Hélas ! Lorsque le plomb des maladies

Mercure de France (p. 109-110).

XX


Hélas ! lorsque le plomb des maladies,

Avec mon sang torpide et lourd,
Avec mon sang de jour en jour
Plus torpide et plus lourd,
Coulait, parmi mes veines engourdies ;

Lorsque mes yeux, mes pauvres yeux,
Sur mes longues mains pâles
Suivaient, avec hargne, les empreintes fatales
Du mal insidieux ;

Lorsque ma peau séchait comme une écorce,
Que je n’avais plus même assez de force
Pour imprimer ma bouche en feu contre ton cœur,
Et baiser, là, notre bonheur ;


Lorsque les jours mornes et identiques

Rongeaient ma vie avec morosité,
Jamais je n’aurais pu trouver la volonté
Et la force de me dresser stoïque,

Si tu n’avais versé dans mon corps quotidien,
Avec tes mains patientes, douces, sereines,
À chaque heure des si longues semaines,
L’héroïsme secret qui coulait dans le tien.