Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/gnomon s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (8, part. 4p. 1331-1332).

GNOMON s. m. (ghno-mon — du gr. gnomon, indicateur, de gignoskein, connaître). Astron. Style ou instrument quelconque qui marque les hauteurs du soleil par la direction de l’ombre qu’il porte sur un plan ou sur une surface courbe : C’est M. Bianchini qui construisit le grand gnomon qu’on voit dans l’église des Chartreux de Rome. (Fonten.) On dit qu’Anaximandre dressa à Lacédémone un gnomon par le moyen duquel il observa les équinoxes et les solstices, et qu’il détermina l’obliquité de l’écliptique plus exactement qu’on ne tl’avait fait jusqu’alors. (Rollin.)

Encycl. Les gnomons, destinés à indiquer les hauteurs du soleil, se composent d’un style quelconque, tige, pyramide, muraille, etc., faisant ombre sur une surface plane et horizontale. Nous allons voir comment on déduit la hauteur du soleil de la longueur de l’ombre du style. Comme il est difficile de fixer exactement l’extrémité de l’ombre d’un corps, le stvle se termine ordinairement par une petite ouverture qui laisse passer un rayon de soleil : de cette manière, l’ombre se mesure depuis le pied du style jusqu’au point lumineux formé par le rayon.

On commence par tracer, sur une surface


horizontale bien plane, une ligne droite qui coïncide avec la méridienne du lieu. Sur cette ligne on pose le pied du gnomon, maintenu vertical. Au moment du midi vrai, c’est-à-dire lorsque le soleil est dans le méridien et que l’ombre du gnomon se projette sur la méridienne, on mesure cette ombre.

Soient PH un gnomon (fig. l) dont nous représenterons la hauteur par A, et AP l

Fig. 1.


la longueur de son ombre, lorsque le soleil est en S. La hauteur de l’astre au-dessus de l’horizon est indiquée par l’angle HAP, ou A, et l’on a pour mesure de cette hauteur

tang A A / l

À une autre époque, le soleil sera en S’et l’ombré sera PA’= L’. On aura une hauteur différente,

tang A’ A / l’

Lorsqu’on connaît ainsi, pour une année, la plus grande et la plus petite hauteur du soleil, il est aisé d’en déduire la latitude λ du lieu et l’obliquité de l’écliptique ω. En effet, soient (fig. 2) ZSES’E’ le méridien du lieu,

Fig. 2.

Z le zénith, EE’ l’intersection du plan de l’équateur avec le plan méridien, S la position au solstice d’été. S' sa position au solstice d’hiver ; on a évidemment

ZS' ZS SE ES’,
ZS ZS’ 2ZS 2SE,
1/2 (ZS + ZS') ZS + SE ZE 1.

Ainsi, la latitude 1 est égale à la demi-somme des distances zénithales du soleil. Or, comme on peut le voir dans la figure 1, la distance zénithale SHZ = AHP est le complément de la hauteur A. du soleil ; elle est donc donnée par le gnomon. Pareillement on aurait

ω SE 1/2 (ZS’ - ZS),

c’est-à-dire que l’obliquité de l’écliptique est égale à la demi-différence des distantes zénithales du soleil considéré dans les deux, solstices.

C’est en évaluant ainsi, tous les jours, la hauteur méridienne du soleil, que Pythéas, 350 ans avant notre ère, détermina, à Marseille, le jour du solstice d’été auquel correspond la hauteur maximum du soleil. Ces mesures ont suffi pour faire reconnaître la diminution, progressive de l’obliquité de l’écliptique.

La méthode du gnomon paraît avoir été en usage chez les Chinois, les Égyptiens et les Péruviens. Les gnomons ont du être d’ailleurs, dit Lalande, les premiers instruments astronomiques qu’on ait imaginés, parce que la nature les indiquait, pour ainsi dire, aux hommes : les montagnes, les arbres, les édifices sont autant de gnomons naturels, qui ont fait naître l’idée des gnomons artificiels, qu’on a ensuite employés partout.

On ne cite guère, dans les temps modernes, que deux gnomons qui aient eu quelque célébrité, moins à cause des soins, pourtant minutieux et intelligents, apportés à leur construction, que par les observations précieuses qu’ils procurèrent aux astronomes ; ce sont :


le gnomon de l’église Sainte-Pétronne, à Bologne, construit, en 1653. par J.-D. Cassini, et celui de l’église Saint-Sulpice, à Paris. Celui-ci, établi par Lemonnier en 1742, a 7 mètres de hauteur. La plaque percée est adaptée à la partie supérieure du portail latéral du sud, et la trace du méridien, passant par le trou de la plaque, est figurée sur le pavé de l’église par une ligne de cuivre qui traverse l’édifice dans sa plus grande largeur.