Guide bibliographique de la littérature française de 1800 à 1906/Avant-propos
AVANT-PROPOS
A bibliographie est aujourd’hui une science ; elle est devenue un aide indispensable à tous ceux
qui, à un titre quelconque, s’intéressent à l’étude des lettres, au maître aussi bien qu’à l’élève,
au spécialiste comme au simple amateur de livres. Pendant les cinquante dernières années, la
critique littéraire a été si féconde, qu’il n’est peut-être pas un sujet sur lequel on ne puisse
trouver d’abondants renseignements ; mais la difficulté consiste à pouvoir s’orienter dans ce
labyrinthe de la critique littéraire — ainsi que l’auteur put en faire l’expérience il y a une dizaine
d’années, alors qu’il poursuivait à Paris des études de littérature française.
Aujourd’hui, à vrai dire, il ne manque pas de bibliographies spéciales contenant des références sur tel auteur ou sujet étudié, mais le plus souvent les références bibliographiques se bornent à signaler les livres, ou tout au plus les articles de périodiques français. Je ne sache pas (qu’aucune de ces bibliographies contienne une étude embrassant à la fois les critiques des journaux italiens, anglais, américains, allemands, hollandais et autres de l’Europe ; c’est cette lacune, entre autres, que le présent travail se propose de combler.
Il semblait du reste à l’auteur qu’un travail de ce genre répondrait à plusieurs besoins. M. Brunetière, dans son avant-propos sur Balzac (1906), disait : "Je ne connais rien de plus impertinent que cette méthode à la mode, qui consiste aujourd’hui, quelque sujet que l’on traite, à le traiter comme si personne avant nous ne s’en était avisé, n’y avait rien compris du tout, ou n’en avait rien dit que de parfaitement négligeable. Mais, au contraire, il n’y a rien de négligeable en critique…" Le premier devoir donc de quiconque aspire à devenir une autorité sur tel ou tel auteur, sera de se documenter non seulement par la lecture de tous les ouvrages de cet auteur, mais encore en passant en revue tout ce que la critique a dit à son sujet.
Le présent travail étant destiné surtout aux chercheurs, ce serait outrepasser sa fonction que de leur signaler l’importance relative des articles de critique : les opinions diffèrent. C’est pourquoi l’auteur a inclus dans son choix de périodiques presque toutes les revues importantes, et s’est borné à indiquer le nombre de pages des articles cités.
L’étude de la bibliographie offre en elle-même de l’intérêt en ce qu’elle nous montre, par nombre des controverses qu’elles ont suscitées, le retentissement plus ou moins grand qu’ont eu les œuvres littéraires, et qu’elle nous permet de nous rendre compte des changements, de l’évolution de la critique. Les revues des différents pays révèlent le caractère des rédacteurs, les sympathies des directeurs, l’attitude des nationalités respectives vis-à-vis de tel ou tel écrivain. Il arrive souvent qu’un journal allemand, par exemple, s’intéresse davantage à certain auteur qu’un journal anglais, ou vice-versa. Nous pouvons également par là nous faire une idée des goûts particuliers des divers pays. La chronologie des articles nous montre le plus ou moins de temps qu’il a fallu aux différentes revues pour découvrir tel écrivain devenu depuis célèbre. Elle nous fait encore voir quels auteurs ont occupé l’opinion publique à une époque donnée. Un coup d’œil jeté sur la production littéraire des revues étrangères nous permet de juger du degré d’intérêt qu’elles ont porté, à différentes époques, à l’activité littéraire en France. Nous trouvons de nombreux exemples de revues qui, sous une direction montraient un intérêt très vif pour les écrivains français, puis, la direction venant à changer, les négligeaient pendant des années. La nature même des périodiques — religieux, politiques ou purement littéraires — ou tout au moins leurs tendances, se font jour dans leurs articles.
L’étude chronologique de la critique sur un grand écrivain nous montrera l’attitude et les idées d’une époque correspondant aux conditions environnantes. Il n’en est pas d’exemple plus frappant que celle sur Taine ou sur Balzac. Elle nous dira quels furent ceux de leurs ouvrages qui occupèrent d’abord l'opinion publique, à quel point ils furent appréciés, et comment furent acceptées les idées qu’ils avançaient. Ce furent souvent les périodiques étrangers qui exprimèrent les premiers leurs vues, leurs sympathies : tel fut le cas pour Balzac.
La critique ayant déjà tant dit sur les auteurs, c’est à son tour maintenant de devenir elle-même l’objet d’une étude spéciale qui nous indiquera son évolution, ses changements de vues : voir, par exemple, les articles sur Balzac, Taine, Victor Hngo, etc. Les titres seuls des études nous montrent sous combien de rapports différents les auteurs ont été étudiés : « V. Hugo chez lui », « V. Hugo le philosophe, etc. » Ces titres indiquent encore assez souvent le lien que certains ouvrages ont entre eux, ainsi que les idées, les théories qu’ils avancent ; par exemple : "Les origines du roman d’idées ; Dominique, Volupté, Adolphe."
Le présent travail ne saurait avoir d’autre prétention que de montrer le chemin à ceux que des études bibliographiques pourraient intéresser. Il serait facile de présenter des excuses, ou tout au moins des explications pour les lacunes et les défauts qu’on y trouvera sans doute. Une question qui nous a été presque constamment posée est celle-ci : Indiquez-vous la nature ou l’importance des références ? A part la raison donnée plus haut, est-il besoin de dire que l’étendue seule du champ étudié rendait une telle tâche impossible ? À cette première difficulté s’ajoutait encore l’insuffisance des renseignements fournis par les bibliographies traitant de sujets spéciaux, qui toutes sans exception négligent ou omettent les périodiques ou les livres étrangers. On comprendra également qu’on n’ait pas pu faire figurer systématiquement les journaux quotidiens dans la liste des références. Enfin, il n’a pas toujours été possible de se procurer des renseignements complets, en particulier lorsque ces renseignements étaient obtenus de seconde main, ou pris dans des tables, périodiques, etc.
Les sujets traités dans nos divisions (Seconde Partie, A. 1, 2, 11 ; B. 12-29), ont été ajoutés à titre d’essai, pour aider à l’étude de la littérature dans ses grandes lignes : nous n’aurions pu songer à être complet. C’est du reste une idée de la dernière heure.
Les références concernant les écrivains qui n’appartiennent pas exclusivement à la littérature, comme Gambetta, Levasseur, Pasteur, etc., ne sauraient non plus être complètes, ces auteurs n’ayant été traités ici qu’au point de vue littéraire, et toute référence en dehors de la littérature proprement dite ayant été négligée. Plusieurs d’entre eux ont été ajoutés après coup, pour complaire à quelque demande spéciale, ou parce que leur nom avait été suggéré par quelques-unes des autorités que nous avions consultées sur le choix des auteurs. Tel est du reste le cas de certains écrivains dont les références pourront sembler incomplètes.
La versification paraît être le seul sujet qui se prête à un groupement systématique ou à l’analyse ; le même travail a été tenté pour le théâtre, etc., mais sans arriver à des résultats satisfaisants.
Il est probable que la présence ou l’absence de certains noms causera à quelques-uns de la surprise, provoquera même chez d’autres quelque animosité. C’était là le problème le plus délicat à résoudre. Notre premier choix contenait les noms des auteurs que nous considérions comme universellement reconnus. Cette liste fut envoyée à plusieurs littérateurs distingués, et c’est sur leur conseil que nous avons ajouté beaucoup de noms sur l’importance desquels, comme sur celle de beaucoup d’autres, du reste, l’avenir aura à se prononcer.
La nature même d’une étude bibliographique demande que l’on suive pour les références l’ordre chronologique plutôt que l’ordre alphabétique. Il a aussi paru préférable de donner séparément les références de livres et celles d’articles de périodiques.
Ayant trouvé qu’il nous était impossible d’indiquer tous les cas où un article de revue avait plus tard été réimprimé dans un livre, nous avons, afin d’éviter toute confusion, omis complètement ces contreréférences.
Les références antérieures à 1800 ont été données sans ordre bien arrêté ; celles de la plupart des périodiques vont jusqu’à la fin de 1905 ; on trouvera du reste à l’index, après le nom de chaque revue, des renseignements à ce sujet. La date placée après le titre d’un livre est celle où l’article contenu dans ce livre parut d’abord dans une revue. Toutes les fois qu’un livre contient cinq références ou plus, la liste complète des sujets traités dans ce livre est donnée à la fin de ce volume sous la rubrique 29.
Les prix représentent, pour les livres français, des francs, pour les livres allemands, des marks, etc. Pour les ouvrages français à 3 frs. 50, la mention du prix a été omise. D’ailleurs, notre Guide n’a pas la prétention d’être un Catalogue à prix marqués. Nous avons en effet indiqué non seulement les livres en vente, mais encore ceux qui sont épuisés et ne peuvent plus être trouvés que d'occasion. Tout le monde sait que la presque totalité des volumes français de littérature sont édités au prix de 3 frs. 50 lorsque le format est in-12, in-l6, ou in-18, et que les volumes in-8 coûtent généralement 7 frs. 50.
L’auteur espère que les statistiques données aux pages XX-XXII pourront avoir quelque intérêt.
A peu près 170 revues complètes et plus de 102 en partie complètes ont été examinées. Ces revues, au point de vue des nationalités, se répartissent comme suit : FRANCHE, 122 ; ANGLETERRE, 41, AMÉRIQUE, 88 ; ALLEMAGNE, 58 : ITALIE, 9 ; ESPAGNE, 2 ; NORVÈGE, etc., 4 ; HOLLANDE, 2 ; plus de 8500 volumes de revues ont été consultés ; le nombre des auteurs traités est d’environ 850.
Il est à peine besoin de dire qu’une bonne partie des références ont été prises dans des bibliographies spéciales : tel est le cas pour Renan, Taine, Balzac, Victor Hugo, etc.
Nous ne terminerons pas sans exprimer ici toute notre reconnaissance à MM. Espinasse, F. T. Marzials, Giraud et de Lovenjoul ; nous nous faisons également un plaisir d’assurer de notre plus vive gratitude M. Léon Passurf de Paris, qui a eu l’extrême obligeance de mettre à notre disposition sa volumineuse collection de notes bibliographiques sur les poètes modernes, et M. Ed. Lefèvre, de Marseille, qui nous a si gracieusement. permis de consulter son excellente bibliographie sur Mistral et les poètes provençaux en général.
Je remercie tout spécialement MM. Hermann Suchier, de Halle, K. Sachs, de Brandenburg, Karl Friesland, de Hanovre, H. Morf, de Francfort, Remy de Gourmont, G. Lanson, Maurice Tourneux et mon collègue André Béziat de Bordes, qui non seulement ont bien voulu répondre aux questions que nous leur avions adressées sur le choix des auteurs, mais encore nous ont aidé à compléter notre liste, et nous ont donné de précieux conseils dont nous avons tâché de profiter.
Je ne dois pas oublier M. Brunetière dont la science littéraire m’a été si utile et qui fut si bienveillant pour moi.
C’est aussi avec grand plaisir que je m’acquitte ici du devoir de remercier Mr. H. Welter d’avoir entrepris la publication de ce travail, et d’exprimer ma reconnaissance à Mr. Charles Welter fils qui s’est chargé de surveiller les 2ème et 3ème épreuves, ce qui nous a permis de gagner du temps en évitant l’envoi de ces épreuves eu Amérique.
Ann Arbor (Michigan), 1907.