ~ _ · VXII Tables, qui défendent de faire oindre le cadavre des _ morts par des mercenaires ‘ ; d’avoir pour les funérailles . plus d’un lit de parade 2, plus de trois, voiles de pour- ~ pre; qui proscrivent llor et les bandelettes flottantes 3, l'emp|oi du bois ouvragé dans les bûcliers, l’encens et , · les aspersionsparfumées de myrrl1e‘; qui limitent fr dix au` plus le nombre des joueurs de llùte accompa-· gnantle triste cortége, et interdisent les pleufeaisos et ' ~ les repas fundroires F'. Les Xll Tables sontà cet égard, la plus ancienne loi somptuaire romaine connue. Batta— , _ i chons-y les lois décrétées à la suite des luttes entre les ` ` ordres, pour défendre l’usage abusif des pâtures commu- ' A nes, les occupations excessives du territoire domanial, et t I ` les usures qui pressurentle pauvre. Ces règlements divers ‘ ' -et tous ceux analogues, en°spécifiant la contravention, " . ` spécifiaient souvent aussi la peine, Mais ce fut cl10se ' [Seroilis uuctura tollitur. Cie. de leg. ll, 24, 60.] _ ” [Leclique pluies sternerertIu1·.·Cic.fibid.] _ ° [Eztenuato igitwr sumptu, tribus riciuiis,el vinclis pu1·pu«·œ,,, mlm, _ Cie., ibid., ll, 23, 50Ã] . ' ‘ [Fcstus, 1:** murrata potione. Plin , Hist. nal., xxx, 3 zizinorogum ‘ ne aspe1·gil0.— Cie., ibid.] ' · _ ’ [Cic., ibid.] _ ‘ i 256 _ LIVRE II, C_HAP. VIII È , " autrement grave, quand·tout magistrat ayant ju7”idic~ ' · lion légale se vit investi `du `droit‘de connaître en géné- ral de toute infraction même indéterminée; de pronone ' cerla peine encourue, et, au cas ou le taux d’appel était .` atteint, de'défére1· la 'cause au· peuple, si le condamné — . n’acceptait point lasentence de premier ressort. —- Déjà, · " au cours du v° siècle, on a vu des femmes et des hom- _ , A mes poursuivis pour lîiminoralité deleur vie. L’accapa- rement des grains, la sorcellerie, et autres faits de ce genre, ont été de même condamnés. (Yest enfinfvers ce 4 — temps, et en conformité parfaite avee "ces mêmes règles, V ` que se développe et grandit la qnasiëjuridiction des , Vcenséuijs. Chargés de 'dresser le budget de Rome et les ` ' listes civiques, ils usent largement de îleurs pouvoirs : ils créent d’eux-mêmes des.-impôts sur le luxe, qui ne diffèrent que par la forme des vraies_ peines somptuaires; , et quand un citoyen leur est signalé pour des actes bla- mables ou choquants, ilslllatteigiient par la diminution ` ’ · , ou la privation de ses droits, ethonneurs politiques. Les · ' attributions censoriales allaient déjà si loin, qu’un ci- · ' toyen pouvait se voir frapper pour une simple négli· ' 375 av. :.·c. gence danslaculture de son champ. En 479, Publius Cor- . 200,277. uelius Ru/Zuus, deux fois consulaire (464, 477) fut rayé ` des listes·du sénat, pour avoir eu chez lui une vaisselle · d'argent valant 3,360 sesterces (240.thalers, ou 900 fr.). _ A Les ordonnances des censeurs étaient d’ailleurs soumises I 4 ` ài la règle commune sur la durée des édits des magistrats_ A (p'. 22). Elles n’avaient force que pendant leur charge, · ' 'c’e_st—à-dire, pendant cinq années consécutives, Leurs· successeurs pouvaient'les reprendre et renouveler pour 1 leur compte, ou les laisser tomber. Mais, même avec ces restrictions, telle était l’énormité de leur pouvoir, que, · placés dÈabord à l'un des plus humbles échelons de la hié- rarchie des magistrats Romains, ils arrivèrent rapide- ment au premier par le_rang et la considération dont ils p U I -LE DROIT ET LA JUSTICE · , _25’7 i jouissaient (p.·G3, C’est sur la double base de· t cette police suprême exerceepar la cité ou par les ma- · gistrats de là cité €I]·SOUS·01‘(ll`€, avec la plénitude d'une ~ juridiction immense et arbitraire, quereposait le g0'zwm*· ' ' . nement sénatorial. Comme toute institution de pouvoir ` ' absolu, cette organisation s’est signalée pa1· le mal et ‘ j i . le bien qu'elle a faits; et je me garderais de contredire I i ceux qui soutiennent¤qu-’en somme 'elle a plus nui · .. que servi. Qu'on ne ;l’oublie pas pourtant, dans ces temps caractéristiques où les moeurs, tout extérieures · L sans doute, revêtaient une rigidité, une énergie singu- lières, où le sens politique des citoyens, était puissant- . ' ` . ment tenu en éveil, les abus ordinaires du pouvoir arbi- traire. ne se révélèrent point encore au sein de ces institutions; et, s`il`fut po1·té par la quelque atteinte à la liberté individuelle, tenons pou1· certain, d’un autre · ' · . côté, que la juridiction censoriale se montra eliicace; et A qu’elle sut fortement maintenir dans Rome l'esprit'p`u-_ · _ U blic, l'ordre anciennement établi, et les bonnes tradi- 'tions. _ » V A · Dans la jurisprudence, les progrès sont lents : mais <\¤l<>¤¤=î$$¤¤>fl1¥ · déja il s’y manifeste une tendance plus humaine, et · `la"Slmli'S' comme le soufîle précurseur des idées modernes. Les dispositions des Xl1.Tables, offrant pour la plupart avec L . V les lois de Solon une concordance marquée, ne peuvent Q pasiie pasêtre considérées comme des innovations ma- » térielles considérables`: citons les franchises données au . . (trait d'ass0ciali0n; `l’autonomie assurée aux s0cié'ttzîs‘de V tous genres'; les dispositions relatives au respect `des _ bornes lim-ttes, et qui proscriventles enipietements de la - charrue, l'atténuation_de la. peine du vol, et lafaculté , donnée au délinquant non surpris en flagrant délit de désintéresser la partie lésée par l`inçlemnité du double*. ` _ l [V. Duodectm Tab. fragmn dans les Itnslilut. synlngma, ·tle R. 4 — Gneist :_(Lipsiœ, l858) passim.] · I1. _ · · · _ . IT ÈQSS _- ·` · LIVRE II, CHAP.·VlIIZ. ' _ ` Un siècle après les XII Tables, la loi Peeteliai (p. 78), ` adoucit de même Ia procédures d’exécution contre les i _ débiteurs. ——Le droit de libre disposition sur sa I`ortune, · que la jurisprudence romaine avait de toutteinps re; connu entre rif.; au père de famille, mais qu’elle avait · entrave dans les cas à càuse de mort, en le subordonnant _ à*·la décision populaire, ce droit est aII`ranclii à toujours · · de tout.obstaele : les XII Tables ou la pratique qui les V _ i ( interprète, accordent aux tcstamcnts prives la ·l`orc_e · ` ` . qu’il .f`allait jadis alle1· demander au vote confirn1atiI` · d des curies. Ce fut là unegravè révolution, qui n'allait li _ · rien moins qu’à relâcher le faisceau de l'association cle A A laqfamille, et qui intronisait les t'rancl‘iises individuelles, jusquïau cœurde la propriété patrimoniale. Pareilleinent, _ la redoutable et absolue puissance du père reçoit une I forte atteinte. Letils, après trois ventes successives, cessa . ' · · de 1·etomber dans la main paternelle, et la liberté lui à ' ` fut acquise : d'où, pai· un circuit absolument contraire Si , . liesprit rigoureux du droit, la possibilité fut acquise aussi ·` à l’ascendant de se démettre volontairement dc sa puis- ` sance par la voie cle lemmzcipation. Dans la inatièrc des. · ~ ' mariages, le mariage civil est définitivement consacré I I (_I, p. H9); mais, s'il est vrai de dire que celui—ci, comme les justes nocesjreligieuses, engendre nécessaire- I . ment le pouvoir marital, il convient aussi de reconnaître, · qu’en permettant I’aIl-tance eonslensuclle, au lieu et place du mariage ancien (I, 79, il la note), et cela sans l’ac- V I quisition immédiate de ce pouvoir pa1· l’époux,·le légis- ' lateur prétait déjà les mains à_l’afl`aiblissement'des droits , ` rigoureux et absolus du niari romain. D'un autre coté, il voulut proscrîrc le célibat : et ce Int par l’établissemcnt . d'un impôt Bi la"cliarge des citoyens non ma1·iés que Ca-

xszav.J.·c. · inille, censeur en 354, marqua ses débuts dans la vie

publique. ' ` _ · A ·L¤ justice. La justice, cette branclie du gouvernement plus im-· portante, politiquement parlant, et surtout plus_ changeante que le droit lui-même, est' soumise aussi, pendant cette période, à des modifications d’une immense portée. Et d’abord la puissance souveraine de_l’ancien juge est directement amoindrie par la promulgation d’un droit appartenant en propre aux Romains} Au civil comme au criminel, on ne décide plus d’après la règle hésitante de la coutume, mais bien d’apres la lettre seule de la loi écrite (303, 304.) - L’administration de la justice reçut une impulsion plus rapide et plus sûre encore de l'institution, en 387, d’un haut magistrat spécialement préposé au jugement des procès (ppQ_72). A la même époque, Rome eut aussi son magistrat spécial de police ; et sous l'influence de son exemple, cette institution se propagea aussitôt dans les cités latines (pp. 72, 143). Ces magistrats ou édiles se voient naturellement investis d’une juridiction propre. Tantôt, dans les marchés publics, ils connaissent des litiges relatifs aux achats et aux ventes, et sont des juges civils ordinaires des marchés aux bestiaux et aux esclaves; tantôt, en matière de contraventions simples qui n'emportent que la peine pécuniaire, ils statuent en premier ressort ; ou, ce qui est la même chose, à Rome, ils siègent a titre d`accusateurs publics. Par suite, c'est principalement à eux qu'il appartient d’appliquer les lois en cette matière et l'on peut dire,_même, que la législation de police, à la fois si indéterminée, et si importante au point de vue politique, repose en quelque sorte tout entière dans leurs mains. Des pouvoirs analogues, au regard des gens infimes surtout, appartenaient en sous-ordre aux Triumvirs, ou Justiciers nocturnes 1, dont la compétence fut augmentée par un vote du peuple, en 465; et qui, à dater de là, furent directement élus par lui. Mais la République allait

1) nl [T1·eu·io nocturni.—On connaît le mot de Sosie (Plaut. Amphitr. 3) : « Quid faciant nunc. si tresviri me in carcerem compeyerint ? » ] _ . . t ` ` , Z . ’ ‘ , — t ‘ - ,260 1 ‘ .. L1VR.E.·1l,· GMP«va1·11. 1 · ~ s’ag1jandissant tous les jours! Il devint nécessaire, dans _ . l’intérêt desjusticiables, comme dans celui des juges, · · i 4_ d'établir encore, dans les lieux plus éloignés, d'antres _ · ` ' magistrats chargés tout ¢au moins de‘connaître·des pe- , ‘ 4 titescauses civiles. Leur creation n eut heu d abord que dans les villes oh les habitants ne jouissaient que du " droit passif de la cité Romaine (civiles sine su/fragio, _ — ' , .p. 242); mais elle a du s’étendre sans doute plus tard ‘ _ _` 4 villesayantl’Is0p0litie entièref 1 jetant ainsi les pre- · miers fondements d’une just-ice·mtmicipale, qui allait ~ _ grandir et se développer cote à côte avec les juridictions i `ppartenant en propre à la capitale. ` _ i ‘·*'“"€““"?"‘$ _ · La rocédure civile com renait on le sait selon Les dans la P 7 ' ` · ,·. . idées du tem is, la lu art des délits commis decito 'en pro ttluie. __ P à citoyen. Déjà, durant la période ancienne, il avait été , ' d’usage dc la sépa1·er en deux phases distinctes; le ma- ~ , - . _ gistrat, se réservant la définition dupoint de droit (jus); ` _ en confiait l’application dans la cause a un autre citoyen expressément délégué à cet effet Qudicittm). Cet usage ‘ 4 devient la règle légale après l’expulsion des roislfpp. if) et 'i i) : il a puissamment in llué sur ies progrès du droitprieé . des Romains, qui lui doit, entre autres mérites, la net- ` iteté et la rigeur pratique de sesdéfinitions 2. — Dans ` ' _ i l Rn. ’pent_ l’indnire du passage où_'1fite-Live (Q, 20) parle de la 4 · _ réorganisation de la colonie tl'Anti·um, vingt ans apres sa fondation. ll . ' est bien clair que, s'il était facile ù l‘habitant d‘Os'ie d'aller suivre ses ` proces£i_Rome, la même exigence n’ctait plus possible a l'égard des · 4 gens d’Antium ou dc Semi. ,· _ · ' p' ' On se plaît a célebrerle peuple Romain comme le peupleprivjlegié _ `ile lajurisprudence : et_ses lois excellentes apparaissent comme un don , · — _ mystique du ciel ii ses admirateurs ébahis : moyen commode sans nul . doute de n’avoir pas quelquefois ai rougir de la pauvreté de lenr`<Iroit ' , national l Qu`on veuilledouc bien jeter aussi un regard sur la législation · criminelle de Rome, vaeil|ante'et embryonnaire entre toutes; et l’on se » — convaincra bien vite de la fausseté d`une telle croyance, alors même \ qn’il semblerait par trop naïf de_reconnaître tout simplement qu'une _ ` 4 ' nation saine possède toujours unesaineju¢·is]21‘1tdeitce; et qu`à un peuple malade appartient _nécessnirement un droit défectueux. En dehors _ même de Yorganisation politique tle,I’État; en dehors desautres causes U _ LE DROIT ET LAJUSTICEX E r '26! lesquestions de propriété, la décision, jadis abandonnée l I _` à larb1traire.1ll1mité du juge, est peu à peu ramenée \ à l’empired’une règle légale. A côté du droit de fond, le droit dela possession est_défini; et par là le pou- voir judiciaire se voit encore imposer des restrictions _ , importantes. ` - ` ` · ' , En matière criminelle, lajustice populaire,jusqu’alo1s _ pure juridiction gmcieuse,'devient un second ressort ré- ' gulier. L’accusé condamné par le magistrat émet-il son` appel au peuple, la cause est de nouveau instruite devant _ trois assemblées successives, ou le premier juge défend sa Sentence,·et joue le role il accusateur public; lc qua- _ trième jour, a lieu le vote (rtnqwisitio), qui confirme, ou _ annulle. Les circonstances atténuantes ne sont point ad- mises.- Le même esprit républicain inspire d'aut`res · ` maxnnes : le domicile couvre le citoyen, et l arrestation _ ne peut se faire qu’au dehors. ll est loisible atout accuse · ‘ d’éviter la poursuite et la détention préventive durant · · l’enquête, et d,éCll3PP€l‘ même aux conséquences d'une condamnation imminente, en renonçant à son droit de . _ cite; pourvu toutefois que la peine encourue n atteigne · ` que la personne, et 1101) les biens. Comme elles ne sont ` _ pasexpressément formulées dans la loi, ces règles ne _ 4 constituent point une obligation directe pourle magistrat ` F I ` ( / ' s . generales dont la jurisprudence, elle; aussi et plus que`les autres institutions, subit l`influence decisive, on peut ramener a deux sources ‘ ' , principales l‘econo1uie si remarquable du Droitcieil des Romains. .Pre— _ niierement, les parties litigantes etaient tenues de formuler etde motiver , la demande et la defense. Secondement, le droit avait dans le magistrat . son organe permanent et progressif. Par cet intermediaire officiel, les · axiomes juridiques descendaient immediatement sur le terrain de.la — · pratique La precision obligatoire des conclusions coupaitcourt atoute . ' chicane avocassière : Vintvrpretation du magistrat rendait inutile la fa- _ . brication de lois malsonnantcs, autantdu moinsqu`ilestpossiblcdbbvier _ a ces deux maux. Enfin, grâce a ces deux causes reunies, il a ete donne · . a Rome ile concilier, dans la mt-sure des forces liumaines, ces deux · , conditionsinecessaires et pourtant opposeesde toute bonne_jurispru· ` il_ence : la fixite, et la souplesse qui sait s'acc0mmoder aux exigences . ` des temps, ` · ·. u v . ` 4 \ 262 _ LIVRE ll, CHAP. Vlll· _ A ‘ "qui accuse; mais elles ont une portée morale immense; · " et elles amènent la diminution des peines capitales. `_ I `· Néanmoins, au moment ou elle témoigne ainsi des pro- . `grèsde t'esprit public et. des sentiments dÉhumanité qui I . .` se fontjour dans lanation, la législation criminelle pra- ` _ tique est rudement atteinte par le contre-coup des dissen- _ . ` sions civiles. Les juridictions de >premier ressort entrent en contlit : tous les magistrats de la-cité se disputent la connaissance des procès (p.iM) :.luttes faclieuses, et qui_ ` ` mettront obstacle à l’institution cl'un magistrat inst1·uc- · '_ teu1· regulier, à lorganisation stable_et complète de i _ l’instruetion préliminaire! Et, pendant que la sentence i souveraine emprunte les formes et les organes même du ' pouvoir législatii'; pendant qu’elle revêt manifestement I _ ·eneore le signe originaire cle l’antique juridiction gra: I i eieuse dupeuple. les moyens de la procédure des contra- 4 . ventiens continuent à intluer fficlieusement sur la pou1·· _ suite, en apparence semblable, des crimes; enfin lejuge, sans commettre un abus materiel de pouvoir, en se con- tormant même, jusqu’à: un certain point, aux règles · constitutionnelles , alors cependant, qu’il n'a aucun _ texte tormelrdeloi sous les yeux, n'a plus pour guide et ·

  • 4 pour règle de sa décision que son propre arbitraire et ses

i · ` appréciations personnelles. Une ibis dans cette ivoie, la procédure criminelle a Rome alla bientôt a la dérive, · sans til conducteur et sans principes : elle devint lejouet I, on linstrument des partis. Encore le fait eût-il ete jus- ‘ , , qu’à' un certain point excusable, s’il n’en ava-it été ainsi I qu`au _regard des seuls crimes politiques; mais loin _ de- lit, l’arbitrairedu juge s’étendit à toutes les causes criminelles, atlaires de meurtre, d’incendie, ou autres. — · i llitpuis, comme eette procédure était compliquée et lente _ g dans sa marche; comme il repugnlait à la fierté républi- > caine,d’en accorder le privilège à tous ceux qui *n’e-_ taient pas eitoyens, il passa de plus en plus eir usage de ‘ ` ` ·1.A nEL1e1o`N Q` - _ 263 _. juger par raie sommaimet commeen matière de police, J L les esclaves et les petites gens; et une autre procédure plus-courte se vint ainsi placer a coté des formes an-' i yi. A ciennes. La encore, les passions déehaînées dans >les_ procès politiques entraînèrentla jurisprudence au delà ‘ des limites raisonnables; et les institutions sorties d’u_n · tel état de choses ne c`ontribuèrent_pas peu à faire perdre ` auxliomains l’idée et l'habitude__dfune organisation ju- diciaire systématiquement, moralement ordonnée. ' 1 · ll est plus difficile de se rendre compte du mouveè 'Heiigim ment contemporain des idées en matière de religioxi.·Le ' i Romain reste en général 'fermement attaché à' la piété naïve des ancêtres, également éloigné de la·'f`oi super- I stitieuse et de l'incroyance. Le dogme, qui fait la basede Nouvcanxtrlieux. V _ sa religion en spiritualisaut toutes les choses terrestres, _ est encore en pleine vigueur à la lin du v° siècle : té- ` _ L ` moin, l’invention du dieu de lnrgent (Argentinus), qui · · date sans doute de l’époque de l'introduction de la mon- _ ' naje blanche, en 485. Naturellement il passe pour lils du 269 av.J.·_c. .. vieux dieu du bronze (/Escula·mts*). — Les rapports ' I i avecles religions étrangères restent lesimênies;/mais ` . ici, -ici surtout, l’influence grecque va démesurément ’ croissant. Oirvoit pou1· la première (`ois s'elever dans Rome des temples dédiés aux divinités helléniques. Le ` plus ancien est celui des Castors, —objet d’un vœufor- · ·· mel à l'occasion·du combat du lac Régille (p. il 29) ; il ' l`ut.consaoî·e le·l5 juillet 269. La légende ‘s'y ratta- A- 685. / ` chant est bien connue. Au plus `f`ort de là mêlée, on L vit tout à coup apparaître deux beaux et grands jeunes . gens d’apparence surhumaine, Ils combattirent dans - L ' [Nam irleo pqtrem Argentini zilseulqnzun posuemml, quia priuà L _ i wrm pecuizia in usu ease cepit, posted argentea. August.,Civ. Dei, iv, 2l , -Plin., Hist. nat.,33, 3, 13. — On ai remarqué que les Romains n’ont ` i · · pas eu un l)ieu de l‘0r'. l)’où l’on conclut que quand, aux temps des guerres puniques, l’or est entre dans la circulation commune, déjà la ' manie de la ctivinœatùm avait cesse.] , _ LIIVRE ll, `CllAP. Ylll ‘ V · les rangsdes Romains. La bataille gagnée, on les revit aussitot, abreuvant leurs chevaux couverts de sueur, _ _ àila source de Jztturna,-sur) le Fdr‘2¢·m, et annonçant i le triomphe des armes romaines, Tout ce récit est mar- I qué d'un cachet qui n'a rien_de romain. Nul doute _ . qu'il ne soitla reproduction, imitée jusque dans les ·` détails, de·l’Épipha12.ie des Dioscznes, durant un com- _ ' bat célèlire livré, quelque cent ans avant, par les gens , de Crotone aux Locriens, non loin des rives de la Sagra. · ( Romeine se contente pas d'c1w0yer·_ (M8.-(t7H])(lSS(`Lt]L’N)'·Sl · à l’Apol·lon de Delphes, à lfinstar de tous les peuples i soumis à l'intluence de lacivilisation grecque; elle _ I ne lui l`ait- pas seulement po1·ter des présents à la suite . d'un événement heureux, comme lo1·sque, par exemple, après la conquête de Véies,· elle lui dédie la dîme du _ sot.:m«l·..¤.·c. l)utin_(3(5()); elle lui élève de plus, dans ses murs (323) , ' ssi. un temple qui sera agrandi etireconstruitplus tard (401). ` A .la tin du v° siècle pareille Cll()S€·3l`l'lV€ pour la . ers. déesse Ap/zrodzïtd (459), bientot confondue, on ne sait comment, ai·ec Vénus, l`antique divinité romaine ` _ ` des jardins ‘; et pour l’As0lupi0s ou l'Esculape (/Escu— ' _ lapins), instamment demandé aux gens d’Épidaure· — du Péloponèse, et conduit solennellement dans la mé- . , 201. tropole i(â·(i3). Dans les temps de crise, quelques voix ' isolées `protestent encore contre les empiétements de . · la superstition étrangère, contre ceux, sans doute,'des ws. · Aruspiccs de l,Étl`I.ll'lC (326), et la police localeinc se ‘ ·' ` _ fait pas faute d'in¤ervenir dans de certaines limites,. ‘ i En Étrurie, au contraire, pendant que la nation s’ar- I · rète et se pe1·d`dans son opulence` paresseuse ct sa nul- V lité politique, le monopole tliéocratique des nobles, lc , g,·g5_ ' _C’cst` à l`0c<·a>ion de la dcdibace de son temple, en cette ann•Se·159, · i . que_lron voit pour la première fois la déesse apparaître sous son iden- tiûcation nouvelle de Vénus-Aphrodite (Tite Livc, IO, 31 — Becker, . · Topographie, p. 4/72). ~ . _ ORGANISATION MILITAIRE Y , i @65 ·; à V 4 D . fatalismc abrutissant', les rêvcrieslinsensées diun sombre ' · i ‘ mysticisme, la magie des signes et les pratiques cupides =i ‘ _ des faux prophètes envahissent tout, et atteignent le _ ·· A _ point qu’elles ne pourront plusdépasser. . ' i ` , .Dans Rome, il n’est point grandement innové, que Les prêtres. _nous sachions, dans le système sacerclotal. A dater de · - l'an 465, des prestations plus considérables sont iequises 2230 av. Lc. , ('sviqrvnnwtum) de la' part des partiesien procès, pour » _ ` ' l’entretien des cultes publics. Oncomprend facilement ‘ ’ " · · que leur budget ,devait's'accroître à mesure que croissait . A * le nombre des dieux publics et de leurs temples. "Nous · .= avons relaté parmi les plus funestes effets des discordes _ · ’ · entre les ordres,` l'inllnence également grandissante des _ colleges des experts sacrés; on_ les fait intervenir sou- -_ il I vent quand _l’on veut faire annuler tel ou tel acte politi- l - ` i que (p. (5*6); et cespratiques mauvaises ébranlent les A ` . croyances populaires, en même temps qu'elles ,conferent · l · i aux prêtres unedomniageable influence sur les affaires _ _. ‘ publiques. · ` i Le système militaire a éte“soninis à_ une refonte com- oigmissataon _ plète. Sous les_dcrniersrois,·la vieille ordonnance gréco- 'A "‘“"“l'È· i italique, qui, à l’instar de celle des temps homériques, I i avait pour caractère principal le classement hors rang des I I L guerriers lcs.plus_considé1‘ables-et les plusivaleureux, '_ ` .` combattant presque toujours à cheval et en avant des · Q _ lignes, avait été remplacée pa1· la phalange dorienne des A _ I ` /l0])l’ll€È,'l‘3_I}géS sur huit hommes de p_r'otondeur,· à ce A i ` , ·· qu'il,seinble (I, p'.vl9.5)', Les hoplites. devenant‘_l’arme· J _ _ ' · . principale, la cavalerie avait été rejetéc su1· les ailes, pou1· i `. conibattre·à pied ou montée, suivant "les circonstances, . ‘ . _ ` mais principalement î· -titre-de réserve. Du nouvcl—.o1·d1·e La légion , A de bataille so1·tit presque en méme tem ps, en' Macédoine, “‘“"lP"*“l"*· . la phalange des sarissaires, ct en Italie, la légion mani · · `_ pulairc : la premiere, remarquable par ses lignes serrées I r _ et profondcs, l’autre, parla mobilité, l’indépendance et le lb · 286. 4 . ·Ll\f·RE ll, VIII` i " nombre de sesunenibres. ba phalange 'dorienne·était" _ ‘ faite pour com battre corps acorps avec l’epée et la courte , _ lance :‘ elle "ne" se prêtait qu’à de courts momentset , · . dlune façon toute secondaire à` l`usage des armes de . ‘ , jet. Dans la légion aux manijmles,"la lancen’_cst donnée U · ‘ ` ` qu'au`soldatdu troisième 1·ang; celuides deux premiers, . _ 4, ï`— rangs est muni, aucontraire, d’une arme nouvelle et spé- I A Z · · ciale à liltalie, le pz'lum_ou javelot, avec son bois `izond · ' " ou carre,_·de‘cinq coudéeset demie de-longueur, et sa. A ` pointc-de fer, triangulaire ou quadrangulairc. lnventé i ·· ' d'al>0rd, je pense, pour~la défense des inurs du camp, le · ‘ pilum passe bien vite des soldats de l’arrière à ceux des · _ , A ·preinieres lignes, qui, de leur p0s_te avancé,sle jettent au ` i _ _ niilieudes ennemis, _à dix ou vingt pas de distance. L’é- ’ a . pée, ài son tour, acquiert une toate autre importance que ' ' , n'en avaitjaniais eue la cou1·te lame des anciens phalan- ` _' A i gites; après lasalve de javelots qui lui ouvre l`attaque, , · _ elle entre aussitôt en jeu, Tandis que la plialange, sem- blable à une laiiccgigaiitesqueetirrésistible; fut un jour — · I ‘ _ précipitée tout entièresurl'ennemi; dans la nouvelle le- _ il ; gioit italienne, les petites divisions, ailleurs invincible- I . ment liécs entre elles; furent détachées au -besoin et··_`· i mobilisées. Son carré compacte se partage en trois di-' A · h visions dans le sens de la`pr0fondeur;·celle des liusmires, A 4 ' celle des principes et ccllc des triuricns [ hastalê, prin; i _ cipes,·t1·iarii], chacune d'une épaisseur convenable et 1lU A · i 4 vraisemblablement que quatre rangs] Sursou · ` ~_ 1 ‘t`ront la légion se sépare égalementen dix pelotons- ou · 'mtmipulev (mtmipuli); avec un espace videentre "tous, ` · I `~ comme entre les divisions. L’-individualisation ren‘iar· · , ` quable dessectionsréduites de la·legion 'a_ pour con- A ·' ' i A séquence', dans la—ctique,‘l’abandon presque totaldu · combat en masse; le combat singulier va dominer désor-_ · i L, ` mais, comme le veut le role décisif donnéa Vëpée et t>f!'1>°"tf*llê*î*°!*e l tnelée corpsà corps.-Le système des campein‘ents.etJA I A ORGANISATION MILITAIRE _ 267 i _ de leurs défenses se développe à son 'tour·: un corps d`armée s'arrête-t·il pour une nuit seulement; il s’envc· _ A · loppe toujours d'une circonvallation régulière et s’abrite' ` · ., · comme derrière le mur d’une forteresse. Quant ai la cal La ç¤i·¤|crw· valerie,· dans la légion à manipulés, de même que dans _- · la plialange, son 1·olen'est‘plus que secondaire; et elle se- _ t modifie peu;¥—L’état·major resta aussi le même, mais il- ·Éwt-¤i¤Jvr· dut alors s'établir une dil’férence profonde entre l'oilicier ` _ ·_ subalterne, qui, se battant comme le simple soldat, se' _ A frayait sa carrièrel`·épée au poing, à la tête du manipule; V ct dont l'avancement'régulier consistait à-passer des ma- - ~ I nipulcs de l’i1l‘I‘Iè|'C·à ceuxide l’avant, et iles tribuns mi· ‘ ‘ _ Iitaires ou ofliciers supérieurs préposés, sis par six, au . _i _ ; .commandement des légions. Ceux-ci n’ont point d'a- — : ` vanceinent à attendre; ils sont d’0!`(llll3ll‘G pris dans les ” ~ hautes classes des citoyens. Notons cependant-une iiin`o· ' ration importante: jadis, officiers simples 'ou oliiciers 1 _ ’ supérieurs, tous étaient`au choix du général. Après l’an __ · . _ 392; lc peuple les 'élit en partic (p. 87).. . T ` ssèuv. J.·C. La discipline d«·n1cure·cEc qu'<·llé était, sérèré au plus nisupnmc, linut point. Aujourd’l1ui, commejudis, le cliefdïarmée a I _ _ I le droit defaire tonibcr la tête de tout lionnne placé sous ' sesordres; il fait passer aux vcrgeslîoflicier supérieur _ t aussi bien que le simple soldat; _il· ordonne lesupplice non pas seulement de l,ll0mlH8 du commun ou du Cl’IlI]l‘ · _ nel ordinaire, mais encore de l’ollicier qui s’est écarté de p · A ·` la consigne donnée, de la dirisxon qui s’est laissée sur- A A · _` prendre ou,a lâché pied. · A _ · · À. _ -‘ ` La nouvelle ordonnance exigeait. du soldat uno · Emu: ' tout autre et plus i longue habitude des armes que l'ancicnne·pl1alange, ou la plus simple recrue mar- chait portée au milieu de masses pesantes et solides. ` . Cliez les Romains le service militaire n'est pas une . _ [profession, et l'armée se compose, comme autrefois, des citoyens appelés ·à tour de'~role. Pour satisfaire aus;. »· i 268À , · · LIVRE-Il', CHAP. Vlll i A exigences de l’0rd0nnance nourelle, on dutabandonner — le rangement des soldats selon leur classe et leur lor- · ' gtune (l,·p. l22).,'pour lesranger selon l’ordre de leur ' temps de service.} La recrue nouvelle rejoint d'abord les à milices hors rang, armées â la légère; et le plus souvent · » _ce sont les romires (romrii , erroseursj combattant · ·· avec la, fronde qui la recoivent; de `là elle passe dans i s A ` la première division, puis dansla seconde. Les triariens

‘ i· se composent des soldats vieillis et éprouvés 1noins—

. i nombreux que'ceux des autrcsfdivisions, llS'd0l'lI]CllÈ' '. . · réellement le nerf et lîesprit militaire a‘l'arméc. ` ne la ' lfortlrede bataille des Bomainsaété sans contredit la

 cause principale etimmédiate _de leur suprématie politi-

.m,.;,,un;m, que :—il’rcpose SUI` la combinaison des troisgrands princi-. pes de'la `guerre: l° l'organisation d'u11e réserve; 2° la ‘ réunion des armes du combat corps a corps et du com- 4 . -bat_ it 'distance; 3° et enfin'l’of`f`ensive:et la défensive ren- _ dues également faciles au-`soldat. 'Déjà, dans l'aneienne — ~ tactique, la. cavalerie faisait l’of`fiee de-réserve; mais ce A · , système arrive à son entier développement par lasépara- " tion du corps d'armée en trois divisions, dont la troi- ' ‘ . A sièine, formée de vétêraiset de soldats d’élite, ne donne ` _ jamais qu’au'.dernier et décisif moment. La phalange I `- ' grecque n'était propre qu’ù la lutte corps à corps ;` les es- · V · cadi·ons dc la cavalerie Orientale, avec leursarcs et leu1·s ` ' · `javelots légcrse 11’avaient pourvu du’aux besoins du·com— l ba! ii distance. Les Romains 'usèrcnt à la fois du lourd ·_ · i l pilum et de lîtil)é8,.S3t3llElllÈ ainsi réunir,‘eomme·on l'a · '_ . fort bien ditfdcs avantages pareils à ceux obtenus, dans . À . ° _. A les; temps modernes, par l’einploi du fusil à baïonuette. · ` ` (Ibez eux la salve desjavelots,`av_ant la mêlée produisait l`el’fet des feux de ligne avant .lu_ charge à 4l’3l'Il'lC _ blanche. Enfin lesyslènie perfectionné du eanipement · _ Romain cumule les profits de la-guerre offensive et dé- _ _ fensive': il permet de refuserlou de livrer la bataille, selon les circonstances ; et, au dernier cas, de ne la livrer qu’appuye sur le camp, comme si l’on était sous les murs d’une forteresse. « Le Romain, » dit un proverbe de Rome, « sait vaincre en restant assis!

Nous avons dit que la légion manipulaire est sortie de l’ancienne phalange grecque par l’effet d'un remaniement qui fut tout entier l’œuvre des Romains, ou tout au moins des peuples italiques. C'est ce qu’il nous sera facile de démontrer. Sans doute, chez les tacticiens grecs des derniers temps, chez Xénophon notamment, on rencontre déjà quelques essais de formation de la réserve et du fractionnement de l’armée en petites divisions indépendantes ; mais ce ne sont la que des essais. On voit que, si les vices de l’ancien systeme étaient connus, le remède n’avait point été d’abord trouvé. Chez les Romains, au contraire, des les guerres de Pyrrhus, la légion manipulaire se montre au complet. A quelle epoque a-t-elle été formée ? Dans quelles circonstances ? Fut-elle inventée tout d`une pièce, ou plutôt après de longs et partiels efforts ? Nous ne saurions le dire. La première tactique, diamétralement étrangère à l`antique ordonnance italo-grecque, avec laquelle les Romains se soient trouvés en contact, fut l’ordre.de bataille celtique, caractérisé par le combat à l’épee. Ce fut alors, peut- étre, que pour mieux soutenir le premier et seul dangereux choc de la furie gauloise. on imagina, et cela avec succes, le fractionnement de la légion et les intervalles manipulaires sur son front. Rien n’empéche de le croire, aloirs surtout que de nombreux documents, provenxint de sources diverses, nous désignent le plus fameux général romain de l’époque de l’invasion gauloise, M. Furius Camillus, comme le réformateur du système militaire de la République. Quant aux autres traditions qui se réfèrent aux guerres des Samnites et de Pyrrhus, elles nc sont ni sufïisamment accréditées, ni sufisam i_ i- 270 L LIVRE ll, CHAP. VIII- ‘_ . ment sûres I'. Il va desoi d`ailIeurs que les longues ‘ - · guerres dans les montagnes du Samuium ont puis- _ 1 _ sammeut contribue au perfectionnement individuel du _ . soldatromain, et que, plus tard, la lutte soutenue contre ` [ · le premier capitaine de l`école du grand Alexandre a ' j donné matière àdes progrès non moins notables dans , ' ` la tactique, en ce qui touclielcusemble de l’arn1ee. , _ L-,,,,,,,,,,,,,,, ‘ . Passonsà l’économie politique. A Rome et dans le P°l""l"“- nouvel Etat italique créé par elle, Vagriculture resta, _ · i comme auparavant, la base principale de l’ordre de ‘ Les [lÉi}'Slll|S· choses social et politique._ Les laboureurs romains cou- · · g stituaient le fond de l'a_rmée·ct de I’assembIée du peu- ` ple: ce qu'ils avaient conquis, soldats, à la_ pointe ·de` l’épée, colons,ils le gardaient etl’utilisaient par laclrar- ; —1‘ue. La dette écrasante qui pesaitsur la moyenne Pl`0- . - priété avait amené aux 111** et IVG. siècles des crises inte- · · , rieures terribles : la jeune Republique se vit à plusieurs _ , »1‘epr1ses suspendue sur labimeg mais elle sereleva, et · A · releva avec elle toute la classe des laboureurs dans le . Latium, soit au moyen des assignatious de terreet des l incorporations faites en masse au v° siècle, soit en abais- _ sant le taux. de liutérêt, eu même temps que le peuple A _ . Q ( " L l Suivant elles, les Romains, qui d’abord portaient des boucliers car- · Arcs, les auraient echanges en empruntant aux Etrusques le bouclier rourl· des lloplites`(,le 6ll¢])8'll.S,'Oll img); puis ilstauraicnt pris aux _ Samnites le bouclier carre dont ils se servirent pllls tard. (le scntum - . ou` (gueéeç), ainsi que,la lance de jet (ecru) —‘ tv. lliodor., Vatinam. · · fragm. à4;ï— Sallust.', Catil., 5l, 38. ——Virgi]. ,/En. 7, 665. - Fes- · tus,'ep. w" Sanmilcs, p. 327, lllull. ·—« et les auteurs cites pur Mur- , quardt,_Hm1db. ' (1‘l1:muel),_3, 2, 24l.) Mais on ne peut plus contester _ · l'origine du bouclier _rond deslloplites, ou plutot de la plialange ilo- ` rienne elle-meme. C’est la une importation grecque, et pas le moins du ` monde étrusque. Quant au scutum, grand bouclier de Acuir de forme ' cylindrique et courbe, on peut admettre qu’i| a remplace le clupeus, _ fait d`airain et tout plat, quand la plialange s’est diviseeen manipules; 4 _ son nom’d’ai|leurs est incontestablement dérive du grec; aussi doutons- nous que ce bouclier ait cte pris aux Sa111ni1es. Gest aux Grecs en- —. ` ' core que les Romains 3.VlllLllll_ emprunte la fronde (fnmla vient de _ ccpevâdwi, comme fîdcs de ozpiân , 1. I, p. 303). Le pjlum enfin passait . chez les anciens eux-mômes pour une invention absolument rqmaiue. i, ÉCONOMIE POLITQQUE i E7! , croissait prodigieusement en nombre. Il faut voir·là la ` cause et I’efi`et toutensemble de Iiagrandissement démo- " suré dela puissance Romaine. Pyrrlius, avec son coup i '_ d’œil militaire, ne s’y .trompa jamais; il attribuaitj di- . · . rectenient la prépondérance de Rome sur le terrain de ` ‘ la politique `et sur les champs de hataille, à la condition · Q florissante de sa classe agricole. _ ` · `· ~ V 4 j _C`est aussi vers cette époque que la grande' propriété <;»·«m¤«·» _ O Gt lügrande culture commencent, Sans dome,` ct. ml;]- """"""‘· tivement parlant, la grande propriété ·ne` tut point in- —' — ‘ · connue aux anciensitemps; mais alors elle n’était pas` A · administrée en grand 2 il nfy avait toujours que la pe- ` . ` ` tite culturese multipliant sur chaque grand domaine · · »· (l,·p. ‘25(i).Rappelons icilzt loi de l'nn 387, dont lesdis- (l6T4;n·. iQ_`<:. · _ positio’ns,_sans être absolumentinconciliablcs avec l’an- ' _ cien système, se rattachent bien mieux anx_ pratiques V , ~ nouvelles; elle enjoignait aux propriétaires diem- — . ployer, à coté de leurs esclaves, un nombre; propor- _ ' tionnel de travailleurs libres tp. TO); son texte est leplus _ A vieux monument attestant l`existence dela culture cen- ~ _ ` ' tralisée des siècles postérieurs ‘. Chose remarquable, des · _· ses débuts, cette culture utilise depréterence le· travail _ , des esclaves. Nous ne_n0us demanderons point comment elle prit naissance. Il se peut que les plantations cartl1a· 4 ‘ ginoises de la Sicile aient servi au grand p1·opriétairero-, , i l main de leçon et de modèle ; peut—étre aussi que l’intro· ` ` duction du lJlé;i`roment à côté de l’épeautre, que Varron _ · I rattache à lïépoquedes Décemvirs, nc serait point sans ` V ' quelques rapports avec la révolution—agricole. Nous ne `A savons point davantage quels progrès eelle·ci avaittaits . . , fn la tin du v° siècle; elle ne primait point eneo1·e l’an- · i ` _ ' Varron aussi (dc rc rusl. Ii, 2,9) déclare que Fauteurides lois ·’ - agrnires liciniezmcs avait, tout le premier, organisé en grand la culture ` de ses vastes domaines. Toutefois il se peut qneI’anecdote soit une · ' lîilile. rt n`nit`·3t~3'imagin•‘e que pour expliquer un surnomdonné. . _ 272 [ LIVRE ll, UHAP. VIII il · ·cien mode, cela est certain, et nous voyons par l'his= _ — toire des guerres d’Annibal qu’elle nÉavait point abso1·bé 4 » ou fait disparaître, tant s'e11 faut, la classe vigoureuse ’ ` des laboureursitalicns. Maisil fautaussi le reconnaître: · ` i partout ou elle s`inslalle, elle détruit l'antiquc clientèle '· — · idespossesseurs prebaires. De même que dans les temps _ modernes, nos grandes cultures se sont principalement · établies sur. les ruines de la petite propriété agricole,· ` . . en transformant en vaste Terme le modeste héritage de ~ .· · . l'ancien paysan; c'est surtout aussi par la diminution des _ . ` clientèles agricoles que le systèmenouveau arrivait _à` ' · refouler et à réduire la classe des petitslaboureurs A Commerce _Les monuments écrits sont muets en ce qui touche le · commerce intérieur des Italiques.‘Les monnaies seules ` -nous fournissent quelques indications. En Italie; nous · l’avons dit déjà (I, p. 268), on ne battait pas monnaie durant les trois premiers siècles de Rome, les villes grec- _ ques et la Populonut étrusque [P-iombinol exceptées. La _ _ valeur en échange consistait en bétail, et en cuivre livré ` au poids. Anjourd’hui, le système de l'échange a ('ait place A I à la monnaie, qui, d`ailleurs, se modèle sur celle des _ Grecs; mais la natu1·e des choses voulait que dans l’Ita—_ _ lie du milieu leniétal circulant.l`ût le cuivre et non `l'ar- s gent ;· et, l’unité monétaire prit dlabord pour type l'an- ' u cienne unité de valeur enyiéchange, la livre de euiv1·e. · · _ Aussi les pièces de monnaie étaientielles simplement ' , 4 . coulées en broute; on n’aurait pas su fl‘(l])])0l' d'aiîssi à ' grosses, d’aussi lourdes pièces. De plus, il s’établit·tout · d’abord un rapport tineentre l’airain et l'argent (250 : '·l ); _ «_ et (7,8Sl. sur ce rapport que semble avoir été basé le sys- « ` _ tème monétaire. Ainsi, par exemple, la grosse pièce'd'ai- 1·ain Romaine, l'as, équivalait à un scrupule d'argent (·=- Èhvre,) L'histoire doit consigner dans ses annales~ V , le fait que c’est llome vraisemblablement qui; la.pre- . mière parmi les Italiques, a émis une monnaie publique. Les décemvirs furent les auteurs de cette innovation importante, la législation de Solon leur ayant fourni le modèle et la réglementation du système monétaire. Une foule de cités imitent Rome, dans le Latium, en Étrurie, en Ombrie, et dans l’Italie de l’Est : preuve nouvelle et frappante de la prépondérance de la République des le commencement du IVG siècle. Comme toutes ces cites jouissaient encore de leur indépendance, au moins dans la forme, le pied monétaire a du alors varier suivant les lieux, et le cours des monnaies des villes, dépendre de l’étendue de leur territoire. Pourtant, on peut ramener à trois groupes ou circonscriptions principales les systèmes des monnaies d’airain usitées dans l’Italie du Nord et du Milieu: il semble que, dans chacune de ces circonscriptions, les monnaies locales avaient fini par se vulgariser et s`accepter indifféremment dans l'échange international. Au nord de la foret Ciminienne, on rencontrait d`abord le groupe des Étrusques, auquel il faut joindre celui de l’Ombrie ; venaient ensuite les monnaies de Rome et du Latium, puis celles du littoral italique oriental, Nous avons dit que les pièces Romaines étaient calculées sur le rapport de poids entre le cuivre et l’argent ; celles de la cote de.l’Est, au contraire, se rattachaient d'un façon exacte aux monnaies d’argent ayant cours depuis des siècles dans l’Italie du Sud, et dont le pied avait été adopté par tous les immigrants descendus vers l'extrémité de la Péninsule, Bruttiens, Lucaniens, habitants de Nola; par les colonies latines, comme Calâs et Suessa, et enfin même parles Romains, dans leurs possessions sud-italiques. Il en Faut conclure que, dans ces pays du Sud, ou les relations de peuple à peuple n’avaient lieu que comme entre étrangers, le commerce interieur se réduisait ai peu de chose.

Nous avons précédemment décrit (I, p. 269 et s.) les relations actives du commerce par mer entre la I I 274 ‘ '· LIVRE I], CHAP. Vllil » Sicile et le Latium, l'Etrurie et l'Attique, le littoral de · A l’Adriatique et Tarente; ces relations se continuent du- _ _ 1·ant l’époque actuelle, ou plutôt elles lui appartiennent · _' aussiien propre; nous avons seulement dû, pouryen l faciliter l’intelligence complète, réunir aux faits classés · J (lans _la_premiè1·e période de cette liistoire, un grand . ,· A nombre de faits analogues et sans date précise, mais V qui certainement se rattachent aussi à la seconde pé- A riode. A cet égard , ce sont encore les monnaies, comme de juste, qui nous fournissent les indications les plus instructives. De même que la monnaie étrusque d_'argent, empruntant le pied attique(l, p. 269); de même que le cuivre italique et surtout latin (I, p. 274) ` importé —en Sicile, attestent l’existence des relations A tuscoyatliéniennes et siculoilatines.; de même, sans _ parler d'autres indices non moins sérieux, la monnaie d'airain du Picenum _et de l’Apulie établie, comme nous l’avons dittout ài l’lieure, sur un pied en exact `· rapport avec les pièces d’argent de la Grande-Grèce, té- moignent d'un commerce très-actif entre les Hellènes de _ ` I la Sud-`Italie, les Tarcntins surtout, et tout le littoral · C italique. En revanche, les relations jadis non moins ac- tives entre les Latins et les G1·ecs de Campanie furent un jou1· gravement troublées parles invasions sabelliques; et elles tombèrent à rien, ou peu s’en faut, pendant les ·_ cent cinquante premières années de la République. Du— ` m`nv,J.·c. rant la famine de -343, nous voyons les Samnites de Capoue et de Cumes refuser aux Romains les secours en céréales dont ceux-ci ont grand besoin. Lesclioses ont _ donc bien cI1ange·;.et le Latium et —la Campanie s’iso- lent entre eux, jusqu’au commencement du v° siècle, époque ou les arincs romaines victorieuses rouvrant la })0l'[6 aus anciens rapports commerciaux, ccuxci vont · de nouveau et aussitôt croissant. —'Parmi les détails de I quelque intérêt, notons dîabord un des rares faits ayant ( ÉCONOMIE l‘OLlTI`QUl§ 275 ·À date précise dans l’l1istoire commerciale de Rome. La I . cln·onique des Ardéates nous apprend qu_’en hâîli, un aoc ;u·.1.·c. , ' bm·bie~r Sicilien vint pour la première fois s’établir à Ardée. Il vaut aussi la peine de di1·e un mot des poteries , peintes, envoyéesprincipalement de l’Attique, puis de il Coreyre et de Sicile, et qui, se répandant en Lueanie, en _ _ Campanie et en Etrurie, y servirent à l’ornement des ~ cliambrcs —sépulcrales.· Le liasard nousa procuré sur ' · cette branche du commerce maritime des données plus certaines que sur nulle autre; (]Ãest vers le temps de _ l’cxpulsion des Tarquins que les`in1portations ont du I · I connnencer. Les vases de style plus ancien que l’on a retrouvés en nombre fort rare d`ailleurs,n’ont guère été _ A peintsavant la seconde moitiédu lllc siècle de Rome. Il ne sco zi asso. en est d'autres, plus nombreuk; et d'un style sévère, ` qui appartiennent à la première moitié du 1v° siècle, De 450 u A00. d’autres encore, d’une beauté et d’une perfection 1·e- niarquables, se classent dans la période de 350 à 400; n,· nro 5, gen entin il s’en 1·enco11tre, et en quantités vraiment innom- brables, qui se distinguent par la magnitieence et la · grandeur', rnaisldont le travail est tort inferieur aux 4 premiers : ceuxci appartiennent tous au v° siècle. (Test ne 350 a· aso encore aux Hellencs que les peuples italiques avaient · emprunté l'usage de la décoration des tombeaux;`ma'is ` A V pendant que les uns, retenus par la modestie de leurs ` 4 ressources et guidés par un tact exquis,’ne dépassèrent jamais les limites d’une sobriété élégante, les ltaliques prodiguent en barbares tous lesmoycns d’une opulence inouïe; ils oublient les leçons de leu1·s maîtres, et accu; _ A mulent outre mesu1·e les rieliesses d’une ornementation — · sans raison etlsans mesure. Chose remarquable, on ne _ rencontre guère eette profusion luxuriante que dans les _ régions de l’Italie civilisée, àdemi seulement, , par les G1·ecs. Pour qui sait lire le secret des monu ments, les cime- A . tières étrusques et campaniens, et tous ees produitsdes A 276~I LIVRE II, CIIAP. VIII · I ' fouilles classés dans nos Musées, serviront aussitôt d’é— A loquent commentaire aux récits tant vantés des Anciens sur les richesses, et·sur le faste orgueilleux et sulfoqnant ` des peuples quasi-cultivés de la Campanie ou de‘l’Etru- ` rie. (pp. 426, 449) —La frugalité sainnite resta toujours · s étrangère à ces folies du luxe : là, point de tombeaux ornés de vases grecs; point de nionnaie nationale: ce ' peuple n’a, des lors, ni grand commerce important, ni A grandes existences au sein des villes. Le Latium de même, ` quoiqu’aussi rapproche des G1·ecs que les Campaniens ' et les Etrusqùes, quoiqu’ayant noué avec eux des rela- tions quotidiennes, ignore absolument l’usage des tom- _ ' beaux richement décorés. Très-certainement, ilfaut en chercl1er.la 1·aison dans l’austérité des mœurs de Rome ;_ ou si l’on aime mieux enco1·e, dans les I‘Égl€lllÉlll,34.I©l|S' l ‘ · sévères de sa police. Qu'on se le rappelle en effet, c’en est _ encore ici le lieu, les prescriptions des XII Tables défen- dent de donner aux morts ou de déposer sur leur bierc ' des tapis de pourpre et des ornements en or. Nc voit-on' È pas aussi le riche Romain bannir_la vaisselle d’argent de sa maison, à l'exception de la salièrc et de la COlL])6 des ` · sacrifices? Sa considération en pourrait souffrir, ot le · R _ censeur le noteraitl Dans les bâtiments qu’il construit, A nous‘rencontrer0nS le meme sentiment hostile à tout . luxe noble ou trivial, quel qu’il'soit. Sans nul doute, ces proliibitions, venues de haut, ont fait du1·er à Rome . - la simplicité extérieure des mœurs, plus longtemps qu’à ` ‘ Capoue et à Volsinies; mais, pendant ce temps, le com- merce et l’industrie, ces fondements de la prospérité · iromaine à `côté de l’agriculture, ne laissaient pas lquei d'etre importants, et de s`activer tous les jours par l`elfet de la puissance agrandie de la République. Économie Rome n'a point la classe moyenne proprement dite

 des fabricants et _des marchands indépendants. Son

f absence tient à la concentration précoce et déine; suree des capitaux d·une part, à l esclavage, de l’autre. Il etait d'usage chez les anciens, et c’eta1t la une consequence forcée de la possession de nombreux esclaves, de préposer ceux·ci aux petites opérations du négoce urbain. Leur maître les établissait comme ouvriers ou marchands. Il en etait de meme des affranchis, auquel le patron confiait le capital necessaire, en se réservant soit une moindre partie, soit même la moitié des bénéfices. Le petit commerce et la petite industrie étaient en constant progrès, et l’on `voit s’introduire `et se concentrer à Rome certains métiers vivant plus spécialement du luxe des grandes villes. La cassette de toilette [vista]; connue sous le nom de Ficoroni, est l`œuvre d’un maître Prœnestin (du v° siècle);—elle a»été vendue à Prœneste , mais le travail ena été fait à Rome l. D’ailleurs le produit net du petit commerce retournant presque tout entier dans les coffres des riches, il ne put, je le répète, donner l’essor à une classe moyenne et proportionnée d'industriels et de négociants. Les gros négociants et les gros industriels ne se distinguaient pas des gros propriétaires. D’un côté, ceux-ci avaient été en outre et de tout temps, (I. p. 273) spéculateurs et capitalistes_: ils accumulaient dans leurs mains les créances hypothécaires, les grandes affaires, les fournitures et lentreprise des travaux publics. D’un autrecôté. commedans les idées

On avait conjecture que l’artiste qui avait fabrique, à Rome, cette cista pour Divulia Macoliiia, etait un certain Novius Ptautius, de Campanie; mais cette conjecture est contredite par les inscriptions tombales anciennes, ’récemment découvertes sur le sol meme de Prœneste [Putes-li·ina]. On y trouve, parmi les noms de plusieurs autres Macohtins et _ Ptmttizts, celui Ll’un_ Lucius Jllagzttitius, Iils de Plautius (L. Magotnio - Pla. f.). [La ciste en question se voit à ltome, dans le musée Kirclter. ’ Elle a été trouvee en 1745, dans un champ . entre ·Palœstrina. et Lugnano, et achetée aussitot |)i1I‘,l"tC0’I'0llt, qui. le premier l’a décrite, et dont elle a gardé le nom. (V. Corpus Pnscript, Latin. Mommsen, n° 54; _ · ip. 2!t.»«-V. aussi Rich , Diet. des Antiq. Rom. v. cista. Seulement Rich attribue par erreur l’inscription de la ciste de Prœneste à une autre corbeille mystique trouvée à Labicnm.] 278 r LIVRE II, CIIAP. VIII et les mœursde la société romaine, toute I’importancc· A . · était acquise à la propriété foncière; comme elle seule ` -accompagnait les droits politiques, sauf pourtant les quelques restrictions intervenues à la fin de la période ` ' actuelle (p. 86), il arriva souventque le spéculateur I heureux s’empressat d’immobiliser une partie de ses ca- pitaux. Enfin, de grands avantages ayant été également concédés aux aii`ra`nchis devenus possesseurs de biens- 4 fonds (p. 86), on voit clairement par là que les hommes ~ d’État à Rome s’étaient étudiés à amoindrir le plus pos- ‘ A sible la classe redoutable à leurs yeux desenrichis non . possessionnés. i imm. Malgré l'abscnce d'une classe moyenne aisée, et d’une. '

  • """“""'e· classe de capitalistes purs, Rome, s’accroissant sans

4 V cesse, était actuellement une grande ville, et en avait' _ pris tous les aspects, toutes les allures. _ ` ‘ '_ Déjà les esclaves étaient agglomérés en`nombre—crois— sant, ·ténioin ·la dangereuse conspiration se1·vile de ‘ 419 =·\‘· J·—C· l`an 335; déjà·les afl`ranchis·s’y rendaient incommodes, I · · A redoutables même, par leur foule également grossie. ' ' ::57. Il fallut, en 397, frapper les libérations d’un impot assez act. , lourd (p. 78), et rest1·eindre en 450, les concessions de droits politiques, primitirement octroyées aux libérés. _ A ' (p.'8(i)._ Il était naturel en effet que ceux-ci se consa·· · · crassent pour la plupart à l’exercice' d’une pi·ofession ` · manuelle ou de commerce : et puis., il faut le redire, . les afirancliisseincnts constituaient bien moins delaupart l` ` du patron une lihéralité et une faveur, qu’une`véritable spéculation industrielle. Intéressé qu’il· était 'dans les l _ .bénéfices réalisés par son affranchi, le patron y trouvait _ · souvent son compte bien mieux que dans le gain tout A entie1· procuré par l’esclave. Les alfraiicliissements se multipliaient donc à Rome en raisonldirecte des pro- ' J grès de l'industrie et du commercel Nous trouvons aussi A A dans le progrès de la police urbaine la preuve de Il agranÉCONOMIE POLITIQUÉ É79 dissement de Rome, et des habitudes de vie qui en ` _ ' l étaient la conséquence. Ce fut en grande partie vers les _ I _ ' temps qui nous occupent, que les quatre édiles parta— · gèrent la ville en quatre arrondissements de police, et » qu’ils étendi1·ent.leur surveillance sur une multitude , · d'objets divers. Ils entretiennent. en bon état, chose dif- 4 ticile et importante, le réseau des grands et petits égouts 4 · parcourant le sol de la ville, les bâtiments publics et lesplaces; ils tiennent la mainà la propreté et au dallage des rues;, ils font abattre les édifices menaçant ruine; _ ils écartent les animaux dangereux et les exhalaisons mauvaises; ils proscrivent la circulation des chars, sauf · dans la· soirée ou pendantla nuit; ils pourvoient surtout ` ` à l’ouverture et à la facilité des communications, —à l’ap- , · A `provisionnement constant du marché de la ville en grains · de bonne qualité, au prix les plus avantageux; alla _ ` destruction des marchandises nuisibles à la santé, des · mesures et des poids faux; entinils ont tout particu- · l liérement l’œil ouvert sur les bains, les cabarets et les mauvaises maisons. · . - · Dans l'artidu bâtiment, les deux premiers siècles de la république ont moins produit peut-être .que l`ère des · rois, et surtout que la période de leurs grandes con- quêtes. Des constructions comme les temples du Capitole I , et de l’Aventin, et comme le grand Cirque, ont du péni· · _blement choquer les habitudes d’économie des pères de · la ville, et des citoyens obligés à la corvée; et il convient · . de remarquer que leiplus g1·and édilice de l'époque . républicaine, le temple dc Cérès ,près du Cirque, fut Vœuvre de ce`SpuriusCassiu`s (°.Z6·l), qui, sous plus d’un M ,,_ ,__C_ rapport, affectait de remonter vers\les traditionsde la · · . royauté. L’aristocratie, devenue maîtresse, voulut com- primer le luxe des particuliers; et elle déploya dans ses efforts une sévérité inconnue aux rois durantleur long - _ empire. Mais il vint un tempsoii le sénat`lui-même ne 250 LQVBE II, Cl·lAl', Vlll I Les;m»«nes tut plus assez fortcontre les circonstances, et céda au “°"S"'"°‘l°"”· torrent. ;\ppius Claudius, pendantune censure qui fit ais »»·.i.-c. épqque (M2) abandonna le premier l’antique habitude , du_laboureur romain, l’accumulation de l’épai‘gne et du trésor, et montra à ses concitoyens un plus digne `emploi des ressources publiques. C’est'lui qui le pre-. · mier entreprit lesgrandiosesi et utiles constructions · publiques de Rome. Iltinaugura ce vaste système, créa- I teur en tous pays d`un incontestable bien-être, qui sulliz rait a lui seul, à défaut d’autrc excuse, a la justification _ des succès militaires de la République; et qui, de nos s jours encore, du milieu de tant de ruines éloquentes, · enseigne la grandeur romaine à des millions de témoins; A dont les yeux n'ont jamais lu une page de l’liistoirel A Appius l'État dut sa première grande voie militaire, ` et la_ ville, son premier aqueduc. [Je Sénat imita son exemple, et après lui, enlaça l’ltalie sous un réseau de routes.et de l`ortercss¢·s, dont nous avons raconté la l`on· dation. L'l1ist0irc_de tous les États niilitaircs n'est—elle A point la pou1· attester, depuis le temps des Aclzœnzenidcs de la Perse, jusqu'à ceux ide l’immortel auteur de la .‘ route du Simp/en., que ces gigantesquestravaux peuvent 4 ' seuls consolider la domination ébaucliée par les armes? I 4- Mrmitis Curius, à son tour, fit comme Appius; avec le' produit du butin des guerres de Pyrrlius, il construisit 272, _. un second aqueduc d_ans,la métropole (482). Quelques années avant, il avait employé les gains laits suriles A peuples Sabins, Si ouvrir au Velino, au point ou il tonibe dans la Nara, au-dessus de Temi, un large lit qu'il H asm. _ parcourt de nos jours encore (~i(3h·). La vallée de ltieli ain_si dessécliée s’était ouverte à _l’etal>lissenient d'une _nom]Jreuse colonie. et Manius s’y etait créé p0n1· luir ` même un modeste domaine. Aux yeux des hommes in- telligents, de pareils travaux,l'emportaientde_beaucoup ' sur l`iniutile magnificence des temples imités des Grecs. ÉCONOMIE POLITIQUE 281

Les pratiques de la vie commune à Rome se modifièrent à leur tour, comme on peut bien le penser. On commençait à voir de la vaisselle d'argent sur les tables, vers les temps de Pyrrhus (appel de note 1) ; et la chronique donne la date de l'an 470 à la disparition des toits à bardeaux. :84 av. J.-C. La nouvelle capitale dc l’ltalie se déb_arrasse‘ peu à "peu I _ de son apparence rustique, ellerecherche maintenant - I . la parurc. Elle n'a pas encore l'habitude de dépouiller A les temples des villes conquises pour orner ses édifices; · . mais déjà, pourtant, les rostreydes galeres d’Antium (p.' lîîîî) décorent 'la tribune aux harangues, sur le L I Forum; et, aus jours des fêtes publiques, les Bouclicrsb I incrustés tl’07·, rapportés des champs dc bataille du Sam< ' ‘ A nium, y sontappendus le long des loges 475). lie ` produit des amendes de police est appliqué aussi a.u pavage des l`U€S,,(\| la construction et à la décoration des _ 3 ·'~_ édifices publics dans la ville ou hors de la ville. Les · _ baraques de bois desboucliers. placées sur les deux côtés ` longs du Forum, sont remplacées par les boutiques de · — · I pierre des cliangenrs, d'abm·«l sur izi lignetournée vers I I le Palatin-, puis après sur celle parallèle aux Carines-: c’est là que s’établit ce qui fut la Iîourse à Rome. C’est I encore au Forum, _ou au Capitole que sc voyaientdéjà _ ,· I . les statues des hommes illustres des anciens temps, des ` rois, des prêtreset des liérosde la legende; celle de l’liote · · “ grec, ami de Rome, qui, disaiteon, araitexpliqué les lois .~ ` de Solon aux Decemvirs; les coloiniesdet les statues .À . élevées en l’lionneurIdes grands citoyens, vainqueurs de ` I Voies, des Latins et des Samnites; des envoyés d`État h t ‘ .l'ui mentionne plus lniut la reprobation des censeurs inlligee ii ‘ i I ` ` _ Publ. Cornelius Ruftnus (consul en 464 et 472), ii cause dc son argen- WJ. 277. . terie de table (p. 236). SIrabon.(5, p. 228) relate l’etrange assertion de Fabius, suivant lequel les liomains se seraient adonnes au luxe (âioûéaûœu rcü 7:7.»·û·w1) à la suite de la conquête dc la Sabine. Mais ce . ` n’est là visiblementqifune traduction historique de·l`anecdote ciïdessusg `d’autant mieux que cette conquête s’est en elïet achevée sous lc pre- . nner consulatde Rufinus., · _ _ _ _ · · 2822 _ LIVRE ll, CllAP. Vlll · I , · —/tués à l'ennemi dans l'exercice'de leurs fonctions ; des 4 riches matrones qui avaient aidé l’État de leu1· fortune ;. »I I _ · et enfin de quelques-uns des fameux sages ou liéros de ` A la Grèce, comme Pythagore et Alcibiàde. Romeétait de- ~ .vcnue grande ville, a mesure que l’État romain devenait 4 _ . grande puissance. ' nt nimmuic I` De même qu’en se placant à la tête de la confédera- _ ‘lI"'I*’°"' tion romano-italique, elle pénétrait au cœur d'un sys- \ tème d’États constitués à la grecque, de même la Répu- l A _· blique entraitI'aussi dans le système monétaire des · , _ · Grecs. .lusqu'alors, à peu d’exceptions près, les cités ' I I italiques du Nord et du Centre n’avaient connu que la L "monnaie de cuivre. Les villes du Sud , au contraire, usaientycominunément de la monnaie d’argent; mais 4 ' I l’étal0n et les types variaienten tous lieux : on en comp- II 269 ai- .1.-c. tait autant que de cités indépendantes; En 485, toutes . _ ces monnaies diverses ne sont plus tolérées que pour les I appoints; un type commun est adopté dans toute l’ltalie, ' ' ~ et la fabrication en est centralisée à Rome; Gapoue ‘ 4 I seule a le·privilégeI,de garder encore , mais avec des dé- I nominations latines, sa monnaie d’Iargent d'une valeur - un peu·différente. La nouvelle monnaie a _pour base la I , . valeur légale relative, depuis longtemps fixée, des deux I métaux (p. 272); l’unité commune est la pièce de · · I · dixas, ouIden,ier romain (deriarius) , 1·eprésentantIcn y i i . · cuivrc` les 3/4, en argent le l/72 de`la livre, et pesant un . Ipeuplus que la draclznze atliénienne, La monnaie de I · cuivre est d’ailleurs frappée en bien plus grandes quan- I · _ tités. ·Les·premiers _denie_i·s d'argent circulent de préfé- · . rence dans l'ltalie du Sud, ou sontconsacrés,au,c0mmerce · avec l’étranger. Mais, quand Rome a vaincu Pyrrhus et ` Tarente; quand elle a envoyé à Alexandrie une ambas- _ sade qui donne à penserdéjà au plus grand politique de Z ces temps chezîles Grecs, le simple négociant hellèn_c petit 4· I bien aussi avoir le pressentiinentde liavenir,enrcontem~ ` · NATlONALlTÉ _ · .·· 283 A `_ ` _plant ces drachmes nouvelles, àl’empreinte plate, gros- _ · sière_et uniforme, qui paraissent misérables encore vàcôté ` A d€S merveilleuses médailles de Pyr1·hus et des Siciliotes, _ 4. '· mais qui n’ont rien de commun non plus avec les mon- naies des Barbares de l’antiquité, toujours servilement ' . contrefaites, et toujours inégales entre elles par le titre. Jusque dans sa simplicité. la monnaie romaine porte le . 4 . · caeliet d’une originalité indépendante, ayant conscience ` desoi-même; et elle se place tout d’abord au même " 4 ~ rang que la monnaie des Grecs. . · _ — ~ Ainsi, quand,_laissant un_ instant de côté l’étude des Pregrts 44 constitutions politiques, et les recits des con1bats pour ,"°"'p|'l':ï""'1`° ‘ l'empire ou la liberté des peuples qui animent la scène _ ‘ . politique _de l'Italie et de Rome, depuis les Tarquins A ' 4 ex-pulsés jusqu’à la soumissiondétinitive des Samnites et 4 j des G1·ecs, nous tou1·1ions nos regards vers les régions plus · i * calmes dela vie sociale, qui, elle aussi, domine et pé- , nètre le mouvement de l’histoire; là encore, et sous une _ autre forme, nous rencontrons les résultats des grands événements qui marquèrcnt"2¤ lleine l'émancipation du peuple, le faisceau brisé du régime aristocratique des 4 ai 4 germes , et enfin l’absorption des riches et antiques natio? , '_ U · ' 4 i nalités italiques dans une seule nationalité qu’elles -· _ agrandissent. Sans doute`l’historien n’apas à suivre 'jus ·>À· i _ que dans les détails infinis de lavie individuelle, lesillon I _ ' laisséderrière eux par les grandsfaits qu'il1‘elate; il n'em— '_ · —, · ,piétera pas pourtant sur d’autres domaines ,`s’il s’en_ va . ` L ' ramassant maints fragments épars au inilieu des ruines ' ` i et des traditions des peuples italiques, et s'il fait de cette ~ manière connaître les révolutions sociales subies du- _ ·_ '. _rant_ l'époque actuelle. Rome est dorénavant au pre-’ c ' · `niier plan, non pas pa1· un simple`eH`et du hasard, ou seulement à cause des lacunes desdocuments parvenus ` ` jusqu’à`nous.; mais sa position politique s’est changée du tout auïtout; et par elle la nationalité latine tend à re« · ' ·28lt · · LIVRE ill, CHAP. Vlll ` [ V pousser les autres ltaliotes dans llombrel Il a été dit . C déjà'que les contrées voisines, l’Étrurie du Sud, la Sa- bine`, le pays Volsq ue et la Campanie,`commençaient à se romtiniser : ce qui le prouve, c’est Vabsence totale des A . ` monuments des vieux `dialectes provinciaux, et, au con- .traire,`le grand nombre des inscriptions latines très-an- _ ' eiennes retrouvées plus tard dans tous ces pays.'Les assi- · gnationsrde terreipartout distribuées, les colonies ton- I I `dées- dans toutes les parties de l'Italie, ne sont pas . , senlement les postes avancés de la conquête niilitairc', · - ellessont aussi deux de laeivilisation latine opérant avec · ‘ · _l’aide de la langue et de`la nationalité. Certes les Ro- . · , mains ne Sengeaient guère‘alors à la latinisrttion pro! · prement dite de l'Italie; il était·mêtne_dans la poli- tique du 'sénat deniaintenir inettement _la nationalité latine en f`ace"rle toutes les autres; et l’on voit, par exemple, que la langue de Rome n'était nullement in- ` troduite ouimposée à titre de langage officiel aux cités I assujetties. Mais la nature est plus forte que les ten- , (lances administratives les plus énergiques : le peuple ` latin ayant obtenu le principat, sa langue' et ses mœurs . _. se tirent conqnérantes avec lui, et minèrent peu à peu, elles aussi, les langues et les mœurs des pays dena-‘ , p · ·tionalisés. ' . ;. ° ` _ i ‘ Progrès C Ceux-ci; en inûnie temps, et-(l’nn autre côté,`se

 voyaient attaqués par les influences non moins prépon-

4 en italic. , dérantes de la civilisation grecque. A cette heure, la ' ' Grèce avait la consciencede sa supériorité intellectuelle; ' ` son active propagande rayonnait tout autour d’elle. A _ L’Italie tractmppe pas non plus à son contact fécond. Sous ce rapport, l'Apulie présente un remarquable phénomène : à partir du ve siècle, elle renonce à son idiome barbare et s'hellénise peu à peu. Comme la·l\la— · Acëdoine, eonirne Vltpire, ce n’est pointune cbloiriisntion ` · qui 'la trnnsibrnie`: c’est une autre civilisation, importée ' NATlONALlTÉ . ` ‘ ( zlatîf \ _ · cette fois par le commerce Tarentin. Comment en ' douter en effet, quand on voit les Pœdiculcs et |es_Dau·-_ _ _ njens, amis de Tarente, revêtir plus complétement et , ‘ plus vite tous les caractères dela grécité que les Sal- lentins eux-mêmes, les plus proches voisins de la ville , l i grecque, mais en même temps ses ennemis de tous les A. _ jours? De méme, les cités placées dans'l’intéricnr et loin _ de la cote, Ami, par exemple, se font grecques les p1·e- ~ u' mières. Enfin si l’Apnlic a subi plusque nulle autre contrée italique l’inflnence des Hcllènes, il convient _ - d`en chercher la raison, soit dans sa position géogra- phique, soit dans la f'aiblesse·de sa civilisation nationale, _ ' _ . ' soit aussi da11s.sa parenté moins éloignée avec les races l helléniques (l, p. f3). On a fait remarquer (I, p._ MS) I plus haut, qu`il cn a été de même des races sabelliqucs du Sud.· Alliées de préférence avec les tyrans de Syra-_ · cuse, cllesselforcent de briser et de détruire la prépon-, dérance hellénique dans la Granrle-Grèce_:`mais elles ` , nîen subissent pas_moins l’ei`f`et du contact et des 'mé- ,_ ` langes avec lesGrecs;et tantôt, elles adoptent leur idiome , . · Et côté de leur dialcctcnational 2 ainsi faisaient les Bïttltiens ` et les ]V0lans; tantot elleslcur prcnncnttout au moins, , r leurécriture et leurs usages : ainsi faisaient les Lucanienw et_ la plupart des Campaniens. Les vases étrusques de i · cette époque qui 1·ivalisent avec ceux dé Campanie et de ` ~ Lucanie attestent aussi le commencement ·d'une révolue L tion analogue (p.·275); quant au Latium et au Sam-, nium, s’ils restent davantage en dehors de ces influences, · p les traces de leur action croissante s’y font déjà 1·econ·· ‘ naitre. Dans toutes les branches de la _civilisatio11_ romaine d’alors, dans la législation et les monnaies, , 'dans la religion ethla f`ormation des légendes nationales, ` , on en rencontreiles indices induhitables; età dater des ‘ ` premières années du v‘* Saècig, c’est~à-dire, aussitôt après A ` la conquête de la Campanie, le mouvement des imporV 286 [LIVRE ll, CllAl’. \’l—ll · , tations helléniques se fait chaque jour plus rapideet plus I · ‘ . xlécisil`. C'est même au iv" siècle que,`dejà, la été cons- , - truite en plein f0rztm`une— tribune poui· les hôtes grecs et · ' étrangers notables, surtout pour les Massaliotes (p. 236); et chose non moins curieuse, cette tribune s’appelle la · grécostase (grœcostasis). Au siècle suivant, les annales mentionnentdes Romains illustres portant les surnoms _- grecs de Plzilipp0s'(en Romain d'alors, l’i/ipus), de Phi- .l0n,de Sopltus, d'Hypsacns.‘ Les usages grecs l'cmportent: i _ on grave des inscriptions sur ·les piei·i·es tumulaires fr la louange des morts, coutume qui n’est nullement 4 italienne, ct dont nous rencontrons le plus ancien ves- 2s•s.ii·.i -c. tige sur le tombeau de Lucius Scipion, consulen '. Sans avis du sénat, on consacre dans les lieux publics ` _ des monuments en l'lionneur des aïeux; c’est encore . ' Appius Claudius, le grand novateur, qui, le premier, 4 X ' importe cette mode étrangère, 'quand il suspend dans " le nouveau temple de Bellone, des boucliers d’airain aie. portant les images et les éloges de ses ancêtres (442). ` ‘293` » Dans les jeux romains, cn 464, des palnics, à l`instar des Grecs, sont distribuées aux- vainqueurs; enfin à table, · on se place désormais sur un lit comme l`ont les Grecs, ` tandis qu’auparavant on -s’asseyait tout simplement suit Mlm un banc. Les convives 'couclies durant le repas; le 1·epas · l ii la g'W"m' _ lui-même reporté du milieu du jour jusqu`à la deuxième V ' · ou troisième heure après midi, suivant le calcul l1l0· ` deriie des heures; le_r0i du festin [rem bibcmli] élu à A · c0ups`de dcls, et par la voie du sort; le droit qu`il a de _ dire quelleboisson se1·a servie, quand et comment elle — . sera bue, lescliansons de table tour à tour entonnées pai· lescouvives (non pas, il est vrai, de simples scoliesl), ' mais des chants à la louange des aïeux): tous ces` · ’ [V. au Corpus Insc. Lat, delllommsen, les Scipienum elogia, tous ~ recueillis sur les inonuinents funéraires places au delà de l':incienne p0rle`Capéne, entre les voies Appiemie et Latine, p. ll et 59.] ' 2 [Chansons de table grecques Et mètre irrégulier.] NATIONALITE as? ° usages ne sont point indigènes; tous ilsont étéem- ‘ pruntés à la Grèce dès le temps de Caton ;' tousils sont z , vulgairement pratiqués; et quelques-uns même tombait _ _` I déja en désuétude. Les faire remonter la période acà . tuelle ne sera donc nullement téméraire. Nîest-il point enfin remarquable de voir, pendant `les guerres samnites, ‘ ériger sur le forum, par ordre d’Apollon Pythien, les ` I statues des plus braves et des plus sages d'entre`les Grecs? Pythagore et Alcibiade furent choisis, le philo- · _ sopl1e Sam:cm·,et l’Annibal des`Grecs occidentaux. Enlin dès le v° siècle, la connaissance de la langue hellénique . · ‘ est fort répandue parmi les hautes classes de Rome : · quand les Romains envoient des ambassades ai T arente,}` I _ llorateur parle grec, sinon très·cor`rectement, du moins · i ` ` sans avoir besoin d·’interprète. Cinéas, envoyé à Rome · - par Pyrrhus, parlera aussi en grec. Il ne faut pas douter que dès ces temps les jeunes Romains, qui se.consa- I _ · I craient à la politique, ne se fussent rendu familier un ·’ i, idiome universel, en quelque sorte, et devenu le langage ` commun de la diplomatie. V . V · P A mesure que Rome se prépare et marche à la conquête , ' de la terre, la civilisation hellénique s’avance d’un même pas, et envahit le monde intellectuel :‘les nationalités l secondaires, samnites, celtes, étrusques, serrées qu’elles ` ` sont des deux côtés 21, la fois, vont se rétrécissant tous les jou1·s, et perdent leur iorce propre et intime; ' ~ ` ' · Mais. à l’heure même ou les deux grands peuples de ` nom l’ltalie et de la Grèce, a1·rivés au point culminant de leu1· progrès , se touchent et se pénètrent en tous sens, . amis ou hostiles, —l’antagonisme,de.leurs génies ne laisse ` pas que de se produire en plein relief`. Chez les Ita- ` liques et chez les Romains principalement, toute indi- vidualité dispa1·aît : chez les Grecs, au contraire, la personnalité la plus multiple se déploie dans les races , ' ' dans les lieux, dans les hommes. Nulleïépoquo n’a . _ 288 LIVRE Il, CHAP. VIII · plus marque dans lïliistoire de Rome, que la periode , . placée entre la londaiion de la République. et la sou- mission de l’ltalie :'.al0rs _l'ut vraiment constituée la société romaine, au dedans et au deliors; alors l’Italie ‘ fut unifiée; alors se posèrent les bases traditionnelles · du droit civil et de'l'l1istoire.nationale; "alors furent inventés le piiiim et le ·nnmipzile, les grandes voies et`les _ riqziedzics, le système complet de la propriété foncière et ` , du capital; alors fut coulée la louve de bronzedu Capiî tole, et la ciste de Ficoroizi reçut sa eiselure. Mais ou · J sont les individus qui apportèrentsuccessivement leur pierre au gigantesque édilice? Ou sont-ils,iceux qui ont ' I · assemble tous ces materiaux? Leur nom même a dis- · ' · paru; et le simple citoyen s'est perdu obscur dans Bonne, absolument connue les peuples italiques se sont éteints au sein du peuple romain. De méme que la tombe se · i ferme à la l`0is sur IAIIOIDDIU illustre et sur le pauvre, de · méme, dans les listes consulaires, le /l·0·bL’)`0(LZL insignil ' liant se confond avec le grand lionnne d’État: Parmi les rares monuments individuels du temps, qui soient l parvenusjus`qu’à nous, nul n'est à la fois plus glorieux et plus spécial que le tombeau avec inscription laudative î98 nv J—C· de—Co1·1zelius Scipion, lequel fut consul en !a·îi(î, et com- battit trois ans après danslajournee decisive de Senti· 4 num (p. ISÀ). Sur un beau sarcophage de style dorique, qui recouvrait LIICOIIE, il y a quatrevingts ans, les cen- dres du vainqueur des Sa1nnites, on lit gravéesen creux ` · '_ ‘ les lignes suivantes : _ :· _ ' Cornelius Lucius - Scipio Barbatus, . I ‘ Gnaivod patré prognzitus-— fortis vir sapiens que, ` Quojùs forma virtu — tei partsuma fuit, ` . 4 (lonsol eensür aidilis —— quei fuit apud vos, — Tzturasizl cisaûna —— Sâmnié cepit, A ` Subigit omné Loucanam — opsidesque abdoùcit ‘. . ` ’ ' 1 1 1 . 1 il 1 ‘ , , ""'°"°_" `É°_°_° _, LV. Monimsen, Corp. Inscr. Lat., p._I6.] _ _ .i , ' ·· Cornelius Lucius Scipion, Barbatus, fils de Gnzuus, homme brave et sage, dont la beauté fut égale à la vertu. Il fut chez vous consul, censeur, édile : il prit Taurasia et Cisauna dans le Latium. Il soumit toute la Lucanie, et emmena des otages! ¤

L’éloge de ce capitaine et homme d'État ne se peut-il pas sans difficulté appliquer à une foule d'autres person- ' nages, qui, comme lui, ont été à `la tête des affaires de V la République; qui, comme lui, furent nobles et beaux, V braves et sages comme lui? Mais des uns comme ·des autres il,n’y avait rien de plus à dire! Nous aurions tort . de reprocher à l’l1istoire de ne nous avoir pas transmis les portraits de- tous ces C0)'7Z(!'if67lS,i Fabiens, Papiriens! Tout sénateur 'romain , quel qu’il soit, vaut ses autres collègues ; il est ce qu’ils sont, ni meilleur ni pire. Nulle nécessité, nul profit à ce qu’un citoyen dépasse les autres, à ce` qu’il se distingue ou par sa vaisselle d’argent, ou par le poli de son éducation à la grecque, ou par sa sagesse ou sa perfection ! Le censeur punit de tels excès : ils sont contraires à la constitution ! La Rome de ce temps n’est point faite pour un seul : ne faut-il pas que tous les citoyens se ressemblent, pour que chacun d'eux puisse être << pareil à un roi ? »

Quoi qu’il en soit, l'individualité grecque tente aussi de se faire jour à Rome ; et jusque dans l’antagonisme original et puissant que nous venons de décrire, on retrouve l’empreinte profonde de la grande époque ou nous sommes arrivés. Nous ne nommerons qu’un seul homme, celui en qui s’incarne la pensée même du progrès. Censeur en 442, consul en 447 et en 458, Appius Claudius, l’arrière petit-fils du décemvir, appartenait à la plus fière noblesse de Rome. Il livra les derniers combats pour la défense du patriciat et de ses privilèges surannés : il inspira les derniers efforts faits pour écarter les plébéiens du consulat. Nul enfin ne lutta avec plus de fougueuse passion contre les précurseurs du parti po. 290 ,· LIVRE II, CHAP. VIII pulaire,'Manius Curius et ses pareils. Mais ce fut lui aussi qui, le p1·emier, brisa les conditions étroites du droit de , CltÉ,l3(î3Cl1é jusqu’alors au seul domicile foncier (p. SG) , et qui , détruisit l’ancien système de l’épargne finan- _ cière (p. 280); De lui datent, non-seulement les grandes voies et les aqueducs de Rome; mais encore la jurispru- dence, l’éloquence, ,la poésie et la grammaire. A en I croire la tradition, il aurait lait dresser les_ jormules des actions judiciaires : on lui devrait aussi-l’usage des dis- cours apprêtés, des sentences à la façon de Pythagore, et certaines innovations dans l’orth0graphe, Appins ne se ` mettait point en contradiction avec.lui·même. N'étant ni aristocrate ni démocrate, il porta en lui tout ensemble Vesprit des anciens rois et des nouveaux rois patriciens, ' l’esprit des Tarquins et celui des Césars, auxquels il servit _de traitd'union au travers d’un interrègne de cinq siecles, remplipar les événements les plus étonnants, et par des ' hommes souvent fort ordinaires. Dans sa vie publique. si active, dans ses charges ofïicielles et dans sa vie pri- vée, on le voit bardi, impertinent à l'égal d'un Athénien, _ renverser de droite et de gauche les lois et les usages. _ Mais un jour, après que depuis bien des années il a dis- paru dc la scène, vieux et aveugle, il sort du tombeau, pou1· ainsi dire; il triomphe de Pyrrhus dans le Sénat à lyl1Cl.1l‘C décisive; et, le premier, il sait, en termes soleil- ' ‘ nels, exprimer le faitaccoinpli de la domination suprême ‘ de Rome (p. 212). _Ce vigoureux génie venait trop tôt ou trop tard 1 les Dieux frappèrent Appius de cécité à cause de sa sagesse inopportune. Il n'était point donné · à un seul. de commander dans Rome, et par elle dans ' l’ltalie l `Un tel rôle n'appartenait qu’à une pensée poli- tique immuable , se transmettant. dans le Sénat de I · famille enfamille, et dont les enfants `des sénateurs apprenaientles maximes presqu’en entrant dans la vie, alors qu’ils accompagnaient leurs pères à la Curie, et ' I _ NATIONALITÉ 291 ` qu'ils prétaient une oreille attentive aux sages pa1·oles`de · ceux qu’ils devaient un jour remplacer sur leurs siéges. Le prix était inestimable! il coûta inestimablenient cher! I Toute victoire- n’a·t-elle pas sa Némésis qui la suit? La société romaine ne permettait à aucun homme de se produire. Chez le général, conime chez le soldat, sous ' la règle de fer de savdiscipline morale et politique, elle étouliait l’individu et la llamine du génie individuel. Rome a -été plus grande qu'aucune autre cité dans le monde antique; mais elle a bien payé sa grandeur par le sacrifice de la grâce variée et aimable, par celui des A facilités indulgcntes et des -libe1·tés·intérieures, qui iu- _ rent', au contraire, l’apa11age brillant de la société — hellénique! I · [ _ \ U (