Hôpital (Maeterlinck)


Serres chaudesPaul Lacomblez, Éditeur (p. 45-48).
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Hôpital

Hôpital ! hôpital au bord du canal !
Hôpital au mois de Juillet !
On y fait du feu dans la salle !
Tandis que les transatlantiques sifflent sur le canal !

(Oh ! n’approchez pas des fenêtres !)
Des émigrants traversent un palais !
Je vois un yacht sous la tempête !
Je vois des troupeaux sur tous les navires !


(Il vaut mieux que les fenêtres restent closes,
On est presque à l’abri du dehors.)
On a l’idée d’une serre sur la neige,
On croit célébrer des relevailles un jour d’orage,
On entrevoit des plantes éparses sur une couverture de laine,
Il y a un incendie un jour de soleil,
Et je traverse une forêt pleine de blessés.

Oh ! voici enfin le clair de lune !

Un jet d’eau s’élève au milieu de la salle !
Une troupe de petites filles entr’ouvre la porte !
J’entrevois des agneaux dans une île de prairies !
Et de belles plantes sur un glacier !
Et des lys dans un vestibule de marbre !
Il y a un festin dans une forêt vierge !
Et une végétation orientale dans une grotte de glace !

Écoutez ! on ouvre les écluses !

Et les transatlantiques agitent l’eau du canal !

Oh ! mais la sœur de charité attisant le feu !

Tous les beaux roseaux verts des berges sont en flamme !
Un bateau de blessés ballotte au clair de lune !
Toutes les filles du roi sont dans une barque sous l’orage !
Et les princesses vont mourir en un champ de ciguës !

Oh ! n’entrouvrez pas les fenêtres !
Écoutez : les transatlantiques sifflent encore à l’horizon !

On empoisonne quelqu’un dans un jardin !
Ils célèbrent une grande fête chez les ennemis !
Il y a des cerfs dans une ville assiégée !
Et une ménagerie au milieu des lys !
Il y a une végétation tropicale au fond d’une houillère !
Un troupeau de brebis traverse un pont de fer !

Et les agneaux de la prairie entrent tristement dans la salle !

Maintenant la sœur de charité allume les lampes,
Elle apporte le repas des malades,
Elle a clos les fenêtres sur le canal,
Et toutes les portes au clair de lune.