Grand dictionnaire universel du XIXe siècle/cornichon s. m.
CORNICHON s. m. (kor-ni-chon — dimin. de corne, allus. À la forme du fruit). Bot. Nom donné à une variété de concombre et surtout à ses fruits, que l’on confit au vinaigre lorsqu’ils sont encore peu développés : La manière la plus simple de faire les cornichons est, je crois, la préférable. (Bosc.)
Elle est forte en calcul, tient sa cuisse serrée,
Et fait des cornichons dont on parle en soirée.
Rolland et du Boys.
— Petite corne : Les cornichons d’un chevreau, d’un jeune bœuf. || Peu usité.
— Pop. Mari trompé, cornard : Sa femme le fait cornichon. || Sot, niais, imbécile : Tu ne seras jamais qu’un cornichon. || Le féminin cornichonne s’emploie quelquefois dans ce dernier sens : Jour de Dieu ! Constantin, fallait-il être cornichonne ! (Gavarni.)
— Argot. Veau.
— Jeux. Nom que l’on donne, dans quelques provinces, à la boule qui, lancée la première, sert de but aux autres, et que l’on nomme ailleurs cochonnet. || Cornichon va devant, Espèce de jeu qui consiste à ramasser en courant divers objets : Parmi tant d’admirables actions de Scipion l’aïeul, il n’est rien qui lui donne plus de grâce que de le voir, nonchalamment et puérilement baguenaudant, amasser et choisir des coquilles, et jouer à cornichon va devant, le long de la marine, avec Lélius, son ami intime. (Montaigne.)
— Véner. Syn. d’ANDOUILLER.
— Vitic. Variété de raisin dont le grain, long et recourbé, affecte la forme du petit concombre appelé cornichon.
— Zooph. Nom vulgaire des holothuries, à cause de leur forme. — Encycl. Bot. Le cornichon, plante annuelle originaire des Indes, forme une des variétés du cucumis sativus ou concombre jaune, qu’on désigne sous le nom de petit concombre vert, parce qu’il reste toujours très-petit et toujours vert, même lorsqu’il est complètement mûr. Le petit concombre vert est une race ou espèce jardinière employée exclusivement à faire les conserves connues sous le nom de cornichons, et qui servent d’assaisonnement. Tandis qu’on taille et cultive les autres espèces pour accroître la grosseur du fruit, en rendre la chair plus douce et plus tendre, on s’applique à conserver au petit concombre vert sa petitesse, sa fermeté et sa saveur aigrelette et acidulée, qui le rapproche des sauvageons et en fait la principale qualité ; on ajoute encore à cette saveur en le faisant confire dans le vinaigre. Les cultivateurs des environs de Paris possèdent presque seuls le secret de maintenir cette sous-variété du genre concombre dans les limites de grosseur et avec la couleur verte qui sont les signes propres et caractéristiques du fruit de cette plante condimentaire. Leurs produits, pour cette raison, sont appelés cornichons de Paris. Dans les autres lieux où on essaye de les cultiver, ils dégénèrent en peu d’années et se rapprochent du concombre jaune, auquel ils restent cependant inférieurs. C’est à cette culture très-limitée qu’on doit la cherté relative que conserve constamment ce condiment.
Les cornichons, de même que les autres concombres, se multiplient de graines semées et replantées sur couches. Seulement la culture du petit concombre vert diffère des autres en ce qu’on ne le taille pas, afin de fatiguer la plante et de lui faire produire le plus possible de fruits, et de les obtenir petits et verts. On entretient de cette manière la plante dans un état qui la rapproche des sauvageons. On pourrait appeler ce système la culture par avortement. La difficulté est de limiter cet avortement et de faire en sorte que le fruit, tout en restant vert et en ne se développant que très-médiocrement, puisse cependant arriver à maturité.
Il est une autre espèce de concombre, dit concombre serpent, dont le fruit est plus long que le cornichon, qui sert aussi de condiment, et qu’on emploie confit de la même façon que le petit concombre vert. Enfin le piment, petit concombre rouge, est une autre variété de la même famille, destinée aux mêmes usages que les précédentes.
Le cornichon est un des condiments les plus savoureux et les plus usités dans l’art culinaire. Tantôt on le mêle aux sauces pour en relever le goût, tantôt on le sert comme accompagnement des viandes froides, de la charcuterie ou des viandes cuites sans sauce, telles que le bœuf bouilli. Mais on n’en fait usage sur la table qu’après l’avoir confit. Pour le confire et le conserver, on emploie la manière suivante, indiquée par M. Audot dans la Cuisinière de la campagne et de la ville : On prend de très-petits cornichons, on les brosse et on leur coupe le bout de la queue, puis on les met dans un vase de terre, en les assaisonnant de sel en petite quantité ; on les retourne pour qu’ils s’imprègnent bien de sel, et on les laisse ensuite reposer pendant vingt-quatre heures. On égoutte alors l’eau que la salaison a fait rendre, puis on verse sur les cornichons du vinaigre bouillant, en quantité suffisante pour qu’ils y baignent. On recouvre le vase, et on laisse infuser pendant vingt-quatre heures. Au bout de ce temps, les cornichons ont dû prendre une couleur jaune. On en retire alors le vinaigre, qu’on met bouillir dans un chaudron non étame, sur un feu très-vif, on y jette de nouveau les cornichons en les remuant bien, et on les retire au moment où ils sont près de bouillir ; ils reprennent en refroidissant leur couleur verte. On les met alors dans les vases où ils doivent être conservés, on les couvre d’assaisonnement, comme passe-pierre, estragon, piment, petits oignons, ail, on remplit les vases de vinaigre, de manière que le tout y baigne, et on les recouvre avec soin. Huit jours après, les cornichons peuvent être employés ; mais on peut aussi, en gardant les vases clos, les conserver très-longtemps.