Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/sonnet s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (14, part. 3p. 877-879).

SONNET s. m. (so-nè — de l’ancien français sonet, diminutif de son, qui signifiait dans l’ancienne langue bruit d’une petite cloche, chansonnette, petit chant). Morceau de poésie, composé de quatorze vers distribués en deux quatrains et en deux tercets, quatrains qui sont sur deux rimes seulement : Sonnet italien. Sonnet français. Sonnet à rimes croisées. Sonnet régulier, irrégulier. Faire un sonnet. Composer un sonnet à la louange d’un tel, pour une telle. Les sonnets de Pétrarque. La chute d’un sonnet. (Acad.) J’ai tellement changé mon sonnet, que vous le méconnaîtrez. (Racine.) Une idée dans un sonnet, c’est une goutte d’essence dans une larme de cristal. (Ste-Beuve.)

… Tel, d’un sonnet ayant donné les rimes,
Croit tenir un haut rang chez les esprits sublimes.
Poisson.

Sonnet. C’est un sonnet. L’espoir… C’est une dame
Qui de quelque espérance avait flatté ma flamme.
Molière.

Ce beau sonnet est si parfait
Que ne crois que vous l’ayez fait ;
Mais je crois, Pauline, au contraire,
Que vous vous l’êtes laissé faire.
Morin.

— Encycl. Le sonnet nous est venu d’Italie. On s’accorde assez généralement à le faire naître en Sicile au XIIIe siècle. Quelques-uns, cependant, en regardent Pétrarque comme l’inventeur, et d’autres le font remonter à nos troubadours. Mais, chez ces derniers, le mot sône ne signifiait pas sonnet ; il s’appliquait à diverses poésies, avec le sens de chant. Les poëtes de la pléiade le cultivèrent avec amour. Il resta en honneur durant le XVIIe siècle. Ogier de Gombaud, Maynard, Malleville, Voiture, etc., y excellèrent à cette époque. Le XVIIIe siècle négligea le sonnet, comme un grand nombre d’autres formes poétiques. Quand l’école lyrique contemporaine nous rendit les rhythmes, les coupes et les formes de l’ancienne poésie française, et lui restitua ainsi les éléments d’éclat et de richesse qu’on lui avait enlevés, le sonnet devint de nouveau l’un des objets de l’émulation des artistes savants en versification. Il est resté depuis lors parmi les genres difficiles et charmants sur lesquels aiment à s’exercer nos poëtes.

Le sonnet se compose de quatorze vers, formant quatre stances, dont les deux premières sont des quatrains, et les deux dernières des tercets. Les deux quatrains ne comportent que deux rimes, c’est-à-dire que les deux rimes masculines et les deux rimes féminines du premier quatrain doivent être reproduites dans le second ; les deux tercets sont construits sur trois rimes, placées dans un ordre déterminé.

Boileau a donné en vers, d’une façon assez heureuse, les règles générales de ce petit poëme :

.......... Un jour ce dieu bizarre (Apollon),
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille,
Et qu’ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout de ce poème il bannit la licence.
Lui-même en mesura le nombre et la cadence,
Défendit qu’un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu’un mot déjà mis osât s’y remontrer.
Du reste il l’enrichit d’une beauté suprême ;
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.

Dans le sonnet régulier, l’intérieur des quatrains doit contenir deux rimes plates masculines, ou féminines, disposées, dans le second, dans le même ordre que dans le premier. Le premier tercet se compose de deux rimes plates, dont le genre est commandé par la rime extérieure des quatrains, et d’un troisième vers rimant avec le second vers du deuxième tercet ; celui-ci se compose donc de deux rimes croisées, enfermant le vers destiné à rimer avec le tercet précédent. Cette disposition a pour but d’obtenir que le dernier vers du sonnet soit à rime féminine si le premier est à rime masculine, et vice versa, ce qui est encore une des règles du sonnet orthodoxe. Mais il est juste de dire que peu de poètes se sont astreints à cette extrême régularité. Voici quelques exemples de sonnets où les règles sont rigoureusement observées :

Nourri dès le berceau près de la jeune Orante,
Et non moins par le cœur que par le sang lié,
À ses jeux innocents enfant associé,
Je goûtois les douceurs d’une amitié charmante

Quand un faux Esculape, à cervelle ignorante, À la fin d’un long mal vainement pallié. Rompant de ses beaux jours le ûl trop délié, Pour jamais me ravit mon aimable parente.

Oh ! qu’un si rude coup me fit verser de pleurs ! Bientôt la plume en main signalant mes douleurs, Je demandai raison d’un acte si per/ide.

Oui, j’en fls dès quinze ans ma plainte à l’univers, Et l’ardeur de venger ce barbare homicide Fut le premier démon qui m’inspira des vers.

Boileau.

les ooinfres. Coucher trois dans un drap, sans feu ni sans chandelle. Au profond de l’hiver, dans la salle aux fagots, Ou les chats ruminant le langage des Goths Nous éclairent san3 cesse en rouant la prunelle ;

Hausser notre chevet avec une escabelle ; Être deux ans à jeun comme les escargots ; Rêver en grimaçant ainsi que les magots Qui baillans au soleil se grattent sous Vaisselle ;

Mettre au lieu de bonnet la coifTe d’un chapeau, Prendre pour se couvrir la frise d’un manteau Dont le dessus servit a nous doubler la panse ;

Puis souffrir cent brocards d’un vieux hôte irrité Qui peut fournir à peine à la moindre dépense : C’est ce qu’engendre enfin la prodigalité.

Saint-Amand.

Citons encore un sonnet très-célèbre du temps de Louis XIV ; c’est une véhémente invective adressée à Colbert par Jean Hesnault, l’un des protégés de Fouquet :

Ministre avare et lâche, esclave malheureux, Qui gémis sous le faix des affaires publiques. Victime dévouée aux chagrins politiques, Fantôme respecté sous un titre onéreux ; Vois combien des grandeurs le comble est dangereux ! Contemple de Fouquet les funestes reliques ; Et tandis qu’à sa perte en Becret tu t’appliques, Crains qu’on ne te prépare un destin plus affreux !

Il part plus d’un revers des mains de la fortune ; Nul ne tombe innocent d’où te voilà monté.

Cesse donc d’animer ton prince à son supplice, La chute, comme à lui, te peut être commune ; Et, quand il a besoin de toute sa bonté, Ne le fais pas user de toute sa justice.

Les sonnets dits delà Bellematineuse, composés l’un pur Malleville, l’autre par Voiture, et qui firent presque autant de bruit au xvmc siècle que les sonnets de Job et d’Uranie, trouvent naturellement leur place ici, car ils sont d’une régularité parfaite :

Le silence régnait sur la terre et sur l’onde ; L’air devenait serein et l’Olympe vermeil, Et l’amoureux Zéphire, affranchi du sommeil, Ressuscitait les fleurs d’une haleine féconde ;

L’Aurore déployait l’or de sa tresse blonde Et semait de rubis le chemin du soleil ; Enfin ce dieu venait au plus grand appareil Qu’il soit jamais venu pour éclairer le monde ;

Quaud la jeune Philis, au visage riant, Sortant de son palais plus clair que l’Orient, Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

Sacré flambeau du jour, n’en soyez pas jaloux : Vous parûtes alors aussi peu devant elle Que les feux de la nuit avaient fait devant vous.

Malleville.

Des portes du matin l’amante de Céphale Ses roses épandait dans le milieu des airs, Et jetait sur les cieux nouvellement ouverts Ces traits d’or et d’azur qu’en naissant elle étale ;

Quand la nymphe divine, à mon repos fatale. Apparut et brilla de tant d’attraits divers, Qu’il semblait qu’elle seule éclairait l’univers Et remplissait de feux la rive orientale.

Le Soleil, se hâtant pour la gloire des cieux, Vint opposer sa flamme à l’éclat de ses yeux Et prit tous les rayons dont l’Olympe se dore ;

L’onde, la terre et l’air s’allumaient à i’entour ; Mais auprès de Philis on le prit pour l’Aurore, Et l’on crut que Philis étoit l’astre du jour.

Voiture.

Une des règles dont se sont exonérés même des poètes scrupuleux est celle qui demande que, si le premier vers du sonnet est à rime masculine, le dernier soit à rime féminine, et réciproquement. Cette règle forçait de construire les deux tercets différemment ; en n’en tenant pas compte, on pourra faire deux tercets semblables, à rimes plates ou croisées.

Doris, qui sait qu’aux vers quelquefois je me plais, Me demande un sonnet-, et je m’en désespère. Quatorze vers, grand Dieu ! le moyen de les faire ? En voilà cependant déjà quatre de faits.

Je ne pouvais d’abord trouver de rime ; mais, En faisant, on apprend a se tirer d’affaire. Poursuivons ; les quatrains ne m’étonneront guère Si du premier tercet je puis faire les frais.

Je commence au hasard et, si je ne m’abuse, Je n’ai pas commencé sans l’aveu de ma muse, Puisqu’un si peu de temps je m’en tire tout net.

J’entame le second, et ma joie est extrême, Car des vers commandés j’achève le treizième. Comptez s’ils sont quatorze ; et voilà le sonnet.

En voici un autre exemple, emprunté à Sainte-Beuve ; le style n’en est pas excellent ; mais, à défaut d’autre mérite, il a celui de grouper savamment les noms des maîtres

SONN

du genre à l’étranger, et nous n’avons parlé que des français : t

Ne ris point du sonnet, à critique moqueur. Par amour autrefois en fit le grand Shakspeare ; C’est sur ce luth heureux que Pétrarque soupire Et que le Tasse aux fers soulage un peu son cœur.

Camoens de son exil abrège la longueur ;

Car il chante en sonnets l’amour et son empire.

Dante aime cette fleur de myrte, et la respire.

Et la mêle au cyprès qui ceint son front vainqueur.

Spencer, s’en revenant de l’Ile des féeries. Exhale en longs sonnets ses tristesses chéries ; Milton, chantant les siens, ranimait son regard.

Moi, je veux rajeunir le doux sonnet de France ;

Du Bellay, le premier, l’apporta de Florence

Et l’on en sait plus d’un de notre vieux Ronsard.

Ce genre de sonnet peut encore passer pour régulier. Une irrégularité plus grave est celle qu’on se permet en entrelaçant les rimes des quatrains. Tel est le célèbre sonnet de Desbaireaux ; il est de plus infidèle à la règle précédente :

Grand Dieu, tes jugements sont remplis d’équité, Toujours tu prends plaisir à nous être propice ; Mais j’ai tant fait de mal que jamais ta bonté Ne peut me pardonner sans choquer ta justice.

Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété

Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice ;

Ton intérêt s’oppose à ma félicité,

Et ta clémence même attend que je périsse.

Contente ton désir puisqu’il t’est glorieux, Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux ; Tonne, frappe, il est temps ; rends-moi guerre pour guerre.

J’adore en périssant la raison qui t’aigrit ; Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre, Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ ?

Tels sont encore les sonnets suivants, dont un, connu sous le nom de sonnet d’Arvers, a suffi pour faire la réputation de son auteur.

Mon cœur a son secret, mom âme a son mystère ; Un amour éternel dans un instant conçu. Le mal est sans remède ; aussi, j’ai du le taire, Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

Hélas ! j’aurai passé près d’elle, inaperçu. Toujours à ses côtés, et toujours solitaire ; Et j’aurai jusqu’au bout fait mon temps sur la terrei N’osant rien demander et n’ayant rien reçu !

Pour elle que le ciel a faite chaste et tendre, . Elle ira son chemin, tranquille, sans entendre Le murmure d’amour soulevé sous ses pas ;

À l’austère devoir, pieusement Adèle,

Elle dira, lisant ces vers tout remplis d’elle : [pas !

« Quelle est donc cette femme ? ■ et ne comprendra

ARVERS.

Pluviôse, irrité contre la vie entière,

De son urne à grands flots jette un froid ténébreux

Aux pâles habitants du voisin cimetière

Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

Mon chat, sur le carreau cherchant une litière, Agite sans repos son corps maigre et galeux ; L’Ame d’un vieux poète erre dans la gouttière Avec la triste voix d’un fantôme frileux.

Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée Accompagne en fausset la pendule enrhumée : Cependant qu’en un jeu plein de sales parfums,

Héritage fatal d’une vieille hydropique, Le beau valet de cœur et la dame de pique Causent sinistremeut de leurs amours défunts. Ch. Baudelaire.

Ces sonnets sont dits irréifuliers ; ils ne sont pas complètement défectueux, puisqu’ils obéissent à la règle essentielle du sonnet qui est, comme dit Boileau, de frapper quatre fois l’oreille avec deux rimes, puis d’offrir deux tercets habilement combinés ; il ne leur manque pour être parfaits que de s’être assujettis à la règle rigoureuse, il en est autrement des sonnets dits libertins, dans lesquels on s’affranchit de la quadruple rime des quatrains, comme dans le suivant :

Les amoureux fervents et les savants austères Aiment également, dans leur mûre saison, Les chats, puissants et doux, orgueil de la maison, Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

Amis de la science et de la volupté, Ils cherchent le silence et l’horreur des ténèbres ; L’Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres S’ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent, en songeant, les nobles attitudes Des grands sphinx allongés au fond des solitudes, Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;

Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magi-Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin, [ques, Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques. Ch. Baudelaire.

Un petit poôme disposé de cette façon n’offre en réalité que la disposition apparente et comme le dessin extérieur du sonnet ; aussi Baudelaire, qui en a fait un certain nombre, ne leur a-t-il pas donné le titre de sonnets. C’est Maynard qui, le premier, au commencement du xvue siècle, a mis à la mode le sonnet libertin, et son exemple a été suivi. t La jeune école, dit Th. Gautier, se permet un grand nombre de sonnets libertins et, nous l’avouons, cela nous est particulièrement désagréable. Pourquoi, si l’on veut être libre et

SONN

arranger les rimea a sa guise, aller choisir une forme rigoureuse qui n’admet aucun écart, aucun caprice ? L’irrégulier dans le régulier, le manque de correspondance dans la symétrie, quoi de plus illogique et de plus contrariant ? Chaque infraction à la règle inquiète l’oreille comme une note douteuse ou fausse. Le sonnet est une sorte de fugue poétique, dont le thème doit passer et repasser jusqu’à sa résolution par les formes voulues. il faut donc se soumettre absolument & ses lois, ou bien, si l’on trouve ces lois surannées, pédantesques et gênantes, ne pas écrire des sonnets du tout. Les Italiens et les poëtes de la pléiade sont en ce genre les maîtres a consulter ; il ne serait pas non plus inutile de lire le livre où Guillaume Colletet traite du sonnet ex professo ; on peut dire qu’il a épuisé la matière. Même construit suivant toute la rigueur des règles, ce petit poëme est moins difficile à réussir que ne pense Boileau, précisément parce qu’il a une forme géométri- ?uement arrêtée ; de même que, dans les plaonds, les compartiments polygones ou bizarrement contournés servent plus les peintres qu’ils ne les gênent en déterminant l’espace où il faut encadrer et faire tenir leurs figures. Il n’est pas rare d’arriver par le raccourci et l’ingénieux agencement des lignes à faire tenir un géant dans un de ces caissons étroits, et l’œuvre y gagne par sa concentration même. Ainsi, une grande pensée peut se mouvoir à l’aise dans ces quatorze vers méthodiquement distribués. Quant aux sonnets doubles, rapportés, septénaires, à queue, estrambots, rétrogrades, par répétition, acrostiches, mésostiches, en losange, en croix de Saint-André et autres, ce sont des exercices de pédants dont on peut voir les patrons dans Rabanus Maurus, dans l’Apollon espagnol et italien et dans le traité qu’en a fait Antonio Tempo, mais qu’il faut dédaigner comme des difficultés laborieusement puériles et les casse-tête chinois de la poésie. »

Nous n’avons cité jusqu’ici que des sonnets en vers alexandrins ; c’est le mètre employé le plus fréquemment, mais on en a fait en vers de dix, de huit ou de trois pieds, en vers libres et même en vers monosyllabiques. Des deux sonnets qui provoquèrent, au xvno siècle, la grande querelle des uranistes et des jobelins, l’un, le sonnet d’Uranie, est en vers alexandrins ; l’autre, celui de Job, est en vers de huit pieds ; nous les avons reproduits à l’article Biînserade, ce qui nous dispense de les citer ici. Le sonnet dit de l'Avorton, qui fit aussi du bruit à lu même époque parce qu’il se moquait de la mésaventure d’une des filles d’honneur de la reine, est écrit en vers libertins ; c’est de plus un sonnet libertin :

Toi qui meurs avant que de naître, Assemblage confus de l’être et du néant,

Triste avorton, informe enfant,

Rebut du néant et de l’être.

Toi que l’amour fit par un crime, Et que l’honneur défait par un crime à son tour,

Funeste ouvrage de l’amour, ’ i’ De l’honneur funeste victime.

Donne fin au remords par qui tu t’es vengé, Et du fond du néant où je t’ai replongé N’entretiens point l’horreur dont ma faute est suivie.

Deux tyrans opposés ont décidé ton Bor’t : L’amour, malgré l’honjieur, t’a fait donner la vie ; L’honneur, malgré l’amour, te fait donner la mort.

Hesnault.

Scarron a fait quelques sonnets en vers de huit pieds, mais pas un n’est fidèle aux règles rigoureuses.

Ci-glt qui fut de belle iaille.

Qui savait danser et chanter,

Faisait des vers vaille que vaille

Et les savait bien réciter.

Sa race avait quelque antiquaille, Et pouvait des héros compter ; Même il aurait donné bataille S’il en avait voulu tâter.

Il parlait fort bien de la guerre, Des cieux, du globe de la terre, Du droit civil, du droit canon,

Et connaissait assez les choses Par leurs effets et par leurs causes, « — Était-il honnête homme ? — Oh ! non. ■ Scarron.

Il en est de même des quelques jolis sonnets d’Alfred de Musset :

Ce livre est toute ma jeunesse. Je l’ai fait sans presque y songer ; 11 y paraît, je le confesse, Et j’aurais pu le corriger.

Mais quand l’homme change sans cesse, Au passé pourquoi rien changer ? Va-t’en, pauvre oiseau passager, Que Dieu te mène à ton adresse 1

Qui que tu sois qui me liras, Lis-en le plus que tu pourras Et ne me condamne qu’en somme :

Les premiers vers sont d’un enfant, Les seconds d’un adolescent Les derniers à peine d’un homme.

J’ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma galté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie.

SONN

Quand j’ai connu la vérité, J’ai cru que c’était une amie ; Quand je l’ai comprise et sentis, J’en étais déjà dégoûté.

Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d’elle Ici-bas ont tout ignoré*

Dieu parle, il faut qu’on lui réponde, Le seul bien qui me reste au monde Est d’avoir quelquefois pleuré.

Les sonnets en vers de dix pieds ont moins de grâce et de légèreté, à moins qu’on n’emploie le style marotique ou qu’on ne place la césure au cinquième pied ; dans ce dernier cas le vers a un balancement rhythmique assez harmonieux. Voici un exemple de chaque espèce :

Tant meur fust-il, ne pouvoys escouler Vin de mon cru ; l’achapteur le refuse. ■ Attends pourftt du bareil, dit la Muse ; C’est le bareil qui fait vin achapter.

Adonc, amy, viens çà me ciseler Luisante amphore et luy donne par ruse Ce scel du temps que le temps oneques n’use ; Céans je veux ma vendange celer.

Ains peu nie chaut qu’elle dorme enfouie Cent ans et mais, si mon umbre esjouie Pcult veoir ung jour quelque clerc ingénu, La retrouvant es cestuy vase anticque, Benoistement gouster au contenu Le cuidant estre ou falerne ou massicque. JosÉpam Soulari.

Sonnet trouvé dans le portefeuille d’un suicidé dont le cadavre a été repêché en Seine :

Mon rêve a duré quinze jours à peine, Il lui faut toujours des amours nouveaux... Allons, imbécile, un saut à la Seine ! L’écrevisse attend sous les verts roseaux.

C’est un fin régal que la chair malsaine D’un cadavre vert rongé par les eaux, Que jusqu’à Saint-Cloud le courant entraîne Et sur les cailloux laisse par lambeaux.

Comme je ne sais nul mets qui lui plaise Plus que l’écrevisse à la bordelaise... Qu’elles rongent donc mes restes gluants.

Chair déchiquetée, entrailles pourries...

Puissent-elles être ensuite servies

A celle pour qui je meurs à vingt ans !

Les sonnets en vers de quatre, trois ou deux pieds ne sont que des tours de force ; le suivant, en vers de trois, n’a pas grand sens ; il est cependant célèbre dans la jeune école.

Sortilège, Tu verras Le ciel gras, Qui s’abrège,

Nous assiège D’un ramas De frimas ; Paul, il neige.

Eh bien ! Paul, Vois le sol. La terrasse

Va changeant Cette crasse En argent.

Auguste Vacquérie.

Nous lui préférons ce sonnet en vers monosyllabiques, dont la paternité est incertaine ; au reste tous deux, comme on peut le remarquer, son t.rigoureusement réguliers :

Fort Belle, Elle Dort ;

Sort Frêle, Quelle Mortl

Rose

Close,

La

Brisa

L’a

Prise.

Parmi les curiosités du genre, on cite quelquefois les deux suivants, dout le début est solennel et dont la chute ne serait peut-être pas trouvée « jolie, amoureuse, admirable » par Alcesto.

Superbes monuments de l’orgueil des humains, Pyramides, tombeaux, dont la vaine structure A témoigné que l’art, par l’adresse des mains Et l’assidu travail, peut vaincre la nature ;

Vieux palais ruinés, chefs-d’œuvre des Romains Et les derniers efforts de leur architecture ; Cotisée, où souvent ces peuples inhumains De s’entr’assassiner se donnaient tablature ;

Par l’injure des ans voua êtes abolis,

Ou du moins la plupart vous êtes démolis ;

Il n’est point de ciment que le temps ne dissuuUe ;

Si vos marbres si durs ont senti son pouvoir, [noir Dois-je trouver mauvais qu’un méchant pourpoint Qui m’a duré deux ans, soit troué par le coude ?

P. Scarjkw,

Jardins délicieux, que l’art et la nature
S’efforcent d’enrichir par un concours égal,
Où cent jets d’eau divers élançant leur cristal
Des couleurs de l’iris retracent la peinture ;

Cabinets toujours verts, rustique architecture
À qui jamais l’hiver ne put faire de mal,
Qui, bordant à l’envi les rives d’un canal,
Répètent dans les eaux leur charmante figure ;

Parterres enchantés, lauriers, myrtes, jasmins,
Que Flore prit plaisir à planter de ses mains
Et qui font l’ornement de la saison nouvelle ;

Dans le charmant réduit de tant d’aimables lieux,
Moins faits pour les mortels qu’ils ne sont pour les dieux,
Qu’il est doux à loisir de pousser une selle !
                         Regnard.

— Allus. littér. Un sonnet sans défaut vaut seul un long poëme. Vers de Boileau (Art poétique, chant II. V. l’article précédent). Ce vers, dans l’application, sert à caractériser une chose simple en apparence, mais en réalité difficile à exécuter, à inventer :

« Le bec du pélican est un chef-d’œuvre de structure mécanique ; mais comme la conformation de cet organe diffère dans les trois
espèces, je ferme ici l’exposition des caractères généraux de la série pour arriver à l’analyse détaillée des caractères spéciaux. Le bec du pélican vaut seul un long poëme. »
                         Toussenel.

« Sonnet…, c’est un sonnet…, disait Oronte. Un sonnet ! c’est-à-dire un petit groupe de vers savamment combinés, une pensée ingénieuse ou grande, un trait de génie, d’esprit ou de malice ; un diamant monté sur or ou ciselé sur émail. C’est la perle des petits poèmes ; c’est l’égal des grands, suivant la célèbre exagération de Boileau :
         Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
C’est le charme et le passe-temps des poètesaux époques de raffinement. »
                          Vapereau.

Sonnets de Michel-Ange (1544, in-4o). Les sonnets de Michel-Ange, dont le meilleur recueil se trouve dans l’édition publiée par Biagioli (Paris, 1821, 3 vol. in-8o), sont une pâle imitation de ceux de Pétrarque. On y remarque, il faut le reconnaître, des sentiments nobles et élevés ; mais ils manquent, en général, de vigueur et de coloris. Assurément, Michel-Ange ne faisait des vers que par-délassement et sans avoir la prétention de se faire une place importante parmi les postes de son temps. Une chose étonne surtout, lorsqu’on lit les sonnets de Michel-Ange, c’est que leur auteur ait été si passionné pour la poésie du Dante et se soit tant éloigné, en écrivant, du genre où excella le sublime auteur de Enfer.

Sonnet* de Shakspeare (1609). Ces sonnets étaient lus et admirés des sociétés du temps, avant qu’un éditeur mystérieux les livrât à l’impression. Malgré leur valeur littéraire, ils n’ajoutent rien à la gloire poétique de leur auteur. Ils ne disent rien de sa famille ou de son pays ; aucune mention des pièces de théâtre de Shakspeare n’y est faite, par l’excellente raison-que leur composition est antérieure à la plupart d’entre elles. On y trouve tout au plus des indices sur le caractère et sur les relations du poète, des clartés douteuses sur quelques circonstances de sa vie. C’est une curieuse, mais obscure confession. Elle se divise en deux parties : l’une renferme cent vingt-six sonnets, et l’autre vingt-huit. Ces derniers sont adressés à une femme mariée, infidèle à l’amant aussi bien qu’à l’époux ; on y voit Shakspeare amoureux d’une femme sans beauté et indigne de lui, qui donne au poète pour rival son plus chernmi. Plusieurs de ces sonnets dévoilent les infidélités et les viees de sa maîtresse. Les sonnets de la première partie sont adressés à un ami, un grand seigneur, dans lequel les érudits s’accordent à voir le jeune lord Southampton. Ici, les sentiments sont exprimés avec une vivacité singulière. L’amitié du poète est passionnée comme son amour. Cette tendresse romanesque s’explique sans interprétations malveillantes. Il faut remarquer d’abord que Shakspeare obéit à son insu à son instinct de poôte, qui exagère pour mieux frapper l’imagination. En second lieu, les sonnets de Shakspeare sont, pour le fond et pour la forme, une imitation du Canzoniere de Pétrarque ; à la suite de l’influence italienne, Veuphuisme avait mis à la mode les travestissements de personnes et d’idées, et l’on peut admettre qu’il fait parler à ses vers un langage de convention. Beaucoup de ces sonnets sont desimpies amusements d’un esprit ingénieux. Enfin, la meilleure explication se déduit des relations mêmes de Shakspeare avec lord Southampton. À une époque où le préjugé public attachait un déshonneur particulier à la profession de comédien, et où le comédien lui-même s’exagérait son abaissement par fierté d’âme, un jeune seigneur, riche, beau, élégant, lettré, se l’ait le protecteur, le conseiller du poète. —Sa familiarité supprime l’inégalité des rangs. Son estime et sa bonté généreuse encouragent et relèvent celui qui affrontait chaque soir les buées d’une fouie grossière. La noblesse de" l’un tendait

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la main au génie de l’autre. De là, chez le comédien, une vive reconnaissance, un dévouement passionné, une tendresse expressive, qui porte néanmoins le caractère du respect. Shakspeare aime son ami pour sa beauté, sa naissance, son rang et ses grandes manières ; cette amitié, comme l’amour, a ses orages, ses inquiétudes, Ses souffrances ; elle ne veut pas de partage. C’est une jalousie tantôt résignée, tantôt poussée à des reproches respectueux. Telle est la force de ce sentiment que le poète sacrifie son amour à l’amitié. Il pardonne à l’ami son infidélité, et l’ami pardonne au poste ses reproches. Entre les deux, une comédie semble avoir été convenue. Le beau Southampton était vivement épris d’une certaine miss Vernon ; mais la reine Elisabeth, la vierge de l’Occident, avait défendu au jeune seigneur de se marier. Dans un grand nombre de sonnets, le poète, invoquant toutes les raisons possibles, conseille à son ami le mariage. Southampton épousa en effet miss "Vernon, et la reine Elisabeth punit sa désobéissance par la prison. Dans ces sonnets, Shakspeare laisse voir une âme sincère, aimante, plus disposée à la mélancolie qu’à la gaieté, s’échappant en traits de sensibilité profonde, en retours mélancoliques sur elle-même, en expressions

amères quelquefois. Le poëte souffre de l’infériorité de sa condition. Ce sentiment est souvent marqué de la manière, la plus forte. Shakspeare rougissait du métier d’acteur et des mœurs irrégulières qu’il y avait contractées. Cette honte de sa profession et de sa conduite, ce dépit contre la fortune, ce souvenir d’heures mal employées, l’angoisse d’une affection mal placée ou non payée de retour, l’expérience des pires côtés de la nature humaine, ont donné à un certain nombre de ces sonnets une allure railleuse et mtsan thropique. Shakspeare exprime rarement l’idée de l’immortalité acquise à ses vers ; il se la promet néanmoins une fois, de mauière a faire reconnaître un lecteur d’Horace. I ! respecte la morale, bien que ses mœurs ne soient pas exemplaires ; il est chrétien et même bon catholique. Un des commentateurs de Shakspeare, F.-V. Hugo, pense que le poète croyait a la métempsycose. Mais peut-être ne faut-il voir là qu’un jeu d’esprit. Shakspeare n’a pas même le mysticisme des pétrarquistes, bien qu’il imite leurs concetli, leur art savant, et qu’il aime comme eux à tirer d’une antithèse des effets inattendus, à présenter avec agilité une idée sous plusieurs faces. Le génie de Shakspeare était trop mâle pour se complaire dans les fadeurs de la religiosité amoureuse. Ses sonnets sont une œuvre de jeunesse élégante et passionnée. Its ont été traduits deux fois en français, par M. Er. Lafont (1857) et par F.-V. Hugo (1858).

Sonnets cuiraases (les), du poste allemand Rùckert (1814, in-18). Ils parurent sous le pseudonyme de Frehnund Reimar et furent accueillis avec la plus grande faveur. Les événements de 1812 et de 1813 avaient retenti au fond du cœur du poète, et en bon patriote il se réunit à ce groupe de Tyrtées germaniques dont faisaient déjà partie Arndt, Forster, Théodore Koerner, Max de Schenkendorf. L’oppression, française, la tyrannie de Napoléon pesaient lourdement k ces intelligences généreuses, avides de liberté et d’indépendance. Les chants de guerre éclatèrent de tous.les côtés, et Rûckerty contribua par ses Sonnets cuirassés. Leur ironie était mordante ; mais leur ton dithyrambique, trop élevé pour être goûté par la foule, les empêcha d’avoir une grande popularité. Ils n’ont pas remué les cœurs comme les chants de Kcerner, et à cela il y a peut-être deux motifs: le rhythme d’abord, qui par son uniformité ne prêtait pas à la mélodie ; il est vrai que personne ne savait aussi bien que Rùckert manier cette forme difficile du double quatrain et des deux tercets, mais il faut avouer aussi que cette disposition des vers est trop littéraire pour plaire au gros du public et pour pénétrer dans les masses; puis Rùckert ne possède point les moyens qui impressionnent la foule, n’a pas l’élan spontané qui enfante les chants populaires. Néanmoins, selon la poétique expression de M. H. Blaze de Bury, tels de ses sonnets méritent qu’on les compare à des escadrons secouant dans la fumée d’une charge tumultueuse les banderoles de leurs lances. Il faut citer, parmi les mieux réussis, ceux qui sont intitulés : l’Allemagnegéante, le Manteau de fêle de l’Allemagne et le Chant du Cosaque en hiver. Nous citerons un de ces sonnets, remarquable par son énergie : « Que forges-tu, forgeron ? — Nous forgeons des fers, des fers. — Ah ! vous en traînez vous-mêmes. Pourquoi laboures-tu, paysan ? - 11 faut que ma terre rapporte. — Oui, des moissons pour l’ennemi, pour toi des ronces. Que vises-tu, chasseur ? — Je veux tuer ce cerf gras. — C’est vous qu’on chassera comme des cerfs et des chevreuils. Que tresses-tu, pêcheur ? — Je tresse un filet pour les poissons timides. — Mais vous, quel homme peut vous dégager des rets mortels ? Qui donc berces-tu, mère inquiète ? — Je berce mon enfant. — C’est bien, élevez-les, vos enfants ; lorsqu’ils seront assez forts, iis se mettront au service des étrangers et couvriront leur patrie de blessures. Et toi, poëte, quel ouvrage écris-tu ? — J’écris ma honte et celle de la nation, afin qu’elle s’y habitue et ne songe même pas à recouvrer l’indépendance. *

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Sonnet* humorUtltjue », par M. Joséphiu Soulary (1859, in-16). Le poète est un Lyonnais qui, par patriotisme et haine de la centralisation, a voulu se faire imprimer et éditer dans son pays et n’a pas eu a s’en repentir, car, pour le choix des caractères, la nature du papier, l’ensemble et les détails de l’exécution% son livre peut rivaliseravec les chefsd’œuvre de l’imprimerie parisienne. Le succès a été le chercher dans sa province, et M. Jules Janin, dans une épître en vers qui a servi de préface à la seconde édition, réduisant en deux strophes l’un des sonnets de l’auteur, caractérise ainsi l’œuvre complète :

Sa muse est jeune ; elle est robuste, Et la folle essaye, en riant,

Une robe étroite et trop juste

Pour son beau sein luxuriant.

« Je n’y saurais entrer, • fait-elle ; Et cependant de ses beaux plisElle a bientôt paré, la belle, Son buste et ses contours polis.

Le sonnet est difficiléà manier ; l’auteur a surmonté tous les obstacles et semble se jouer au milieu d’eux. Son recueil compte environ cent quatre-vingts pièces, dont à peine une douzaine ne sont pas des sonnets, classées ingénieusement sous des titres généraux qui en indiquent sommairement le caractère. Les premiers appartiennent au genre gracieux et la note amoureuse y résonne harmonieusement ; ils sont intitulés Pastels et mignardises. D’autres représentent en raccourci des scènes de la nature ; l’auteur les appelle Paysages. Un certain nombre traitent de sujets de circonstance ; ce sont les Ephémères. Trois groupes ont pour titre : les Métaux, En train express, Y Hydre aux sept têtes ; enfin, sous la rubrique Papillons noirs, se réunissent toutes les pensées sérieuses, mélancoliques et sombres. Partout le poète prend bien le ton du sujet ; il attaque 1 idée avec bonheur dans le premier quatrain, la développe sans faiblir dans le second, prépare habilement le trait final dans les tercets et dans le dernier vers le lance avec grâce ou avec vigueur. Deux sonnets feront suffisamment apprécier la grâce et la perfection de ces petits poèmes.

RÊVES AMB1TIECX.

Si j’avais un arpent de sol, mont, val ou plaine, Avec un ûlet d’eau, torrent, source ou ruisseau, J’y planterais un arbre^>livier, saule ou frêne. J’y bâtirais un toit, chaume, tuile ou roseau.

Sur mon arbre un doux nid, gramen, duvet ou laine. Retiendrait un chanteur, pinson, merle ou moineau ; Sous mon toit un doux lit, hamac, natte ou berceau, Retiendrait une enfant, blonde, brune ou châtaine.

Je ne veux qu’un arpent ; pour le mesurer mieux Je dirais a l’enfant la-plus belle ù mes yeux : « Tiens-toi debout devant le soleil qui se lève ;

Aussi loin que ton ombre ira sur le gason, Aussi loin je m’en vais tracer mon horizon : Tout bonheur que la main n’atteint pas n’est qu’un rêve ! « 

LES DEUX CORTÈGES.

Deux cortèges se sont rencontrés À l’église. L’un est morne : il conduit la bière d’un enfant. Une femme le suit presque folle, étouffant Dans sa poitrine en feu le sanglot qui la brise.

L’autre, c’est un baptême. Au bras qui le défend Un nourrisson bégaye une note indécise ; Sa mère, lui tendant le doux sein qu’il épuise, L’embrasse tout entier d’un regard triomphant.

On baptise, on absout, et le temple se vide. Les deux femmes alors, se croisant sous l’abside, Echangent un coup d’œil aussitôt détourné. Et, merveilleux retour qu’inspire la prière, La jeune mère pleure en regardant la bière, La femme qui pleurait sourit au nouveau-né.

L’auteur a réussi à exposer tout un drame en quatorze vers. Il y a là de la grâce, de la sensibilité, une grande pureté de langage, une originalité de bon aloi, mais rien de cette ironie excentrique qui inèle l’idéal au réel, le sublime un grotesque, le rire aux larmes, et dont les caprices inattendus constituent ce qu’on appelle l’humour. Le titre, Sonnets humoristiques, est bien justifié dans la plupart des pièces et l’on y trouve une raillerie mordante, contenue, à froid, et souvent un peu amère. Il faudrait citer pour leur originalité la moitié des sonnets de ce volume.

Sonnets, de Pétrarque. V. Rimes.