Librairie polytechnique Ch. Béranger (p. 248-265).

CHAPITRE VII

Demi-reliure.


La demi-reliure date du premier siècle de l’imprimerie. À cette époque les reliures se faisaient à l’aide de planchettes en bois de chêne ou de cèdre que le carton a remplacées depuis.

Nous avons vu des reliures de cette époque, sur des volumes in-folio et in-4o dont les dos en peau de truie ou en veau, ne couvraient que le quart ou le cinquième des plats ; le reste des planchettes en chêne bizeauté et parfaitement uni n’avait jamais été recouvert. C’est par imitation des demi-reliures de cette époque, qu’en habillant certains incunables, on couvre le dos en peau de truie ou en veau, et qu’on recouvre les plats à l’aide d’un papier de couleur imitant le bois de chêne. Nous avons vu d’autres demi-reliures de la même époque, dont les plats avaient été garnis en gros tabis, mais nous avons lieu de croire que ces plats avaient été placés plus tard, alors que le bois était déjà en partie vermoulu. Le collage des gardes dénonçait du reste ce travail fait après coup. Les anciens plaçaient également des coins aux demi-reliures, les plats et les dits coins étaient alors ornés de filets ou ornements gaufrés, ceux-ci empreints au moyen de fleurons ou à la roulette.

Les demi-reliures ne diffèrent de la reliure pleine, qu’en ce que dans celle-ci le volume est couvert en entier de peau de veau, maroquin, basane, etc. Tandis que dans la demi-reliure le dos seul est couvert en peau. Quant aux plats ils sont couverts en papier de couleur ou en percaline, tout en ayant les coins garnis soit avec de la peau pareille au dos, soit en toile ou en parchemin.

Dans les bibliothèques, la demi-reliure fait absolument l’effet de la reliure pleine, attendu que les volumes ne se voient que par le dos ; elle a d’ailleurs l’avantage de coûter moins cher que celle-ci, et quand elle est faite avec soin elle en présente à peu près toutes les qualités.

Ce n’est pas toujours par pure économie que se font les demi-reliures. Certains amateurs poussent parfois le raffinement à un degré tel, qu’il en coûterait certes moins à établir certaines reliures pleines, que bon nombre de demi-reliures que nos bibliophiles commandent journellement à nos bons relieurs. Nous citerons, comme exemple, les demi-reliures en maroquin du Levant poli à larges mors, grands coins et filets, le dos doré aux petits fers. Certains de ces dos demandent souvent plus d’une journée de travail à un doreur habile.

Nous avons exécuté pour des amateurs que l’on peut taxer de bibliomanes des demi-reliures qu’il fallait d’abord établir en reliure pleine, soit en veau soit en maroquin du Levant, poli et qui ne prenaient l’aspect de demi-reliures que par le placement de plats en papier peigne vergé, laissant à découvert des mors tellement larges et des coins dans les mêmes proportions, que le rempliage du papier s’opérait en tête et en queue par une attache de 5 à 6 millimètres seulement. À part cela et dans certains cas, pas le moindre ornement, pas un filet même gaufré pour border le papier, rien que le titre doré : mais l’exigence sous le rapport des soins et du fini était telle, qu’il y avait un art véritable à produire ces reliures destinées à satisfaire les goûts les plus délicats de connaisseurs possédant à fond tous les secrets de l’art du relieur.

Mais en dehors de ces ouvrages exceptionnels, les demi-reliures sont établies dans un but relativement économique, le tout par rapport au genre de reliure pleine que l’on veut représenter par une demi-reliure. Ainsi il y a économie à imiter la reliure pleine en maroquin par une demi-reliure en même peau, avec un dos doré dans le même genre, de même pour le veau, le chagrin, la basane ou la toile, et comme nous le disions plus haut, un volume placé dans une bibliothèque produit en demi-reliure le même effet qu’en reliure pleine. Il se fabrique même en très grandes quantités des demi-reliures en chagrin, avec plats en toile française chagrinée, soit avec encadrements gaufrés sur les plats, soit avec plaques dorées à sujets ayant rapport à l’ouvrage, et gravées spécialement pour le livre, et dans le but de produire l’illusion complète de la reliure pleine. Tous les grands éditeurs ont adopté ce genre, très favorable à l’écoulement de leur publications illustrées, qui se vendent en quantités énormes à l’époque des étrennes.

Sauf certains détails que nous allons indiquer, la demi-reliure se fait absolument comme la reliure pleine, qu’elle soit à nerfs saillants ou à la grecque, à dos brisé ou à dos plein.

Les opérations sont relativement les mêmes jusqu’à la couvrure, c’est-à-dire qu’il n’y a pas la moindre différence entre les manipulations préliminaires, ainsi que tout le corps d’ouvrage, même les tranches et la préparation à la couvrure, de la demi-reliure en maroquin

du Levant poli, et de la reliure pleine en maroquin du Levant poli, et ainsi de suite en descendant tous les degrés de l’échelle.

Les volumes étant prêts à être couverts, on débite les peaux d’après les genres. Il faut la même quantité de peau pour les rempliages de tête et de queue pour les demi-reliures, que pour les reliures pleines. Quant aux proportions de ce qu’il faut laisser déborder sur les plats, elles diffèrent depuis le tiers de la largeur des cartons, qui est la limite extrême pour les demi-reliures d’amateurs jusqu’à 16 millimètres, qui est l’extrémité à laquelle il faut s’arrêter pour les demi-reliures chagrin avec plats en toile, imitation de la reliure pleine, sous peine de manquer du nécessaire pour faire tenir le dos du volume, ces deux extrêmes, étant la conséquence de deux genres bien définis, ne sauraient servir de base.

La largeur de la peau à laisser déborder sur les plats des demi-reliures, autrement dit la largeur des mors, n’a pour limite que le goût du relieur, souvent subordonné au prix qu’il peut, obtenir de son travail. Pourtant l’ouvrier qui respecte son art s’abstiendra toujours de présenter des reliures à mors étroits, qui donnerait à son travail un aspect étriqué et désagréable à l’œil.

À notre avis, le cinquième de la largeur du carton (pour tous les formats ayant la forme ordinaire) est une excellente proportion pour les demi-reliures courantes.

Quant aux demi-reliures avec coins en peau, la largeur des mors est subordonnée au genre, qui peut être ou très économique ou de grand luxe en passant par toute la gamme intermédiaire ; mais dans tous les cas, il faut que les coins soient proportionnés à la largeur des mors, c’est-à-dire que si la peau du côté des mors a[1] 4 centimètres de large, il faut que la largeur des coins soient également de 4 centimètres, non pas mesurés depuis la naissance du coin en remontant l’arête vive du carton, ce qui donnerait un coin relativement trop petit, mais sur une ligne parallèle oblique partant de la naissance du coin, et allant vers le centre du plat en partageant le coin du carton en deux parties égales.

On peut établir la mesure sur l’arête vive du carton, à la condition d’augmenter la mesure de moitié, c’est-à-dire que, pour avoir un coin de 4 centimètres de large, on prend un compas que l’on ouvre à 6 centimètres d’une pointe à l’autre ; on place l’une des pointes à l’extrémité du coin et l’on marque de l’autre sur l’arête vive du carton un point, d’abord sur le côté de la gouttière et un autre du côté de la queue. Alors avec une règle et la pointe du plioir, on trace une ligne d’un point à l’autre, ce qui donne un coin de 4 centimètres de large sur 8 de long, s’harmonisant parfaitement avec un mors de 4 centimètres.

Les relieurs ont habituellement sous la main une série de modèles de coins en tous formats, soit en zinc ou tout au moins en carton très dur, avec lesquels ils prennent la mesure sur les mors en plaçant le long côté du coin à fleur du dos, et la pointe vers l’extrémité de la peau.

Les coins se taillent ordinairement dans les déchets de peau, à moins qu’il s’agisse de reliures très soignées. Leur coupe se fait d’après le format du livre ou selon le genre de reliure. Pour faciliter leur application, il est essentiel de donner à cette coupe une forme particulière, que nous ue saurions mieux comparer qu’à un octogone plié en deux, non pas sur les pointes, mais en partageant deux faces par moitié. Ces généralités bien établies, voici comment on procède à l’achèvement des demi-reliures :


Demi-reliures en chagrin avec plats en toile ou imitation de reliures pleines. — L’ouvrier commence par dégager les mors en laissant la sauvegarde qui, pour ce genre de reliure, doit protéger le volume jusqu’après les tirages au balancier. Il s’assure, en humectant la peau du côté du mors et en la nettoyant avec soin, qu’elle est suffisamment assouplie, pour qu’il n’ait pas à craindre ; une cassure de la peau, pendant les diverses opérations qui suivent et principalement par la fatigue que subiront les mors pendant les tirages au balancier.

Il prend alors la mesure de l’encadrement ou de la plaque à gauffrer ou à dorer sur les plats, puis il en marque la place sur la peau, par un trait qui lui servira de guide à la parure, et ensuite à la pose des plats en toile ; il pare ensuite la peau afin de lui donner partout une surface égale, tout en la creusant de façon à ce qu’une fois les plats collés ils fassent corps avec la peau, complétant l’illusion de la reliure pleine, et ne laissant subsister aucune épaisseur pouvant contrarier l’empreinte des plaques ; puis, à l’aide d’un marteau, il bat légèrement les cartons autour de chaque plat qu’il a eu soin de placer sur un tas en fer, ou sur une pierre à battre afin que le battage soit bien uni.

Les maisons dans lesquelles les demi-reliures imitant la reliure pleine se fabriquent par quantités, on ne trace ni on ne pare la peau : sauf sur l’arête vive des cartons : pour le placement des plats en toile. On se sert à cet effet d’une plaque en bronze ou en fer, ayant l’épaisseur des plaques à dorer ainsi que les dimensions des cartons du volume ; exacte, quant à la hauteur, mais dont la largeur a pour limite la partie de la peau qui doit rester à découvert du côté du dos. On fixe cette plaque sous un balancier et on écrase la partie de la peau destinée à être couverte par la toile des plats.

Le traçage, l’écrasement de la peau, qu’il devient alors inutile de parer ainsi que l’aplanissement des cartons se font ainsi d’un seul coup. Les cartons sont plus unis, les bords mieux aplanis. On évite de même les inégalités d’une parure trop rapidement faite, l’ensemble du travail en est meilleur, mieux préparé à recevoir les empreintes gaufrées ou dorées et plus rapidement exécuté.

Il coupe alors la toile pour les plats, et il la place sur un papier, il les enduit ensuite avec de bonne colle forte, qui sans être épaisse ne soit pas trop claire, afin qu’elle ne puisse transpercer la toile ; puis il place les plats bien à fleur de la marque, et de façon à ce que les deux plats aient exactement la même largeur, et, à l’aide d’une brosse à soies dures et courtes, il frotte sur toute la surface des plats pour les faire bien adhérer, puis il coupe les coins de façon à ne laisser déborder la toile que tout juste l’épaisseur du carton. Il opère ensuite le rempliage, en fixant d’abord la toile en tête et en queue sur les angles du carton ; puis, à l’aide des pouces, tout en soutenant le carton avec les doigts, il remplie la toile à l’intérieur. Alors, avec l’ongle des pouces, il forme un pli à chaque coin qui fait prendre à la toile la forme du carton, puis il remplie le devant en couchant d’abord la toile[2] sur l’angle du carton, et ensuite à l’intérieur. Cela fait, il place le second plat et, à l’aide du plioir, il accentue la forme des angles, puis il place le volume debout pour le laisser sécher.

En procédant à l’achèvement des demi-reliures avec coins en peau, ainsi que pour celles avec coins en toile ou en parchemin, l’ouvrier commence par nettoyer les mors, comme nous l’avons indiqué pour les reliures pleines, puis il place les gardes, et, après les avoir ébarbées à fleur des tranches, il place deux volumes à côté l’un de l’autre à plat sur la table, et de façon à ce que le dos de l’un s’emboîte dans la gouttière de l’autre, puis il ouvre le carton du premier et il le couche sur le second volume, puis il soulève la demi-garde et à l’aide du pouce et de l’index il lui fait prendre la forme du mors et il la couche sur le carton, comme s’il voulait en opérer le collage, puis au moyen d’une règle en fer mince et d’une pointe à couper, il enlève d’abord du côté de la tête un filet de la garde en la dressant parallèlement au carton, puis il en fait autant du côté de la queue, il la coupe ensuite sur le devant en prenant toujours le carton pour guide, et de façon à ce que les trois côtés aient les mêmes proportions.

On voit que dans cette opération, les coupes se font sur le carton même et sans l’intermédiaire d’une platine de zinc. La seule précaution à prendre par l’ouvrier est, qu’en coupant la garde sur la partie de la peau rempliée, la coupe soit faite assez légèrement pour que la peau ne soit pas entamée.

En dehors du placement et du collage des gardes tels qu’on les pratique généralement pour les ouvrages soignés et les unités : il y a le placement des gardes dit à [3] la française. Cette méthode est des plus avantageuses pour les travaux en nombre, elle se pratique de la manière suivante :

L’ouvrier ayant à placer les gardes à un certain nombre de volumes d’un même format, débite la quantité de papier qu’il lui faut au format habituel, c’est-à-dire dépassant quelque peu le format des volumes rognés, il ouvre alors le carton de l’un d’eux, et, prenant l’une des gardes, il la pose sur le carton en l’ajustant sur le devant à la largeur de la chasse, puis il marque l’empreinte du carton en tête et en queue et sur l’arête vive du mors. Il place la garde sur une platine de zinc, et à l’aide d’une règle et de la pointe à couper, il fait deux coupes en flanc se rapportant aux chasses de tête et de queue, mais de façon à ce que la garde soit un peu plus courte que le volume rogné. Ces deux coupes doivent s’arrêter à l’empreinte qu’il a faite sur l’arête vive du mors, puis il fait deux coupes obliques partant de ces points d’arrêt et descendant vers la partie de la garde réservée au côté du livre, de telle sorte qu’en replaçant la garde sur le carton, le biais commence à l’arête vive du carton au haut du mors, pour finir au fond du mors à l’arête vive de la rognure. La partie biaisée couvre ainsi la peau, à l’extrémité du mors, et se continue au-delà pour être enlevée lors de l’ébarbage de la garde.

En présentant à nouveau la garde sur le carton, il s’assure si les coupes sont exactes, il place alors la garde type sur une pincée de seize à vingt gardes, et il les découpe sur le même modèle. Les grandes maisons se servent pour cette opération de modèles en carton qu’ils ont établis en tous formats, ce qui simplifie beaucoup l’opération. L’ouvrier prend alors une pincée de gardes qu’il égalise sur le devant avec le modèle, il place le tout sur une platine de zinc, et met un poids par-dessus pour maintenir le tout en place ; puis à l’aide d’un ciseau de menuisier et d’un marteau, il fait les deux entailles obliques et à l’aide de la pointe en se servant du modèle en carton pour guide au lieu de règle, il enlève les deux flancs à partir des entailles.

Après le découpage, l’ouvrier place les gardes en tas sur un papier, il s’agit pour lui de coller le côté découpé de la garde sur l’intérieur du carton et sur le mors, en avançant le moins possible sur la garde blanche, et en réservant le contre-collage sur la garde blanche, jusqu’au moment où les collages sur les cartons et surtout dans les mors seront parfaitement secs. À cet effet, il prend une bande de carte qu’il place sur la première garde, laissant à découvert toute la partie destinée au carton et au mors et jusqu’à 2 ou 3 millimètres sur la garde blanche.

Alors, à l’aide d’un pinceau imbibé de colle forte claire, il trempe la garde en partant de la carte jusqu’aux extrémités ; la bande de carte lui est nécessaire pour que l’encollage débute en ligne droite, ce qui est très important pour faciliter l’opération du contrecollage, qui, sans cette précaution, serait forcément incorrect.

La garde étant trempée, l’ouvrier la saisit avec la main gauche par la partie non trempée et il la retourne. Il place le volume devant lui la gouttière à sa gauche, il ouvre le carton qu’il couche sur la table, alors, il saisit l’extrémité de la garde du côté trempé entre le pouce et l’index de la main droite, et il l’ajuste sur le devant du carton, laissant à découvert l’espace réservé à la chasse ; il presse avec le pouce sur la garde pour la fixer au carton, et il s’essuie le bout de l’index saturé de colle. Il frotte alors sur la garde du centre au dehors allant de droite à gauche et de gauche à droite, la main gauche tenant toujours la garde levée et ne s’abaissant qu’au fur et à mesure que la main droite lisse le collage, la garde étant fixée sur toute la surface du carton, il presse sur l’arête vive du mors et fait descendre la garde dans le fond en la serrant le plus possible, puis il fait pirouetter le volume en plaçant la gouttière à sa droite et, saisissant un lambeau de linge fin saturé de cire, il frotte vivement dans le creux du mors et sur toute la surface de la garde afin que l’adhérence soit parfaite. On peut également se servir d’un papier et d’un plioir, mais nous préférons un chiffon à la cire dont l’action est plus sûre et plus rapide ;

Quant aux gardes moirées, on se sert d’un petit tampon de papier de soie sur lequel la cire est inutile, et qui conserve à la moire son grain et sa fraîcheur.

Le collage des gardes à la française doit se faire à la colle forte, l’humidité des collages à la colle de pâte occasionnerait à la partie de la garde réservée au côté du volume des plissures telles, qu’il ne serait pas possible de les aplanir lors du contre collage.[4] Celui-ci se fait de la même façon que pour le premier système, il n’y a de différence que pour le premier ; dont le contre-collage se fait immédiatement après le placement des gardes et avant le collage sur le carton et dans les mors, et que, dans le second, c’est le contre-collage qui vient après. Quant à l’ébarbage, il va de soi qu’il se fait de même pour les deux systèmes ; l’opération est même plus facile pour le dernier, vu qu’il n’y a qu’un feuillet à couper en tête et en queue.


Demi-reliures avec coins en peau. — La peau pour les coins étant coupée ; l’ouvrier procède à la parure en commençant par amincir les bords, comme il l’a fait pour les rempliages du dos, puis il amincit le centre selon l’épaisseur de la peau, en égalisant le tout avec soin et ne conservant de la chair que ce qui est nécessaire pour ménager la forme du grain et de façon à ce qu’une fois le coin placé, la peau présente à cette place le même aspect que sur les mors.

La parure étant faite, il place les coins les uns sur les autres et il en trempe la chair à la colle de pâte, il les place l’un sur l’autre, chair contre chair, pour que l’humidité de la colle les pénètre à fond et les assouplisse parfaitement. Alors, prenant deux coins il les sépare et il les place sur les deux coins du premier carton du volume, en les ajustant bien exactement et de façon à ce que la peau ne dépasse la pointe du carton que tout juste l’épaisseur de celui-ci. Puis il remplie la peau en tête et en queue, pour former alors les flancs du carton que l’ouvrier a devant lui, ensuite avec l’ongle des pouces, il forme un pli à la peau de chaque coin sur la pointe du carton, de façon à ce que ces plis soient bien accentués, puis il remplie les devants en ayant soin de serrer la peau sur les angles et surtout de joindre les remplis en dissimulant les jointures le mieux possible. Il place ensuite les deux autres coins, à l’aide du plioir il donne aux angles une forme parfaite, ainsi qu’à l’intérieur, les remplis devant être lissés et bien tendus, puis à l’aide d’une éponge fine imbibée d’eau claire, il humecte et lave bien la peau tant sur les plats que sur les angles et à[5] l’intérieur, et il laisse bien sécher.

Les coins étant parfaitement secs, l’ouvrier prend un compas et il marque deux points de chaque côté du mors près de l’endroit où finit la peau, puis à l’aide d’une règle et de la pointe du plioir, il trace d’après ces points une ligne qui lui servira de guide à la coupe et au placement du papier des plats, il fait de même sur les quatre coins en se servant du modèle que nous avons décrit ou en marquant des points sur l’arête vive des cartons. Alors à l’aide du couteau à parer, il enlève de la peau ce qui dépasse les lignes tracées, non pas à vif mais en allongeant la parure et en évitant d’entamer le carton, en un mot il rend ces places aussi unies que possible surtout s’il s’agit d’une reliure soignée.

C’est précisément pour obtenir à cette place un fini parfait que certains amateurs ont poussé la manie de la perfection, jusqu’à faire couvrir en reliure pleine certains ouvrages qu’ils faisaient ensuite convertir en demi-reliure. On peut obtenir à peu de chose près les


Parure d’un dos pour demi-reliure
Parure d’un dos pour demi-reliure
Fig. 53. — Parure d’un dos pour demi-reliure.


mêmes perfections, en prenant une carte de l’épaisseur de la peau. On taille la peau à vif en même temps que la carte, comme nous l’avons indiqué pour égaliser l’intérieur des reliures pleines, on enlève le surplus de la peau et on colle la carte, dont on frotte les bords pour bien l’identifier avec la peau. Ce qui déborde des cartons est ensuite enlevé à la pointe. Les papiers des plats se placent alors de façon à dépasser les jointures de 1 ou 2 millimètres. On obtient ainsi et sans trop de peine des plats parfaitement unis.

Les cartons étant bien appropriés, l’ouvrier coupe les plats du livre, il les place l’un sur l’autre sous le carton


Figure 54. — Couvrure, serrage d’un dos ; demi-reliure.
Figure 54. — Couvrure, serrage d’un dos ; demi-reliure.
Fig. 54. — Couvrure, serrage d’un dos ; demi-reliure.


du livre, en les ajustant au filet tracé du côté du mors ; puis, à l’aide de ciseaux à pointes vives, il coupe quatre entailles obliques se rapportant aux filets tracés sur les coins. Ensuite, retirant les plats de dessous le carton, il coupe d’un point à l’autre soit à l’aide des ciseaux, soit au moyen d’une règle et d’une pointe à couper, pour enlever la partie du papier qui doit laisser le coin à découvert. Une coupe droite se prolongeant dans la partie des plats destinés au rempliage, serait évidemment plus simple et d’une exécution plus facile, mais dans ces conditions les remplis feraient non seulement mauvais effet, mais ne couvriraient pas entièrement le carton à l’intérieur près des coins en peau. Il est donc indispensable d’opérer le découpage du papier des plats, de façon à ce qu’en les plaçant sur les plats du livre, les coins paraissent comme encadrés. En effet les proportions justes des coupes obliques doivent concorder avec le fond, de façon à former un carré dans lequel s’emboîte le coin. Les plats étant découpés, l’ouvrier les place sur un papier, et, à l’aide d’un pinceau qu’il a trempé dans de bonne colle forte, il enduit les deux plats. Il saisit alors le premier plat et il le place sur le devant du volume, en l’ajustant parfaitement sur les filets tracés, puis il place un papier par-dessus et, à l’aide d’un plioir, il frotte vivement jusqu’à ce qu’il y ait adhérence parfaite, puis il place le second plat auquel il fait subir la même opération. Alors il


Figure 55. — Trace-coins.
Figure 55. — Trace-coins.
Fig. 55. — Trace-coins.


procède au rempliage en ayant soin de coucher d’abord les remplis sur les angles du carton ; ensuite, à l’aide des pouces, il fixe les remplis à l’intérieur en serrant autant que possible ; puis, à l’aide du plioir, il forme les angles avec soin et il frotte à l’intérieur jusqu’à ce que le tout soit parfaitement lissé et il laisse sécher.

Le traçage des coins en peau, peut également se simplifier à l’aide d’un petit instrument ou équerre mobile, dit trace-coins (fig. 55). On emboîte le coin dans l’équerre dont l’une des branches est mobile, ce qui permet de l’adapter à tous les formats. La mesure étant établie sur l’un, on fixe la branche mobile au moyen de la petite vis de pression. Le traçage se fait alors très rapidement sur tous sans le secours du compas.


Pour les demi-reliures sans coins en peau, il est d’usage et même indispensable de leur mettre des coins soit en parchemin très mince, ou en toile de la même nuance que la peau. Ces coins se placent du dedans au dehors afin que le travail soit plus propre et en même temps plus solide. Les coins en parchemin se collent à la colle de pâte et on a soin de les tremper quelque temps à l’avance afin de les assouplir le plus possible. Les coins en toile ou percaline se collent à la colle forte. Il est bon de les mettre assez grands afin de rendre cette partie du carton aussi solide que possible. Leur forme avant leur application doit être un carré long proportionnel au format du volume. Dès qu’ils sont bien secs, on les aplanit à coups de marteau, afin qu’à cette place on ne remarque aucune épaisseur sous les papiers des plats.

Certains relieurs ont l’habitude de remplier les plats de façon à cacher complètement les coins en toile ou en parchemin, nous préférons de beaucoup les plats coupés à vif à fleur du carton, laissant les coins à découvert sur les angles et à l’intérieur, ce qui avec le système de fermer les coins à l’extérieur et surtout si leur nuance est pareille à la peau, fait très bon effet et donne plus de solidité. Le papier s’use vite à cette place, et cette usure fait mauvais effet au bout de peu de temps.

Les gardes se collent aux demi-reliures comme aux reliures pleines. Les papiers moirés blancs ou chromos se collent toujours à la colle forte en ayant soin d’étendre


Fig. 56. — La presse à percussion ; Placement des volumes en presse après l’achèvement ou pour le polissage des plats au moyen de plaques.
Fig. 56. — La presse à percussion ; Placement des volumes en presse après l’achèvement ou pour le polissage des plats au moyen de plaques.
Fig. 56. — La presse à percussion ; Placement des volumes en

presse après l’achèvement ou pour le polissage des plats au

moyen de plaques.

la colle sur les gardes seulement, sans barbouiller les mors, ce qui les durcirait et les rendrait même cassants. Le contre-collage est inutile pour les papiers moirés, si les gardes blanches sont bien propres et le collage près des mors est bien droit et assez étroit.

  1. WS : à - > a
  2. WS : la oile -> la toile
  3. WS : à à -> à
  4. WS :ajout point
  5. a -> à