Guide de préparations organiques à l’usage des étudiants/2

Traduction par Georges Dunant et H. Decker.
Gauthiers-Villars (p. 83-107).


DEUXIÈME PARTIE.



71. Furfurol C4H3O.COH.

On mélange dans un grand ballon 200g de son avec 200g d’acide sulfurique concentré additionné de 600g d’eau. On distille, jusqu’à ce que le liquide qui passe atteigne 600cm³. Pour en retirer le furfurol, on neutralise par du carbonate de soude, on ajoute 150g de sel marin et l’on distille de nouveau cette partie. On recueille les 200 premiers centimètres cubes qu’on sature par du sel marin et qu’on épuise par l’éther. Par distillation de celui-ci, il reste une huile foncée, le furfurol, qu’on purifie par distillation. Rendement 5g.

Réactions. — Le furfurol donne avec une solution aqueuse de chlorydrate d’hydroxylamine une huile qui ne tarde pas à cristalliser. Avec l’acétate d’aniline, il donne une belle coloration rouge.


72. d-glucose anhydre C6H12O6.

(Soxhlet, Journ. prakt. Chem., t. XXI, p. 45.)

Un mélange de 1l,5 d’alcool à 90 pour 100 et de 60cm³ d’acide chlorhydrique concentré (d = 1,19) est chauffé à 45°-50° sur le bain-marie. On y ajoute, par petites portions et en agitant continuellement, 500g de sucre de canne pulvérisé aussi finement que possible. La même température doit être maintenue jusqu’à ce que la dernière portion de sucre se soit dissoute. La solution, filtrée s’il y a lieu, est refroidie et additionnée d’une petite quantité (environ 0g,5) de glucose anhydre, puis abandonnée pendant plusieurs jours à la température ordinaire. On active la cristallisation, en remuant souvent la solution. Le glucose se dépose en fins cristaux incolores, qu’on filtre à la trompe et qu’on lave à l’alcool absolu.

Pour obtenir un produit tout à fait pur, on dissout ces cristaux dans la plus petite quantité d’eau bouillante possible. On ajoute de l’alcool absolu à cette solution chaude, jusqu’à ce qu’elle commence à se troubler. Si on laisse refroidir le liquide tout en le remuant, le glucose cristallise bientôt.


RÉACTIONS DU GLUCOSE.

1. Une solution aqueuse de glucose, chauffée avec un alcali, brunit et dégage une odeur particulière.

2. Le glucose réduit fortement la liqueur de Fehling à chaud.

3. Transformation du glucose en phénylglucosazone : on dissout 2g de phénylhydrazine dans un mélange de 2g d’acide acétique et de 10cm³ d’eau. À cette solution limpide on ajoute 1g de glucose et l’on chauffe au bain-marie. Au bout de 10 à 15 minutes on voit se déposer de fines aiguilles jaunes.

4. Essai de fermentation : 10cm³ d’une solution aqueuse de glucose à ½ pour 100 sont additionnés de 1g de levure fraîche, bien lavée à l’eau. On agite jusqu’à ce qu’on obtienne un mélange intime. On verse le liquide dans le tube à fermentation et, en tournant convenablement l’appareil, on le fait passer de la boule dans le cylindre gradué, où il ne doit plus rester trace d’air (fig. 19).

On abandonne l’appareil pendant 15 à 20 heures à la température ordinaire, ce qui suffit généralement pour que la fermentation soit terminée. D’après la quantité d’anhydride carbonique dégagé, on détermine, avec une exactitude suffisante, la richesse en glucose de la solution.

Fig. 19
Fig. 19.

La même expérience, répétée avec les mêmes quantités d’eau et de levure, mais sans glucose, ne doit donner aucun dégagement gazeux.


73. Mannose C6H12O6.

200g de tournure d’ivoire végétal, additionnés de 400g d’acide chlorhydrique à 6 pour 100, sont chauffés au bain-marie. On remue constamment ce mélange. Au bout de 8 heures, on filtre à chaud sur de la toile fixée sur un cadre en bois. Le résidu est bien pressé, puis épuisé encore une fois par la même quantité d’eau. La solution aqueuse est ajoutée à la solution acide.

La solution, qui est brune, est traitée à chaud par du noir animal, filtrée, neutralisée à froid par de la soude caustique, puis additionnée d’une solution de 50g de phénylhydrazine dans 100cm³ d’acide acétique à 25 pour 100. La cristallisation de la mannose-phénylhydrazone commence bientôt. Au bout de quelques heures, les cristaux sont filtrés à la trompe et lavés à l’eau froide. Le rendement atteint environ 75g. Le produit brut est redissous dans 80 ou 100 fois son poids d’eau bouillante et traité par le noir animal. On filtre et on laisse cristalliser par refroidissement.

Pour transformer l’hydrazone en mannose, on prend 25g de cette hydrazone, ainsi purifiée, qu’on pulvérise et qu’on introduit peu à peu dans un mélange bouillant de 600cm³ d’eau et de 12g d’aldéhyde benzoïque ; le mélange est brassé par un agitateur à turbine. Si l’agitateur fonctionne bien, l’hydrazone se dissout rapidement et il se dépose bientôt de la benzaldéhyde-phénylhydrazone. Au bout de 20 à 30 minutes, la décomposition du dérivé sucré est généralement terminée. On filtre à travers un filtre à plis, et on laisse refroidir la solution, qu’on épuise par l’éther, pour la débarrasser de l’aldéhyde benzoïque en excès, et qu’on traite ensuite à chaud par le noir animal. La liqueur filtrée est évaporée sous pression fortement réduite, jusqu’à consistance sirupeuse. Si l’on ajoute un cristal de mannose à ce sirop, celui-ci se solidifie au bout d’un certain temps. Pour débarrasser le produit solide du sirop dont il est entouré, on le presse entre deux feuilles de papier buvard, ou on l’étend sur une assiette poreuse. On l’obtient finalement pur, en le faisant cristalliser dans très peu d’eau.


74. Acide gluconique CH2OH.(CHOH)4COOH.

50g de glucose américain sont dissous dans 300g d’eau. On introduit cette solution avec 100g de brome dans un flacon que l’on bouche hermétiquement. On laisse séjourner le mélange, en le secouant souvent, pendant 3 jours à la température ordinaire (20-25°) jusqu’à ce que tout le brome soit dissous.

La solution est rapidement bouillie (et bien remuée) dans une capsule en porcelaine, jusqu’à ce que l’odeur de brome ait disparu. (Exécuter cette opération sous la hotte.) Il faut se garder de surchauffer les parois de la capsule, ce qui ferait noircir son contenu. Pour éliminer l’acide bromhydrique, la solution est étendue d’eau jusqu’à un volume de 500cm³, puis versée dans une grande capsule et neutralisée à la température ordinaire par de la céruse en suspension dans l’eau. On filtre à la trompe et on lave avec un peu d’eau froide.

Pour se défaire du plomb resté en solution, on fait passer dans la liqueur un courant d’hydrogène sulfuré. On filtre. La solution, neutralisée par du carbonate de chaux précipité, est maintenue à l’ébullition pendant 30 minutes. Le liquide filtré est concentré jusqu’à 120cm³, d’abord à feu nu, puis sur le bain-marie. Après refroidissement, on y introduit un cristal de gluconate de chaux. Au bout de quelques heures, la cristallisation commence. Vingt-quatre heures après, les cristaux sont filtrés à la trompe, lavés à l’eau froide et dissous dans la plus petite quantité possible d’eau bouillante. Cette solution est décolorée par un peu de noir animal et filtrée. Par refroidissement, le sel se dépose en masses cristallines incolores, semblables à de petits choux-fleurs. Au bout de 24 heures, ces cristaux sont filtrés, lavés à l’eau froide et séchés sur un bain-marie. Rendement 30g.


75. Phénylhydrazide de l’acide gluconique
CH2OH.(CHOH)4CO.NH.NH.C6H5.

Dans un ballon contenant 30g d’eau bouillante, on dissout 5g de gluconate de chaux ; puis on ajoute 5g de phénylhydrazine et 5g d’acide acétique à 50 pour 100. Ce mélange est chauffé pendant une heure et demie au bain-marie. On laisse refroidir et reposer la solution pendant plusieurs heures. Les cristaux d’hydrazide qui se sont formés sont filtrés, dissous dans de l’eau chaude et traités à l’ébullition par un peu de noir animal. Après filtration, ils se déposent par refroidissement. Ces cristaux sont incolores et fondent vers 200° en se décomposant.


76. Acide saccharique COOH.(CHOH)4.COOH.

On chauffe dans une capsule, placée sur le bain-marie, un mélange de 50g de glucose anhydre et de 350g d’acide nitrique (d = 1,15) ; on concentre jusqu’à consistance sirupeuse, en ayant soin de remuer constamment. Ce sirop est dissous dans peu d’eau et la solution ainsi obtenue est concentrée encore une fois. Mais on arrête la concentration dès que la masse commence à se colorer en brun.

Le résidu est dissous dans 150g d’eau et neutralisé par une solution concentrée de carbonate de potassium. On ajoute 25cm³ d’acide acétique à 50 pour 100 et l’on concentre jusqu’à un volume de 80cm³. En mettant la solution dans un endroit frais en la remuant souvent, le saccharate acide de potassium cristallise. Au bout de 12 heures, il est filtré à la trompe et lavé avec un peu d’eau froide. Il est dissous dans le moins d’eau possible et traité par le noir animal. On filtre et on laisse cristalliser par refroidissement.

Le sel doit être tout à fait incolore. Une solution étendue et chaude de ce sel ne doit pas donner de précipité d’oxalate, si on la traite par du chlorure de calcium et de l’ammoniaque. Rendement 15genviron.


77. Acide mucique COOH.(CHOH)4.COOH.

On mélange dans une capsule en porcelaine 100g de lactose avec 1200g d’acide nitrique (d = 1,15). On concentre, tout en remuant, jusqu’à 200cm³. Le liquide, par dépôt d’acide mucique, se transforme peu à peu en une bouillie épaisse. Après refroidissement, on dilue avec de l’eau ; on recueille le dépôt sur de l’étamine et on le lave à l’eau froide. Le rendement en produit brut doit être de 36g de substance desséchée. Pour le déterminer, on pèse la masse humide et l’on en dessèche 1g à 100°. D’après la quantité d’eau perdue par ce gramme, on déduit le rendement en substance brute desséchée.

Pour purifier complètement l’acide mucique, on le dissout dans de la soude caustique diluée et on le précipite de nouveau par un acide. Dans cette opération, il est à remarquer que seul le sel neutre de sodium est facilement soluble dans l’eau et que sa solubilité est diminuée par un excès d’alcali. Il est donc prudent de calculer la quantité de soude caustique à employer et de se servir d’une solution normale. Pour la quantité de produit brut indiquée ci-dessus (36g de produit sec), il faut prendre environ 335cm³ d’une solution normale de soude caustique. L’acide mucique se dissout déjà à froid, surtout si l’on a soin de bien agiter. Si la liqueur est jaune, on la décolore par ébullition avec du noir animal. Si elle est incolore, on y ajoute directement autant d’acide chlorhydrique qu’il faut pour s’emparer de tout le sodium.

Pour cela, il faut environ 67cm³ d’une solution 5 fois normale d’acide chlorhydrique. L’addition d’acide chlorhydrique ne doit pas se faire à chaud, mais à la température ordinaire, car, sans cela, l’acide mucique se transformerait en partie dans sa lactone, qui est plus facilement soluble. Après l’addition d’acide chlorhydrique, la cristallisation de l’acide mucique s’effectue très vite. Pour qu’elle soit complète, on abandonne la solution pendant 1 heure dans un endroit froid, si possible à 0°. Les cristaux sont filtrés à la trompe, lavés à l’eau froide, jusqu’à ce que les eaux de lavage ne donnent plus la réaction du chlore, et finalement séchés à 100°. Rendement 32g.


78. Acide α-glucoheptonique
CH2OH.(CHOH)8.COOH.

100g de glucose anhydre sont dissous dans 500cm³ d’acide cyanhydrique à 3 pour 100 ; on y ajoute 10 gouttes d’ammoniaque ordinaire. Le mélange est abandonné pendant 4 à 5 jours à la température ordinaire, puis additionné d’une solution de 130g d’hydrate de baryum dans 400cm³ d’eau et maintenu à l’ébullition dans une capsule jusqu’à disparition complète de l’ammoniaque. On acidule par de l’acide sulfurique dilué et l’on chasse jusqu’à la moindre trace l’acide cyanhydrique par ébullition. (Exécuter cette opération sous la hotte.) L’acide sulfurique est précipité quantitativement par l’eau de baryte. La solution est bouillie avec du noir animal, filtrée et concentrée au bain-marie jusqu’à consistance sirupeuse. Ce sirop, abandonné assez longtemps à la température ordinaire, laisse déposer la lactone de l’acide α-glucoheptonique sous forme cristalline. Ces cristaux sont triturés dans un peu d’alcool à 80 pour 100 et filtrés à la trompe. Ils sont ensuite dissous dans 3 fois leur quantité d’eau. La solution est traitée à l’ébullition par du noir animal, filtrée et concentrée. Par refroidissement, la cristallisation s’effectue.


79. α-glucoheptose C7H14O7.

Dans un flacon à parois résistantes et d’une capacité de 600cm³ environ, on dissout 20g de lactone de l’acide α-glucoheptonique dans 200g d’eau. Le flacon est mis dans un mélange réfrigérant et l’on attend l’apparition de petits cristaux de glace. On ajoute alors 1cm³,5 d’acide sulfurique dilué et par petites portions, 100g d’amalgame de sodium à 2,5 pour 100, aussi pur que possible. La masse est énergiquement secouée et de temps en temps on ajoute de l’acide sulfurique dilué par doses de 2cm³, de façon que la solution soit constamment acide. Pour que la solution reste toujours froide, il faut avoir soin de replonger souvent le flacon dans le mélange réfrigérant. Lorsque tout l’amalgame a été introduit, on attend la reformation des cristaux de glace. On ajoute de nouveau 100g d’amalgame, en procédant comme ci-dessus. L’opération est terminée lorsqu’on a introduit 300g d’amalgame en tout ; elle dure environ 50 minutes. La solution, débarrassée du mercure, est alcalinisée par de la soude caustique ; au bout d’une demi-heure, elle doit encore avoir une réaction alcaline. On procède ainsi, pour transformer la lactone non attaquée, dans son sel de soude. On neutralise exactement la solution par de l’acide sulfurique et, pour la rendre limpide, on la traite à l’ébullition par du noir animal, puis on la filtre. Dans la solution chaude, constamment remuée, on verse peu à peu 8 fois son volume d’alcool chaud à 96 pour 100. Le mélange est abandonné pendant 12 heures à la température ordinaire. Le sulfate de soude et la plus grande partie du sel organique de sodium se déposent, tandis que tout le sucre reste généralement en solution.

Le liquide filtré est débarrassé de son alcool par distillation sur le bain-marie. La solution aqueuse, ainsi obtenue, est concentrée d’abord à feu nu, puis au bain-marie jusqu’à ce que la cristallisation commence. Par refroidissement, le sucre se dépose en une masse cristalline épaisse. Après quelques heures, ces cristaux sont filtrés à la trompe et lavés d’abord avec de l’alcool à 50 pour 100, puis avec de l’alcool à 80 pour 100 et finalement avec de l’alcool absolu. Après dessiccation, ils sont blancs, ne contiennent pas de cendres et sont chimiquement purs. Le rendement varie entre les 32 et les 38 pour 100 de la lactone employée. On ne peut généralement récupérer que peu de sucre des eaux mères, car d’autres produits gênent sa cristallisation.


80. Sorbite CH2OH.(CHOH)4.CH2OH.

Dans un flacon de 700cm³ de capacité et qu’on peut boucher hermétiquement, on dissout 30g de glucose pur dans 300g d’eau. On y ajoute peu à peu, à la température ordinaire, 100g d’amalgame de sodium à 1,5 pour 100, en ayant soin d’agiter chaque fois le mélange, qu’on maintient à l’état neutre par additions répétées de petites quantités d’acide sulfurique. On ajoute encore de l’amalgame par portions de 100g, tout en secouant et neutralisant le mélange, jusqu’à ce que 5 gouttes de la solution ne réduisent plus qu’une seule goutte de la liqueur de Fehling. La température ne doit pas monter au-dessus de 25°. Cette opération dure de 10 à 12 heures. On emploie généralement 600g à 700g d’amalgame.

La solution, débarrassée du mercure par décantation, est exactement neutralisée par de l’acide sulfurique, puis concentrée au bain-marie jusqu’à 120cm³, et finalement versée dans un litre d’alcool absolu bouillant.

On filtre. Le liquide est concentré au bain-marie jusqu’à consistance sirupeuse. Le sirop est dissous dans 80cm³ d’acide sulfurique à 50 pour 100 et additionné de 30g d’aldéhyde benzoïque ; le tout est énergiquement secoué. Le mélange est encore souvent secoué dans l’espace de 24 heures. Au bout de ce temps on obtient une masse pâteuse, grâce au dépôt de dibenzalsorbite.

On dilue avec de l’eau et filtre à la trompe. Le résidu est soigneusement lavé, d’abord à l’eau froide, puis à l’éther pour entraîner l’aldéhyde benzoïque, et de nouveau à l’eau.

On fait bouillir pendant 40 minutes au réfrigérant ascendant la dibenzalsorbite dans 5 fois sa quantité d’acide sulfurique à 5 pour 100. Après refroidissement, on épuise la liqueur par l’éther, pour éliminer l’aldéhyde benzoïque. La solution, rendue ainsi limpide, est débarrassée de son acide sulfurique par un excès d’hydrate de baryum, excès qui sera précipité à son tour par un courant d’anhydride carbonique. Le liquide filtré est concentré au bain-marie jusqu’à consistance sirupeuse.

Si l’on dilue ce sirop par quelques gouttes d’alcool à 90 pour 100 et qu’on y laisse tomber un cristal de sorbite, on obtient, au bout de quelque temps, une masse solide. Celle-ci est filtrée, lavée et redissoute dans un peu d’alcool bouillant à 90 pour 100. La sorbite cristallise à la longue sous forme de verrues incolores ou de paquets d’aiguilles.


81. α-méthyl-glucoside C6H11O6CH3.

(E. Fischer, Ber. d. d. chem. Ges., t. XXVIII, p. 1151.)

Cette combinaison se forme, lorsqu’on maintient pendant un certain temps à 100° du glucose, additionné d’une solution très diluée d’acide chlorhydrique dans l’alcool méthylique anhydre.

De l’alcool méthylique commercial, ne contenant pas d’acétone, est d’abord séché pendant plusieurs jours sur de la chaux vive, puis distillé. 10cm³ de cet alcool sec sont versés dans un petit ballon, possédant un tube de verre, par lequel on peut faire passer un courant gazeux. On pèse exactement le tout. On fait passer un courant d’acide chlorhydrique sec dans le ballon, suffisamment refroidi pour qu’il n’y ait pas volatilisation du liquide et qu’on puisse par une pesée déterminer exactement la quantité d’acide chlorhydrique entrée en solution. La liqueur chlorhydrique ainsi obtenue est diluée avec de l’alcool méthylique, jusqu’à ce qu’on obtienne une solution à 0,25 pour 100. 100g de cette solution diluée sont additionnés de 25gde glucose anhydre finement pulvérisé. On maintient ce mélange à l’ébullition pendant trois quarts d’heure (munir le ballon d’un réfrigérant ascendant), jusqu’à ce que le sucre soit entièrement dissous. Le liquide, légèrement coloré en jaune, contient maintenant un produit intermédiaire, vraisemblablement du glucosediméthylacétal, qui est changé en glucoside par ébullition prolongée à 100°. Pour cela, on chauffe le liquide en tube scellé (on prendra un ou deux tubes) pendant 50 heures au bain-marie. La solution est concentrée jusqu’au tiers de son volume, puis bien refroidie. Après un temps assez long (ou plus rapidement si l’on a inoculé un cristal de la substance), l’α-méthyl-glucoside cristallise en petites aiguilles incolores, qu’on filtre au bout de 12 heures. Le rendement atteint les 45 pour 100 du glucose employé. Si l’on traite une seconde fois les eaux mères, toujours à 100° et pendant 50 heures, par une solution d’acide chlorhydrique dans l’alcool méthylique, on récupère une certaine quantité de glucoside. Une seule cristallisation dans 18 parties d’alcool éthylique bouillant suffit généralement pour purifier le produit brut.


82. Chlorhydrate de glucosamine
CH2OH.(CHOH)3.CH(NH2.HCl).COH.

Des carapaces et des pinces de homards bien nettoyées sont plongées pendant 24 heures dans de l’acide chlorhydrique dilué ; après quoi, on les coupe en morceaux et les débarrasse des fibres et des particules de chair adhérentes. 100g de ces matières bien propres sont mis dans une capsule en porcelaine avec de l’acide chlorhydrique concentré. On chauffe la capsule sur un bain de sable ou sur un bec de Babo, jusqu’à faible ébullition. La chitine se dissout rapidement et la liqueur prend une coloration foncée. On évapore jusqu’à ce qu’on obtienne une grande quantité de cristaux de chlorhydrate de glucosamine ; on laisse refroidir et l’on filtre ou sur de l’étamine ou sur de la toile ou sur du papier à filtrer durci. On lave avec un peu d’acide chlorhydrique froid. Si l’on concentre encore les eaux mères, on obtient une nouvelle cristallisation. Pour purifier le sel, on le dissout dans de l’eau chaude et l’on concentre la solution jusqu’à apparition de cristaux.


83. Leucine racémique
(CH3)2.CH.CH2.CH(NH2).COOH.

(Méthode de Strecker. Voyez Limpricht, Liebigs Ann., t. XCIV, p. 243, et E. Fischer, Ber., t. XXXIII, p. 2372.)

50g d’aldéhyde isovalérique sont dissous dans 100cm³ d’éther sec. Cette solution bien refroidie est saturée d’ammoniaque sèche. L’eau, qui s’est formée pendant la réaction, est éliminée au moyen d’un entonnoir à robinet. La solution éthérée est secouée avec du carbonate de potassium, filtrée et évaporée dans le vide ; pendant l’évaporation, la température ne doit pas dépasser 25°. Le résidu d’aldéhyde-ammoniaque est huileux et ne tarde pas à cristalliser. On l’introduit dans 100cm³ d’eau et l’on ajoute peu à peu à ce mélange, tout en le refroidissant, 36cm³ d’acide cyanhydrique à 50 pour 100. Pendant 12 heures on secoue et laisse reposer alternativement. On introduit ensuite un mélange de 400cm³ d’acide chlorhydrique(d = 1,19) et de 200cm³ d’eau, ce qui donne un précipité grumeleux. Par ébullition prolongée du liquide trouble dans un ballon, ce précipité se dissout ; on ajoute encore 200cm³ d’eau et fait cuire pendant 2 heures, puis on évapore au bain-marie pour chasser l’acide chlorhydrique. Le résidu est chauffé avec 60cm³ d’eau, puis faiblement saturé par de l’ammoniaque. Par refroidissement, la leucine se dépose ; elle est recueillie sur de l’étamine et lavée à l’eau froide, jusqu’à élimination du chlorure d’ammonium.

Le rendement est de 25g environ ; il dépend de la qualité de l’aldéhyde isovalérique. Pour purifier complètement le produit, on le dissout dans une assez grande quantité d’eau chaude. La solution est bouillie avec du noir animal et filtrée ; les cristaux se déposent par refroidissement. Si l’on évapore les eaux mères, ou si on les dilue avec de l’alcool, on récupère une certaine quantité du produit.


84. Phénylalaline racémique
C6H5.CH2.CH(NH2).COOH.

(E. Fischer. Ber. d. d. chem. Ges., t. XXXVII, p. 3064.)

50g d’acide benzylmalonique sont dissous dans 250g d’éther sec et additionnés peu à peu, à la lumière du jour, de 50g de brome (1,2 molécule). Au commencement, l’halogène disparaît rapidement et il y a formation d’acide bromhydrique. À la fin, le liquide se colore en brun rouge par excès de brome. La solution éthérée, après un repos d’une demi-heure, est additionnée d’abord d’une petite quantité d’eau, puis peu à peu d’acide sulfureux et secouée jusqu’à disparition de la coloration rouge du brome. On la lave encore une fois avec un peu d’eau et l’évapore avec précaution. On obtient un résidu solide qu’on cristallise dans 250cm³ de benzène bouillant. Rendement 93 pour 100 de la théorie. L’acide benzyl-bromo-malonique, après avoir été desséché a 80° dans le vide, fond vers 137° (corr.).

L’acide benzyl-bromo-malonique humide est chauffé à 125°-130° au bain d’huile ; il fond avec dégagement gazeux (anhydride carbonique et un peu d’acide bromhydrique). La réaction est terminée au bout de trois quarts d’heure. Le résidu est une huile jaune, ne cristallisant pas, même à basse température, et consistant principalement en acide phényl-α-bromopropionique. Pour purifier ce dernier, on le lave à l’eau et l’extrait par l’éther. La solution éthérée est séchée sur du sulfate de sodium et distillée. Il reste une huile très liquide, à peu près incolore, qu’on dissout dans 5 fois sa quantité d’ammoniaque à 25 pour 100. On chauffe cette solution ammoniacale en tube scellé pendant 3 heures à 100°, ou bien on l’abandonne 3 ou 4 jours à la température ordinaire. Par évaporation, on obtient un résidu presque incolore consistant principalement en bromure d’ammonium et en phénylalaline. Si l’on fait bouillir le résidu dans de l’alcool, l’acide aminé reste insoluble. Une seule cristallisation dans l’eau chaude suffit pour le purifier complètement. Rendement 60 pour 100 de la théorie (calculé à partir de l’acide benzyl-bromo-malonique).


85. Tyrosine HO.C6H4.CH2.CH(NH2).COOH.

On fait bouillir pendant 12 heures au réfrigérant ascendant un mélange de 100g de soie blanche dégommée, de 200cm³ d’acide sulfurique concentré et de 1000cm³ d’eau. Le liquide devient foncé ; on le filtre après refroidissement. L’acide sulfurique est précipité quantitativement par une solution concentrée d’hydrate de baryum ; on se défait du sulfate de baryum par filtration à travers l’étamine. Le précipité qui retient de la tyrosine doit être épuisé plusieurs fois par de l’eau bouillante. Tous les liquides filtrés sont réunis et concentrés au bain-marie jusqu’à ce que, déjà à chaud, une abondante cristallisation se produise. Après refroidissement, on filtre ; les cristaux sont traités par de l’acide acétique bouillant. Le résidu insoluble est dissous dans beaucoup d’eau chaude et traité à l’ébullition par du noir animal ; on filtre à chaud. La tyrosine se dépose par refroidissement en aiguilles cristallines disposées en paquets. Rendement 8g. Par concentration des eaux mères, le rendement peut atteindre 10g.


86. Cystine
HOOC.CH(NH2).CH2S — SCH2.CH(NH2).COOH.

Dans un ballon à fond rond de 3l de capacité et muni d’un réfrigérant ascendant, on fait cuire pendant 6 heures 500g de crins de cheval dans 1l,5 d’acide chlorhydrique à 30 pour 100. Le liquide, devenu foncé, est additionné d’abord de 4l d’eau, puis d’une solution concentrée de potasse caustique (33 pour 100), jusqu’à ce qu’il ne possède plus qu’une réaction faiblement acide. Il faut faire attention que la température ne s’élève pas pendant cette opération. Pour éclaircir le mélange, on le chauffe un instant, tout en l’agitant fortement, avec 40g de noir animal ; on le filtre. Le liquide filtré, neutralisé exactement par de la potasse caustique, est abandonné 5 ou 6 jours dans un endroit froid ou dans une glacière, afin que la cristallisation puisse s’effectuer. Les cristaux de cystine sont filtrés à la trompe, lavés à l’eau froide et dissous dans la plus petite quantité possible d’ammoniaque chaude à 10 pour 100. Cette solution est bouillie encore une fois avec du noir animal. Par addition d’acide acétique dans le liquide filtré, la cystine précipite. On répète cette opération, ce qui donne un produit à peu près incolore, ne contenant plus de tyrosine. Le rendement est de 15 à 16g. En réalité, le rendement peut être beaucoup plus fort, car les eaux mères contiennent encore une grande quantité de produit. Mais la cristallisation, qu’on obtient d’une solution diluée, a l’avantage de fournir rapidement un produit pur. De plus, on évite comme cela de concentrer de grandes quantités de liquide.


87. Glycine de l’acide β-naphtaline-sulfonique
C10H7.SO2.NH.CH2.COOH.

(E. Fischer et P. Bergell, Ber. d. d. chem. Ges., t. XXXV, p. 3780.)

On dissout 2g de glycocolle dans une solution normale de soude caustique (le nombre de centimètres cubes de la solution doit être calculé pour 1mol). On ajoute une solution éthérée de 2mol de chlorure de l’acide β-naphtaline-sulfonique. Le mélange, introduit dans un flacon fermant hermétiquement, est secoué à température ordinaire dans un appareil agitateur. On ajoute encore trois fois la même quantité de solution normale de soude caustique, à des intervalles d’une heure. Après 4 heures, le liquide est versé dans un entonnoir à robinet ; on ne conserve que la solution aqueuse, qui doit encore avoir une réaction alcaline et qu’on sature par de l’acide chlorhydrique. Une huile se forme, qui se prend bientôt en une masse cristalline. Pour obtenir un produit tout à fait pur, on cristallise cette masse de l’eau chaude. Les cristaux, déposés par refroidissement, forment de fines paillettes, souvent effilées, réunies en paquets. Chauffés, ils se mettent en boules vers 151° et fondent à 156° (corr. 159°).


88. Éther éthylique du glycocolle NH2.CH2.COOC2H5 et anhydride glycinique HN.(CO.CH2)2.NH.

50g de chlorhydrate d’éther éthylique du glycocolle sont introduits dans 25cm³ d’eau ; la dissolution n’est que partielle. Le liquide, recouvert de 100cm³ d’éther et refroidi énergiquement au moyen d’un bon mélange réfrigérant, est additionné de 40cm³ d’une solution concentrée de soude caustique (33 pour 100). À la fin on ajoute, tout en secouant fortement et en continuant à refroidir, du carbonate de potassium granuleux et sec, jusqu’à ce que la couche aqueuse soit transformée en une bouillie épaisse. On continue à secouer très énergiquement, puis la solution éthérée est mise à part. Le résidu est encore épuisé deux ou trois fois par l’éther. Les solutions éthérées, réunies et filtrées, sont séchées 10 minutes sur du carbonate de potassium, puis plusieurs heures sur du sulfate de sodium. Après évaporation de l’éther, le résidu est distillé sous pression réduite. Lorsque la pression n’est que de 11mm, il bout vers 43-44°. Le rendement atteint les 50 pour 100 du chlorhydrate employé.

20g de l’éther sel du glycocolle sont placés dans un ballon au milieu d’un mélange réfrigérant et additionnés de 12g d’eau. Ce mélange est abandonné plusieurs jours à la température ordinaire. L’anhydride se dépose en une masse bien cristallisée. On filtre. Les cristaux sont lavés avec un peu d’eau froide et séchés dans le vide sur de l’acide sulfurique. Rendement 7g.


89. Leucyl-glycine
(CH3)2.CH.CH2.CH(NH2).CO.NH.CH2.COOH.

10g de glycocolle sont dissous dans 133cm³ (1mol) d’une solution normale de soude caustique. À cette solution, bien refroidie par de la glace et énergiquement secouée, on ajoute, alternativement et par petites portions, 220cm³ d’une solution normale de soude caustique et 34g (1mol,2) de chlorure de l’acide α-bromisocaproïque. Dans cette opération, qui demande 45 minutes, on ne rajoutera une nouvelle portion, que lorsque les gouttes d’huile formées et l’odeur du chlorure acide auront disparu. Le liquide est additionné de 45cm³ d’une solution 5 fois normale d’acide chlorhydrique. Une huile se dépose, qu’on dissout dans l’éther. Par addition d’éther de pétrole dans la solution concentrée d’éther, on précipite le produit de condensation, qui ne tarde pas à cristalliser. La glycine de l’acide α-bromisocaproïque,

(CH3)2.CH.CH2.CHBr.CO.NH.CH2.COOH,

est filtrée à la trompe, lavée à l’éther de pétrole et cristallisée dans l’eau ou le chloroforme. Point de fusion 133°. Rendement, 90 pour 100 de la théorie.

Pour transformer la glycine de l’acide α-bromisocaproïque en leucyl-glycine, on la dissout dans 5 fois sa quantité d’ammoniaque à 25 pour 100. On laisse séjourner la solution 4 jours à la température ordinaire. Lorsqu’on l’évapore ensuite au bain-marie, il y a cristallisation de bromure d’ammonium et de dipeptide. On ajoute de l’alcool absolu et évapore une seconde fois à sec. Le résidu est traité à l’ébullition par de l’alcool absolu. Après refroidissement, la leucyl-glycine, restée insoluble dans l’alcool, est filtrée à la trompe et lavée à l’alcool, jusqu’à ce que, dissoute dans l’eau, elle ne donne plus aucune réaction avec le nitrate d’argent. Pour purifier la dipeptide, on la dissout dans 15 fois sa quantité d’eau bouillante ; par refroidissement, la moitié seulement du produit cristallise. On récupère le reste par concentration des eaux mères et précipitation par l’alcool. La leucyl-glycine fond vers 243° en se décomposant. Rendement 80 pour 100. Le produit ne doit plus contenir de brome.


90. Hydrolyse de la gélatine.

500g de gélatine du commerce, aussi pure que possible, sont introduits dans 1l,5 d’acide chlorhydrique concentré (d = 1,19). Le mélange est secoué à la température ordinaire, jusqu’à dissolution complète, puis bouilli pendant 6 heures au réfrigérant ascendant et enfin concentré, sous pression réduite, jusqu’à consistance sirupeuse. Ce sirop est dissous à chaud dans 3l d’alcool absolu. La solution est saturée par un courant d’acide chlorhydrique gazeux et chauffée encore 30 minutes au bain-marie. Puis elle est refroidie, inoculée d’un cristal de chlorhydrate d’éther de glycocolle et conservée pendant 48 heures dans de la glace. Le chlorhydrate d’éther de glycocolle cristallise en grande quantité. Il est filtré à la trompe et lavé à l’alcool absolu. Les eaux mères alcooliques, additionnées de l’alcool de lavage, sont évaporées au bain-marie, sous pression fortement réduite et à une température inférieure à 40°, jusqu’à consistance sirupeuse. Le résidu est redissous dans 3l d’alcool absolu et saturé par un courant d’acide chlorhydrique gazeux. La solution, évaporée de moitié et additionnée d’un cristal de chlorhydrate d’éther de glycocolle, donne pour la deuxième fois, après un long séjour à 0°, une abondante cristallisation. Le rendement total de ces deux cristallisations de chlorhydrate atteint 130g. Les eaux mères alcooliques, presque entièrement débarrassées de glycocolle, sont évaporées au bain-marie, sous pression fortement réduite, jusqu’à consistance sirupeuse. Le résidu est formé par les chlorhydrates des éthers sels des amino-acides. Pour extraire ces corps, on secoue, le résidu avec un peu d’eau (environ ¼ du volume du résidu) à température ordinaire jusqu’à complète dissolution. Cette solution, bien refroidie au moyen d’un mélange de glace et de sel, est additionnée de 2 fois son volume d’éther, puis, avec prudence, de soude caustique concentrée, jusqu’à neutralisation approximative de l’acide libre, et enfin d’une solution concentrée de carbonate de potassium. Si l’on secoue énergiquement, une grande partie des amino-éthers devenus libres se dissout dans l’éther. On ne neutralise qu’approximativement, car un excès d’alcali décomposerait les dérivés de l’acide aspartique et de l’acide glutamique. La couche éthérée est mise à part. On verse une seconde couche d’éther sur la solution aqueuse et l’on refroidit le mélange. C’est seulement alors qu’on ajoute un excès de soude caustique concentrée et aussitôt après la quantité de carbonate de potassium nécessaire pour transformer toute la masse en une bouillie épaisse. Par ce traitement, les éthers de l’alanine et du glycocolle, très fortement basiques et facilement solubles dans l’eau, ainsi que le reste des acides monoaminés, sont mis en liberté et pris par l’éther. Mais, pour cela, il est nécessaire que la masse soit secouée avec l’éther aussi énergiquement que possible. La couche éthérée est réunie à la première solution obtenue. On secoue encore fortement la masse avec une nouvelle portion d’éther, et l’on continue l’épuisement jusqu’à ce qu’une prise d’essai de la solution éthérée ne laisse qu’un très petit résidu.

Les solutions éthérées, qui sont colorées en brun, sont réunies, secouées 5 minutes avec du carbonate de potassium, puis séchées pendant 12 heures sur du sulfate de sodium anhydre. Après évaporation de l’éther, les éthers organiques sont distillés sous pression réduite, d’abord au bain-marie, puis au bain d’huile. On recueille les fractions suivantes :

Température. Pression.
I. à 40° (bain-marie) 8mm à 12mm
II. 40° à 60° » 8mm à 12
III. 60° à 100° » 8mm à 12
IV. Jusqu’à 100° » 0,2
V. 100° à 170° (bain d’huile) 0,2

Il est préférable de répéter la distillation fractionnée.

Les quatre premières fractions sont diluées séparément de 5 fois leur quantité d’eau et bouillies dans un ballon muni d’un réfrigérant ascendant, jusqu’à ce que la réaction alcaline ait disparu. Ces solutions, mises de côté, seront reprises plus tard.

La cinquième fraction, qui doit être débarrassée de l’éther de phénylalanine, est additionnée d’eau à volume égal ; presque tout entre en solution. Le liquide est secoué avec un volume égal d’éther, dans lequel l’éther de phénylalanine se dissout. Pour obtenir un produit pur, la couche éthérée est lavée trois fois dans un entonnoir à robinet avec une quantité d’eau égale. Les eaux de lavage sont réunies à la couche aqueuse et le tout est mis à part.

La solution éthérée est évaporée. Pour saponifier l’éther, on additionne le résidu de beaucoup d’acide chlorhydrique concentré et l’on évapore. On obtient ainsi le chlorhydrate de phénylalanine, qu’on transforme dans l’amino-acide par addition d’ammoniaque et évaporation au bain-marie. La difficulté avec laquelle la phénylalanine pure se dissout dans l’eau permet de la débarrasser, par simple lavage à l’eau froide, du chlorure d’ammonium formé. On lave la phénylalanine jusqu’à ce qu’une prise d’essai, dissoute dans l’acide nitrique, ne donne plus de précipité avec le nitrate d’argent. Rendement 10g.

La solution aqueuse, que l’on avait mise de côté et qui contient les éthers organiques de la cinquième fraction (acide aspartique, acide glutamique, serine), est chauffée 2 heures au bain-marie avec de l’hydrate de baryum cristallisé. La quantité d’hydrate de baryum à ajouter est égale à 2 fois le poids des éthers organiques dissous. On abandonne la solution pendant plusieurs jours. De l’aspartate de baryum inactif se dépose, tandis qu’une grande quantité de ce sel, ainsi que l’isomère actif, reste encore en solution[1]. Ce sel de baryum est filtré, mis en suspension dans de l’eau et décomposé à chaud par la quantité exacte d’acide sulfurique. La solution est filtrée et concentrée jusqu’à cristallisation de l’acide aspartique.

Le liquide, provenant de la filtration de l’aspartate de baryum, est débarrassé quantitativement de l’hydrate de baryum par addition d’acide sulfurique. Après filtration du sulfate de baryum, le liquide est évaporé sous pression réduite jusqu’à consistance sirupeuse, puis additionné d’un volume égal d’acide chlorhydrique concentré (d = 1,19) et sursaturé par un courant d’acide chlorhydrique gazeux. Si l’on met le récipient dans un endroit froid, on obtient au bout de quelque temps une cristallisation d’acide glutamique chlorhydrate, qu’on filtre à la trompe sur du papier à filtrer durci. Les eaux mères sont évaporées. On dissout le résidu dans l’eau et on le débarrasse de l’acide chlorhydrique au moyen d’un excès d’oxyde jaune de plomb. On filtre. Le plomb est éliminé par l’hydrogène sulfuré. On concentre la solution filtrée jusqu’à cristallisation de l’acide aspartique. Pour obtenir la serine, on emploie une méthode particulière (voyez Zeitschr. f. physiol. Chem., t. XXXVI, p. 464).

La solution aqueuse de la première fraction de la distillation des éthers contient principalement de l’alanine à côté d’un peu de glycocolle et d’acides aminés supérieurs. Par concentration et cristallisation fractionnée, on obtient deux portions. La première est de l’alanine pure et principalement de l’isomère droit. La deuxième portion est additionnée de 3 fois son poids d’alcool absolu ; il y a éthérification. On inocule à cette solution un cristal de chlorhydrate d’éther de glycocolle. Après un séjour dans un endroit froid, la cristallisation s’effectuera.

La deuxième fraction contient également de l’alanine, ainsi que de la leucine et de la proline (acide α-pyrrolidine-carbonique). Pour retirer ces acides aminés, on concentre la solution au bain-marie jusqu’à commencement de cristallisation. Il y a dépôt de leucine, plus difficilement soluble, tandis que l’alanine, plus soluble, et la proline restent en solution dans les eaux mères. On évapore finalement toute la solution à siccité et fait bouillir le résidu avec 5 fois son volume d’alcool absolu. La proline se dissout, tandis que l’alanine, généralement accompagnée d’autres acides aminés (acide aminovalérique), reste insoluble. La solution alcoolique de proline sera réunie aux solutions alcooliques, qu’on retirera des fractions III et IV.

La troisième fraction est constituée par une grande quantité de proline, par de la leucine et par des acides aminés moins riches en atomes de carbone. Par cristallisation fractionnée, on obtient trois portions. Dans la première, on ne trouve presque rien que de la leucine. Pour avoir un produit pur, on la dissout dans de l’eau chaude et la traite à l’ébullition par un excès d’oxyde de cuivre fraîchement précipité. On filtre à chaud. Par refroidissement, le sel de cuivre de la leucine se dépose en paillettes bleu pâle, tandis que les sels de cuivre des acides aminés, qui se trouvent en petite quantité dans cette portion, restent en solution. Les deux autres portions réunies sont traitées par l’alcool absolu bouillant pour que la proline se dissolve. La solution alcoolique filtrée est réunie aux deux autres solutions alcooliques de proline obtenues dans les fractions II et IV. Les produits insolubles dans l’alcool sont composés en grande partie d’alanine.

La quatrième fraction contient presque exclusivement de la leucine et de la proline dont la séparation s’effectue par évaporation de la solution et traitement par l’alcool absolu à l’ébullition.

Les solutions alcooliques de proline, provenant des fractions II, III et IV, après avoir été réunies, sont évaporées à siccité sous pression réduite. Le résidu est dissous dans l’eau. Pour séparer la proline active de son isomère racémique, on fait bouillir la solution avec un excès d’oxyde de cuivre. Le liquide filtré est bleu foncé, il est évaporé à sec. Le résidu est repris à l’ébullition par l’alcool absolu. Le sel de proline active se dissout. L’alcool est distillé et le résidu dissous dans l’eau. On décompose le sel de cuivre au moyen d’un courant d’hydrogène sulfuré ; on filtre et l’on évapore sous pression réduite le liquide filtré. La proline active, qui forme le résidu, est dissoute dans peu d’alcool absolu et précipitée par l’éther. Mais, comme cet acide aminé ne cristallise que très difficilement, quand il n’est pas tout à fait pur, il est préférable de le transformer en son isomère racémique, qui cristallise très bien. Pour cela, on chauffe dans un autoclave pendant 5 heures à 145° un récipient de porcelaine contenant 1g de cet acide, 2g d’hydrate de baryum cristallisé et 4g d’eau. La baryte est précipitée quantitativement par l’acide sulfurique. Pour purifier la proline racémique obtenue, on la dissout dans l’alcool, on chasse l’alcool par distillation et on la transforme dans son sel de cuivre très caractéristique.

Ce sel de cuivre-ci avait déjà été obtenu précédemment ; et, lorsqu’on avait traité le mélange des prolines cuivrées par l’alcool, il était resté insoluble, sous forme d’une masse solide bleue. On peut le purifier par cristallisation de l’eau chaude. On fixe son identité par des déterminations d’eau de cristallisation et de cuivre. Le sel, séché à l’air, a la composition suivante :

(C5H8NO2)2Cu + 2 H2O.

L’odeur de pyrrolidine est caractéristique pour les deux isomères de proline. Cette odeur prend naissance, lorsqu’on évapore au bain-marie les solutions aqueuses des sels de cuivre des deux isomères.



  1. Les acides chauds, par hydrolyse, racémisent partiellement la plupart des acides aminés. Et comme les substances racémiques possèdent une autre solubilité que leurs isomères actifs, il est très difficile d’isoler tout un même produit à la fois (racémique et actif). On peut tourner la difficulté de la façon suivante : le mélange des acides aminés, provenant de la distillation fractionnée des éthers, est complètement racémisé, si on le chauffe à 140°-170° avec de la baryte. Cette méthode n’est pourtant pas à recommander dans notre cas, car son exécution est trop incommode.