Hetzel (p. 139-154).
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CHAPITRE XIII


OÙ IL EST QUESTION DU BRIGADIER MURPHY, DU MAJOR OLIPHANT, DU CAPORAL PIM, ET D’UN PROJECTILE QUI SE PERD AU DELÀ DE L’HORIZON.


« Je prendrai votre fou si vous voulez bien le permettre, dit le brigadier Murphy, qui, après deux jours d’hésitation, se décida enfin à jouer ce coup, longuement médité.

— Je le permets, puisque je ne puis l’empêcher, » répondit le major Oliphant, absorbé dans la contemplation de l’échiquier.

Cela se passait dans la matinée du 17 février, — ancien calendrier, — et la journée entière s’écoula avant que le major Oliphant eût répondu au coup du brigadier Murphy.

Du reste, il convient de dire que cette partie d’échecs était commencée depuis quatre mois, et que les deux adversaires n’avaient encore joué que vingt coups. Tous deux étaient, d’ailleurs, de l’école de l’illustre Philidor, qui prétend que nul n’est fort à ce jeu, s’il ne sait jouer les pions, — qu’il appelle « l’âme des échecs ». Aussi, pas un pion n’avait-il été légèrement livré jusqu’alors.

C’est que le brigadier Hénage Finch Murphy et le major sir John Temple Oliphant ne donnaient jamais rien au hasard et n’agissaient, en toutes circonstances, qu’après mûres réflexions.

Le brigadier Murphy et le major Oliphant étaient deux honorables officiers de l’armée anglaise, que le sort avait réunis dans une station lointaine, dont ils charmaient les loisirs en jouant aux échecs. Tous deux âgés de quarante ans, tous deux grands, tous deux roux, la figure ornée des plus beaux favoris du monde, à l’angle desquels venaient se perdre leurs longues moustaches, toujours en uniforme, toujours flegmatiques, très-fiers d’être Anglais et restés ennemis de tout ce qui n’était pas Anglais par fierté naturelle, ils admettaient volontiers que l’Anglo-Saxon est pétri d’un limon spécial, qui a échappé jusqu’ici à toute analyse chimique. C’étaient peut-être deux mannequins que ces officiers, mais de ces mannequins dont les oiseaux ont peur et qui défendent merveilleusement le champ confié à leur garde. Ces Anglais-là se sentent toujours chez eux, même lorsque la destinée les envoie à quelques milliers de lieues de leur pays, et, très-aptes à coloniser, ils coloniseront la lune, — le jour où ils pourront y planter le pavillon britannique.

Le cataclysme, qui avait si profondément modifié une portion du globe terrestre, s’était accompli, il faut bien le dire, sans avoir procuré un étonnement immodéré ni au major Oliphant ni au brigadier Murphy, deux types véritablement exceptionnels. Ils s’étaient trouvés tout d’un coup isolés avec onze hommes sur un poste qu’ils occupaient au moment de la catastrophe, et, de l’énorme rocher où plusieurs centaines d’officiers et de soldats étaient casernes avec eux la veille, il ne restait plus qu’un étroit îlot, entouré par l’immense mer.

« Aoh ! s’était contenté de dire le major. Voici ce qu’on peut appeler une circonstance particulière !

— Particulière, en effet ! avait simplement répondu le brigadier.

— Mais l’Angleterre est là !

— Toujours là.

— Et ses vaisseaux viendront nous rapatrier ?

— Ils viendront !

— Restons donc à notre poste.

— À notre poste. »

D’ailleurs, les deux officiers et les onze hommes auraient eu quelque peine à quitter leur poste, quand même ils l’eussent voulu, car ils ne possédaient qu’un simple canot. De continentaux qu’ils étaient la veille, le lendemain devenus insulaires, ainsi que leurs dix soldats et leur domestique Kirke, ils attendaient le plus patiemment du monde le moment où quelque navire viendrait leur donner des nouvelles de la mère-patrie.

Au surplus, la nourriture de ces braves gens était assurée. Il y avait dans les souterrains de l’îlot de quoi alimenter treize estomacs, — fussent treize estomacs anglais, — et pendant dix ans au moins. Or, quand le bœuf salé, l’ale et le brandy sont là, « all right, » comme ils disent !

Quant aux phénomènes physiques qui s’étaient produits, tels que changement des points cardinaux est et ouest, diminution de l’intensité de la pesanteur à la surface du globe, accourcissement des jours et des nuits, déviation de l’axe de rotation, projection d’une nouvelle orbite dans le monde solaire, ni les deux officiers ni leurs hommes, après les avoir constatés, ne s’en étaient inquiétés autrement. Le brigadier et le major avaient remis sur l’échiquier les pièces renversées par la secousse, et ils avaient repris flegmatiquement leur interminable partie. Peut-être les fous, les cavaliers, les pions, plus légers maintenant, tenaient-ils moins bien qu’autrefois à la surface de l’échiquier, — les rois, les reines, surtout, que leur grandeur exposait à des chutes plus fréquentes ; mais, avec quelque précaution, Oliphant et Murphy finirent par assurer solidement leur petite armée d’ivoire.

Il a été dit que les dix soldats emprisonnés sur l’îlot ne s’étaient pas autrement préoccupés des phénomènes cosmiques. Pour être véridique, il faut ajouter, cependant, que l’un de ces phénomènes provoqua deux réclamations de leur part.

En effet, trois jours après la catastrophe, le caporal Pim, se faisant l’interprète de ses hommes, avait demandé une entrevue aux deux officiers.

L’entrevue ayant été accordée, Pim, suivi des neuf soldats, entra dans la chambre du brigadier Murphy. Là, la main au bonnet d’ordonnance campé sur son oreille droite et retenu au-dessous de la lèvre inférieure par la jugulaire, étroitement sanglé dans sa veste rouge et flottant dans son pantalon verdâtre, le caporal attendit le bon plaisir de ses chefs.

Ceux-ci interrompirent leur partie d’échecs.

« Que veut le caporal Pim ? demanda le brigadier Murphy, en relevant la tête avec dignité.

— Faire une observation à mon brigadier, relativement au payement des hommes, répondit le caporal Pim, et en faire une seconde à mon major, relativement à leur nourriture.

— Que le caporal produise sa première observation, répondit Murphy en approuvant du geste.

— C’est par rapport à la solde, Votre Honneur, dit le caporal Pim. Maintenant que les jours ont diminué de moitié, est-ce que la solde diminuera dans la même proportion ? »

Le brigadier Murphy, pris à l’improviste, réfléchit un instant, et quelques oscillations approbatives de sa tête indiquèrent qu’il trouvait l’observation du caporal fort opportune. Puis, il se retourna vers le major Oliphant, et, après avoir échangé un regard avec son collègue :

« Caporal Pim, dit-il, la solde étant calculée sur l’intervalle de temps qui s’écoule entre deux levers de soleil, quelle que soit la durée de cet intervalle, la solde restera ce qu’elle était autrefois. L’Angleterre, elle aussi, est assez riche pour payer ses soldats ! »

C’était une manière aimable d’indiquer que l’armée et la gloire anglaises se confondaient dans une même pensée.

« Hurrah ! » répondirent les dix hommes, mais sans plus élever la voix que s’ils eussent dit : « Merci ! »

Le caporal Pim se retourna alors vers le major Oliphant.

« Que le caporal produise sa seconde réclamation, dit le major en regardant son subordonné.

— C’est par rapport à la nourriture, Votre Honneur, dit le caporal Pim. Maintenant que les journées ne durent plus que six heures, est-ce que nous n’aurons plus droit qu’à deux repas au lieu de quatre ? »

Le major réfléchit un instant et fit au brigadier Murphy un signe approbateur, indiquant qu’il trouvait le caporal Pim un homme véritablement plein de sens et de logique.

« Caporal, dit-il, les phénomènes physiques ne peuvent rien contre les règlements militaires. Vous et vos hommes, vous ferez vos quatre repas, à une heure et demie d’intervalle chacun. L’Angleterre est assez riche pour se conformer aux lois de l’univers quand le règlement l’exige ! ajouta le major, qui s’inclina légèrement vers le brigadier Murphy, heureux d’approprier à un fait nouveau la phrase de son supérieur.

— Hurrah ! » redirent les dix soldats, en accentuant un peu plus cette seconde manifestation de leur contentement.

Puis, tournant sur leurs talons, le caporal Pim en tête, ils quittèrent au pas réglementaire la chambre des deux officiers, qui reprirent aussitôt leur partie interrompue.

Ces Anglais avaient raison de compter sur l’Angleterre, car l’Angleterre n’abandonne jamais les siens. Mais, sans doute, elle était fort occupée en ce moment[1], et les secours, si patiemment attendus, d’ailleurs, n’arrivèrent pas. Peut-être, après tout, ignorait-on dans le nord de l’Europe ce qui s’était passé dans le midi.

Cependant, quarante-neuf des anciens jours de vingt-quatre heures s’étaient écoulés depuis cette mémorable nuit du 31 décembre au 1er  janvier, et aucun navire anglais ou autre n’avait paru à l’horizon. Cette portion de mer, que dominait l’îlot, quoique l’une des plus fréquentées du globe, restait invariablement déserte. Mais, officiers et soldats n’éprouvaient ni la moindre inquiétude, ni la moindre surprise, ni, par conséquent, le plus léger symptôme de découragement. Tous faisaient leur service comme à l’ordinaire et montaient régulièrement leur garde. Régulièrement aussi, le brigadier et le major passaient la revue de la garnison. Tous, d’ailleurs, se trouvaient parfaitement bien d’un régime qui les engraissait à vue d’œil, et si les deux officiers résistaient à ces menaces d’obésité, c’est que leur grade leur interdisait tout excès d’embonpoint de nature à compromettre l’uniforme.

En somme, ces Anglais passaient convenablement le temps sur cet îlot. Les deux officiers, ayant le même caractère et les mêmes goûts, s’accordaient en tous points. Un Anglais, d’ailleurs, ne s’ennuie jamais, à moins que ce ne soit dans son pays, — et encore n’est-ce que pour se conformer aux exigences de ce qu’il nomme le « cant ».

Quant à ceux de leurs compagnons qui avaient disparu, ils les regrettaient, sans doute, mais avec une réserve toute britannique Étant donné, d’une part, qu’ils étaient dix-huit cent quatre-vingt-quinze hommes avant la catastrophe, d’autre part, qu’ils ne s’étaient plus retrouvés que treize après, une simple soustraction leur avait appris que dix-huit cent quatre-vingt-deux manquaient à l’appel, et cela avait été mentionné sur le rapport.

On a dit que l’îlot, — reste d’un énorme massif qui s’élevait à une hauteur de deux mille quatre cents mètres au-dessus du niveau de la mer, — maintenant occupé par treize Anglais, était le seul point solide qui apparût hors des eaux de ces parages. Ceci n’est pas tout à fait exact. En effet, un second îlot, presque semblable au premier, émergeait dans le sud, à vingt kilomètres de distance environ. C’était la partie supérieure d’un massif qui faisait autrefois le pendant de celui des Anglais. Le même cataclysme les avait réduits tous les deux à ne plus être que deux rochers à peine habitables.

Ce second îlot était-il désert, ou servait-il de refuge à quelque survivant de la catastrophe ? C’est ce que se demandèrent les officiers anglais, et, très-probablement, entre deux coups de leur partie d’échecs, ils traitèrent à fond cette question. Elle leur parut même assez importante pour être complètement élucidée, car, un jour, profitant d’un beau temps, ils s’embarquèrent dans le canot, traversèrent le bras de mer qui séparait les deux îlots, et ils ne revinrent que trente-six heures après.

Était-ce un sentiment d’humanité qui les conduisit à explorer ce rocher ? Était-ce un intérêt de toute autre nature ? Ils ne dirent rien du résultat de leur excursion, pas même au caporal Pim. L’îlot était-il habité ? Le caporal n’en put rien savoir. En tout cas, les deux officiers, partis seuls, étaient revenus seuls. Toutefois, malgré leur réserve, le caporal Pim crut comprendre qu’ils étaient satisfaits. Un gros pli fut même préparé par le major Oliphant, signé par le brigadier Murphy, puis scellé du sceau du 33e régiment, de manière à pouvoir être immédiatement remis au premier navire qui paraîtrait en vue de l’île. Ce pli portait en suscription :

À l’amiral Fairfax,
Premier lord de l’Amirauté.
Royaume-Uni.

Mais aucun bâtiment ne s’était montré, et le 18 février arriva sans que les communications eussent été rétablies entre l’îlot et l’administration métropolitaine.

Ce jour là, le brigadier Murphy, en se réveillant, avait adressé la parole au major Oliphant.

« C’est aujourd’hui, lui dit-il, un jour de fête pour tout cœur véritablement anglais.

— Un grand jour de fête, répondit le major.

— Je ne pense pas, reprit le brigadier, que les circonstances particulières dans lesquelles nous sommes doivent empêcher deux officiers et dix soldats du Royaume-Uni de fêler un anniversaire royal.

— Je ne le pense pas, répondit le major Oliphant.

— Si Sa Majesté ne s’est pas encore mise en communication avec nous, c’est qu’elle n’a pas jugé convenable de le faire.

— En effet.

— Un verre de porto, major Oliphant ?

— Volontiers, brigadier Murphy. »

Ce vin, qui semble spécialement réservé à la consommation anglaise, alla se perdre dans cette embouchure britannique que les cokneys appellent « le piège aux pommes de terre », mais que l’on pourrait tout aussi justement nommer « la perte du porto », par analogie avec la « perte du Rhône ».

« Et maintenant, dit le brigadier, procédons réglementairement au salut d’usage.

— Réglementairement, » répondit le major.

Le caporal Pim fut mandé et parut, les lèvres encore humides du brandy matinal.

« Caporal Pim, lui dit le brigadier, c’est aujourd’hui le 18 février, si nous comptons, comme tout bon Anglais doit le faire, suivant l’ancienne méthode du calendrier britannique.

— Oui, Votre Honneur, répondit le caporal.

— C’est donc l’anniversaire royal. »

Le caporal fit le salut militaire.

« Caporal Pim, reprit le brigadier, les vingt et un coups de canon suivant l’ordonnance.

— À vos ordres, Votre Honneur.

— Ah ! caporal, ajouta le brigadier, veillez autant que possible à ce que les servants n’aient pas le bras emporté !

— Autant que possible, » répondit le caporal, qui ne voulait pas s’engager plus qu’il ne convenait.

Des nombreuses pièces qui garnissaient autrefois le fort, il ne restait plus qu’un gros canon se chargeant par la bouche, du calibre de vingt-sept centimètres. C’était donc un énorme engin, et, bien que les saluts fussent ordinairement faits par des bouches à feu de moindre dimension, il fallait bien employer ce canon, puisqu’il formait, à lui seul, toute l’artillerie de l’îlot.

Le caporal Pim, après avoir prévenu ses hommes, se rendit au réduit blindé, qui laissait passer la volée de la pièce par une embrasure oblique. On apporta les gargousses nécessaires pour les vingt et un coups d’usage. Cela va sans dire, ils ne devaient être tirés qu’à poudre.

Le brigadier Murphy et le major Oliphant, en grande tenue et le chapeau à plumes sur la tête, vinrent assister à l’opération.

Le canon fut chargé suivant toutes les règles du Manuel de l’artilleur, et les joyeuses détonations commencèrent.

Après chaque coup, suivant la recommandation qui lui avait été faite, le caporal veillait à ce que la lumière fût soigneusement bouchée, afin d’empêcher que le coup, partant intempestivement, ne changeât les bras des refouleurs en projectiles, — phénomène qui se produit fréquemment dans les réjouissances publiques. Mais, cette fois, il n’y eut aucun accident.

Il convient aussi de faire observer que, dans cette occasion, les couches d’air, moins denses, s’ébranlèrent avec moins de fracas sous la poussée des gaz vomis par le canon, et que, conséquemment, les détonations ne furent pas aussi bruyantes qu’elles l’eussent été il y a six semaines, — ce qui ne laissa pas de causer un certain déplaisir aux deux officiers. Plus de ces éclatantes répercussions que renvoyaient les cavités rocheuses et qui transformaient le bruit sec des décharges enroulements de tonnerre. Plus de ces grondements majestueux que l’élasticité de l’air propageait à de grandes distances. On comprend donc que, dans ces conditions, l’amour-propre de deux Anglais, en train de fêter un anniversaire royal, fût compromis dans une certaine mesure.

Vingt coups avaient été tirés.

Au moment de charger la pièce pour la vingt et unième fois, le brigadier Murphy arrêta d’un geste le bras du servant.

« Mettez un projectile, dit-il. Je ne serais pas fâché de connaître la nouvelle portée de cette pièce.

— C’est une expérience à faire, répondit le major,

— Caporal, vous avez entendu ?

— À vos ordres, Votre Honneur ! » répondit le caporal Pim.

Un des servants amena sur un chariot un projectile plein, qui ne pesait pas moins de deux cents livres, projectile que le canon envoyait ordinairement à une distance de deux lieues. En suivant avec une lunette ce boulet pendant sa trajectoire, on pourrait facilement voir le point où il tomberait dans la mer, et, par conséquent, évaluer approximativement la portée actuelle de l’énorme bouche à feu.

Le canon fut chargé, on le braqua sous un angle de quarante-deux degrés, de manière à accroître le développement de la trajectoire, et, au commandement du major, le coup partit.

« Par saint Georges ! s’écria le brigadier.

— Par saint Georges ! » s’écria le major.

Les deux exclamations avaient été lancées en même temps. Les deux officiers étaient restés là, bouche béante, et ils ne pouvaient en croire leurs yeux.

En effet, il avait été impossible de suivre le projectile, sur lequel l’attraction agissait moins qu’elle n’eût agi à la surface de la terre. On ne put, même avec les lunettes, constater sa chute dans la mer. Il fallut donc en conclure qu’il avait été se perdre bien au delà de l’horizon.

« Plus de trois lieues ! dit le brigadier.

— Plus… oui… certes ! » répondit le major.

Et, — était-ce une illusion ? — à cette détonation de la pièce anglaise, sembla répondre une faible détonation qui venait du large. Les deux officiers et les soldats écoutèrent en prêtant l’oreille avec une extrême attention.

Trois autres détonations successives se firent encore entendre dans La même direction.

« Un navire ! dit le brigadier. Et si c’est un navire, ce ne peut être qu’un navire anglais ! »

Une demi-heure plus tard, les deux mâts d’un bâtiment apparaissaient au-dessus de l’horizon.

« L’Angleterre vient à nous ! dit le brigadier Murphy du ton d’un homme auquel les événements ont donné raison.

— Elle a reconnu le bruit de notre canon, répondit le major Oliphant.

— Pourvu que notre boulet n’ait pas atteint ce navire ! » murmura à part lui le caporal Pim.

Une demi-heure plus tard, la coque du bâtiment aperçu était parfaitement visible à l’horizon. Une longue traînée de fumée noire, s’étendant sur le ciel, indiquait que c’était un steamer. Bientôt, on put reconnaître une goëlette à vapeur, qui, tout dessus, s’approchait de l’îlot avec l’évidente intention d’y atterrir. Un pavillon flottait à sa corne, mais il était encore malaisé d’en distinguer la nationalité.

Murphy et Oliphant, la lunette aux yeux, ne perdaient pas la goëlette de vue et avaient hâte de saluer ses couleurs.

Mais, soudain, le deux lunettes s’abaissèrent, comme par un mouvement automatique et simultané des deux bras, et les officiers se regardèrent, stupéfaits, en disant :

« Le pavillon russe ! »

Et, en effet, l’étamine blanche, sur laquelle s’écartèle la croix bleue de Russie, flottait à la corne de la goëlette.




  1. Émerveillée du succès de la mer saharienne, créée par le capitaine Roudaire, et ne voulant pas être en reste avec la France, l’Angleterre fondait une mer australienne au centre de l’Australie.