Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/franc-comtois, oise


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FRANC-COMTOIS, OISE s. et adj. (fran-kon-toi, oi-ze). Géogr. Habitant de la Franche-Comté ; qui appartient à ce pays ou à ses habitants : Un Franc-Comtois. La population franc-Comtoise.

— s. m. Linguist. Patois de la Franche-Comté.

Encycl. Linguist. Le langage rustique de l’ancienne Séquanie procède des dialectes de la langue d’oil, et en particulier du dialecte bourguignon, qui, au xiiie siècle, était en usage dans les provinces de l’est et du centre de la France actuelle. On retrouve dans le franc-comtois les mêmes éléments de composition que dans la langue française, c’est-à-dire du celtique, du germanique, du grec et du latin. On doit retrouver, dit Désiré Monnier, le plus de celtique dans les hameaux les plus écartés, le plus de latin dans les villages les plus rapprochés des voies romaines, le plus de tudesque dans les localités les mieux fortifiées. Mais tous ces lieux s’isolent, même en s’entremêlant, et tel dialecte qui, dans le principe, y domine, a dû se corrompre par des échanges continuels, inévitable résultat de la fréquentation. Toutefois, il y a des expressions qui ne sont usitées que chez les habitants de tel canton, de tel arrondissement. Il y en a qui appartiennent exclusivement à la montagne, d’autres au vignoble, d’autres enfin à la plaine. Le génie du langage rustique de la Franche-Comté présente des différences caractéristiques suivant ces trois régions principales : la basse, la moyenne et la haute. Ainsi, les locutions employées par l’habitant du pays bas ont beaucoup moins de coloris que celles du vigneron, et ces dernières moins d’énergie que celles du montagnard. Partout le langage paraît se ressentir de la nature du sol : dépourvu d’images au sein des campagnes nivelées et monotones, riche et varié sur de fertiles coteaux, il est rude et sévère au milieu des rochers et des frimas.

Voici les remarques principales qui ont été faites sur le franc-comtois :

Le c suivi d’une voyelle muette, dans un mot français, se prononce ts ou tz en patois. Exemple : force, patience, font foalsa, pachientza. Le g, dans le même cas, et le j consonne, se changent en dz : le venandze, les vendanges ; lou dzardinié, le jardinier.

Précédé d’un c ou d’un p, le l permute avec l’î voyelle : piu kia, plus clair. La même chose a lieu dans le patois bourguignon, et elle se retrouve aussi dans l’italien.

S se change en ge ; mageon, prigeon, maison, prison ; où il s’adoucit en z ou dz. Exemple : tseuzou, chose, mot que l’on substitue à celui qui échappe à la mémoire au moment de l’exprimer.

En composition, la syllabe française che se prononce tse : tseviau, cheval.

Tous les mots terminés en al et ceux qui finissent en el dans le français ont leur terminaison en au et eau. Ainsi, aval fait avau, autel, auteau.

Or devient oa ou ouê : cor se dit coa en patois. Er et ert se changent en a long : ver,  ; Philibert, Phlibâ ; eur en oux ou en ioux  : causeur, caousioux. L’e ouvert ou joint à l’i permute avec la diphthongue oi : chandelle, chandoila ; bouteille, boutoilla ; reine, roina. En revanche, oi se convertit en e ouvert pour le mot roi, qui se dit ,

Théo devient kio : Théodule, Théophile, Kiodul, Kiofil.

Gli se prononce comme en italien : i gli dezi, il lui dit.

Dans son Histoire de l’idiome bourguignon (Dijon, 1856, in-8º), M. Mignard met en relief les nuances du dialecte franc-comtois qui tranchent sur cet idiome. Les principales sont das pour de (des) ; ot pour è (est) ; o pour a : je m’en ollai pour je m’en allai ; et pour oo : voret pour vorroo (verrait) ; y crayet pour je croyoo (je croyais) ; a pour ai : enchairiouta pour enchaiboutai (emmêler). Enfin, une des grandes anomalies de ce dialecte, c’est la forme en ans ou ant pour celle en ons. Ainsi, on dît : nous ollans, nous venans, nous ant vu, pour nous allons, nous venons, nous avons vu. Mais il est une nuance que M. Mignard a oublié de signaler, c’est l’accent prosodique, lequel est plus riche dans le patois de la Franche-Comté que dans le patois bourguignon et que dans la langue française : cet accent est non-seulement grave, aigu et circonflexe, mais, de plus, il a conservé la quantité latine. C’est ce que Désiré Monnier a très-bien fait remarquer dans une étude sur le patois jurassien, publiée dans les tomes V et VI des Mémoires de la Société des antiquaires de France. Nous empruntons à ce recueil deux poésies qui donneront une idée plus juste du langage franc-comtois ; l’une est recueillie dans la plaine, l’autre dans les montagnes.

chanson de la plaine

Quin dz’ez’amo de ma Liaudin-na,
Dzin ne minyov’a mina desis ;
Sa poiti-na fase bin ma poin-na.
Sens piaisis eran mins piaisis.
No se diaiens sovin l’ion l’atrou,
Que no se n’amçriens torzous ;
Né vour-indret, l’in ame n’atrou,
Liaudin-na eubli neutis amous.

Dret lou malin a la prélia
No menovano neules mautons ;
Dz’era chelo prés du ma min ;
Le commincha’na chinchon.
Api d’aprè çan no dinckovan,
In no tegnant les douve mans.
 Alliegrous leus maoutons salovan ;
Mé no ne vons po mais iusan.

La lou pia megnon, les mans blincè,
Lou pe lorzou bin trenato ;
Lè tota prin-ma su les hinré,
Et, ma fion, bravamin mendo.
Le revoillia commin na ratta,
El chintou coumm’on reussigneu.
Oh mé, ce a villaina satta !
D’eun alrou le fa lou bonhcu.

Quand j’étais aimé de ma Claudine,
Rien ne manquait à mes désirs ;
Sa peine faisait bien ma peine,
Ses plaisirs étaient mes plaisirs.
Nous nous disions souvent l’un à l’autre,
Que nous nous aimerions toujours.
Mais, à présent, elle en aime un autre,
Claudine oublie nos amours.

Dès le matin, à la prairie,
Nous menions nos moutons ;
J’étais assis près de ma mie ;
Elle entonnait une chanson.
Puis ensuite nous dansions
En nous tenant les deux mains.
Joyeux, les moutons sautaient ;
Mais nous n’allons plus ensemble.

Elle a le pied mignon, les mains blanches,
Les cheveux toujours bien tressés :
Elle est toute mince sur les hanches,
Et, ma foi, joliment mise.
Elle est réveillée comme une souris,
Et chante comme un rossignol.
Oh ! mais cette cruelle traîtresse
D’un autre elle fait le bonheur.


chanson de la montagne

Une jeune bergère des montagnes de Suint-Claude exprime avec ingénuité le désir d’avoir un amant comme sa sœur aînée, et ses vœux sont accomplis.

Vini çai, pitet maouton,
Vini, que dze tu canssa !
Que n’é-te berdzi megnon,
Per que seye la metressa !
Va cumin ma grand seraou,
On gli det nom ma gnalleta ;
Ma per ma, quin na doulou,
D’etrou tourdz truet piteta !
Cou pou dari min bosson,
I soutchi per la feilleta.
On drolou das piu megnon.
Que gli dezi ma gneilleta.
Rota n’emaillia de çan,
Le resti bin intredeta,
Quind le visa, quaqu’efan.
Que n’era truct piteta.

Viens à moi, petit mouton,
Viens que je te caresse !
Que n’es-tu berger mignon.
Pour que je sois ta maîtresse !
Vois comment ma grande sceur,
On lui dit nom ma poulette !
Mais pour moi, quelle douleur
D’être toujours trop petite !
Caché derrière un buisson,
Il sortit pour la fillette
Un berger des plus mignons.
Qui lui dit ma poulette.
Tout émerveillée de ça,
Elle resta bien interdite,
Quand elle vit, quoique enfant,
Qu’elle n’était pas trop petite.


On a publié en patois de Besançon : la Jacguemardade, poëme héroï-comique (Dôle, 1753, in-12), Arrivée d’une dame en l’autre monde (s. d., in-8º), et un Recueil de noëls anciens, par Fr. Gauthier (Besançon, 1773, in-12) ; nouvelle édition, corrigée par Th. Belamy (Besançon, 1842, in-8º). Il y a aussi un Recueil de noëls en palois de Vesoul (1741, in-12). Ce volume est très-rare. Le patois de la Franche-Comté a été l’objet de Recherches, par Gustave Fallot (Montbéliard, 1823, in-12), et d’un Essai de dictionnaire, par Mme Brun et Petit-Benoist (Besançon, 1753, in-8º).

franc-contoise (chanson).

Deux versions existent sur cette mélodie, toutes deux données par M. Wekerlin. L’une (celle que nous transcrivons figure dans les Echos du passé ; l’autre, dans le recueil des Chansons populaires, édité par cet artiste avec le concours de Champfleury. Nous préférons de beaucoup la version que nous donnons ici à l’autre chanson, et même cette cantilène nous semble si jolie, si poétique, si distinguée, que tentation nous prend de soupçonner M. Wekerlin de quelque embellissement apporté à la mélopée primitive.


1er Couplet. Allegretto modérato.

deuxième couplet.

Trois belles princesses,
— Vole, vole, mon cœur vole. —
Trois belles princesses
Sont couchées dessous.
Tout doux, etc.


troisième couplet.

Ça, dit la première ;
— Vole, etc. —
Ça, dit la première,
Je crois qu’il fait jour !
Tout doux, etc.


quatrième couplet.

Ça, dit la seconde ;
— Vole, etc. —
Ça, dit la seconde,
J’entends le tambour.
Tout doux, etc.


cinquième couplet.

Ça, dit la troisième ;
— Vole, etc. —
Ça, dit la troisième,
C’est mon ami doux.
Tout doux, etc.


sixième couplet.

Il va-t-à la guerre,
— Vole, etc. —
Il va-t-à la guerre,
Combattre pour nous.
Tout doux, etc.


septième couplet.

S’il gagne bataille,
— Vole, etc. —
S’il gagne bataille,
Aura mes amours.
Tout doux, etc.


huitième couplet.

Qu’il perde ou qu’il gagne,
— Vole, etc. —
Qu’il perde ou qu’il gagne,
Les aura toujours.
Tout doux, etc.


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