Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/sodomie s. f.

Administration du grand dictionnaire universel (14, part. 2p. 811-812).
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SODOMIE s. f. (so-do-mî — de Sodome, ville où cet acte était, d’après la Bible, communément pratiqué). Coït contre nature, d’un homme avec un homme ou avec une femme : La christianisme a rangé le péché de sodomie parmi ceux qui crient vengeance contre le ciel. (Proudh.) L’inceste a pour pendant la sodomie. (Proudh.)

— Encycl. Les Grecs donnaient à ce vice le nom de pédérastie, qui est aussi le plus usité chez les auteurs modernes. Aussi, pour la partie historique et physiologique, devons-nous renvoyer le lecteur à ce mot. Le mot sodomie n’est guère employé de nos jours que dans les livres religieux et dans les séminaires ; fort usité au moyen âge, il est devenu en quelque sorte mystique et réservé au style ecclésiastique. Nous allons nous borner à suivre la sodomie chez les Juifs, les premiers chrétiens, les papes, etc. ; tout le reste trouvant sa place au mot pédérastie.

Le chapitre xix du Livre des Juges noua raconte qu’un lévite, traversant avec sa concubine le pays occupé par la tribu de Benjamin, reçut l’hospitalité d’un vieillard de cette tribu dans des circonstances analogues à celles de l’hospitalité offerte par Loth aux anges venus pour détruire Sodome. « Il (le vieillard) les fit entrer (le lévite et sa concubine) en sa maison, et il donna du fourrage aux ânes ; ils lavèrent leurs pieds, mangèrent et burent. Comme ils faisaient bonne chère, voici que les gens de la ville, hommes fort corrompus, environnèrent la maison, heurtant à la porte, et ils parlèrent au vieux homme maître de la maison en disant : « Fais sortir cet homme qui est entré en ta maison, afin que nous le connaissions. » Mais le maître de la maison sortit vers eux et leur dit : « Non, mes frères, ne lui faites point de mal, je vous prie ; puisque cet homme est entré en ma maison ne faites point une telle infamie. Voici : j’ai une fille vierge et cet homme a sa concubine ; je vous les amènerai dehors maintenant, et vous les violerez, et vous ferez d’elles comme il vous semblera bon, mais ne commettez point cette action infâme à l’égard de cet homme. » Mais ces gens-là ne voulurent point l’écouter ; c’est pourquoi cet homme prit sa concubine et la leur amena dehors, et ils la connurent et abusèrent d’elle toute la nuit jusqu’au matin, puis ils la renvoyèrent comme l’aube du jour se levait. » Le récit hébraïque ajoute qu’elle eut à peine la force de se traîner à-propos la porte où elle mourut, et qu’alors le lévite la coupa en douze morceaux et en envoya un à chaque tribu d’Israël. À la suite de cet envoi, les tribus indignées envahirent le territoire de Benjamin, « frappèrent les hommes au tranchant de l’épée, tant les hommes de chaque ville que les bêtes et tout ce qui s’y trouva. Ils brûlèrent aussi toutes les villes. » Ce récit, que Jean-Jacques Rousseau a amplifié dans un opuscule intitulé le Lévite d’Ephraïm, nous montre que la sodomie n’avait pas disparu avec Sodome et Gomorrhe, et que la pluie de soufre et de feu sous laque le ces villes avaient péri n’avait pas imprimé une terreur durable.

La sodomie régnait aussi chez les chrétiens, même chez les premiers sectateurs du nouveau culte.

Voici, par exemple, les paroles que saint Paul adresse aux chrétiens de Corinthe : « Ne vous trompez point vous-mêmes ; ni les fornicateurs, ni les adultères, ni les efféminés, ni ceux qui commettent le péché contre nature, n’hériteront du royaume de Dieu. » (I, Cor., vi, 10.) Et celles-ci, plus explicites encore, qu’il adresse aux chrétiens de Rome : « Dieu les a livrés aux convoitises de leurs propres cœurs, de sorte qu’ils se sont abandonnes à l’impureté, déshonorant entre eux-mêmes leurs propres corps… C’est pourquoi Dieu les a livrés à leurs affections infâmes ; car, même les femmes parmi eux ont changé l’usage naturel en celui qui est contre la nature. Et les hommes tout de même, laissant l’usage naturel de la femme, se sont embrasés eu leurs convoitises l’un envers l’autre, commettant, homme avec homme, des choses infâmes et recevant en eux-mêmes la récompense de leur erreur… ; et, bien qu’ils aient connu la justice de Dieu, ils n’ont pas compris que ceux qui commettent de telles choses sont dignes de mort, et non-seulement ceux qui les commettent, mais encore ceux qui y prêtent leur concours. »

On voit que, même avant que les vœux éternels de célibat eussent rendu la sodomie inévitable dans l’Église, elle s’y était établie, ou plutôt s’était maintenue dans la société chrétienne comme dans la société juive et la société païenne, d’où la société chrétienne était sortie.

Sans vouloir ici exagérer en rien les vices des papes, nous n’apprendrons rien en disant que plusieurs d’entre eux se sont adonnes à cette pratique honteuse qui, durant tout le moyen âge et même plus tard, s’étendit dans les cloîtres et généralement dans tous les lieux où des hommes, condamnés au célibat, se trouvaient réunis.