Librairie polytechnique Ch. Beranger editeur (p. 51-102).


CHAPITRE PREMIER


La dorure sur cuir à la main, sur cuirs et sur tissus.

Considérations générales




Nous disions dans notre traité de l’art du relieur que la dorure à la main est la partie artistique par excellence de la reliure. Sous le rapport de l’art, elle peut rivaliser et même tenir la première place parmi les productions les plus délicates, du génie industriel. Elle peut aussi se renfermer dans les conditions modestes d’un simple enjolivement, tout en ne perdant pas de vue le sujet toujours délicat qui se nomme le livre, et sans lequel elle n’aurait pas sa raison d’être.

En effet, celui qui aspire à concourir par ses talents à l’ornementation de la couverture du livre relié ne peut, sous aucun prétexte s’affranchir de la pensée que la science qu’il se propose d’acquérir serait d’un emploi très problématique s’il avait la prétention de s’affranchir de l’essence du sujet sur lequel ses aptitudes seront appelées à s’exercer.

C’est un mauvais service à rendre aux jeunes gens ; à ceux qui débutent dans la carrière et ce pendant les premières années de leur apprentissage, années pendant lesquelles leur patience sera souvent soumise à de rudes épreuves, de faire miroiter à leurs yeux des chimères qui trop souvent ne peuvent se réaliser. Devenir artistes à force de patience et de travail, voilà à quoi, tous plus ou moins, nous avons le droit d’espérer, en réservant l’avenir. Attachons nous tout d’abord à devenir des ouvriers habiles, des artistes aptes à rendre des services en toutes circonstances. C’est à quoi l’enseignement que nous présentons aujourd’hui aux adeptes du livre tendra autant qu’il nous sera possible de le faire.

Le livre, qu’on le sache bien, peut se passer d’un habit luxueux ; que sont devenues nos belles reliures jansénistes ? sur lesquelles il n’y avait… rien, sauf pourtant quelques filets gaufrés cernant nervures et bordures puis, un titre doré ; un titre clair, net, précis, bien poussé et dont les caractères en rapport avec ceux ayant servi à l’impression du livre constituent alors un ensemble digne de figurer dans une bibliothèque d’élite.

On y reviendra !… ne fût-ce que pour ramener nos relieurs aux saines traditions ; à s’occuper avant tout de ce qui concerne l’ornementation de la couverture du livre relié, du titre du livre qu’ils semblent considérer pour la plupart comme un accessoire plus ou moins négligeable et l’on a vu dans les récentes expositions des ouvrages chargés et surchargés d’ornements de tous genres, mais dont les titres détonnaient abominablement avec le reste ; ils étaient même parfois, poussés de travers !

Ne négligeons pas, cette partie essentielle de notre art, sachons avant toutes choses, au moins après les premiers éléments du métier, composer, agencer et pousser correctement un titre. La plupart des élèves sortant de nos écoles professionnelles ne sont que trop en retard sous ce rapport, et néanmoins c’est la première chose, le premier service qu’on réclamera d’eux à leur entrée dans un atelier quelconque.

À première vue, le travail du doreur sur cuir paraît très simple, et on ne se douterait jamais, en voyant travailler certains ouvriers, des difficultés sans nombre qu’il a fallu surmonter, et qu’ils surmontent chaqne jour pour arriver à un résultat satisfaisant.

Il faut pour cela des soins constants, une connaissance approfondie des qualités de la peau et des divers tissus, une étude patiente des effets de la chaleur dans l’application des fers à dorer, effets qui varient à l’infini selon les nuances et le genre de peaux, la température des places où on opère et le degré de fraîcheur ou de sécheresse des mordants employés.

La dorure sur cuirs et sur tissus, consiste en trois opérations distinctes ; la préparation des peaux et des tissus, la couchure de l’or et l’application des poinçons ou types gravés que l’on désigne sous le nom de fers à dorer. Disons que le fer à dorer dont la forme normale se présente à la vue sous l’aspect d’un gros clou, se compose d’une tige en bronze de 8 à 1o centimètres de long, terminée en pointe. Le haut, ou surface de la tige porte un sujet ou fragment de sujet quelconque, gravé par un spécialiste. La pointe de la tige est enfoncée dans un manche à poignée en bois et ce afin qu’il soit possible de chauffer le fer et de l’empreindre sur le cuir et à la chaleur voulue.

La préparation des peaux et des tissus, ainsi que la couchure peuvent se pratiquer par des aides, mais il est de la plus haute importance de pouvoir les pratiquer soi-même afin de mieux se rendre compte des besoins du travail et d’être maître du terrain parfois si fragile sur lequel on opère.

1° PRÉPARATION DES PEAUX ET DES DIVERS TISSUS


La plupart des peaux et tissus nécessitent des préparations qui leur sont particulières, la réussite de la dorure dépend de l’a propos et des soins que l’on apporte dans leur application. Quand une dorure ne va pas, c’est là que réside le mal et non pas dans la qualité des matières sur lesquelles on opère, qui toujours peuvent se modifier par des soins intelligents ; il y a certes, des mesures à prendre contre des peaux rebelles, mais il est facile de s’en rendre compte à l’avance et de prendre à leur égard les précautions nécessaires. À certaines peaux il est assez indifférent que la préparation sèche plus ou moins, tandis que d’autres ont besoin d’être très fraîches. C’est pour cela que le doreur doit pouvoir préparer ces peaux lui-même, afin que dans le cours de celle-ci il puisse se rendre compte de l’état dans lequel elles se présentent.

Certains doreurs ont la déplorable habitude d’employer des acides parfois corrosifs, pour modifier un état de choses qui leur paraît contraire à la réussite de leur travail : ils emploient l’urine, l’ammoniaque, l’eau-forte, etc., etc. Nous ne pouvons que réprouver formellement ces déplorables systèmes, qui sont non seulement contraires aux peaux et altèrent leur nuances, mais qui de plus ont l’inconvénient d’altérer l’éclat des dorures. La dorure sur cuir, etc. se fait comme la dorure sur tranches avec de l’or en feuilles, cet or étant parfois allié à des métaux dont l’oxydation est très rapide, fait que les dorures exécutées à l’aide de semblables préparations se ternissent et s’altèrent au bout de quelque temps ; de plus, les peaux se corrodent et durcissent au point de devenir cassantes et perdent rapidement leur fraîcheur. Et qu’on ne vienne pas dire : Nous en mettons peu, si peu, qu’il suffit de quelques gouttes dans un verre d’eau ; nous répondrons à cela : Vous employez l’urine pure, et si vous ne mettez que quelques gouttes d’eau-forte, etc., dans un verre d’eau, c’est que vous craignez une altération immédiate des nuances, vous chargez l’eau jusqu’à la dernière limite pour en obtenir une aide efficace et vous tirer d’un embarras fictif que la plupart du temps vous avez créé vous-mêmes ; la nuance de la peau ne change pas tout de suite, mais après ?

Il faut s’en tenir aux moyens simples et inoffensifs et vaincre la résistance[1] de certaines peaux à force de soins, de propreté et d’à-propos, dans les applications de la couche. Il faut s’abstenir de l’attouchement des mains, certaines natures encrassent les peaux par de simples attouchements qu’il faut éviter par tous les moyens possibles ; si l’on craignait un oubli momentané, des lavages répétés au vinaigre de vin en auraient raison ; une longue expérience nous a montré qu’il n’y a rien en dehors de l’albumine d’œuf (le plus frais est le meilleur), de la colle de pâte d’amidon de 1re qualité et de gélatine pour les peaux et certaines toiles ; quant aux velours et aux soies de toutes sortes, les deux poudres de Lepage réalisent tout ce que l’on peut désirer.

L’albumine d’œuf est la base fondamentale de la dorure sur cuir et sur toiles. Nous disions que le plus frais est le meilleur, un vieux préjugé préconise le contraire. Certains doreurs de l’ancienne école laissent vieillir le blanc d’œuf, disons même pourrir, puisqu’ils ne s’en servent que lorsqu’il est arrivé à un état de putréfaction très avancé ; la dorure n’en est ni plus belle, ni plus sûre, nous l’avons expérimenté dans notre jeunesse, et nous nous en sommes servi pendant plusieurs années. Nous savons surtout combien nous avons souffert de son voisinage et de son contact nauséabond ; on le laissait vieillir pour l’avoir plus limpide, ce qui n’était pas toujours vrai.

Voici un moyen des plus simples pour le clarifier immédiatement.

On prend un ou plusieurs œufs bien frais dont on extrait le blanc avec le plus grand soin, c’est-à-dire en évitant qu’il s’y mêle la moindre parcelle de jaune sous peine d’altérer le blanc d’œuf, de lui enlever ses qualités et de ne pouvoir l’utiliser. On place ce blanc dans un verre, puis on y ajoute environ un huitième de vinaigre rouge de bonne qualité (quatre ou cinq gouttes suffisent par blanc d’œuf si l’on désire une couche très concentrée). On mélange par un léger battage à l’aide d’un bâtonnet, manche de porte-plume, etc. On laisse reposer pendant une heure, deux si l’on veut. Il s’est alors formé à la surface une couche plus ou moins épaisse de glaires ou matières inertes que l’on jette après avoir décanté le liquide ou, plus sûrement, après l’avoir passé à travers un linge ajouré ou petit canevas.

Le blanc d’œuf obtenu dans ces conditions est ce qu’il y a de meilleur (nous l’éprouvons encore tous les jours), de plus propre et de plus efficace pour la dorure, pour la préparation du veau, du vélin, du cuir de Russie, du maroquin à grains longs dit genre anglais, de la basane glacée ou maroquinée et, en général, pour le glairage au pinceau de tout ornement tracé sur le maroquin et le chagrin. On y ajoute une certaine quantité de vinaigre quand il s’agit de préparer le maroquin, le chagrin ou le mouton chagriné ainsi que les toiles françaises et anglaises. Cette préparation se conserve pendant un mois et plus en hiver et quinze jours au moins en été sans la moindre altération.

L’application du blanc d’œuf ou glairage se fait soit à l’aide d’une éponge fine et douce qu’il faut au préalable assouplir à l’eau fraîche, soit à l’aide d’un pinceau en cheveux s’il s’agit d’une surface restreinte.

L’encollage d’un certain genre de peaux — telles que le veau, les basanes mates et, en général, les peaux trop poreuses — est indispensable afin qu’il soit permis de leur appliquer la, ou les couches de blanc d’œuf nécessaires à la dorure. On ne doit pas (cela est même nuisible) encoller les peaux sur lesquelles on désire appliquer les gaufrures ; il suffit dans ce cas de les humecter à l’eau fraîche à laquelle on peut ajouter du vinaigre, et ce, au moment d’empreindre filets ou ornements.

Si le sujet comporte également l’empreinte de filets, caractères et ornements dorés, il est toujours loisible d’appliquer, aux endroits destinés à recevoir les dorures, les préparations nécessaires.

Les colles d’amidon ou de farine, préparées selon les formules, en usage, conviennent seules pour la préparation des peaux pour la dorure. Mais il faut avoir soin de les passer, étant refroidies, à travers un tamis ou, ce qui est préférable, de les tordre à travers une toile à grosses mailles pour en détruire caillaux et grumeaux et en obtenir une pâte onctueuse, facile à étendre au moyen d’une éponge fine et douce.

Ayant, par ce qui précède, clairement défini les matières propres à la dorure ainsi que leur préparation, voici comment il convient de les appliquer en vue des besoins de la cause :

Préparation du maroquin du Levant et du maroquin chagrin (peau de chèvre). — Étant donné qu’il s’agit de dorures soignées ou artistiques, le praticien trace tout d’abord au fer à peine chauffé toutes les parties du dessin. Il rafraîchit ensuite au moyen d’un pinceau en cheveux ou à l’aide d’une éponge fine et douce, trempés dans du vinaigre de bonne qualité, les parties à dorer immédiatement, ou en un certain temps donné. Puis, avec un pinceau plus petit, il emplit de blanc d’œuf additionné d’un quart de vinaigre environ, les parties tracées. Une seule couche suffit si les pores de la peau n’ont pas absorbé complètement le liquide, et on laisse sécher à peu près à fond. La seconde couche, s’il y a lieu, doit être appliquée plus légèrement, c’est-à-dire avec moins de liquide.

On ne doit pas, quand il s’agit de dorures compliquées (celles dont les empreintes de fers à dorer se touchent, s’entre-croisent), laisser sécher à fond les préparations. Le moment propice à appliquer l’or, de façon que la couchure résiste plus longtemps aux empreintes répétées, est l’état de moiteur résultant d’une préparation à peine séchée. Alors, l’ouvrier prend de l’ouate fine ; il en forme une petite pelote serrée en forme de poire minuscule dont il roule la pointe entre ses doigts après l’avoir légèrement humectée. Ladite pelote lui sert à huiler très légèrement les places destinées à être pourvues d’or en feuilles qu’il applique et fixe au moyen d’un gros tampon ou pelote d’ouate. Il a soin de bien appuyer afin que l’or soit bien identifié avec les grains de la peau et le creux des ornements tracés.

Préparation du maroquin chagrin et du mouton chagriné. — Le préparateur, après avoir lavé et rafraîchi les peaux au vinaigre au moyen d’une éponge fine et douce, prend du blanc d’œuf additionné d’un quart de vinaigre pour les peaux poreuses : ce dont il a pu s’assurer en les rafraîchissant. Puis avec une éponge semblable dont il pince l’une des extrémités avec les doigts de la main droite, afin de pouvoir exprimer le surplus du blanc d’œuf dont il a imprégné la moitié de l’éponge restée libre, il en applique une bonne couche au moyen de passes successives afin de faire pénétrer le liquide au fond des grains et même dans les pores de la peau et il laisse sécher à peu près à fond. Pendant ce temps, le préparateur se sert de la main gauche pour maintenir le volume qu’il penche de côté et d’autre afin de faciliter l’opération.

On peut, pour certains genres de peaux, employer du blanc d’œuf mélangé par moitié au vinaigre. Une seule couche suffit pour les peaux peu poreuses et à nuances tendres. On peut appliquer une seconde couche sur les autres, de couleur brune ou noire, plus ou moins éprouvées par la teinture, etc.

Il importe, pour le maroquin et le chagrin, d’employer le blanc d’œuf avec une certaine réserve ; quoique indispensable à la dorure, en mettre trop serait salir la peau qui prend un ton gris, malpropre, difficile à enlever sans altérer les dorures. Il vaut mieux se rendre compte et n’employer que la quantité strictement nécessaire à la bonne réussite du travail et, par là, conserver à la peau toute sa fraîcheur.

L’emploi de la colle de pâte, quoique fortement étendue d’eau (l’eau de colle), préconisé par certains praticiens pour l’encollage du maroquin chagrin et mouton chagriné, n’a passa raison d’être en vue de préparer ces peaux pour la dorure : le maroquinier y a largement pourvu pour asseoir les teintures y appliquées ; il en est de même des basanes glacées ou lustrées au moyen de la dextrine, etc.

Nous n’avons, dans notre carrière déjà longue, jamais éprouvé le besoin de nous en servir, nous bornant aux précautions indiquées ci-dessus qui nous permettaient de passer des journées entières sans reprendre un seul fer, sinon pour accentuer le brillant et la vigueur des dorures.

La colle, même très largement étendue d’eau, encrasse les grains ou peaux que nous venons de citer ; elle donne aux nuances des tons gris qui s’accentuent encore avec le temps, un aspect malpropre ; elle est sans avantages appréciables pour la réussite de la dorure à la main et surtout au balancier.

La préparation du veau et des basanes mates, en général, exige, avant de les glairer au blanc d’œuf, deux couches de colle de pâte ; celle d’amidon est de beaucoup préférable. On applique ces couches à l’aide d’une éponge fine et douce en ayant soin de bien faire pénétrer la première dans l’épiderme ou pores de la peau. On laisse sécher à fond, puis on passe la seconde couche plus légèrement afin d’éviter de détremper la première. L’encollage étant parfaitement sec, on applique successivement sur la peau de veau trois couches de blanc d’œuf pur ou concentré en ayant soin de bien laisser sécher chacune d’elles et d’éviter autant qu’il est possible de passer plusieurs fois à la même place, ce qui détremperait les couches précédentes et provoquerait des ombres ou taches. Deux couches de blanc d’œuf suffisent sur les basanes.

Les Basanes glacées, quadrillées ou maroquinées n’exigent qu’une seule couche de blanc d’œuf pur. La colle est inutile à ce genre de peaux déjà encollées par le fabricant et qui leur donne du brillant à l’aide de la dextrine déjà très favorable à la dorure. Il en est de même des chèvres maroquinées ou maroquin glacé à grains longs, la peau par excellence pour l’application des dorures délicates et les pièces de titres ou étiquettes que l’on place sur les reliures en veau soignées.

Les Toiles françaises ou anglaises, en ce qui concerne la dorure à l’or fin, se préparent au blanc d’œuf additionné plus ou moins de vinaigre. On se sert de la gélatine tiède et bien liquide pour les dorures à l’or faux au balancier ; il convient de l’appliquer avec légèreté au moyen d’une éponge fine et très rapidement afin de ne pas altérer la toile.

Préparation du papier pour la dorure à l’or faux au balancier. — Bien qu’il se fabrique couramment des papiers dont l’apprêt est très propice à la dorure, nous espérons être utile en indiquant la préparation suivante que l’on peut appliquer sur les papiers chagrinés et maroquinés. Faire dissoudre à froid, dans un demi-litre d’alcool bon goût ou esprit-de-vin, 100 grammes de gomme laque ; il faut avoir soin de remuer fréquemment si l’on désire une dissolution rapide. On obtient ainsi une espèce de vernis dont le plus ou moins de densité dépend de la qualité des produits employés, ce dont on peut se rendre compte en l’appliquant au moyen d’une éponge fine et plus encore par le résultat que l’on obtient par rapport à la netteté ou à la bonne adhérence des empreintes dorées.

Dorure à la poudre. — Les préparations liquides altèrent plus ou moins certaines peaux, toiles, etc. Il est des tissus sur lesquels il n’est pas possible de les appliquer. On se sert alors de poudres fabriquées exprès et que l’on trouve dans le commerce à de meilleures conditions de prix et qualités que si on les fabriquait soi-même. On se sert d’une houppe ou d’une pincée de ouate fine pour saupoudrer le cuir, la soie, le satin, le papier et la toile sur lesquels on désire empreindre un ornement quelconque. Il en est autrement du velours sur lequel on ne peut appliquer la poudre par le frottement, mais en la faisant tomber sur le sujet à travers un tamis. On peut fabriquer ce tamis soi-même, au moyen d’un tube ou boîte cylindrique en métal dont on garnit l’orifice avec un canevas ou toile à tamiser (Voir Dorure de la soie et du velours).



COUCHURE, OU APPLICATION DE L’OR EN FEUILLES


L’application de l’or en feuilles, aux places indiquées pour la dorure à la main ou au balancier, exige de la part de l’opérateur beaucoup de soins et de propreté. La place qu’il occupe doit être à l’abri des courants d’air ou des allées et venues qui pourraient entraver son travail et occasionner des pertes parfois assez sérieuses. L’outillage se compose :

1° D’un coussin à couper l’or ; il est assez semblable à celui du doreur sur tranches mais un peu moins grand, 30 centimètres sur 20 sont suffisants ; ce coussin se


Fig. 13. — Coussin à or.
Fig. 13. — Coussin à or.
Fig. 13. — Coussin à or.


monte habituellement sur une petite caisse plate dans laquelle on ménage la place d’un tiroir servante placer l’or et les divers ustensiles du coucheur (fig. 13);


Fig. 14. — Couteau pour couper l’or.
Fig. 14. — Couteau pour couper l’or.
Fig. 14. — Couteau pour couper l’or.


2° Un couteau à couper l’or, le même que celui employé par le doreur sur tranches, de même qu’un petit compas en cuivre et quelques bandes de carte buvard (fig. 14) ;


Fig. 15. — Huilier en zinc.
Fig. 15. — Huilier en zinc.
Fig. 15. — Huilier en zinc.


3° Un huilier (fig. 15) ou boîte en zinc, dont un côté plus élevé renferme un godet contenant de l’huile d’amandes douces ; on remplace souvent l’huilier par un petit flacon en verre à goulot à entonnoir avec bouchon


Fig. 16. — Huilier.
Fig. 16. — Huilier.
Fig. 16. — Huilier.


d’émeri (fig 16) plongeant dans l’intérieur et jusqu’au fond du flacon, ce qui est très commode et beaucoup plus propre à l’usage que l’éponge habituellement affectée à l’huilier pour étendre l’huile sur le tampon ;


Fig. 17. — Couchoir.
Fig. 17. — Couchoir.
Fig. 17. — Couchoir.


4° Un couchoir (fig. 17), petite plaque en bois de 15 à 20 millimètres de large sur 10 à 12 centimètres de long, la partie inférieure est garnie de drap noir très fin coupé à vif. Au milieu de la partie supérieure est attachée une tige très courte qui permet de maintenir le couchoir entre le pouce et l’index ;

5° De billots cubiques accouplés deux par deux, rattachés par deux tringles en queue d’aronde, permettant de les écarter ou de les rapprocher à volonté ; ils servent à placer le volume entre les deux en étalant les


Fig. 18. — billots cubiques, rattachés au moyen de coulisseaux.
Fig. 18. — billots cubiques, rattachés au moyen de coulisseaux.
Fig. 18. — billots cubiques, rattachés au moyen de coulisseaux.


cartons de la couverture sur la surface, afin de permettre de coucher les deux plats, à la fois ; ils servent autant à la dorure qu’à la couchure des plats qu’il serait très difficile de dorer sans le secours de ces outils de première nécessité. Il est bon d’en avoir de plusieurs formats, il faut aussi de l’ouate fine pour en fabriquer des pelotes servant à huiler légèrement les peaux pour la couchure et, d’autre part, des tampons pour appuyer l’or et le faire adhérer convenablement : puis des linges fins et du suif pour la couchure des veaux blancs ou fauves.

L’ouvrier ayant devant lui, sur la table, le volume ou objet quelconque préparé pour la dorure, sur lequel il est appelé à opérer, il place le coussin à sa gauche, prend un livret d’or qu’il pose ouvert par-dessus. Alors, avec la main droite armée du couteau, il en frappe un petit coup à plat sur le coussin à fleur du livret, à seule fin de faire lever un coin de la feuille d’or qui permette de passer la lame du couteau par-dessous, puis de la retirer du livret pour la poser sur le coussin en soufflant légèrement par-dessus pour l’étendre bien à plat.

Pour débiter l’or aux dimensions voulues, l’ouvrier dont le coup d’œil n’est pas suffisamment exercé, se sert d’un petit compas avec lequel il marque légèrement sur le coussin à fleur de la feuille d’or la place convenable. Alors, avec le couteau qu’il tient entre le médius replié et le pouce de la main droite, tout en allongeant l’index par-dessus, il pose le tranchant de la lame sur toute la longueur de la feuille à la place marquée et, tout en appuyant légèrement, il opère la section par un seul mouvement de va-et-vient.

Il importe d’appuyer le moins possible, eu égard aux besoins de la cause, afin de ne pas s’exposer à couper le cuir du coussin qu’il faut avoir soin de blanchir souvent à la craie. D’autre part, s’il n’est pas nécessaire que la lame soit très affilée, il importe que le tranchant soit net et convenablement adouci.

La feuille étant coupée en long, il s’agit de la débiter en large ; pour cela, il est loisible, ou de faire pivoter le coussin, ou de cambrer la main afin d’opérer la section en travers.

Transporter l’or en feuilles et le fixer à la place voulue est une opération délicate. L’application de l’huile servant à le faire adhérer pendant l’empreinte des fers de tous genres, doit être faite avec ménagement, afin de ne pas tacher les cuirs, etc., de ne pas altérer l’or et de ne pas être un obstacle à la réussite du travail ; ce qui arrive quand on l’applique avec excès et surtout avec de l’huile de mauvaise qualité.

Les débutants ont tout intérêt à ne procéder que par fractions, plus ou moins restreintes selon le cas. Les morceaux de 2 à 4 centimètres carrés se transportent et se placent avec facilité les uns à la suite des autres ; il n’en est pas de même d’une bande ayant trois à quatre fois cette dimension. Il serait impossible à un commençant de placer un quartier de feuille ou celle-ci à un endroit déterminé sans se servir d’un intermédiaire qui lui facilite l’opération : c’est pour cela qu’on se sert du couchoir pour la couchure en bandes ou des filets ou d’une bande de carte buvard avec laquelle après l’avoir quelque peu graissée en la passant sur le front à la naissance des cheveux, on prend le morceau d’or sur le coussin pour le transporter et le déposer aux endroits préalablement huilés.

Cette méthode, quoique souvent employée, n’en est pas moins préjudiciable à l’or que l’on froisse plus ou moins. Elle nécessite l’emploi des deux mains, ce qui n’est pas sans ralentir tant soit peu l’opération. Nous préférons la méthode suivante, celle qui nous a rendu le plus de services ; elle permet de conserver dans la main le couteau et le tampon de ouate pendant toute la durée des opérations.

Nous avons décrit la manière de couper l’or, de même que la confection et l’usage des deux pelotes d’ouate. L’ouvrier, après avoir saturé d’un peu d’huile la place sur laquelle il veut placer l’or, humecte très légèrement le bout de l’index de la main gauche avec lequel il touche le coin inférieur du morceau d’or afin de l’y faire adhérer. Puis il le soulève, tout en passant par-dessous la lame du couteau qu’il tient avec la main droite, et il le transporte ainsi au-dessus de la place indiquée. Il retire alors la lame par un petit mouvement de côté, laissant fléchir l’or que l’huile happe aussitôt en le détachant du doigt auquel il n’adhérait que très faiblement. Il tamponne alors par-dessus au moyen du tampon d’ouate dont il tient la tige entre l’index et le médius de la main droite, pendant que le couteau reste maintenu entre le pouce et l’index.

Les conditions essentielles d’une bonne couchure sont : d’éviter de tacher les peaux ou les toiles sur lesquelles on applique l’or ; il faut sur tout le faire adhérer de façon qu’il n’y ait non seulement ni cassures ni soufflures d’aucune sorte, mais qu’à l’aide d’un tampon on le fasse tellement coller à la peau, que le doreur ait la faculté de placer les fers les uns contre les autres, et de les enchevêtrer les uns dans les autres, sans que les parties d’or avoisinantes se soulèvent, et deviennent par là une impossibilité à la réussite de la dorure.

Un fer si bien poussé qu’il puisse l’être ne tient jamais, ou tient très mal s’il est appliqué sur une couchure qui se soulève. Pour ce motif, il faut que le coucheur se rende parfaitement compte du moment propice pour opérer la couchure. Celle-ci doit être faite à propos sur une préparation, qui, tout en étant assez sèche, pour qu’on puisse enlever avec facilité les parties non touchées par la dorure, ne peut être assez desséchée pour que l’or ne soit pas fixé par l’huile seule, qui par elle-même est impuissante à le retenir pendant les opérations, parfois assez multiples et partant plus ou moins prolongées de l’application des ornements. Une bonne couchure maintient l’or non seulement pendant quelque temps, mais doit pouvoir résister à la pression et à la chaleur des fers à dorer.

Si quelque cassure venait à se produire dans l’or, il faudrait doubler la partie brisée ; on peut pour cela tamponner un peu d’huile à cette place avant de replacer de l’or par-dessus, mais il faut en mettre très peu. L’huile non seulement n’est pas un mordant pour faire tenir la dorure, mais, s’il y a excès, non seulement elle tache les peaux ou les tissus, mais elle devient un antidote parfois assez redoutable. C’est pour cela qu’on emploie de préférence l’huile d’amendes douces, qui est de tous les corps gras celui qui se volatilise le plus aisément, laissant à l’or tout son éclat, ce qui n’a pas lieu si on emploie des huiles qui poissent et encrassent les peaux. C’est également pour ce motif que l’on n’emploie jamais le suif pour la couchure de l’or sur le maroquin ou sur des peaux chagrinées afin de ne pas encrasser surtout le fond des grains, qui ne pourraient plus se décrasser sans ternir la dorure ou abîmer les peaux.

On se sert généralement du suif pour les veaux et basanes blanches, fauves ou de nuances très claires. Ces peaux étant unies permettent d’enlever le suif avec facilité après la dorure. On applique le suif à l’aide d’un linge très fin, on n’en met que le strict nécessaire pour faire adhérer l’or. On se sert de la poudre blanche de Lepaze pour dorer les armoiries ou monogrammes sur le veau mat.



OUTILLAGE DU DOREUR À LA MAIN


Cet outillage, qu’il convient de classer en deux catégories, comprend, pour la première, les accessoires de tous genres dont nous allons décrire la forme de même que l’usage.

La seconde comprend : les fers à dorer ou gravures de toutes formes et de tous genres, ainsi que les caractères, composteurs, etc.

Et d’abord : une table massive et bien fixée, afin que l’opérateur ait une assise solide, tablette en chêne ou hêtre bien uni ; un tiroir d’un côté pour serrer certains outils, de l’autre côté un tiroir contenant une caissette soigneusement calfeutrée et surmontée d’un grillage fin, constitue la cloche destinée à recevoir les déchets d’or :

Ensuite :

Un fourneau à dorer, que l’on place à l’arrière-plan de la table, à la droite de l’opérateur. On se sert de préférence d’un fourneau à gaz, le plus pratique et le plus économique. On peut aussi se servir d’un réchaud à

Fig. 19. — Fourneau à gaz.
Fig. 19. — Fourneau à gaz.
Fig. 19. — Fourneau à gaz.


l’essence, d’un fourneau de cuisine et même, comme le faisaient nos pères, d’un fourneau à charbon de bois :


Fig. 20. — Fourneau de doreur à l’essence.
Fig. 20. — Fourneau de doreur à l’essence.
Fig. 20. — Fourneau de doreur à l’essence.


Dieu nous garde d’y revenir. Il est néanmoins nécessaire que ce fourneau ou réchaud soit muni d’une tringle dentelée, afin que les fers que l’on présente au feu ne se cognent les uns aux autres, ce qui les abîmerait rapidement. On le place sur un marbre afin de préserver la tablette de la table et, comme accessoire, un petit vase de forme allongée, soit en zinc ou en faïence, que l’on emplit d’eau propre et dans lequel on place une éponge sur laquelle on appuie le fer chaud pour le ramener à la température voulue. On le place à côté ou sous le fourneau, sur le marbre, à portée de la main.

Une petite presse, indispensable pour serrer les volumes, ayant une certaine épaisseur et dans tous les cas pour faciliter la dorure du dos (fig. 22).


Fig. 21.
Fig. 21.
Fig. 21.


Un petit billot armé de deux chevilles en fer, correspondant aux trous de même calibre percés ad hoc dans

Fig. 22. — Petite presse à dorer, vue des deux faces.
Fig. 22. — Petite presse à dorer, vue des deux faces.
Fig. 22. — Petite presse à dorer, vue des deux faces.


la tablette de la table, à proximité du fourneau ; il sert d’appui pour dorer le dos des volumes qui ne nécessitent pas l’emploi de la presse (fig. 23).

Un billot ou paire de billots cubiques, rattachés par des coulisseaux ; ils servent à dorer les plats des volumes (déjà figuré).

Un billot servant à dorer les bordures ou filets entourant les gardes du livre ; sa forme particulière permet de placer en bonne posture le plat intérieur de la couverture en vue de faciliter le travail.


Fig. 23.
Fig. 23.
Fig. 23.


Un coussin plat recouvert en veau tourné du côté de chair qu’il faut poncer avec soin. Il sert à étaler les feuilles d’or et à les couper en bandes ou carrés selon les besoins de la cause (déjà figuré).


Fig. 24. — Billot à dorer les bordures intérieures.
Fig. 24. — Billot à dorer les bordures intérieures.
Fig. 24. — Billot à dorer les bordures intérieures.


Un couteau à couper l’or dont le tranchant, très droit, ne doit pas être trop affilé et ce, afin de ne pas endommager la peau du coussin. Il suffit d’un tranchant adouci pour couper l’or en feuilles (déjà figuré).


Fig. 25. — Traçoir.
Fig. 25. — Traçoir.
Fig. 25. — Traçoir.


Un traçoir ou lame non tranchante, dont la pointe surtout doit être émoussée, que l’on chauffe légèrement afin de marquer les traits droits servant de guides pour l’empreinte des roulettes ou filets.

Un couchoir en buis ; le plat est garni de drap fin ; il sert à prendre sur le coussin l’or coupé en bandes et à le transporter, à le coucher aux endroits voulus (déjà figuré).

Un huilier avec tiroir en zinc ; on peut se servir également d’un flacon à produits chimiques dont le bouchon en verre plonge dans l’huile contenue dans le flacon (déjà figuré).


Fig. 26. — Compas à ressort.
Fig. 26. — Compas à ressort.
Fig. 26. — Compas à ressort.


Un compas à ressort et à vis en fer.

Un fer à polir en acier, l’acier est préférable au fer ; afin d’obtenir un beau brillant, il faut entretenirle poli de l’acier en le frottant sur du papier émeri très fin ; et encore, une règle plate en bois et une petite équerre aussi en bois.


Fig. 27. — Fer à polir.
Fig. 27. — Fer à polir.
Fig. 27. — Fer à polir.


L’outillage usuel comporte encore divers accessoires tels que : l’ouate pour tamponner l’or, etc. ; un chiffon en drap fin pour essuyer les résidus d’or que l’on n’a pu faire tomber dans la cloche au moyen d’une brosse douce ou d’une patte de lièvre ; un morceau de gomme naturelle dont on se sert pour enlever les résidus d’or ayant résisté à l’action du chiffon en drap, puis une série de planchettes cintrées (voir page 72) propres au polissage et à la dorure d’inscriptions sur plats de livres.

Voilà pour la première catégorie. La seconde comprend :

1° Une série de palettes à filets en acier de diverses épaisseurs, servant à la gaufrure ;

2° Une série de palettes en bronze à filets simples, doubles, triples et quadruples, de diverses épaisseurs et agencements, servant à la dorure ;


Fig. 28. — Palette à dorer.
Fig. 28. — Palette à dorer.
Fig. 28. — Palette à dorer.


3° Une série de palettes ornées d’arabesques ou ornements de tous genres gravés sur bronze, les uns très étroits ne comportant qu’une rangée de perles plus ou moins fines, d’autres plus larges, selon les dessins à reproduire ;


Fig. 29. — Roulette à filets.
Fig. 29. — Roulette à filets.
Fig. 29. — Roulette à filets.


4° Une série de roulettes à filets de diverses épaisseurs ou accouplés par deux, trois, etc. Leur diamètre est de 8 à 10 centimètres environ. Elles sont pourvues d’une solution de continuité taillée en onglets et ce, afin qu’il soit possible de raccorder nettement les angles des plats que l’on entoure de filets ;

5° Une série de roulettes ornées d’arabesques de largeurs et formes différentes, telles celles gravées sur les palettes que nous avons citées ci-dessus ;

6° Divers jeux de filets droits à 1, 2, 3 filets ou plus, selon les besoins. Leurs dimensions graduées et leurs extrémités taillées en onglets permettent à l’opérateur d’encadrer avec précision les compartiments ou entre-nerfs au dos du volume. On s’en sert indifféremment pour la dorure et la gaufrure ;

7° Divers jeux de filets courbes en diverses épaisseurs ; ils servent à raccorder certains ornements ou à former des dessins à filets entrelacés ;

8° Divers jeux de coins et milieux servant à enjoliver des compartiments de dos encadrés par des filets ;


Fig. 30. — La forme du fer à dorer.
Fig. 30. — La forme du fer à dorer.
Fig. 30. — La forme du fer à dorer.


9° Des collections de fers et petits fers de genres ou styles divers, dentelles, etc., pour la dorure des dos et plats du volume ;

10° Des alphabets de dimensions et genres divers, gravés sur tiges pour la dorure à la main d’inscriptions sur des plats de volumes. Il en est que l’on a établis de telle sorte qu’il soit possible de les enlacer pour former des monogrammes, etc.

Tous ces fers, gravés sur tiges limées en pointe, doivent être emmanchés dans des poignées en bois afin qu’il soit possible de les faire chauffer et de les empreindre à la main.

On les place, en les classant par genres et par séries, dans des armoires vitrées ou à panneaux pleins. Les crémaillères dont les étagères sont pourvues, marquent la place de chacun d’eux, ce qui permet de mettre immédiatement la main sur celui ou ceux que l’on a besoin.

L’outillage se complète par une série de caractères de divers formats, il en faut au moins sept du même genre pour être bien assorti, et pouvoir traiter convenablement les titres des divers formats et épaisseurs de volumes ; ces caractères sont uniquement formés de capitales, semblables à celles que les imprimeurs emploient pour imprimer les titres, mais beaucoup moins grands ; attendu qu’ils doivent se renfermer dans des espaces beaucoup plus restreints. Les polices de ces caractères sont établies de telle sorte qu’elles permettent de composer plusieurs lignes de titre ; chacun se complète d’une série de chiffres, etc. On compose les lignes[2] de titres dans des composteurs en cuivre.


Fig. 31. — Composteur.
Fig. 31. — Composteur.
Fig. 31. — Composteur.


La petite vis à oreilles permet de serrer les lignes au moyen de cadrats, qui servent aussi à séparer ou à espacer les lignes, on place dans chaque composteur, une, deux, et parfois trois lignes. Plus ces lignes s’écartent du centre de gravité, plus il y a difficulté à les placer bien droites sur le dos des volumes ; il est bon de ne placer que deux lignes au plus dans un composteur, et une seule quand il s’agit d’un travail précieux.

On range les caractères dans des cases en chêne, garnies de tringlettes entre lesquelles on place les lettres debout, les mêmes lettres se placent dans la même casse, c’est-à-dire que l’on place d’abord les cinq ou six A dont se compose le caractère, puis on fixe une séparation entre les A et les B et ainsi de suite ; au bas de la casse, on ménage des cassetins pour les cadrats, cadratins et espaces, ces dernières sont de trois épaisseurs différentes.

Pour composer les mots, on tient le composteur avec la main gauche, en plaçant le côté de la vis à droite, et on aligne les caractères de gauche à droite, qui se présentent ainsi à l’envers. C’est aussi dans ce sens qu’il faut les placer dans les casses, et le moyen le plus simple pour composer les titres avec rapidité. Chaque mot se sépare au moyen de petits cadratins, avant à peu près le même corps que les lettres moyennes. Si la ligne est un peu courte proportionnellement à l’épaisseur du volume, on espace chaque lettre, par des espaces fines ou fortes selon les cas ; il faut autant que possible espacer un peu les lettres, qui alors se détachent et se lisent beaucoup mieux.

On choisit ordinairement le type romain, le caractère le plus employé pour les impressions des livres modernes. Il faut pourtant s’abstenir de les appliquer sur des livres imprimés en caractères elzéviriens ; il faut pour ceux-ci des types en rapport avec ceux du livre. Rien n’est plus faux comme de voir des caractères romains sur des elzévirs et vice versa. Deux assortiments sont donc indispensables à ceux qui veulent traiter les titres d’une façon convenable.

D’après la description que nous venons de faire de l’outillage du doreur à la main, on est porté à croire que celui-ci est le tributaire du graveur qui met ainsi à sa disposition tous les éléments dont se compose son art, et que son travail ne consiste qu’à appliquer le


Fig. 32. — Exemples d’agencement et de composition de titres.
Fig. 32. — Exemples d’agencement et de composition de titres.
Fig. 32. — Exemples d’agencement et de composition de titres.


mieux possible les ornements qu’il trouve tout faits. C’est là une erreur et si, pour les travaux courants, cette donnée a quelque apparence de vérité, il n’en est pas ainsi dès qu’il s’agit d’un travail sortant de l’élément commercial proprement dit et même quand il s’agit de ceux-ci ; dès les premiers pas se présente le point capital : le titre. Les caractères sont là en divers formats et en types variés. Le titre du livre, indique parfaitement le contenu de l’ouvrage avec certaines amplifications parfaitement à leur place sur un feuillet du livre. Mais comment le résumer d’une façon claire et précise et surtout le présenter sous une forme convenable en distribuant les lignes dans le cadre parfois très restreint dans lequel il doit se renfermer. On sent parfaitement qu’il faut autre chose qu’un travail matériel, que déjà pour cela l’intelligence doit venir en aide à l’ouvrier, et que l’étude et le goût doivent présider à cette partie si délicate de son art. Si cela est vrai pour le titre, il en est de même pour l’application des diverses pièces d’ornement qui forment l’ensemble de la dorure d’un livre, et malgré certaines règles établies, le placement d’un simple filet ou d’un ornement des plus vulgaires exige un tact parfait et une connaissance approfondie des règles de l’art, dans l’acception large du mot. Pour cela l’intelligence des divers styles est indispensable et quelques connaissances des arts du dessin sont de toute première nécessité. Il n’est pas absolument nécessaire que l’ouvrier soit dessinateur dans la vraie acception du mot, mais il faut qu’il puisse se rendre compte de quels éléments se compose un dessin correct et des limites dans lesquelles se renferme chaque style. Rien n’est bizarre comme de composer l’ornement d’un dos ou d’un plat au moyen de pièces ou de gravures de styles différents, ou, quoique sans style bien défini, appartenant à des époques[3] plus ou moins éloignées les unes des autres, ou bien encore représentant des sujets n’ayant aucun rapport avec le contenu du livre sur lequel on opère, qui doit toujours et avant tout inspirer le praticien. C’est pour cela qu’il faut choisir et composer son outillage avec le plus grand soin et surtout discernement. Les modèles ne manquent pas. Les quelques planches que nous avons jointes à notre traité ainsi que celles figurant dans la notice historique tracée en tête du présent volume ont été choisies ou composées avec soin dans le but de préciser notre enseignement ; elles appartiennent à diverses époques et à des genres bien déterminés.



DORURE À LA MAIN


Nos lecteurs ont pu, par ce qui précède, se rendre compte en quoi consiste l’art du doreur sur cuir, etc., quels en sont les éléments tant sous le rapport de l’outillage que de la préparation des peaux et tissus sur lesquels le doreur est appelé à exercer son art. Il nous reste à aborder la partie essentielle : la manière d’empreindre à la main ce que l’on nomme les fers à dorer, la science de les grouper pour en former un tout, constituant l’art d’enjoliver par la dorure la couverture du livre relié.

Le doreur sur cuir a tout d’abord pour mission d’indiquer sur la couverture du livre le titre de l’ouvrage ; généralement ce titre se place sur le dos et par extension, dans certains cas, sur le plat du volume. Un peu de rudiment typographique est ici nécessaire, c’est par là que commence l’apprentissage du doreur.

Le professeur démontre tout d’abord à l’élève en quoi consiste l’art du doreur ; il lui fera connaître l’outillage, l’emploi et le but de chaque chose ; s’informera s’il sait, dessiner, tout en l’engageant dans son intérêt à cultiver sérieusement cette branche essentielle de l’art industriel. L’emploi des caractères, leurs genres et dimensions motivés feront le sujet de démonstrations toutes particulières : l’élève composera quelques mots, puis des titres dont le professeur lui expliquera l’esprit en même temps que la lettre.



Fig. 33. — Dorure à la main, le doreur poussant un titre.
Fig. 33. — Dorure à la main, le doreur poussant un titre.
Fig. 33. — Dorure à la main, le doreur poussant un titre.


Un titre doit être court, précis, résumer clairement et nettement celui que l’on trouve en tête de tout livre imprimé. Toujours le nom de l’auteur doit se placer en tête, en caractères apparents par rapport aux dimensions du volume et du compartiment qui lui est réservé, tout en tenant compte du nombre de lettres dont ce nom se composera. Toutefois, la ligne dominante doit être attribuée au mot caractérisant le contenu de l’ouvrage.

Il n’est fait d’exception à cette règle que pour le cas où les volumes contenant l’œuvre complète de l’auteur, auquel cas le nom seul peut suffire, et s’il est utile, outre la tomaison, d’indiquer chacune ou partie de ses œuvres, il convient de les marquer en caractères de dimensions moindres, proportionnées au sujet.

Il faut avoir soin de placer les lignes à égale distance les unes des autres, en y comprenant les filets qui bordent le compartiment, ainsi que le trait qui sépare le nom de l’auteur du titre proprement dit. Le tout doit être bien aligné, faire alterner autant que possible une ligne courte et relativement faible avec une autre plus longue et plus forte. C’est là une question d’esthétique subordonnée, il est vrai, aux nécessités de la cause. L’impression des titres ou inscriptions sur le plat de la couverture, soit à la main, soit au balancier, présente, sous ce rapport, plus de facilités et se prêtera mieux pour l’homme de goût aux plus gracieuses combinaisons.

Nos praticiens, même la plupart de nos artistes, ne nous semblent pas attacher à l’empreinte, à la forme du titre, l’importance qu’il comporte, et l’on a pu voir, dans des expositions récentes, des reliures richement enjolivées dont les titres lourds, mal combinés, mal compris et, qui plus est, d’une empreinte déplorable, déparaient complètement l’ensemble des dorures. Le titre était le côté faible du fameux doreur Trautz-Bauzonnet ; ceux qu’il a le mieux réussis étaient empreints au moyen de lettres isolées. Il dorait à la manière allemande ! et cette méthode vicieuse, contractée lors de son apprentissage chez un relieur-doreur allemand, influa toujours et d’une façon fâcheuse, non seulement sur la dorure de ses titres, mais encore sur les filets qu’il appliquait en travers du dos de ses reliures.

La méthode allemande a cela de vicieux, qu’elle ne permet pas de suivre avec l’assurance nécessaire le parcours d’un filet ou d’une ligne de titre que l’on est appelé à empreindre en travers sur le dos d’un volume. Pour s’en convaincre, il suffit de placer un volume debout, serré dans la petite presse, le dos en travers devant soi ; de prendre dans un jeu de palettes d’encadrement à deux ou trois filets, l’une des pièces appropriées à l’épaisseur du volume, de l’ajuster à l’angle de l’un des compartiments du dos et d’en opérer l’empreinte en suivant son contour jusqu’à l’angle opposé. On pourra ainsi se rendre compte de l’instabilité que subit le point visuel par rapport à l’ensemble, et de la contorsion tout à fait anormale que l’opérateur doit faire subir au mouvement de la main ou du poignet.

La conviction sera d’autant mieux assise, en opérant par le contraire (méthode française), où le volume est placé debout, le dos en long devant soi. L’opérateur peut alors ajuster le filet sur l’angle qui se trouve à sa droite, suivre le contour du dos et ajuster sur l’angle à sa gauche, sans faire subir au poignet la moindre contorsion, surtout sans contrarier le point visuel, tout en conservant au corps l’aplomb, la stabilité nécessaires à la bonne exécution de son travail. C’est en partant de ces principes qu’il convient de guider les premiers pas de l’élève, déjà mis au courant de la préparation des cuirs et tissus, de la couchure et de la composition des titres en tous genres.

Le professeur remettra à l’élève des débris de cuir, toiles, etc. sur lesquels il lui fera pousser d’abord des filets simples d’épaisseurs graduées, puis doubles, etc., qu’il lui fera empreindre à froid ; d’abord à plat, puis sur une planchette cintrée et ce, jusqu’à ce qu’il ait acquis le maniement d’une palette et autres fers à dorer. Il lui démontrera la façon de tenir le fer dans la main, de telle sorte qu’il puisse sans fatigue utiliser toute la force du poignet, tout en permettant de lui imprimer la direction voulue sans effort apparent.



Fig. 34. — l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.
Fig. 34. — l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.
Fig. 34. — Dorure à la main ; l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.


Le moyen d’arriver à ce résultat consiste à maintenir le manche du fer autant que possible avec les doigts qui l’entourent d’une part en le comprimant, tout en plaçant la première phalange du pouce par-dessus. Dans cette position, le manche se trouve en quelque sorte moulé dans les doigts de la main mi-ouverte, le pouce passant par-dessus et laissant au poignet la liberté voulue pour conduire l’empreinte du fer à dorer.

Mais pour obtenir l’empreinte d’un fer à dorer quelconque, il est nécessaire de le faire chauffer plus ou moins selon les circonstances, ceci est en quelque sorte la pierre d’achoppement du métier. Cette science ne peut s’acquérir que par la pratique ; des essais souvent répétés peuvent seuls en établir la règle par rapport aux cuirs de tous genres et des tissus sur lesquels le doreur est appelé à exercer son art. C’est encore et surtout pour ce motif qu’il est nécessaire de faire des essais sur des débris de cuir, etc.

Il ne suffit pas de mettre un fer en contact avec le feu, il faut en surveiller la chauffe. Un praticien soigneux et intelligent s’attache à faire chauffer ses fers à point et de telle sorte qu’il en arrive petit à petit à supprimer le baquet à eau dans lequel un vrai doreur ne plonge jamais ses fers et cela pour des raisons capitales. Le contact de l’eau mise en ébullition ronge et abîme les gravures ; il se dégage en outre et il se forme dans les creux une vapeur très préjudiciable à la beauté de la dorure. Le fer s’encrasse et il faut le frotter avec énergie sur un morceau de cuir pour lui rendre son brillant ; de là, usure rapide des parties délicates de la gravure ; de plus, il arrive souvent que sur le fer dont la chaleur a été régularisée à la surface, il se produit une réaction calorique très dangereuse pour l’opération. On croit l’avoir mis au point et, l’instant d’après, la chaleur refoulée dans l’épaisseur de la tige se rejette à la surface et l’on demeure surpris d’avoir poussé un fer trop chaud, et à quoi bon surchauffer puisqu’il faut éteindre ?

Il est de tous points préférable de se rendre compte de la chaleur du fer à dorer en touchant la tige près de la gravure avec le bout du doigt mouillé. La goutte d’eau que l’on dépose là, bouillonne et frise plus ou moins au contact du fer chaud et indique, selon l’expérience acquise, le degré nécessaire à l’opération.

L’élève ayant acquis les notions indispensables à l’empreinte à froid des divers genres et dimensions de fers, suivra la même filière pour s’essayer à les empreindre en or. À cet effet, il est bon, afin de lui venir en aide, de coller au préalable les débris de cuir sur carte ou carton en employant la colle de pâte, de même des toiles anglaises ou françaises que l’on applique à la colle forte claire. Le tout étant bien séché et préparé au blanc d’œuf, etc., puis couché d’or ou d’argent en feuilles selon les formules indiquées ci-dessus, par rapport aux genres de fers à empreindre, il fait alors chauffer l’un d’eux et, après avoir mis la chaleur au point et frotté la gravure sur un cuir bien sec afin de lui enlever la buée ou la crasse que dépose toujours à cette place le calorique employé, il se campe bien d’aplomb au bord de la table.

Il empoigne alors le fer, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, avec la main droite, et il le présente au-dessus de la place indiquée, tout en se servant de la main gauche, dont il appuie l’ongle du pouce contre le fer chaud, à seule fin de guider celui-ci jusqu’à ce qu’il touche le cuir. L’opérateur, tout en appuyant, penche légèrement le fer à droite et, méthodiquement, il lui imprime un léger balancement de bas en haut et de haut en bas, partant du côté droit pour finir du côté gauche.

Nous disons balancement léger et méthodique, il suffit de mouvements à peine perceptibles pour les fers de petites dimensions ; on les accentue plus ou moins, non seulement en raison de leurs proportions, mais encore par rapport aux pleins et déliés que comporte le dessin. On appuie le moins possible sur les extrémités



Fig. 34. — Dorure à la main ; l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.
Fig. 34. — Dorure à la main ; l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.
Fig. 35. — Dorure à la main ; l’empreinte d’un fer à l’aide de l’épaule.


et les parties délicates de la gravure, mais on accentue la pression sur les pleins afin de leur donner de la force et du brillant. La surface de tout fer à dorer étant plus ou moins bombée en raison de ses dimensions, afin qu’il soit possible, de l’empreindre à la main, il importe de régler les mouvements de telle sorte que les touches, forcément répétées, aient lieu sans aucune déviation, sous peine de doubler l’empreinte. Celle-ci n’ayant de mérite que pour autant qu’elle se présente, à la vue nette et sans bavures.

Il importe d’autant plus de s’exercer par des mouvements méthodiques à produire des empreintes bien nettes, qu’il en est qui, parfois, ne tiennent pas du premier coup. Il faut donc se rendre apte à les reprendre et même, si l’on veut donner du ton et du brillant aux dorures, il convient de pousser les fers une seconde fois. L’opération étant terminée, on enlève le surplus de l’or que l’on fait tomber dans la cloche ou récipient quelconque, au moyen d’une petite brosse douce ou d’une patte de lièvre ; puis, avec un chiffon en drap servant également à recueillir les déchets d’or, et enfin en frottant avec un tampon d’ouate. Si pourtant quelques parcelles d’or résistaient à ces frottements, on peut avoir recours à la gomme naturelle afin que le nettoyage soit parfait. Nous disons qu’il est bon d’empreindre les fers une seconde fois pour donner du brillant aux dorures. Indépendamment de la seconde empreinte et quand il s’agit de travaux artistiques, toujours on s’y prend à deux fois pour exécuter les dorures. La première opération étant réussie et l’or essuyé, on lave les parties dorées soit à l’aide d’une petite éponge bien propre ou d’une pelote d’ouate saturée d’un peu, très peu de vinaigre, jusqu’à ce que toute trace d’albumine ait disparu. On applique à nouveau un morceau d’or et on repousse le fer après l’avoir très peu chauffé. On le maintient un peu plus longtemps en place pour accentuer le brillant et la netteté.

L’emploi de roulettes et la manière de s’en servir sont d’une haute importance pour l’exécution des dorures. Elles activent et facilitent un grand nombre de travaux ; elles permettent aussi, en raison de leur circonférence, d’empreindre avec plus de force des filets et ornements d’une certaine dimension. On s’en sert couramment pour dorer les bords et bordures des reliures pleines, encadrer



Fig. 36. — Dorure à la main ; l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.
Fig. 36. — Dorure à la main ; l’empreinte d’un filet, ou au petit fer.
Fig. 36. — Dorure à la main ; l’empreinte d’une roulette à filets.


les plats au moyen de filets, à la suite desquels prennent place les enjolivements de tous genres parmi


Fig. 37. — Planchette cintrée, affectée au polissage et à l’empreinte d’inscriptions sur plats.
Fig. 37. — Planchette cintrée, affectée au polissage et à l’empreinte d’inscriptions sur plats.
Fig. 37. — Planchette cintrée, affectée au polissage et à l’empreinte d’inscriptions sur plats.
lesquels on utilise des arabesques, etc., gravées sur le

contour d’une certaine variété de roulettes que l’on approprie aux circonstances.

Pour s’exercer à l’emploi des roulettes, l’élève s’attachera tout d’abord à suivre une ligne droite tracée sur un papier quelconque. D’abord avec des filets simples, puis doubles, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il ait acquis une certaine assurance et sache raccorder les angles au moyen des entailles à onglets dont les roulettes à filets sont généralement pourvues. Il s’exercera ensuite sur des morceaux de cuir, toiles, etc., et ce, en suivant les errements et procédés indiqués ci-dessus relativement aux palettes et fleurons.

Le professeur, jugeant l’élève suffisamment apte à empreindre les divers genres de fers et roulettes, lui remettra un bloc de bois façonné en forme de livre relié, sur lequel il lui fera appliquer un dos en basane avec faux dos uni ; puis l’élève poussera des filets, des palettes, ensuite des lignes de caractères, d’abord en gaufrure, puis en dorure. Un bon résultat étant acquis, il remplacera la basane par le chagrin ou mouton chagriné avec faux dos à nervures, auxquelles, à l’aide de filets, il s’attachera à donner une forme convenable. Des filets et palettes dorés, ainsi que des titres, lui prépareront la voie à l’empreinte de filets d’encadrement, fleurons, coins, etc., jusqu’à ce qu’il soit apte à exercer son savoir-faire sur des volumes reliés.

S’il est vrai que c’est en forgeant que l’on devient forgeron, il est non moins vrai que ce n’est que par la pratique qu’il soit possible de devenir doreur à la main. Aucune gymnastique aucun jeu d’adresse ne demande un entraînement aussi long, aussi méthodique, aussi réfléchi que l’art du doreur sur cuir, etc… Le commençant doit toujours tracer les fers et les caractères qu’il a l’intention de dorer ou même de gaufrer, non seulement pour se rendre compte si chaque fer se trouve à sa place, mais aussi pour s’habituer à la préparation au pinceau qui varie selon la qualité ou la teinture des peaux ; il est d’autant plus nécessaire que cette préparation se fasse avec toute la netteté possible, que la plupart des nuances de peaux de chagrin ou de maroquin, qui demandent le plus de blanc d’œuf, sont précisément celles sur lesquelles la présence de ce mordant se dénonce à l’œil de la façon la plus désagréable ; cela tient à ce que certaines teintures tout en bouchant les pores de la peau, ont de plus l’inconvénient de la dessécher et de la durcir ; de là la nécessité de leur appliquer un surcroît de mordant qui reste forcément à la surface et blanchit en séchant, surtout sur le noir ; au contraire le rouge ponceau, sur lequel on pourrait impunément appliquer le blanc d’œuf, est précisément la couleur qui en demande le moins et se dore avec le plus de facilité.

Le traçage doit toujours se faire légèrement et simplement pour marquer exactement la place que le fer doit occuper, gaufrer un fer pour le dorer est un mauvais système qui conduit fatalement a une dorure enfoncée et sans netteté ; il faut bien se pénétrer de cette vérité qu’une dorure n’est réellement [4] belle que si elle reste à la surface de la peau tout en faisant ressortir parfaitement les parties pleines de la gravure, en un mot il faut que la dorure tienne et ait un vrai cachet de force tout en ayant cette apparence de légèreté qu’on la croirait jetée là par la main d’une fée.

Les qualités ou les défauts de la dorure se font surfout sentir sur le veau et le maroquin poli. Si la dorure est exécutée selon les principes énoncés ci-dessus, elle conserve toutes ses qualités au polissage qui la fera encore mieux ressortir.

Si, au contraire, la dorure est exécutée par un doreur à la main lourde, qui ne parvient à faire tenir ses fers qu’en les enfonçant dans la peau, comptant sur le polissage pour remettre les choses en état. Celui-ci même avec le secours des plaques ne pourra la faire remonter à fleur de peau que complètement déformée ou écaillée, tout en obligeant l’exécutant à des réparations désastreuses qui après beaucoup de temps perdu ne lui donneront qu’un résultat déplorable, malgré toute la finesse et la beauté des gravures employées. Nous le répétons, le point de départ est le traçage, et qu’on ne croie pas qu’il soit nécessaire d’écraser complètement le grain de la peau pour faciliter l’adhérence de la dorure. Une fois le fer enfoncé à chaud et la fleur attaquée, la dorure tient mal et exige un surcroît de pression toujours désastreuse pour la finesse du travail.

Cette influence se fait surtout sentir quand il s’agit de dorures d’art, que l’on recommence une seconde et même une troisième fois pour en accentuer la beauté. Si celle-ci a été trop enfoncée dès le début, au lieu d’acquérir des qualités nouvelles, on la rendra de plus en plus baveuse et le polissage en fera de plus en plus ressortir les défauts. Nous citerons Comme types à imiter, les dorures si délicates que nous a légué feu Marius Michel (le père) qui fut sans contredit le meilleur doreur de son temps ; et parmi les anciens, les chefs-d’œuvre de Le Gascon, et surtout les spécimens merveilleux exécutés par ce doreur inconnu sur quelques reliures portant les chiffres de Henri II et de Diane de Poitiers.

Nous avons indiqué les moyens pratiques de surmonter les premières difficultés de la dorure sur cuir à la main. Il ne faut s’aventurer à dorer sur un volume quelconque que lorsqu’on est en possession de tous ses moyens, et après avoir traité les divers sujets sur le bloc en forme de livre, sur lequel il faut s’efforcer d’acquérir la fermeté et l’aisance indispensables, et surtout ne pas s’exposer à des déceptions décourageantes. Nous croyons en avoir dit assez pour bien pénétrer l’élève doreur des qualités essentielles d’une bonne dorure, et de la marche à suivre pour arriver à un résultat pratique. Nous devons encore le mettre en garde contre certains effets d’optique contre lesquels il devra réagir non seulement pendant son apprentissage, mais encore pendant toute sa carrière.

Ces effets de clair et d’ombre, contre lesquels le doreur doit se mettre en garde, sont essentiellement à remarquer, quand il s’agit de la dorure d’un dos de volume, sa ligne de contour plus ou moins accentuée établit des dissemblances dans la répartition de la lumière ; même celle du jour. Ces dissemblances s’accentuent par les effets d’ombre que projettent, d’un côté la main droite armée du fer à dorer et de l’autre côté la main gauche qui maintient le volume et dont le pouce sert d’appui au fer pour aider à l’ajustage, et en admettant que le doreur ayant une main ferme et assez calme pour pouvoir se passer du pouce de la main gauche comme point d’appui il lui restera toujours trois ennemis contre lesquels il devra se tenir en garde. Nous prendrons la dorure des titres comme point de comparaison afin de mieux nous faire comprendre.

Un doreur tracera un titre parfaitement correct, qui, mesuré dans tous les sens, aura ses lignes bien proportionnées et très droites, en un mot ce titre sera irréprochable. Et le voilà confiant dans son coup d’œil, poussant d’autres titres dont il ne jugera plus à propos de mesurer la rectitude, faisant lestement et gaillardement sa besogne. Cependant petit à petit et sans qu’il y prenne garde fatalement et graduellement le coup d’œil se fausse et tout en ayant la conviction qu’il marche toujours droit, il pousse au bout d’un certain temps toutes ses lignes de travers, et il place ces tomes ou chiffres de tomaison à une place plus ou moins éloignée du centre du compartiment ?

Si au bout de ce temps parfois assez court vous remettez le compas entre les mains du doreur, il manifestera sa mauvaise humeur et trouvera extraordinaire que vous trouviez incorrect ce que lui, doreur, trouvera parfaitement droit, mais le petit compas lui aura bientôt montré son béjaune et vous le verrez se gratter le bout du nez avec le désappointement le plus vif, et cependant ce n’est pas lui qui en est la cause.

Le seul moyen de combattre ce grave inconvénient est de se rendre compte plusieurs fois par jour et de remettre le coup d’œil au point. Un des meilleurs élèves que nous ayons formé avait négligé pendant un certain temps de se conformer à ce précepte si sage. Très surpris de voir un jour le résultat de son travail, nous le lui mîmes sous les yeux en plaçant le volume bien en face de lui à la place où il travaillait habituellement. Nous étions convaincus que sans lui faire la moindre remarque il se rendrait immédiatement compte de quoi il s’agissait, mais point ; alors retournant le volume en le lui présentant tête en queue, il recula stupéfié d’avoir le coup d’œil faussé à ce point. En effet, c’est le moyen le plus simple de se rendre immédiatement compte si titres, fleurons ou filets sont bien placés dans la ligne droite. Les ayant poussés dans un sens on les retourne dans l’autre, le coup d’œil et le mouvement du poignet se corrigent forcément par la comparaison.

Comme nous l’avons déjà dit plus haut, il faut que le doreur s’attache avant tout et surtout à soigner la composition et la correction des titres, qui sont le point capital de la dorure à la main ; un titre bien compris et poussé bien droit peut suffire à l’ornementation d’un livre. Un volume quelque merveilleusement doré qu’il soit, perd tout son mérite si le titre laisse à désirer.

Quant aux dorures d’art, il serait assez difficile de tracer un plan d’apprentissage ; nous nous bornerons à recommander à l’élève de s’exercer au maniement des filets droits et des filets cintrés soit en formant des carrés, triangles, etc., simples ou entrelacés, soit à raccorder des filets simples avec des filets courbes, de tracer et de dorer des cercles, d’abord à filets simples, puis doubles, poussés isolément à la distance de 2 à 3 millimètres, en conservant exactement les proportions, puis pour terminer de former la lettre S en divers formats à filets fins et à filets forts ; cette lettre, correctement exécutée sans solution de continuité, est l’exercice le plus propre à le mettre à même de surmonter les principales difficultés de ce genre d’ornementation dont les dorures mosaïquées à filets entrelacés sont le nec plus ultra. Les figures de la planche ci-contre donnent les diverses courbes se rapportant aux difficultés à surmonter, à la condition de suivre le numérotage.

Le grand art consiste dans l’introduction de figurines, cariatides, chimères, etc., exécutées au moyen de bouts de filets dans l’ornementation des dos, plats ou gardes de livres. On grave pour ce genre d’ornementation des jeux de filets spéciaux droits et courbes, les uns très fins les autres plus forts. Pour les filets droits, il suffit de jeux de 10 à 12 filets en trois épaisseurs. Quant aux filets cintrés, indépendamment de la différence d’épaisseur, il les faut de trois courbes différentes

Fig. 37 à 61. — Dorure à la main. La planche ci-dessus représente : 1° les jeux de filets en trois épaisseurs et degrés de courbe, en usage pour les dorures à entrelacs, etc. ; 2° des rinceaux et formules élémentaires pour les études successives à suivre par ceux qui se destinent à l’exécution de ce genre de dorures artistiques.
Fig. 37 à 61. — Dorure à la main. La planche ci-dessus représente : 1° les jeux de filets en trois épaisseurs et degrés de courbe, en usage pour les dorures à entrelacs, etc. ; 2° des rinceaux et formules élémentaires pour les études successives à suivre par ceux qui se destinent à l’exécution de ce genre de dorures artistiques.

Fig. 37 à 61. — Dorure à la main. La planche ci-dessus représente : 1° les jeux de filets en trois épaisseurs et degrés de courbe, en usage pour les dorures à entrelacs, etc. ; 2° des rinceaux et formules élémentaires pour les études successives à suivre par ceux qui se destinent à l’exécution de ce genre de dorures artistiques.

variant entre le quart et le seizième de cercle. Il faut,

pour être bien assorti, avoir au moins 20 pièces dans chaque jeu ; certains graveurs ont la spécialité de ce genre de filets qui doivent être mathématiquement exacts.

Dans ce genre d’ornementation, la science du dessinateur doit être au moins égale au talent du doreur qui ne peuvent rien l’un sans l’autre. Il est presque indispensable que les deux se confondent, à moins que le dessinateur soit en même temps doreur et connaisse à fond, pour l’avoir pratiqué, tous les secrets du métier et soit parfaitement au courant des difficultés et des effets que l’on peut produire au moyen et par l’agencement des petits fers dont le doreur doit faire usage.

La flore, dans ses diverses interprétations, a toujours été fort recherchée pour concourir à l’ornementation de la couverture du livre. Elle ne fut jamais mieux ni plus intelligemment employée que par les artistes de notre époque qui se sont ingéniés, et souvent avec succès, jusqu’à faire revivre à nos yeux la fleur naturelle sur certains livres nouveaux, ceux qui se prêtent le mieux à ce genre d’ornementation. Certes, il y a eu et il y a excès, quelques non-sens déplorables contre lesquels il importe de se mettre en garde ; mais l’effort mérite de fixer l’attention. Il importe de suivre le mouvement et de se mettre à la hauteur. L’ornementation mosaiquée fut de tout temps recherchée par les amateurs ; elle l’est certes plus que jamais, à la condition qu’elle soit comprise et exécutée avec le tact et la discrétion qu’il convient d’apporter dans l’agencement des couleurs. Des nuances crues et heurtées irritent la vue, mais bien comprises et bien agencées elles impriment à l’ornementation de la reliure un charme tout particulier.

Quant à la mosaïque, voici, d’après nous, le moyen le plus simple de l’appliquer. On commence par parer un morceau de peau un peu plus grand que le dessin et d’une nuance différente du fond sur lequel on veut l’appliquer ; il faut que cette parure soit exécutée de façon à réduire la peau à l’épaisseur du papier de soie, c’est-à-dire qu’il faut enlever toute la chair et ne laisser absolument que la fleur, sur laquelle on colle un morceau de papier blanc assez épais ; on emploie pour cela de la colle de pâte très claire, afin que la fleur n’adhère que faiblement au papier, et on laisse sécher entre deux cartons que l’on charge légèrement afin que le tout soit bien uni, puis on trace le dessin ou les filets qui doivent border la mosaïque que l’on découpe à l’aide de petits ciseaux au centre des filets tracés. Alors on humecte la peau de la couverture sur laquelle doit se placer le découpage qu’on place à l’endroit qu’il doit occuper. Puis on met la couverture en presse entre des plaques, la découpure s’incruste dans la peau d’autant plus profondément que le papier que l’on a collé sur la peau parée est plus ou moins épais. On retire la couverture de la presse et on colle le découpage à la colle de pâte dans les creux qui viennent d’être formés ; on mouille suffisamment la surface pour détacher le papier qui cache la mosaïque, dont la peau seule reste fixée ; on laisse bien sécher et on remet la couverture en presse en plaçant par-dessus une plaque à polir, on laisse quelque temps sous presse, et au sortir de celle-ci la mosaïque est parfaitement au niveau de la peau de la couverture, et l’incrustation si parfaite qu’elle ne peut en aucune façon gêner l’opérateur dans la dorure des filets qui doivent la border.

On procède de même pour tous les genres de mosaïque quel que soit le format du livre. Si diverses couleurs doivent s’entrelacer, on procède isolément pour chacune d’elles, on enlève alors au canif les parties qui s’enlacent, c’est-à-dire la partie inférieure de l’entrecroisement afin qu’il n’y ait jamais qu’une même épaisseur dans les parties mosaïquées. Ces découpures doivent se faire avec le plus grand soin, de façon à conserver intacte l’illusion de l’entrelacement.

En exécutant ce genre de dorure, il faut avoir soin de dorer d’abord les parties du dessin qui doivent figurer les entrelacs inférieurs et d’exécuter ensuite les parties qui passent au-dessus ; l’exécution en sera plus facile et l’illusion plus complète.

L’application de la flore naturelle à l’ornementation de la couverture du livre, a quelque peu et dans certains cas profondément modifié la manière de s’y prendre dans l’application des mosaïques en cuir découpé. En effet, il faut à la fleur naturelle, à la plupart d’entre elles s’entend, un certain relief pour concourir à l’illusion et faire ressortir ses effets, c’est-à-dire afin d’aider l’artiste à se rapprocher autant que possible de la nature.

Certes, l’interprétation et l’empreinte des traits d’ombre et des nervures de la plante y entrent pour la plus grande part, mais certains effets d’ondulations y entrent pour une part non moins grande. Certes, une étude approfondie de la plante et de la lumière est indispensable à l’agencement des couleurs pour réussir dans une opération aussi délicate. On est parvenu de nos jours à teindre merveilleusement les peaux de veau et de maroquin et ce dans toute la gamme des couleurs et teintes ; par là, une véritable voie nouvelle est ouverte à l’artiste. D’autre part, le livre moderne se prête on ne peut mieux à l’extension des idées.

DORURE SUR VELOURS ET SUR SOIES


La dorure sur velours présente quelques difficultés à cause de la peluche, celle-ci intercepte l’application des ornements qu’il faut commencer par gaufrer en brûlant légèrement la peluche tout en la couchant à plat sur la trame au moyen du fer à dorer, que l’on fait chauffer à une température suffisamment élevée. Il serait assez difficile de dorer sur le velours des ornements gravés au trait ou d’une trop grande finesse. On prend ordinairement des gravures pleines, c’est-à-dire plus ou moins massives ; le genre rocaille convient parfaitement. On y applique aussi des filets à la roulette, ainsi que des titres et inscriptions, en choisissant autant que possible des caractères un peu forts. Les liaisons un peu fines disparaissent plus ou moins dans la peluche du velours, et tout en réussissant parfaitement son travail, on s’exposerait à ce qu’il ne produise pas l’effet désiré.

On gaufre d’abord le plus chaud possible tous les ornements que l’on désire dorer ; on prend alors de la poudre jaune de Lepage et, à son défaut, du blanc d’œuf séché et pulvérisé, que l’on place dans un tube en métal (ou en carton assez fort), de 10 à 15 centimètres de long sur 4 à 6 centimètres de diamètre. On garnit l’un des côtés d’une toile à tamiser très fine ou d’un fin canevas qu’on lie fortement et qui sert ainsi de fond ou tamis. On le tient suspendu au-dessus des ornements gaufrés et on le promène partout où cela est nécessaire en frappant à petits coups sur les flancs du tube afin de faire tomber la poudre en poussière très fine jusqu’à ce qu’elle recouvre les ornements tracés.

La couchure pour la dorure sur velours devant se faire à l’or double, on étend sur le coussin deux feuilles d’or l’une sur l’autre que l’on découpe soit en bandes s’il s’agit de pousser des roulettes, soit en morceaux, proportionnés au format de chacun des fers à appliquer. On chauffe l’un des ornements jusqu’à ce que la goutte d’eau qu’on laisse tomber sur le flanc du fer frise un peu vivement. On graisse alors légèrement la surface et le pourtour de la gravure au moyen d’un linge fin saturé d’un peu de suif. On prend l’or avec le fer sur le coussin et on tamponne par-dessus à l’ouate pour que l’or prenne bien le contour de la gravure, afin qu’il ne puisse gêner la vue pour l’ajustage du fer qu’il s’agit de dorer dans la trace faite à chaud ou gaufrure. On pousse le fer en le présentant bien d’aplomb et en le maintenant un moment en place ; puis on le retire à pic afin de ne pas faire de bavures, puis on passe à un autre.

S’il s’agit d’une roulette à filets et que sa circonférence soit insuffisante pour la longueur de la bande qu’on doit dorer, on s’arrête un peu avant d’atteindre la coupure. On reprend la quantité d’or nécessaire et on finit en ajustant parfaitement le coin. Il faut avoir soin de brosser les gravures chaque fois qu’elles ont servi. La poudre, en fondant au contact de la chaleur, perce l’or dans les parties creuses, et encrasse les ornements.

Quand tous les ornements sont dorés, on renverse la couverture en la tenant légèrement élevée au-dessus d’un papier uni et propre. On frappe sur le verso afin de faire tomber l’excédent de la poudre qui peut toujours servir ; puis, au moyen d’une brosse, on fait tomber l’or dans la cloche et on nettoie par le même moyen toute la surface de la couverture. Si un fer ne tenait pas, il faudrait recommencer l’opération à cette place par les mêmes moyens, mais avec très peu de poudre.

Il est prudent de s’assurer sur un morceau du même velours du degré de chaleur qu’il faut employer, mais il faut que le morceau soit fixé sur un carton avec la même colle qui a servi à la couvrure du volume ou de la couverture. La colle vient en aide à la poudre et se combine avec elle à travers la trame du velours, sous l’action de la chaleur du fer à dorer.

Les soies de tous genres se dorent de la même façon, mais avec plus de facilité que le velours, puisqu’il n’y a pas de peluche à écraser ni qui puisse gêner l’opération. Le traçage se fait à froid, on peut employer les ornements les plus délicats sur ces tissus unis, pour lesquels on se sert de la poudre blanche de Lepage ou blanc d’œuf en poudre.

Il ne faut jamais glairer au blanc d’œuf liquide, ni coucher l’or sur la soie, on ne produirait rien de propre.

La dorure sur velours et sur soie au balancier se fait par les mêmes procédés. Les balanciers avec plaques mobiles sont très pratiques pour ce genre de travail, surtout pour le velours.

On commence par gaufrer les ornements fixés à la plaque, puis on retire celle-ci du balancier et on la retourne en la couchant sur un billot afin que sa chaleur n’abîme pas la table, et un couche l’or double après avoir graissé légèrement toute la surface des gravures. Cela fait, on replace la plaque sous le balancier qui, par son contact, rétablit la chaleur voulue. On profite de cet instant pour saupoudrer la gaufrure. On place alors la couverture sous le balancier que l’on fait descendre sans choc et on serre à la force nécessaire en maintenant la pression pendant quelques secondes. Le nettoyage se fait comme pour la dorure à la main.

Quant aux balanciers sans plaques mobiles, on est bien forcé de coucher l’or sur le velours après l’avoir gaufré et poudré, mais il est impossible de le fixer. Il faut dans ce cas placer la couverture sous le balancier avec les plus grandes précautions pour ne pas déranger la couchure que le moindre souffle déplacerait, et malgré tous les soins, il se produit souvent des cassures dans l’or, qui forcent l’opérateur à recommencer le tirage. Ceci est assez dispendieux et peut empêcher la réussite complète de l’opération.

Quant à la soie, il importe peu que la couchure se fasse sur les gravures ou sur la couverture, mais il reste toujours la difficulté de ne pas déranger la couchure en la plaçant sous le balancier.

On peut étendre la poudre à dorer sur la soie, au moyen d’une houppe à poudrer. Ce système est même préférable pour les doreurs qui ont de nombreux tirages à exécuter ; c’est ainsi que cela se pratique par les ouvriers qui dorent les griffes sur coiffes à chapeaux, etc. On peut sans inconvénients agir de même pour la dorure sur soie à la main, quand il s’agit de pièces isolées.

  1. résistence
  2. ligues -> lignes
  3. époques->époques
  4. réllement