Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/dugong s. m.

Administration du grand dictionnaire universel (6, part. 4p. 1358).

DUGONG s. m. (du-gon). Mamm. Genre de mammifères cétacés, de l’ordre des Siréniens, composé d’une espèce unique vulgairement appelée sirène, vache marine, poisson des Indes : La chair des dugongs a le goût de la viande du veau.

— Encycl. Le dugong, dont le véritable nom est duyong et le nom scientifique halicore, appartient à un genre de cétacés herbivores, voisin des lamantins, et caractérisé par un corps allongé, revêtu d’une peau fort épaisse et dépourvue de poils ; des dents molaires composées chacune de deux cônes réunis latéralement ; de petites défenses pointues, insérées dans les os incisifs ; des nageoires pectorales sans ongles, et la nageoire caudale échancrée en croissant». Les dugongs ont des dents à couronne plate et dont le nombre varie. Dans l’état le plus complet, on en compte trente-deux, ainsi réparties : vingt molaires, cinq de chaque côté et à chaque mâchoire, et douze incisives, huit inférieures qui tombent ordinairement, et quatre supérieures, dont deux seulement, les externes, sont persistantes et représentent de longues défenses, recouvertes par un museau qui rappelle celui des hippopotames : les molaires varient aussi beaucoup pour le nombre, et il n’en reste souvent que quatre à chaque mâchoire. La tête de ces animaux, vue de profil, représente assez bien celle du lion ; leurs lèvres, surtout la supérieure, sont très-grosses ; leurs yeux sont petits, à paupière supérieure garnie de cils, les narines sont placées dans une bosselure de la lèvre supérieure. Ces cétacés sont herbivores et vivent de plantes marines qu’ils arrachent, avec leurs défenses, au fond de la mer ou sur le rivage. On ne connaît bien qu’une seule espèce de ce genre, le dugong des Indes, dont la taille varie de 3 à 4 mètres, mais peut, assure-t-on, devenir plus grande. Ce dugong a le corps revêtu d’un cuir épais, d’un bleu clair uniforme, parfois tacheté de blanchâtre en dessous ; le museau, mobile sur la mâchoire supérieure, se termine par une sorte de groin couvert de petites épines cornées ; ses yeux, très-petits, ont une troisième paupière ; sa tête, conique, est munie de deux défenses assez courtes, droites, dirigées obliquement en bas, divergentes, comprimées sur les côtés. Ces défenses sont pour lui des armes puissantes. De plus, ces animaux, qui vivent en troupes, se défendent mutuellement et poussent quelquefois l’audace jusqu’à essayer de monter dans les petites embarcations dont on se sert pour la pêche ; aussi regarde-t-on généralement comme dangereux d’attaquer des individus d’une taille trop forte. D’après Leguat, la femelle ne fait jamais qu’un seul petit à la fois ; elle lui porte un très-vif attachement, qui lui a fait donner par les nègres des îles de l’archipel indien le nom expressif de mama di l’eau. L’affection que les membres d’une même famille se portent entre eux est si grande, que, si l’on prend une femelle, on est sûr que le mâle et les petits viendront se livrer eux-mêmes au harpon. Le dugong habite les mers de la Malaisie et du nord de l’Australie ; on dit qu’on l’a trouvé aussi dans la mer Rouge. Il est probablement plus ou moins répandu dans toutes les mers chaudes et équatoriales de l’archipel des Indes. On assure qu’il rampe quelquefois hors de l’eau, sur les rivages. On racontait même que, lorsqu’il était resté quelque temps ainsi, ses défenses se ramollissaient au point de ne pouvoir plus lui servir d’arme, et qu’il était forcé de se remettre à l’eau pour leur faire reprendre leur dureté primitive. Les Malais se livrent à la pêche des dugongs ; mais ils ne s’attaquent ordinairement qu’aux individus de taille moyenne, et quand ils ont pris un mâle, ils lui coupent l’organe de la génération. Ils regardent la chair de cet animal comme délicieuse et la réservent pour la table des grands ; mais ce luxe gastronomique devient de plus en plus difficile à se procurer, et l’on peut prédire que, dans quelque temps, le dugong aura entièrement disparu. Quelques auteurs regardent comme espèces distinctes les variétés que reconnaissent les Malais, savoir : le bumban, à corps mince et allongé, et le buntal, qui est proportionnellement plus court et plus épais. On a signalé, dans ces derniers temps, des dugongs fossiles ; une espèce, d’abord prise pour un hippopotame, a été trouvée dans le midi de la France, notamment dans le département de l’Hérault.