Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/jacobite s. m.
JACOBITE s. m. (ja-ko-bi-te). Hist. relig. Membre d’une secte eutychienne, fondée par un moine du nom de Jacques Baradée.
— Hist. politiq. l’artisan de Jacques II, roi d’Angleterre, et de la maison des Stuarts : Les jacobites furent violemment poursuivis sous Guillaume III.
— Encycl. Durant la seconde moitié du Ve siècle, des disputes sur l’élection des évêques et plusieurs autres matières religieuses avaient partagé les eutychiens en une infinité de petites églises particulières. L’an 541, Sévère, patriarche d’Antioche, et les autres évêques opposés au concile de Chalcédoine donnèrent un chef à leur secte dans la personne de Jacques Baradée ou Zanzale, qui fut nommé évêque d’Édesse et métropolitain œcuménique. C’est de lui que les jacobites ont pris leur nom.
Jacques Zanzale était un moine d’un extérieur simple, austère et mortifié. Couvert de haillons, il parcourut tout l’Orient, réunit, à force d’activité, toutes les sectes d’eutychiens et ordonna des prêtres et des évêques sur son passage. Après la mort de Sévère, il ordonna Paul évêque d’Antioche. Ce dernier ne résida point dans sa ville épiscopale, mais établit son siège à Amida. Le nombre des eutychiens était de beaucoup supérieur à celui des autres chrétiens. Aussi, dans toutes ces provinces, la foi du concile de Chalcédoine avait-elle besoin, pour se soutenir, de l’autorité des empereurs et de la sévérité des lois portées contre les réfractaires. Pour se soustraire aux persécutions, un grand nombre d’eutychiens se réfugièrent en Perse et en Arabie. Mais les Perses ayant fait invasion dans l’empire romain, les prêtres jacobites purent rentrer dans leurs églises.
Plus tard, les rois de Perse et les califes se tournèrent contre les jacobites, qu’ils avaient d’abord comblés de faveurs, et, à la suite de persécutions terribles, on vit un grand nombre de ces eutychiens embrasser la religion musulmane.
Les jacobites existent encore aujourd’hui en Syrie. Ils ne reconnaissent qu’une nature en Jésus-Christ. Ils ont conservé tous les sacrements de l’Église romaine ; seulement, ils en accompagnent l’administration de pratiques et de cérémonies inusitées parmi les catholiques ; ainsi, après avoir baptisé un enfant, ils le marquent d’un fer rouge. Ils permettent aux ecclésiastiques de vivre avec les femmes qu’ils ont prises avant d’être ordonnés, mais non de se marier après leur ordination. Pour faire des évêques, ils prennent ordinairement des moines ; c’est le patriarche qui les élit et les ordonne. Les jacobites élisent leur patriarche, et celui-ci, après son élection, obtient des princes dans l’empire desquels il se trouve un diplôme qui le confirme dans l’exercice de sa dignité, et qui oblige tous les jacobites à lui obéir.
Parmi les jacobites, un grand nombre, tant de l’un que de l’autre sexe, vivent dans l’état monastique, les uns réunis en communauté, d’autres dans des cellules ou dans des déserts ; il y en a même qui perchent sur des colonnes. Les supérieurs des monastères sont soumis aux évêques. Les jeûnes sont très-fréquents et très-rigoureux chez les jacobites, qui ont le carême, les jeûnes de la Vierge, des apôtres, de Noël, des ninivites. De plus, toute l’année, ils jeûnent le mercredi et le vendredi. Pour eux, toute la perfection de l’Évangile consiste dans ces austérités, qu’ils poussent à des excès incroyables ; on en a vu qui, pendant nombre d’années, ne vivaient, durant tout le carême, que de feuilles d’olivier.
Ils célèbrent l’office en syriaque, quoique leur langue vulgaire soit l’arabe ; ils ont même porté leur liturgie syriaque dans l’Inde. Pour l’usage ordinaire, ils ont de l’Écriture sainte une version arabe qui a été faite sur le syriaque.
Depuis le xive siècle, les jacobites syriens sont tombés dans une honteuse ignorance ; leur secte, autrefois très-répandue dans la Syrie et dans la Mésopotamie, est beaucoup diminuée par la propagande des missionnaires catholiques, et l’on prétend qu’il en reste tout au plus cinquante familles dans la Syrie et les pays voisins.